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BADE

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Un opéra pour Bade
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Bade au 19ème siècle

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Présentation

M. Bénazet, le directeur des jeux, m’a engagé plusieurs fois à venir organiser et diriger le festival annuel de Bade, en mettant à ma disposition pour exécuter mes œuvres, tout ce que je pouvais demander. Sa générosité, en pareil cas, a dépassé de beaucoup ce qu’ont jamais fait pour moi les souverains de l’Europe dont j’ai le plus à me louer.

Berlioz, Mémoires chapitre 59

À Bade c’est différent; on y gagne de l’argent, et on y fait de bonne musique, et on y trouve une foule de gens d’esprit, et on y parle français.

Berlioz, Lettre à sa sœur Adèle, 11 mars 1858 (Correspondance Générale no. 2283)

    Bade tient une place à part dans la longue histoire des rapports de Berlioz avec l’Allemagne: nulle autre ville allemande ne sera visitée par lui avec une telle fréquence. Dans la décennie de 1853 à 1863 il se rendra à Bade pas moins de neuf fois et y retournera chaque année à partir de 1856. Mais le début de ses liens avec Bade vient aussi relativement tard dans ses voyages, dix ans après son premier départ pour la grande série d’excursions musicales qui va le mener à bien des parties de l’Allemagne, puis en Autriche, Hongrie, Bohême, Russie et Angleterre.

    Les liens de Berlioz avec Bade auraient pu se développer plus tôt, mais le hasard fera qu’ils seront retardés par des questions de santé. Le 28 janvier 1844 Berlioz confie en passant à son ami Ludwig Schlösser à Darmstadt un projet pour l’été: ‘Il n’est pas impossible que je vous revoie cet été, on projette ici une grande affaire musicale qui pourrait bien m’amener à Bade… alors… nous irions encore boire du lait sur votre montagne’ (Correspondance Générale no. 881; ci-après CG tout court). Trois mois plus tard il écrit de nouveau à Schlösser: ‘L’affaire avec Bénazet est décidée. Le concert festivalesque de Bade aura lieu dans la second quinzaine du mois d’août; en conséquence nous pourrons nous voir avant ou après cette cérémonie musicale’ (CG no. 895 [voir le tome VIII]; 20 avril). Le projet de concert est présenté comme une certitude dans des lettres ultérieures à sa famille (CG nos. 902, 919, 920; 19 mai, 19 et 24 août), et un feuilleton dans le Journal des Débats y fait allusion (26 mai 1844, la première mention de Bénazet dans les feuilletons). Mais au dernier moment tout s’écroule: épuisé par les préparatifs d’un grand concert qu’il donne à Paris au Festival de l’Industrie le 1er août, Berlioz, sur les conseils de son ami le docteur Amussat, va prendre du repos à Nice où il passera plusieurs semaines. La correspondance du compositeur s’interrompt subitement ici pour ne reprendre qu’au milieu d’octobre quand Berlioz est de retour à Paris. Neuf ans vont s’écouler avec qu’il soit invité de nouveau à Bade.

    Le Bénazet dont il est question dans la lettre d’avril 1844 est sans doute le fameux Édouard Bénazet (1801-1867), avec qui Berlioz entretiendra des rapports soutenus dans les années 1850 et 1860, plutôt que son père Jacques Bénazet (1778-1848), mais ce dernier reste le point de départ de l’entreprise. En 1838 Jacques Bénazet prend en charge la gestion du casino de Bade, poste qu’il gardera jusqu’à sa mort en 1848 quand son fils prendra sa succession. On peut soupçonner la main d’Édouard Bénazet avant même sa prise en charge du casino: entrepreneur heureux doué du sens des affaires, c’est aussi un homme cultivé qui a étudié au Conservatoire de Paris et a de nombreuses connaissances dans le monde des arts. La petite ville de Bade, station thermale agréablement située dans un cadre pittoresque et à proximité de plusieurs grandes villes – Strasbourg en France, Karlsruhe, Stuttgart et Mannheim en Allemagne – est depuis des années une villégiature préférée de l’élite de la société d’Europe. C’est l’ambition de Bénazet de la hausser également au niveau de centre artistique. L’invitation de Berlioz en 1844, dont la renommée en Allemagne se développe après son premier grand voyage de 1842-1843, pourrait s’inscrire dans cette perspective. Après avoir pris la succession de son père, Bénazet, qui voit grand, s’emploie dans les années 1850 à réaliser son projet. De nouvelles salles de jeux, dans le style de châteaux français, sont ouvertes en 1855; un grand champ de course à Iffezheim tout près est inauguré en 1858; un nouveau théâtre est décidé et ouvrira ses portes en 1862. En même temps Bénazet développe le festival annuel d’été qui deviendra une échéance régulière dans la carrière de Berlioz des années 1850 et 1860. Berlioz n’est pas la seule personnalité musicale à être invitée à Bade – les écrits du compositeur mettent naturellement l’accent sur sa propre contribution – et d’autres musiciens, chanteurs et virtuoses viennent s’y produire (par exemple la cantatrice Pauline Viardot en 1856, 1859 et 1860; les violonistes Ernst en 1853 et Vieuxtemps en 1860), mais Berlioz est sans nul doute le plus célèbre, et c’est grâce à lui que le festival va acquérir sa renommée dans toute l’Europe. Il n’est pas établi que l’intention de Bénazet ait été d’emblée de faire de Berlioz la figure de proue du festival; la visite de 1853, malgré son succès n’a pas de suite immédiate, mais à partir de 1856 l’invitation devient en pratique annuelle.

    Pour Berlioz Bénazet représente le modèle de l’impresario rêvé, bien différent de Jullien à Londres en 1848, supérieur même aux princes d’Europe qui ont soutenu Berlioz: il présente en outre l’avantage que Berlioz peut traiter avec lui d’égal à égal. Les conditions qu’il assure représentent l’idéal:

[…] Au festival annuel de Bade […] tout est disposé en faveur du chef d’orchestre organisateur; aucune mesquine économie ne lui est imposée, nulle entrave d’aucune espèce. M. Bénazet, persuadé que le meilleur parti à prendre est de le laisser agir librement, ne se mêle de rien... que de payer. « Faites les choses royalement, lui dit-il, je vous donne carte blanche. » À la bonne heure! C’est seulement ainsi qu’on peut produire en musique quelque chose de grand et de beau. […]

    Tel est l’éloge décerné à Bénazet par Berlioz dans le Journal des Débats (24 septembre 1857), texte repris plus tard dans les Grotesques de la musique (1859), éloge qu’on retrouve dans deux feuilletons de 1861 (11 septembre et 12 septembre), repris dans À Travers Chants (1862), et dans les Mémoires posthumes (citation ci-dessus). Même enthousiasme dans la correspondance du compositeur (par exemple CG nos. 1627, 2238, 2240, 2286, 2294, 2395, 2589, 2646, 2693), et dans bien des feuilletons du Journal des Débats (26 juillet 1853; 4 septembre et 9 septembre 1856; 20 juillet et 15 septembre 1858; 24 novembre 1860; 3 juillet 1861; 3 septembre 1863).

    Bade tombe à un moment opportun dans la carrière de Berlioz. Le début de ses liens réguliers avec la station thermale coincide avec la mise en chantier de son nouvel opéra les Troyens, tâche qui va l’inciter à modérer le rythme des tournées musicales à l’étranger qu’il maintenait depuis plusieurs années. Avec Bade Berlioz peut rester en contact avec le monde musical allemand, mais d’une manière moins bousculée: déplacements moins fatiguants, cadre agréable, dates prévisibles, ambience sympathique, et surtout Berlioz est ici son propre maître, ce qu’il n’est pas à Weimar. Sa seule obligation consiste à organiser chaque année un grand concert-festival, donné au Salon de Conversation, avec autant de répétitions qu’il faut et un auditoire assuré. De plus, c’est bien payé (2000 francs: CG nos. 1594, 2659): la saison de Bade lui donne un appoint de revenus sur lequel il peut compter, à tel point que l’idée de le perdre l’inquiète sérieusement (CG nos. 2378, en 1859; 2659, 2688, en 1862-3). Dans sa programmation Berlioz a toute latitude: les concerts sont toujours variés et comprennent de la musique de différents compositeurs, et les meilleurs chanteurs et virtuoses disponibles ont l’occasion de faire valoir leurs talents. Chaque concert comprendra des œuvres de Berlioz, et il peut faire entendre de ses nouvelles compositions (extraits des Troyens en 1859, son instrumentation du Roi des aulnes de Schubert en 1860). Avec les extraits des Troyens il espère influencer favorablement l’opinion à Paris et aider à y faire monter l’ouvrage (CG nos. 2390, 2393, 2394, 2416). Autre avantage à Bade, la langue: Berlioz peut se sentir chez lui dans une ville allemande où on parle français et où le ‘roi de Bade’ (Bénazet; CG no. 2565) est lui-même un compatriote. Les exécutions de Béatrice et Bénédict en 1862 et 1863 seront données dans le texte original de Berlioz avec des chanteurs français, alors que pour les deux exécutions à Weimar en 1863 il faudra avoir recours à une traduction allemande (par Richard Pohl).

    Le début du lien avec Bade coincide aussi avec une aggravation de l’état de santé de Berlioz: en 1856 et 1857 il saisit l’occasion pour s’arrêter à Plombières en route vers Bade pour y prendre les eaux, et s’arrête de même à Luxueil en 1860. Mais même avec les conditions de travail favorables qui lui sont offertes, les saisons de Bade pèsent de plus en plus sur Berlioz. La modestie des ressources musicales de Bade nécessite l’appel à des musiciens des environs: en 1853, puis chaque année de 1856 à 1861, un contingent important d’artistes est fourni par l’orchestre de la chapelle ducale de Karlsruhe, d’où de nombreuses répétitions sur place à Karlsruhe par les orchestres réunis, d’où par conséquent des allers-retours souvent quotidiens de Bade à Karlsruhe dans la période préparatoire au grand concert (CG nos. 1627, 2156bis, 2162, 2240, 2307, 2395). En 1862 et en 1863 par contre les dispositions sont différentes: pour Béatrice et Bénédict les premières répétitions pour les chanteurs ont lieu à Paris, et les chœurs fournis par Strasbourg répètent à Strasbourg même avant l’arrivée de Berlioz à Bade (CG nos. 2589, 2632).

    Autre attrait de Bade pour Berlioz, et cette fois d’ordre personnel: elle le rapproche de sa famille, mais, constant sujet de regret, il lui est toujours difficile de les convaincre de venir assister à ses concerts (CG nos. 2144, 2238, 2286, 2303, 2307, 2395, 2608). En juillet 1856 il a cependant la satisfaction de voir sa sœur Adèle et sa famille à Plombières; en 1861 deux de ses nièces, Joséphine et Nancy Suat, viennent enfin le voir et l’entendre à Bade (CG nos. 2562, 2575), et en 1863 il a la joie de faire le voyage de Bade en compagnie de son fils Louis pour les deux exécutions de Béatrice et Bénédict: c’est la première fois depuis 1846 que Louis a l’occasion d’entendre la musique de son père, et il assistera en novembre et décembre de la même année aux représentations des Troyens à Paris (CG no. 2759). Bade aura donc contribué à rapprocher père et fils l’un de l’autre.

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Un opéra pour Bade

    Dans son récit de la composition de Béatrice et Bénédict dans les Mémoires, Berlioz donne l’impression que l’œuvre fut écrite directement en réponse à la commande par Bénazet d’un nouvel opéra (l’intention de Bénazet était de faire exécuter cet ouvrage pour l’inauguration d’un nouveau théâtre qui devait ouvrir ses portes en 1860, mais son achèvement sera retardé jusqu’en 1862). Mais la correspondance du compositeur montre que l’histoire est plus complexe: Bénazet commanda effectivement un opéra à Berlioz, mais Berlioz ne l’écrivit jamais, et l’opéra qui fut finalement représenté à Bade en 1862, Béatrice et Bénédict, fut composé par Berlioz entièrement de sa propre initiative..

    La commande d’un nouvel opéra est mentionnée pour la première fois dans une lettre de mai 1858 (CG no. 2299). Soulignons en passant que le nouvel ouvrage ira s’ajouter à la courte liste d’œuvres de Berlioz qui résultent de commandes – le Requiem en 1837, la Symphonie funèbre et triomphale en 1840, le Chant des chemins de fer en 1846 – avec cette différence que cette fois il n’y aucune instigation de la part de Berlioz. Il vient d’achever la partition du monumental opéra les Troyens, œuvre qui doit subir encore de nombreux remaniements et n’est pas encore exécutée. Rien d’étonnant donc à ce que Berlioz manifeste au départ peu d’enthousiasme. Pour le livret il pense d’abord à A. Dumas fils, qui ne veut pas s’en charger, puis se tourne, semble-t-il de sa propre initiative, vers l’écrivain Édouard Plouvier (1820-1876; CG nos. 2301bis, 2304-5). Les deux hommes se connaissent déjà: il existe une lettre de félicitations de Plouvier à Berlioz à l’occasion de la première de l’Enfance du Christ en décembre 1854 (CG no. 1828; voir aussi CG tome VIII p. 609). Ils correspondent quelque temps à propos du nouvel ouvrage (CG nos. 2339, 2379bis), mais malgré l’opinion favorable de Berlioz pour Plouvier, et bien que le sujet proposé, un épisode de la Guerre de Trente Ans, lui paraît offrir des possibilités (CG nos. 2355, 2380, 2416), Berlioz hésite à entreprendre le travail (CG nos. 2320, 2337, 2338, 2361, 2416), tout en s’inquiétant des conséquences financières (un dédit de 12,000 frs.) s’il manque à sa parole (CG nos. 2345, 2348). Pour finir, il décide vers la fin de 1859 de ne pas écrire l’ouvrage (CG no. 2442), mais ce n’est qu’au début d’octobre 1860 qu’il informe Plouvier de sa décision (CG no. 2515).

    L’affaire aurait pu se terminer là, mais malgré la répugnance de Berlioz à entreprendre un nouvel opéra son imagination créatrice n’attend qu’une occasion propice pour se réveiller. La princesse Sayn-Wittgenstein, intimement liée à la genèse des Troyens entre 1856 et 1858, espère visiblement prolonger son rôle et a de nouveaux sujets à proposer (CG no. 2347, 22 janvier 1859). La réponse de Berlioz quelques semaines plus tard doit lui paraître encourageante (CG no. 2361), d’autant plus que le livret de Plouvier le laisse visiblement tiède. Vers la fin de l’année elle réussit à susciter l’enthousiasme de Berlioz pour le projet d’un opéra sur Antoine et Cléopâtre, mais pour finir Berlioz rejette aussi cette nouvelle proposition (CG nos. 2423, 2430, 2442, 2449, cf. 2656: plus de deux ans après la princesse tente encore d’intéresser Berlioz à l’idée).

    Pendant presque toute l’année 1860 il n’est plus question de la part de Berlioz d’entreprendre de nouvel opéra et au début d’octobre Berlioz informe Plouvier qu’il a abandonné son livret (CG no. 2515). Mais après seulement quelques semaines on le surprend dans une fièvre de travail pour un nouveau projet, et on ne sait pas exactement ce qui a pu l’inciter. Cette fois le nouvel ouvrage est entièrement son idée et il en écrira le livret, comme il l’a fait pour les Troyens, mais l’œuvre nouvelle, aux dimensions restreintes et d’un caractère léger, fera totalement contraste avec la précédente et fournira à son auteur un repos bienvenu. Le sujet est tiré de la pièce de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien, projet qu’il a déjà envisagé bien des années auparavant: des lettres de janvier 1833 parlent d’un opéra en italien sur ce sujet qui serait destiné au Théâtre Italien (CG nos. 311, 312; cf. aussi NBE tome 3 Appendice 1 sur un projet vers 1852). Le nouveau projet est évoqué subitement dans des lettres d’octobre et novembre 1860, d’abord sous le sceau du secret à son fils Louis (CG nos. 2516, 2519bis, 2520), puis à quelques-uns de ses intimes (CG nos. 2522, 2524). La princesse Sayn-Wittgenstein ne sera informée de la composition du nouvel ouvrage que longtemps après son achèvement et n’assistera à aucune des représentations données, que ce soit à Bade ou à Weimar (CG nos. 2634, 2651). Au départ Berlioz hésite à offrir son nouvel opéra à Bénazet en vue d’une exécution à Bade (CG no. 2519bis), mais au début de 1861 il s’y décide et Bénazet est ravi du sujet (CG nos. 2526, 2534). La commande d’origine sera donc remplie après tout d’une manière qui satisfait les deux hommes. En septembre 1861 la rumeur publique parle maintenant de la commande d’un opéra à Berlioz par Bénazet, mais Berlioz tient à faire entendre qu’il ne travaille pas sous la dictée de qui que ce soit (Journal des Débats, 12 septembre 1861, repris dans À Travers Chants). Le travail de composition prend d’abord un départ très rapide, ralentit au cours de 1861 (CG nos. 2534, 2565, 2585), et Béatrice et Bénédict – c’est le titre du nouvel opéra – est finalement terminé en février 1862 (sauf remaniements ultérieurs). La partition chant et piano sera publiée l’année suivante et dédiée, comme il se doit, à Bénazet (CG nos. 2691, 2693). Les répétitions commencent à Paris en février 1862 et continuent pendant des semaines, d’abord au domicile de Berlioz au 4 rue de Calais (CG nos. 2589, 2590, 2598), puis en juillet à l’Opéra-Comique et au Théâtre Lyrique (CG nos. 2630, 2632, 2634, 2635). Les deux représentations à Bade le 9 et le 11 août 1861, pour l’inauguration du nouveau théâtre, marquent un jalon dans la carrière de Berlioz compositeur d’opéras: c’est la première fois qu’il a entièrement en charge un opéra, en tant que compositeur, metteur en scène et chef d’orchestre (CG nos. 2605, 2635, 2642, 2643, 2645, 2646, 2651). Il en est de même des deux autres exécutions à Bade l’année suivante, quand à la demande de Bénazet l’œuvre est redonnée le 14 et le 18 août 1863 (CG no. 2762). Les exécutions de 1863 incorporent deux nouveaux numéros ajoutés par Berlioz pour étoffer le deuxième acte (CG nos. 2648, 2652, 2691), comme le font les exécutions à Weimar en avril de la même année (l’ouvrage ne sera jamais représenté à Paris du vivant de Berlioz).

    1863 marque la fin des liens actifs de Berlioz avec Bade. En 1862 et 1863 il a déjà renoncé au concert annuel pour se consacrer à la préparation du nouvel opéra. Le festival projeté pour 1864 est annullé tôt dans l’année (CG nos. 2659, 2859) et le nom de Bénazet est mentionné pour la dernière fois dans la correspondance de Berlioz en mai 1864 (CG no. 2858). Le festival est relancé en 1865 mais Berlioz n’y joue aucun rôle actif. Son ami Ernest Reyer qui en a maintenant la charge inscrit au programme des extraits des Troyens et de l’Enfance du Christ, mais aussi de la musique de compositeurs que Berlioz avait écarté de ses programmes – Wagner, Liszt, et Schumann (CG nos. 3017, 3025, 3032).

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Chronologie

1853

Avril: Bénazet invite Berlioz à diriger les deux premières parties de la Damnation de Faust et des extraits de Roméo et Juliette à Bade en août (CG nos. 1582, 1593-4)
1 ou 2 août: Berlioz quitte Paris pour Bade (sur la date cf. CG nos. 1617, 1618)
11 août: concert au Salon de Conversation (CG nos. 1624, 1627). Le programme comprend les deux premières parties de la Damnation of Faust (Eberius: Faust; Oberhoffer: Mephistophélès; Bregenzer: Brander), l’ouverture du Carnaval romain, deux duos de Semiramide de Rossini (chantés par Sophie et Marie Cruvelli), des variations improvisées par le violoniste Ernst, et un morceau pour clarinette joué par Cavallini. Les extraits de Roméo et Juliette ne seront pas exécutés après tout. Sur la date cf. CG nos. 1618, 1620, 1621
12 ou 13 août: départ pour Francfort

1856

Avril: Bénazet invite Berlioz à diriger un grand concert au festival de Bade en août (CG no. 2120), pour célébrer le mariage du Duc de Bade avec la princesse de Prusse (CG no. 2144). Le programme ne sera fixé que plus tard (CG no. 2148)
18 juillet: Berlioz accompagné par Marie Recio part pour Plombières en route vers Bade (CG no. 2156)
20 juillet – 5 août: séjour à Plombières
6 août: arrivée à Bade
7 août: excursion dans les montagnes (CG no. 2160)
14 août: concert au Salon de Conversation au profit des victimes des inondations en France (CG nos. 2164, 2167); le programme comprend l’ouverture de la Flûte Enchantée de Mozart, des airs de Gluck chantés par Caroline Duprez et Greminger, un air de Graun chanté par Pauline Viardot, un motet de Victoria, le mouvement lent de la 4ème symphonie de Beethoven [cf. CG no. 2335], des extraits de l’Enfance du Christ, des airs espagnols et des arrangements de Chopin chantés par Pauline Viardot, un air des Vêpres Siciliennes de Verdi chanté par Caroline Duprez, le rondo final de La Sonnambula de Bellini chanté par Pauline Viardot, l’Invitation la valse de Weber dans l’instrumentation de Berlioz et semble-t-il l’ouverture d’Obéron (cf. CG no. 2393bis)
19-21 août: retour à Plombières avec arrêts à Thann et Remiremont (CG no. 2164)
Fin août: retour à Paris<

1857

Avril: Bénazet invite Berlioz à diriger un concert à Bade en août (CG nos. 2225, 2230)
15 juillet: Berlioz accompagné par Marie Recio part pour Plombières par le chemin de fer (CG nos. 2233, 2235, 2236ter, 2237)
16 juillet – 11/12 août: séjour à Plombières
12 août: arrivée à Bade
14 août: Berlioz rend visite à la princesse de Prusse (CG no. 2240)
15 août: Berlioz emmène les musiciens de Bade à Karlsruhe par le chemin de fer pour répéter (CG no. 2240)
18 août: concert au Salon de Conversation (CG no. 2247). Le programme comprend l’ouverture des Francs-Juges, des airs de l’Ernani de Verdi, du Barbier de Séville de Rossini et du Mariage de Figaro de Mozart chantés par Faure et Mlle Lefebvre, des extraits de l’Enfance du Christ, la Danse des Scythes de l’Iphigénie en Tauride de Gluck, le dernier mouvement de la 7ème symphonie de Beethoven, le Judex Crederis du Te Deum de Berlioz, Le Spectre de la rose chanté par Mlle Wiedemann, un fantaisie pour orgue jouée par Daussoigne-Méhul, et la Marche hongroise de la Damnation of Faust. Sur la date cf. CG nos. 2233, 2235
25/26 août: retour à Paris (CG nos. 2239, 2240)
Octobre au plus tard: Bénazet invite Berlioz à diriger un autre concert à Bade en août 1858 (CG no. 2254)

1858

Mars au plus tard: décision d’inscrire les 4 premiers mouvements de Roméo et Juliette au programme du concert en août (CG nos. 2284, 2286, 2289, 2294)
7 août: Berlioz et Marie Recio quittent Paris (CG no. 2304)
8 août: arrivée à Bade
24 août: dîner à Rothenfels (CG no. 2307)
26 et 27 août: répétitions à Karlsruhe (CG no. 2307)
27 août: concert le soir au Salon de Conversation (CG nos. 2307, 2308, 2315, 2318). Le programme comprend des morceaux de Victoria, Mozart, Beethoven [l’ouverture de Léonore (no. 2?), cf. CG no. 2393bis], Weber, Rossini, et Vivier, mais les deux principaux morceaux sont les 3 premiers mouvements de la Symphonie concertante pour piano et orchestre de Litolff et les 4 premiers mouvements de Roméo et Juliette, où Mme Charton-Demeur chante la partie de contralto. Sur la date cf. CG nos. 2302, 2307
28 août: dîner en honneur de Berlioz offert par Bénazet (CG nos. 2308, 2315, 2318)
29 août: le poète Méry ajoute des vers en honneur de Berlioz au prologue d’une comédie (CG nos. 2308, 2315, 2318)
1er septembre: dîner avec des amis aux bains de Stéphanie (CG 2307quater [vol. VIII])
2 septembre: départ de Bade (CG no. 2307quater [vol. VIII])
3-4 septembre: Berlioz à Strasbourg (CG no. 2308)
4 septembre: article par François Schwab en honneur de Berlioz dans L’Illustration de Bade (CG no. 2311)
5 septembre: Berlioz de retour à Paris
Décembre au plus tard: Bénazet invite Berlioz de nouveau à Bade en août 1859 (CG nos. 2337, 2340-1, cf. 2355, 2368)

1859

Mai-juin: la guerre entre la France et l’Autriche menace pendant quelque temps le festival d’été de Bade et retarde son début (CG nos. 2371, 2378, 2379, 2380, 2384, 2386)
18 août: départ pour Bade (CG no. 2393)
19 août: Berlioz et Marie Recio arrivent à Bade et logent au 374 Rettig Strasse (CG no. 2393)
29 août: concert au Salon de Conversation (CG nos. 2390, 2393, 2396, 2398, 2402). Le programme comprend les 4 premières parties de Roméo et Juliette, un air de La Cenerentola de Rossini (Pauline Viardot), des morceaux pour piano de Beethoven (Théodore Ritter), des extraits du 1er acte des Troyens (chantés par Pauline Viardot et Jules Lefort), l’ouverture du Pardon de Ploërmel de Meyerbeer, une fantaisie pour clarinette de François Schwab (jouée par H. Wuille; cf. CG no. 2391), le duo du 4ème acte des Troyens (Viardot et Lefort), une mélodie de Théodore Ritter (Lefort, accompagné par Ritter), 2 morceaux pour l’orgue d’Alexandre (joués par M. Engel), une chanson russe et une chanson française (Pauline Viardot), et l’ouverture de La Vestale de Spontini (cf. CG no. 2393bis). Sur la date cf. CG nos. 2390, 2394
30 août – 4 septembre: Berlioz prolonge son séjour à Bade pour se reposer
5 septembre: Berlioz de retour à Paris

1860

2 mars: mort d’Adèle (CG nos. 2487, 2493)
Début août: Berlioz et Marie Recio s’arrêtent à Luxueil jusqu’au 10 août en route pour Bade (CG nos. 2507, 2513, 2513bis [tome VIII])
10 août: départ pour Bade (CG no. 2513bis)
11 août: arrivée à Bade (CG no. 2513)
27 août: concert à Bade. Le programme comprend l’ouverture des Francs Juges, des extraits de l’Orphée de Gluck (avec Pauline Viardot), le 4ème concerto de Vieuxtemps avec en soliste le compositeur (CG nos. 2511, 2513), une cavatine de Benvenuto Cellini chantée par Mme Miolan-Carvalho, le chœur et ballet des Sylphes de la Damnation de Faust (avec Eberius comme Faust et Oberhofer comme Mephistophélès), les 2ème et 4ème mouvements de la 4ème symphonie de Beethoven, l’adaptation pour chant et violon d’un prélude de Bach par Gounod, le concerto pour violoncelle de Molique (avec en soliste Léon Jacquard), la première exécution de l’instrumentation par Berlioz du Roi des aulnes de Schubert (avec en soliste Gustave Roger), et l’ouverture d’Euryanthe de Weber
28 août: compte-rendu du concert par François Schwab dans L’Illustration de Bade (CG no. 2514)
Début septembre: Berlioz et Marie Recio de retour à Paris
Octobre: Berlioz commence à composer Béatrice et Bénédict (CG nos. 2516, 2519bis, 2520, 2522, 2524)

1861

Début janvier: Bénazet invite Berlioz à diriger à Bade en août (CG no. 2526 [voir le tome VIII])
5 août: Berlioz et Marie Recio quittent Paris pour Bade (CG no. 2569)
6 août: arrivée à Bade où ils resteront jusqu’au 28 août (CG no. 2566)
26 août: concert à Bade au Salon de Conversation, en présence de ses nièces Nancy et Joséphine Suat et leur père. Le programme comprend Harold et Italie (avec pour alto solo Grodvolle; CG nos. 2566bis, 2571, 2590), un air de La Traviata de Verdi (chanté par Mlle Monrose), les deux derniers mouvements du concerto pour violon de Mendelssohn (avec Sivori come soliste), le Dies Irae, Tuba Mirum et Offertoire du Requiem (cf. CG nos. 2557, 2565, 2567), un air de La Juive de Halévy (chanté par Antoine Renard; cf. CG no. 2559), la Fantaisie pour piano, chœur et orchestre de Beethoven (avec Mme Escudier-Kastner pour soliste), le duo de Lucia di Lammermoor de Donizetti (Mlle Monrose et Renard), et l’ouverture de La Chasse du jeune Henri de Méhul. Sur la date cf. CG nos. 2562, 2570
Vers le 29 août: retour de Berlioz à Paris
11 septembre: lettre de Berlioz à l’Institut à propos de sa saison à Bade, repris plus tard dans À Travers Chants, chapitre 21 (cf. CG nos. 2574, 2575)

1862

25 janvier: début d’une série de répétitions pour Béatrice et Bénédict, d’abord chaque semaine au domicile Berlioz au 4 rue de Calais et qui continuent jusqu’en juin (CG nos. 2589, 2590, 2595, 2598, 2599, 2608, 2610bis [tome VIII], 2612, 2618, 2623-4, 2628)
13 juin: mort de Marie Recio (CG nos. 2625-9)
11 juillet: répétition à l’Opéra-Comique (CG no. 2630)
18 juillet: répétition à l’Opéra-Comique (CG no. 2632)
26 juillet: dernière répétition à Paris, au Théâtre Lyrique (CG nos. 2633, 2634, 2635, 2636-7)
28 juillet: Berlioz quitte Paris pour Bade (CG nos. 2631-2)
9 août: première représentation à Bade de Béatrice et Bénédict au nouveau théâtre (CG nos. 2635, 2642, 2643)
11 août: deuxième représentation de Béatrice et Bénédict (sur les deux représentations cf. CG nos. 2645, 2646, 2651)
13 août: retour de Berlioz à Paris

1863

Janvier: publication de la partition chant et piano de Béatrice et Bénédict (CG nos. 2688, 2689, 2690, 2691); l’ouvrage est dédié à Bénazet (CG nos. 2691, 2693)
Juin: répétition pour les chanteurs a Paris (CG no. 2731)
3 août: Berlioz quitte Paris pour Bade en compagnie de son fils Louis (CG nos. 2758, 2759)
14 août: représentation de Béatrice et Bénédict (CG no. 2762)
Vers le 15 août: entrevue de Berlioz avec la Reine de Prusse (CG no. 2762)
18 août: deuxième représentation de Béatrice et Bénédict (CG no. 2762)
21 août: Berlioz revient à avec Louis (CG nos. 2762, 2763)

1864

Mai: le festival d’août de Bade est annullé (CG nos. 2858, 2859)

1865

Printemps/début de l’été: Ernest Reyer prend en charge le festival de Bade (CG nos. 3017, 3025)
31 juillet: concert à Bade sous la direction d’Ernest Reyer; il comprend des extraits des Troyens et de l’Enfance du Christ (CG no. 3032)

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Choix de textes

    Les rapports de Berlioz avec Bade et avec Édouard Bénazet, le directeur du casino, sont évoqués dans plusieurs des écrits de Berlioz. Les feuilletons du compositeur pour le Journal des Débats comportent de nombreuses allusions à Bade et à Bénazet, qui seront souvent reprises dans les livres publiés par Berlioz plus tard; les principaux passages sont réunis ci-dessus. La visite de 1856 est racontée dans deux lettres allègres reprises par Berlioz dans Les Grotesques de la Musique (1859), où il est aussi question ailleurs de Bade. La visite de 1861 fait l’objet d’une lettre addressée aux membres de l’Institut, reprise en 1862 dans À Travers Chants (chapitre 21). Une note au chapitre 59 des Mémoires loue chaleureusement Bénazet pour son appui sans faille pour les activités musicales de Berlioz à Bade, et dans la Postface de 1864 Berlioz raconte la genèse et les premières exécutions de Béatrice et Bénédict. La source la plus suivie reste cependant la correspondance du compositeur, mais son abondance varie suivant les années: très fournie pour les années 1858-9 et 1861-2, moins détaillée pour 1853, 1856-7, 1860 et 1863. Coïncidence curieuse: des nombreuses lettres que Berlioz et Bénazet ont dû échanger une seule a survécu (CG no. 2693). On trouvera ci-dessous un choix des lettres les plus pertinentes, disposées en ordre chronologique.

1853

À Liszt (CG no. 1624; 3 septembre, de Paris):

[…] Le concert de Bade a été très brillant, l’exécution fort satisfaisante, le public trop nombreux pour la salle. De là je suis allé reproduire une partie du programme à Francfort, devant un auditoire plus clairsemé mais beaucoup plus enthousiaste. […]
Je te dirai que nos deux actes de Faust ont été exécutés trois fois sans coupures et que la fugue sur amen m’a conquis tous les cœurs; une bonne moitié de l’auditoire à Bade et à Francfort l’a prise aux sérieux comme fit autrefois le public du sonnet du Misanthrope. […]
J’ai vu la princesse de Prusse à Bade; elle m’a parlé de toi avec beaucoup d’intérêt et sa grâce exquise. Son deuil, comme tu le penses, ne lui a pas permis d’assister au concert.
Je crois que tu seras content des artistes de Carlsruhe, mais si tu avais besoin d’un trombone, d’un cor et d’un cornet incomparables n’oublie pas les noms de MM. Rome, Baneux et Arban (3 Français) qui sont dans l’orchestre de M. Bénazet à Bade. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 1627; 7 septembre, de Paris):

[…] Mon voyage d’Allemagne s’est borné à Bade et à Francfort. J’ai organisé et dirigé le Festival de Bade pour lequel j’étais engagé par M. Bénazet, puis je suis allé donner deux concerts au théâtre de Franfort, le tout avec un succès mirobolant. […] À Bade c’était une splendeur inconnue nécessairement aux Francfortois. La salle de La Conversation transformée en salle de concert, ornée d’arbustes, de fleurs, éclairée à jour, peuplée du public le plus fashionable de l’Europe y compris toutes nos grandes dames de Paris, nos diplomates, ambassadeurs, artistes étrangers. Cinq à six cents auditeurs groupés dehors sous le péristyle, faute d’avoir pu trouver place dans la salle. Un orchestre et un chœur excellents, trois bons chanteurs allemands, les sœurs Cruvelli, Ernst; grandissime effet. On m’a redemandé, acclamé, bissé, enfin tout. J’avais l’orchestre de la chapelle ducale de Carlsruhe réunie aux artistes de Bade. M. Bénazet a bien et grandement fait les choses. Il n’a vexé que les joueurs qui eussent beaucoup mieux aimé qu’il n’y eût pas de concert parce que ce jour là les jeux étaient suspendus.
Tous les matins à 7 heures j’emmenais par le chemin de fer un convoi de musiciens à Carlsruhe pour répéter avec la Chapelle Ducale. Nous trouvions tout notre monde préparé, on répétait jusqu’à midi et demi. À une heure un grand déjeuner nous réunissait (nous, artistes de Bade) dans un jardin, d’après les ordres de M. Bénazet, et ainsi restaurés nous retournions à Bade. Le dernier jour seulement les artistes de Carlsruhe sont venus répéter sur place avec les Badois. Les deux premiers actes de Faust ont produit un effet prodigieux, à Francfort de même, et rectifié bien des opinions saugrenues que les amateurs et artistes de ces deux villes, où je n’étais pas encore allé, s’étaient formées sur ma musique. Le maître de chapelle de Carslruhe, M. Strauss, qui présidait à toutes nos études, me dit le soir du concert de Bade: « Permettez-moi de vous serrer la main, mon cher Monsieur Berlioz, j’ai écouté attentivement toutes vos répétitions de Faust. C’est tellement neuf que mes idées étaient restées encore un peu confuses jusqu’à ce soir; mais cette fois la lumière s’est faite, je vois tout, je comprends tout, et je vous donne ma parole d’honneur que c’est un chef-d’œuvre. » […]
J’espère que tout ton monde va bien; quant à moi je ne me suis jamais mieux porté; les brises embaumées de Bade, ses bois, ses montagnes, ses ruisseaux, son soleil, m’ont fait un bien infini. Il n’y avait que le spectacle de ces niais de joueurs qui me faisait mal; cela raisonne sur le hasard, cela calcule… enfin de vrais fous… […]

    Voir aussi CG nos. 1582, 1593-4, 1611, 1617-22, 1648.

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1856

À son oncle Félix Marmion (CG no. 2144; 24 juin, de Paris):

[…] Vous ne voyagez plus cette année? Venez donc à Bade à la fin d’août. Je suis engagé par Bénazet à y aller diriger un festival, ou tout au moins un grand concert, à l’occasion du mariage du Duc régnant de Bade avec la princesse de Prusse; une Fée, une Péri, plus délicieusement jolie que ne fut sa mère, et qui fait mal à voir. […]

À sa cousine Odile Burdet (CG no. 2156bis [tome VIII]; 29 juillet, de Plombières):

[…] Dans huit jours je pars pour Bade où j’ai à diriger un grandissime concert pour lequel on m’avait engagé il y a deux mois à Paris, j’aurai fort à suer (pardon de l’expression) tant à Carlsruhe qu’à Bade pour réunir ces différents orchestres et les fondre en un seul. […]

À son beau-frère Marc Suat (CG no. 2160; 8 août, de Bade):

[…] Je suis ici entouré d’amis et de connaissances de Paris, de Berlin et de Weimar; mais le concert ne marche pas, on ne fait encore rien; M. Bénazet a voulu se charger d’organiser cela lui-même et rien ne sera prêt que dans cinq jours; cela me tourmente.
Enfin, peut-être, tout s’arrangera.
Nous avons fait hier, Marie et moi, une terrible ascension à la pointe de la montagne du Vieux Château, c’est superbe, mais éreintant; je n’en puis plus. […]

À Ferdinand Praeger à Londres (CG no. 2162; 11 août, de Bade):

[…] Je vous envie d’être libre dans votre pays; si je suis à Bade en ce moment, ce n’est pas pour y prendre du bon temps; il s’agit pour moi de diriger un grand concert quasi historique organisé par M. Bénazet, avec le peu de ressources dont on dispose ici et à Carlsruhe… […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2164; 21 août, de Plombières):

[…] Je suis revenu ici; le concert de Bade et l’anxiété où me jette la conduite de Louis, m’ont exténué. Ma gastro-entérite avait tellement augmenté il y a cinq jours que j’ai dû me mettre au lit. Nous avons couché deux fois en route, à Tann et à Remiremont. Le concert a été splendide, magnifique, rare. Une exécution extraordinaire, grand succès, 10.600 fr de recette pour les inondés. M. Bénazet et son public sont enchantés. […]
J’ai trouvé à Bade une foule d’amis qui étaient venus pour le concert, de Weimar, de Berlin, de Winterthur, de Paris, et des confrères de l’Institut et de divers journaux. […]
Bénazet m’a fait aussi cadeau d’une très belle épingle en diamants.

À Gustave Satter (CG no. 2167; 3 septembre, de Paris):

[…] Je reviens d’Allemagne, où j’ai été engagé à diriger un concert à Bade. Mon Enfance du Christ a été mieux exécutée là – spécialement le chœur – que partout ailleurs. […]

    Voir aussi CG nos. 2120, 2129, 2130, 2148, 2154, 2156-7, 2159, 2163, 2165, 2166, 2168, 2171, 2335 et le récit du voyage à Plombières et à Bade repris dans Les Grotesques de la musique.

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1857

À Auguste Morel (CG no. 2225; 25 avril, de Paris):

[…] Je vais encore perdre un grand mois. Bénazet vient de m’engager pour aller lui diriger en août un concert à Bade comme celui de l’an dernier. J’irai encore passer trois semaines à Plombières par la même occasion. J’en ai bien besoin, je suis toujours malade. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2238; 4 août, de Plombières):

[…] Je reçois de temps en temps des nouvelles de Bade; notre concert se prépare et s’annonce bien. Je veux mettre à cette fête musicale un soin tout spécial; il faut qu’elle soit splendide; j’ai fait placer dans le programme, entre autres choses, le Judex de mon Te Deum, et je n’aurai de repos avant d’avoir entendu une répétition de mes choristes; je n’ai point d’inquiétudes au sujet de l’orchestre pour ce morceau immense, le plus terrible sans doute que j’aie écrit, mais il faut que la partie vocale soit grandement exécutée. J’ai soif de musique; en arrivant à Bade je vais m’y baigner, je vais en boire par toutes les pores. Je ne sais si nous aurons le Duc de Bade et sa jeune Fée, ni si la princesse de Prusse viendra. Je retrouverai à Bade beaucoup d’amis et de connaissances de Paris; nous recommencerons nos parties de plaisir (!!!) au vieux château et ailleurs, les courses dans les forêts de sapin, mais je n’aurai pourtant pas beaucoup de temps pour flâner. Bénazet veut faire les choses royalement pour ce concert; (je ne dis pas impérialement, on sait l’amour de notre Empereur pour la musique.) Cela va coûter les yeux de la tête, et cela sera beau. Et vous n’y serez pas, ni toi ni les tiens, ni mon oncle… c’est toujours comme ça. […]

À Émile Deschamps (CG no. 2239; 14 août, de Bade):

[…] Je serai de retour à Paris le 25 ou le 26 de ce mois. Excusez-moi de vous répondre ainsi à bâtons rompus, je suis au milieu de répétitions du grand concert que je dirigerai ici mardi prochain et par la chaleur dont nous jouissons, c’est un métier terrible. Mais l’entrepreneur fait royalement les choses, et cela marchera et nous aurons un splendide résultat. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2240; 14 août, de Bade):

Je resterai ici cinq jours de plus que je ne comptais y rester; le concert a toujours lieu le 18, mais on donne le 23 un petit opéra français composé pour Bade et les auteurs et les entrepreneurs désirent fort me retenir ici, pour que je puisse rendre compte de la chose dans un de mes feuilletons. À cause de Bénazet qui me comble de prévenances, je ne puis faire autrement. […]
J’ai déjà fait hier une rude répétition avec l’orchestre de Bade qui est fort mélangé; et les trois ou quatre mazettes qui s’y trouvent m’ont fait suer le sang. Demain à sept heures du matin j’emmène par le chemin de fer mes cinquante Badois à Carlsruhe pour répéter avec les musiciens de la Chapelle ducale. Cela va prendre une tournure. Nos chanteurs de Paris n’arrivent que dimanche. Nous avons ici beaucoup de beau monde parisien et pétersbourgeois. La Russie domine. La Princesse de Prusse et la Grande Duchesse Stéphanie sont à Bade également.
Je vais tout à l’heure chez la Princesse de Prusse. Je ne sais si le jeune ménage, le Duc de Bade et sa femme viendront au concert, on l’espère.
Adieu mille amitiés à tous!
J’ai le bras droit si douloureux par suite des efforts que j’ai faits hier à la répétition que je puis à peine écrire lisiblement. […]

À Auguste Morel (CG no. 2247; 7 septembre, de Paris):

[…] Notre concert de Bade a été splendide, tout a bien marché; les chœurs de Carlsruhe sont admirables et ils ont dit admirablement le Judex de mon Te Deum. C’est un morceau vraiment terrible sous tous les rapports. […]

    Voir aussi CG nos. 2230, 2233, 2235, 2236ter [tome VIII], 2237quinquies [tome VIII], 2241.

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1858

À sa sœur Adèle (CG no. 2286; 7 avril, de Paris):

[…] L’affaire de Toulouse a raté; ils ne peuvent avoir qu’un orchestre d’amateurs et « comme dit Balzac » je ne donne pas dans ces godans là. Je n’aurai donc que Bade, mais au moins cela sera beau. M. Bénazet me donne carte blanche pour engager qui je voudrai en fait d’artistes. J’engagerai Roger et Melle Artôt, et quelques harpistes. Je veux donner cette fois les 4 premières parties de Roméo et Juliette. […]
Comment n’auras-tu pas le cœur de venir entendre cela?… Ah c’est autre chose que ce qu’on entend tous les jours. Si tu savais combien d’Enfance du Christ je donnerais pour l’Adagio (la scène d’amour) de Roméo….. Et comme j’oublie le monde réel en conduisant cela!…. mais je suis archifou et archibête de parler ainsi. […]

À Auguste Morel (CG no. 2294; 7 mai, de Paris):

[…] Je vais à Bade au mois d’août prochain, dans le programme du Festival que j’y organiserai, se trouveront les 4 premières parties de Roméo, avec le prologue, etc. Bénazet m’a engagé à venir vingt jours plus tôt qu’à l’ordinaire afin de faire douze ou quinze répétitions de ces quatre morceaux. Cela marchera. Bénazet fait bien les choses. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2299; 28 mai, de Paris):

[…] Bénazet veut en outre que je lui promette d’écrire un petit opéra pour l’ouverture d’un théâtre qu’il fait construire et qui sera inauguré en août 1860. Il me croit donc assuré contre la mort. Je ne sais si je me déciderai à signer un tel engagement. J’ai proposé à A. Dumas fils de faire la pièce, il ne se décide pas non plus, ou plutôt il se décide à refuser. Un pareil travail destiné à être exécuté dans des circonstances exceptionnelles n’a pas d’avenir, et malgré sa générosité M. Bénazet ne peut le payer assez.
Je n’y ai d’ailleurs aucun goût. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2303; 23 juillet, de Paris):

[…] Il faut emmener Joséphine quelque part; je ne vois pas trop quelle différence il y a entre la dépense du voyage de Bade et celle du voyage de Genève. À Genève ta fille s’ennuiera comme on doit s’ennuyer dans un pays de Protestants. À Bade nous sommes tous Catholiques, on est gai, aimant, il y a une vie intelligente, une société variée; on fait des courses dans les bois qui ranimeraient cette enfant; on entend de grande et belle musique, cela lui révélerait tout un monde qu’elle n’a fait qu’entrevoir. Laisse-la donc venir, au lieu de l’envoyer chez ces tièdes et nauséabonds fils de Calvin, chez ces froids fanatiques. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2307; 25 août, de Bade):

[…] je serai ici jusqu’au 1er septembre. Je suis en repos aujourd’hui. J’ai déjà fait 8 répétitions, demain à 6 h. du matin j’emmène à Carlsruhe les 50 musiciens de Bade pour répéter avec ceux du Grand Duc et avec les chœurs, après-demain nouveau voyage, et vendredi enfin le maître de chapelle de Carlsruhe m’amènera tout son monde à Bade, pour une onzième et dernière répétition qui aura lieu dans la salle de concert à 11 h. du matin. À trois heures je rentrerai me coucher pour me relever à sept heures et aller conduire le concert. Quelle journée!!! mais cela marche. Nous sommes venus à bout de monter Roméo et Juliette. Les assistants des répétitions disent que c’est un miracle.
Roger, qui devait venir, nous manquera; je l’ai déjà remplacé. Litolff est arrivé hier soir, maintenant me voilà tranquille.
De plus j’espère que d’ici à cinq ou six jours il n’y aura pas de partie de plaisir!! hier il a fallu aller dîner à Rottenfelds [Rothenfels], exténué comme je l’étais, et j’ai dormi quatorze heures au retour.
Méry et Vivier sont ici et s’amusent à perdre l’argent qu’ils n’ont plus au trente et quarante………
Mais quel délicieux pays! quelles montagnes! quelles forêts!.. quelles gracieuses rivières! Comme tes filles seraient heureuses ici!
Franchement je ne vois rien, je suis tout entier dans l’œuvre shakespearienne, à force d’entendre ma partition presque chaque jour, je n’entends que mes personnages qui chantent par la voix de l’orchestre; je marche dans les rues comme un somnambule, en réalité je suis dans le Jardin du riche Capulet, et j’écoute Juliette sur son balcon faire à Roméo ses sublimes aveux…… Je t’assure, chère sœur, que j’ai traduit cette scène immortelle de telle façon que si tu pouvais le savoir tu m’aimerais davantage. Quel malheur de ne pouvoir faire qu’un morceau pareil dans sa vie!! Si tu entendais chaque matin ces applaudissements de l’orchestre!.. Mais pour le gros public, les splendeurs de la Fête et les excentricités de la Reine Mab seront l’objet principal.

Ma chanteuse (Mme Charton) qui arrive ce soir, chante très bien les strophes:
« Heureux enfants aux cœurs de flamme
« Liés d’amour par le hasard
« D’un seul regard!
Je les lui ai fait répéter à Paris.
Enfin je crois que vendredi sera une journée musicale à marquer avec une pierre blanche; j’ai trouvé quatre harpes, j’ai 28 violons, et un orchestre et un chœur formidables.
Pense à nous vendredi, de 8 à 11 heures du soir. […]

À son oncle Félix Marmion (CG no. 2308; 5 septembre, de Paris):

Je suis arrivé à 1 h. du matin, cette nuit, bien fatigué, exténué, mais aussi très content de mon voyage. C’est bien aimable à vous de m’avoir demandé le récit de cette excursion; c’eût été mieux de venir assister au concert. Il a été splendide, tout a marché, chœurs et orchestre, comme un excellent quatuor; c’était merveilleux. J’avais fait onze répétitions pour les 4 premières parties de Roméo et Juliette; et il n’en fallait pas moins pour mettre cet ouvrage dans la tête et dans les doigts des musiciens. L’effet en a été très grand; on m’a rappelé je ne sais combien de fois, l’orchestre m’a ensuite fait une ovation, avec fanfares des instruments de cuivre, archets frappant sur les violons, etc.
Il y a eu des larmes (à l’adagio, la scène d’amour); et le lendemain la Comtesse Kalergis (une célèbre amateur virtuose) disait à ma femme: « J’ai été tellement bouleversée que j’en pleure encore aujourd’hui. »
Bénazet a donné un grand dîner, au milieu dequel Méry m’a porté un toast singulièrement spirituel et émouvant.
Quelques jours après, le poète a fait mieux encore. On allait représenter une comédie de lui, qu’il a fait précéder d’un prologue. Dans ce prologue en vers, après avoir dépeint les charmes de la vie de Bade, et les montagnes et les bois de cette ravissante résidence, il en est venu a signaler l’importance qu’a prise la musique dans la série des fêtes de la saison, et à ce sujet, il a lancé une douzaine de vers à mon adresse, que le public a accueillis avec de longs applaudissements. Mme Bénazet a fait cadeau à Marie d’une belle broche en diamants.
Il était venu, pour le concert, des amateurs et des artistes de toutes les parties de l’Allemagne, sans compter ceux de Paris, de Londres, de St Pétersbourg (les Russes dominaient) et les Suisses.
Enfin il a fallu partir, mais nous nous sommes arrêtés deux jours à Strasbourg chez M. Kastner qui nous avait invités à venir visiter sa riche et belle propriété. M. Kastner est un musicien-théoricien savant; il a épousé la fille de M. Boursault, et possède, en conséquence, une immense fortune. Sa femme est une des personnes les plus distinguées de France, par son esprit, par sa rare instruction, et surtout par la réserve modeste avec laquelle elle cache tant de qualités; grande musicienne en outre, elle sait presque toutes mes partitions par cœur. Ils avaient assisté l’un et l’autre à Bade au concert et à deux répétitions. À Strasbourg, nouveau grand dîner, nouveaux cadeaux; on nous comble de politesses. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2315; 20 septembre, de Paris):

[…] Le concert a été magnifique, l’exécution admirable. Grand succès, larmes à la scène d’amour de Roméo, applaudissements immenses, fanfares de l’orchestre; vers de Méry en mon honneur, lus dans un prologue qui précédait sa comédie quelques jours après le concert; grand dîner donné en mon honneur par M. Bénazet. Cadeau d’une belle broche en diamants, fait à Marie par Mme Bénazet; belles tirades des journaux… etc, etc.
Mais j’ai été littéralement éreinté par les onze répétitions que j’ai faites. Je ne songe à présent qu’à dormir; je reste carrément au lit douze heures sur vingt quatre. […]

To son beau-frère Camille Pal (CG no. 2318; 28 septembre, de Paris):

[…] J’arrive de Bade où je me suis horriblement fatigué, mais au moins pour un bon, très bon et très brillant résultat. J’ai fait pour monter les 4 premières parties de ma Symphonie de Roméo et Juliette onze répétitions acharnées, terribles, à rester sur la place.
L’exécution et le succès ont été splendides, tout-à-fait exceptionnels; applaudissements, rappels, grand dîner le lendemain, discours, vers lus le surlendemain dans le prologue d’une comédie de Méry, fanfares de l’orchestre, enfin tout ce qu’on peut rêver, sans compter les larmes de ces belles dames pendant la scène du Jardin.
Oh comme mon orchestre chantait! J’avais en outre Mme Charton-Demeur, une femme de talent dont la voix sympathique a fait merveilles dans les solos du prologue.
Nous avions un auditoire cosmopolite très musical et très intelligent à qui rien n’échappait.
Je commence à me refaire un peu en dormant quatorze heures chaque nuit. Il ne faudrait pas que ces farces-là se renouvellassent trop souvent, j’en mourrais. […]

Au Baron von Donop (CG no. 2320; 2 octobre, de Paris):

[…] J’ai lu le scenario que vous avez bien voulu m’envoyer; il me paraît contenir le sujet d’un drame lyrique très intéressant. Mais je ne suis pas en position de le traiter moi-même. Je viens de terminer mon énorme partition des Troyens, et je suis engagé pour une autre qui doit être représentée à Bade lors de l’inauguration d’un nouveau théâtre en 1860. Je ne suis pas sûr de me décider à écrire ce dernier opéra. Il faut trop d’idées musicales pour ces partitions modernes, et trop de temps, et trop de moyens d’exécution. Ne vaut-il pas mieux s’abstenir que de s’exposer, en écrivant trop, à produire des œuvres médiocres?
Je vous parlais de Bade tout à l’heure. J’y étais il y a un mois et j’y ai souvent pensé à vous pendant les nombreuses répétitions que j’y ai faites des quatre premières parties de Roméo et Juliette. J’ai bien regretté de ne pouvoir vous compter parmi mes auditeurs; l’exécution a été merveilleuse, tant pour le chœur que pour l’orchestre. L’adagio (la scène d’amour), surtout a produit un effet extraordinaire. Mais j’étais exténué de fatigue, j’avais fait onze répétitions. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2337; 10 décembre, de Paris):

[…] J’étais sur le point hier d’aller prier M. Bénazet de me rendre ma parole pour l’opéra que je lui ai promis de composer, pour l’inauguration du théâtre de Bade en 1860. Je ne me sentais pas le courage d’entreprendre ce travail. Pourtant je me suis abstenu de cette démarche, espérant que le courage me reviendra.
M. Bénazet m’a encore engagé pour le Festival de l’année prochaine et m’a redemandé Roméo et Juliette. Alors j’aurai un peu moins de fatigue que cette année, l’orchestre sachant maintenant une grande partie de mon ouvrage. […]

À Liszt (CG no. 2338; 13 décembre, de Paris):

[…] Je t’assure que je n’éprouve aucune impatience, et que si la fortune vient me trouver elle me trouvera dans mon lit. Bénazet m’a engagé pour un opéra en trois actes que je dois donner au nouveau théâtre de Bade en 1860; mais j’ai lieu de croire que ce théâtre ne sera pas achevé avant 1861, auquel cas je serai ravi d’avoir un an de plus. L’ennui me gagne, et j’aimerais presque autant écrire trente feuilletons que trois actes d’opéra.
Il faut être bien portant, avoir l’esprit allègre, et croire qu’il y a des chanteurs, pour écrire avec plaisir une œuvre dramatique. Et la Foi me manque, et l’Espérance et même la Charité. […]

    Voir aussi CG nos. 2254, 2283-4, 2289, 2290, 2296-8, 2302, 2305-6, 2307bis [tome VIII], 2307ter [tome VIII], 2307quater [tome VIII], 2311-12, 2317, 2341.

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1859

À sa sœur Adèle (CG no. 2345; 10 janvier, de Paris):

[…] Je me force pour aller toujours et croire à l’avenir. J’ai signé avant-hier un traité avec M. Bénazet relatif à l’opéra en trois actes que je dois écrire pour l’ouverture du nouveau théâtre de Bade en 1860. Je serai bien obligé de travailler, sous peine de payer un dédit de 12,000 fr. […]

À sa sœur Adèle (CG no. 2348; 23 janvier, de Paris):

[…] Quant à mon traité avec M. Bénazet c’est encore la même raison qui m’a décidé; le dédit de 12,000 fr me forcera de travailler et peut-être le travail me fera-t-il plus de bien que tous les remèdes. En outre j’ai eu peur, si je refusais cette affaire, de compromettre mes engagements annuels pour le festival de Bade, en mécontentant M. Bénazet; d’où il résulterait une terrible lacune dans mes finances. Et pourtant chaque saison de Bade est pour moi l’occasion de violentes fatigues qui me sont de plus en plus difficiles à supporter. Toujours la raison d’argent!…

À Richard Pohl (CG no. 2355; 19 février, de Paris):

[…] Je ne sais encore que très superficiellement ce que doit être le livret de l’opéra que je vais écrire pour le théâtre de Bade. On me le promet pour le mois prochain. L’auteur se nomme Édouard Plouvier, c’est un poète de talent et non vulgaire dans ses goûts et ses tendances. […]

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2361; 10 mars, de Paris):

[…] Vous me demandez quel est le sujet de l’opéra que je vais écrire pour le nouveau théâtre de Bade: Ce n’est malheureusement ni Colomb, ni Roméo. Il d’agit d’un drame un peu fantastique, tiré de l’histoire de l’Allemagne: je n’en connais qu’une ébauche informe. L’auteur, M. Plouvier, devait m’apporter le livret ces jours derniers, et m’a manqué de parole. Il est dans la joie de son succès à la Porte St-Martin. Le drame qu’il vient de donner à ce théâtre (L’Outrage) fait grande sensation. Je ne saurais vous dire le chagrin que je ressens d’avoir été forcé de souscrire cet engagement avec M. Bénazet… peut-être m’abusé-je! peut-être le feu s’allumera-t-il en composant…. Mais il n’y aurait pas de peut-être, s’il s’agissait de traiter les sujets dont vous me parlez. Le feu est allumé depuis longtemps; il brûle, il couve, comme ces mines de charbon souterraines qui ne manifestent leur inflammation que par les eaux brûlantes qu’elles nous envoient. Oh! oh! on ferait encore un merveilleux opéra de Roméo, à côté de la symphonie. Mais pour qui? qui le monterait? qui le goûterait?.. Ne parlons pas de cela. […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2368; 28 avril, de Paris):

[…] Au mois d’août, je retournerai à Bade, y remonter encore la presque totalité de Roméo et Juliette. Il s’agit, pour en exécuter le finale, de trouver un chanteur capable de bien rendre le rôle du père Laurent. Quant à l’orchestre et aux chœurs, je n’aurai rien à désirer, bien certainement. Si vous aviez entendu, l’an dernier, comme ils ont chanté l’adagio, la scène d’amour, la scène du balcon de Juliette, la scène immortelle qui suffirait à faire de Shakespeare un demi-dieu!… Ah! cher ami, vous eussiez peut-être dit, comme la comtesse Kalergi, le lendemain du concert: « J’en pleure encore! »
Suis-je naïf!…
Vous êtes trop mal portant pour songer à un déplacement; sans quoi, le voyage de Bade, au mois d’août, n’est pas une grande affaire. Nous nous verrions au moins! C’est, en outre, un ravissant pays; il y a de belles forêts, des châteaux de burgraves, du monde intelligent, et des solitudes, sans compter les eaux et le soleil. […]

À Jakob Rieter-Biedermann (CG no. 2379 [voir le tome VIII]; 14 juin, de Paris):

[…] Je ne vais pas à Bade cette année, le Festival n’aura pas lieu, à cause du mauvais effet de la guerre. M. Bénazet est venu me prier de suspendre tous mes préparatifs. […]

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2380; 20 juin, de Paris):

[…] J’avais eu un instant l’espoir de vous voir à Bade au mois d’août. On disait ici que Liszt y viendrait et que peut-être vous l’accompagneriez. Mais c’est moi qui n’y paraîtra pas. Le Festival est à vau-l’eau. Bénazet vient de me prévenir de ne faire aucun préparatif. Ces badauds de Badois veulent manger crus tous les Français; ils s’imaginent que nous avons envie d’aller prendre et culbuter leur boutique. Voilà encore un des loisirs que me fait la guerre. […]
Je vais commencer mon autre partition, l’opéra promis pour le théâtre de Bade, si la guerre lui permet de l’élever. Ce serait pour 1861. La pièce est d’Édouard Plouvier; il y a de belles situations. C’est un épisode de la guerre de 30 ans. Il y a un duc Bernard de Saxe Weymar, une Bohémienne, des Francs-juges, le diable… et son train.
Bénazet n’a jamais voulu me rendre ma parole, il veut son opéra, lors même que son projet de nouveau théâtre ne se réaliserait pas, il en court les chances, et garde notre traité. Il y a des jours où cela me désespère. En d’autres moments je reprends courage et j’espère venir à bout de cette partition. Mais je suis si las, si peu ambitieux….. […]
P.S. J’ai eu l’occasion dernièrement de voir quelquefois les charmantes filles de Liszt, et son gendre de Bülow qui a fait à Paris une grande sensation musicale.

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2390; 10 août, de Paris):

[…] Et pourtant il faut aller à Bade recommencer mon métier de répétiteur; et remercier M. Bénazet d’avoir su remonter le Festival, qui aura lieu le 29 août. Nous y exécuterons un morceau des Troyens, le duo du 4ème acte entre Enée et Didon. […]
Si vous veniez à Bade?…. ma chanteuse est Mme Viardot, le chanteur est Jules Lefort; j’espère qu’ils diront bien ces litanies de l’amour:
« Par une telle nuit le front ceint de cytise
« La déesse Vénus suivit le bel Anchise
    « Aux bosquets de l’Ida.
« Par une telle nuit, fou d’amour et de joie
« Troïlus vint attendre aux pieds des murs de Troie
    « La belle Cressida.
« O nuit d’ivresse et d’extase infinie

etc… […]

À Richard Pohl (CG no. 2393; 17 août, de Paris):

Je pars demain pour Bade, très empressé de vous serrer la main et de causer un peu avec vous.
Je suis très anxieux au sujet des deux fragments des Troyens que nous exécutons au concert… C’est un petit coup d’état. Ces deux scènes, pour lesquelles Mme Viardot vient de s’éprendre de passion ont été exécutées (avec piano seulement) devant une vingtaine d’auditeurs il y a quinze jours et l’émotion qu’elles ont produit m’a amené (en tremblant) à en risquer l’exécution au concert.
La 1ère est très difficile pour l’orchestre, et nous n’aurons pas beaucoup de répétitions. […]
Je serai installé après-demain vendredi à une heure, Rettig Strasse 374, à Bade.

À Madame Spontini (CG no. 2393bis; entre le 20-29 août, de Bade):

[…] Vous êtes dans une grande erreur si vous croyez qu’il puisse y avoir dans les concerts que j’organise à Bade des morceaux pour les banquettes. Le public qui y assiste est attentif et très intelligent. Tous mes programmes jusqu’ici ont été terminés par des ouvertures chefs-d’œuvre. L’an dernier c’était celle de Léonore de Beethoven, l’année précédente c’était celle d’Obéron; une autre fois ce fut celle du Freyschütz. Il n’y a pas là plus d’inconvénient pour les maîtres que lorsqu’on les place ainsi à la fin des concerts du Conservatoire.
L’ouverture de la Vestale splendidement exécutée, sera donc aussi religieusement écoutée. Si j’ai mis au commencement de la second partie l’ouverture de Meyerbeer, c’est qu’elle est d’une longueur immense et qu’il eût été imprudent de faire entendre (et pour la 1ère fois) un aussi long morceau à un public déjà fatigué de musique. […]

À Marie Escudier (CG no. 2394; 22 août, de Bade):

[…] Mais ici à Bade c’est sérieux, nous répétons deux fois par jour, cela marchera, et si vous voulez venir je me charge de votre dépense. M. Bénazet n’invite cette année aucun des représentants de la presse parisienne, sans quoi je lui eusse demandé de vous engager. Entre nous, j’ai dû transmettre hier ce refus à un de vos confrères, qui m’écrivait de le faire venir.
Donc si vous voulez accepter deux cents francs pour un séjour de vingt-quatre heures à Bade, je vous les remettrai à votre arrivée; et vous me rendrez un signalé service. Ce coup d’état que je tente ici avec les deux scènes des Troyens devant nécessairement perdre beaucoup de son effet puisque [pas un] de nos amis de Paris n’y assistera. Monnais seul viendra de Strasbourg où il est allé passer quelques semaines chez Kastner. Venez, ce serait un service d’ami que vous me rendriez, et cela vous serait un bon prétexte pour attaquer par les cornes le taureau de l’Opéra. […]
Le concert est fixé pour lundi 29 à 8 h du soir
P.S. ne parlez à personne de ma proposition

À sa sœur Adèle (CG no. 2395; 26 août, de Bade):

[…] Je suis horriblement fatigué par mes nombreuses répétitions, mais tout va bien, et je ne souffre presque pas de ma névralgie. Il paraît que cette vie là me convient mieux que l’inaction. Et d’ailleurs la joie que me cause l’effet produit par mes scènes des Troyens, m’exalte à un point extraordinaire. Les artistes sont transportés. Je crois que nous aurons une exécution splendide. Comment le public prendra-t-il cela? Mme Viardot, ou je me trompe fort, sera une Cassandre admirable. Chère sœur, que n’es-tu ici?…
Mais c’est toujours ainsi; ni toi, ni Louis, ni mon oncle, jamais aucun des miens n’assiste à mes belles journées.
M. Bénazet fait de plus en plus royalement les choses, mais nous les ferons, nous, impérialement. Il sera content. […]
Marie t’envoie ses amitiés, elle se trouve fort bien aussi de ce charmant séjour de Bade, de ses eaux, de ses bois, je ne dirai pas de ses bals car, à son grand regret, je lui ai fait manquer le dernier; elle a voulu m’accompagner à Carlsruhe où je suis allé passer trois jours en répétitions. […]

À Pauline Viardot (CG no. 2396; 8 septembre, de Paris):

[…] J’ai une assez belle collection de journaux sur Bade à vous envoyer; vous avez eu un grand succès; dans toutes les conversations musicales à cette heure votre nom est prononcé avec la plus vive admiration. […]
Ah, moi aussi j’aime mieux les arbres de Bade, et les montagnes, et les vallons retentissants, où l’on peut crier avec tant de bonheur. […]

À Auguste Morel (CG no. 2398; vers le 9 septembre, de Paris):

[…] J’arrive de Bade, exténué et malade, mais bien heureux du succès énorme qu’ont obtenu mes scènes des Troyens et les 4 parties de Roméo et Juliette. Mme Viardot a été une magnifique et émouvante Cassandre, on a fait recommencer le duo d’amour entre Didon et Enée. […]

À Pauline Viardot (CG no. 2402; 13 septembre, de Paris):

[…] La presse continue à nous être favorable au sujet du concert de Bade; je vous apporterai tout cela.
Un seul journal (l’Opinion), qui vient de naître, a tout d’abord débuté par me donner un coup de hure ou de grouin, signé Braine. Ce monsieur prétend que je dois avoir beaucoup d’amis, puisqu’on me permet d’aller tous les ans faire des émeutes musicales en Allemagne, et d’y produire impunément mes extravagantes élucubrations. […]

À son oncle Félix Marmion (CG no. 2416; 7 octobre, de Paris):

[…] Quant aux Troyens, on en parle de plus en plus; le succès obtenu par les deux scènes qu’on en a exécutés à Bade, a eu un immense retentissement. […]
Si j’en ai la force, dans un mois au plus, je devrai me mettre à écrire l’autre opéra en trois actes que m’a demandé Bénazet pour le future théâtre de Bade et pour lequel j’ai signé un traité. Je suis bien peu disposé à sortir du monde antique et du style héroïque, pour entrer dans le monde bourgeois, du Moyen Âge… Le sujet de cet opéra est pourtant assez piquant et coloré. Je ferai de mon mieux. […]

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2442; 2 décembre, de Paris):

[…]
– Oui, je ferai Cléopâtre, si j’ai le temps. Mais vous savez le mot d’Hamlet: Had I but time… death is strict in his arrest…
– Non, je ne ferai pas la légende de Plouvier, je viens d’écrire à Bénazet pour le prier instamment de me rendre la parole. […]

    Voir aussi CG nos. 2340-1, 2344-5, 2369, 2371, 2375, 2378, 2383-4, 2391-2, 2399, 2400-1, 2406-7, 2430.

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1860

    Peu de lettres ont survécu traitant de la saison 1860 à Bade: année difficile pour Berlioz avec la mort de sa sœur Adèle en mars et sa santé qui décline. Mais c’est aussi l’année où il entreprend la composition de son dernier grand ouvrage, l’opéra Béatrice et Bénédict.

À Auguste Morel (CG no. 2505; 17 juin, de Paris):

[…] Je suis toujours plus malade, ma névralgie augmente, je n’ai même plus les heures de nuit pour respirer. Tout travail qui demande une application soutenue et beaucoup de réflexion m’est impossible. C’est à peine si j’aurai la force d’aller organiser à Bade le Festival annuel dont Bénazet me confie la direction. […]

À Johanna Pohl (CG no. 2509; 16 juillet, de Paris):

[…] Ne dites pas à Liszt de venir à Bade, car le programme du prochain concert ne renferme rien qui puisse exciter grandement son intérêt. Il n’y aura que des choses qu’il connaît déjà. […] M. Bénazet l’a voulu ainsi. Je suis presque complètement mis de côté. On ne donnera rien des Troyens; cela aurait été à peine prudent, je pense, deux ans de suite, et plutôt inopportun. […]

À François Schwab (CG no. 2514; 4 septembre, de Paris):

Laissez-moi vous serrer la main et vous remercier de votre très bel article sur le concert de Bade. Je serais bien heureux et ma carrière musicale n’eût pas été aussi pénible, s’il y avait eu beaucoup de critiques à l’intelligence vive et au cœur chaud, tels que vous. […]

À Édouard Plouvier, (CG no. 2515; 2 octobre, de Paris):

[…] Je ne guéris pas; je suis toujours incapable de composer, et j’ai dû, à mon dernier voyage à Bade, insister auprès de M. Bénazet pour me faire rendre ma parole. Je l’ai enfin obtenue, et j’ai le chagrin de vous apprendre que ce n’est plus moi qui ferai la musique de votre ouvrage. M. Bénazet ne sait pas encore à quel compositeur il la confiera. Voyez-le quand il sera à Paris. Le théâtre ne sera achevé qu’en 1862.
Adieu, vous gagnerez certainement au change, car si j’avais eu la force d’écrire cette partition, souffrant comme je suis, elle eût été plus que médiocre. […]

À son fils Louis (CG no. 2516; 23 octobre, de Paris):

[…] J’ai travaillé hier pendant sept heures à un petit ouvrage en un acte que j’ai entrepris; je ne sais si je t’en ai parlé. C’est très joli, mais très difficile à bien traiter. J’aurai encore longtemps à travailler au poème; il m’arrive si rarement de pouvoir y songer avec suite. Puis la musique aura son tour. […]

À son fils Louis (CG no. 2519bis [tome VIII]; 10 novembre, de Paris):

[…] Je travaille depuis quelque temps à ce point que je ne sais plus comment les semaines s’écoulent. J’ai fait le petit opéra dont je t’ai parlé, d’après une partie de la pièce de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien. Cela s’appelle Béatrice et Bénédict. C’est très gai et très joli; tu verras. Maintenant la musique m’arrive avec affluence, je ne sais à quel morceau m’attacher de préférence, je viens d’en écrire deux en quelques jours. Ne dis rien de cela à personne; on peut si aisément vous prendre un sujet. […]
Je ne sais encore ce que je ferai de mon nouvel ouvrage; le donnerai-je à Bénazet pour Bade? cela me rapporterait plus d’argent que de le lâcher à Paris. Je tâcherai de faire l’un et l’autre. […]

À son fils Louis (CG no. 2520; 21 novembre, de Paris):

[…] J’ai tant travaillé, tous ces jours-ci, que cette distraction même a contribué à me remettre sur pied. Je ne puis suffire à écrire les morceaux de musique de mon petit opéra, tant ils se présentent avec empressement; chacun veut passer le premier. Quelquefois j’en commence un avant que l’autre soit fini. À l’heure qu’il est, j’en ai écrit quatre, et il m’en reste cinq à faire. Tu me demandes comment j’ai pu réduire les cinq actes de Shakespeare en un seul acte d’opéra-comique. Je n’ai pris qu’une donnée de la pièce; tout le reste est de mon invention. Il s’agit tout bonnement de persuader à Béatrice et à Bénédict (qui s’entre-détestent), qu’ils sont chacun amoureux l’un de l’autre et de leur inspirer par là l’un pour l’autre un véritable amour. C’est d’un excellent comique, tu verras. Il y a en outre des farces de mon invention et des charges musicales qu’il serait trop long de t’expliquer. […]

À Peter Cornelius (CG no. 2522; 27 novembre, de Paris):

[…] En attendant je termine un opéra en un acte sur un sujet que j’ai emprunté à Shakespeare; cela m’amuse beaucoup et j’écris ma partition con furia. C’est gai, mordant et par instants poétique; cela sourit des yeux et des lèvres. […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2524; 29 novembre, de Paris):

[…] Je viens d’être repris d’une ardeur de travail dont est résulté un opéra-comique en un acte dont j’ai fait les paroles et dont j’achève la musique. C’est gai et souriant, il y aura dans la partition une douzaine de morceaux de musique, cela me repose des Troyens. […]

    Voir aussi CG nos. 2501, 2507, 2511, 2513, 2513bis [tome VIII].

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1861

À son fils Louis (CG no. 2526 [voir le tome VIII]; 2 janvier, de Paris):

[…] Bénazet est ici; il m’a engagé pour Bade; je lui ai promis mon opéra en un acte pour son nouveau théâtre qu’on bâtit à Bade. […]

À son fils Louis (CG no. 2534; 14 février, de Paris):

[…] Depuis un mois je n’ai pu trouver un seul jour pour travailler à ma partition de Béatrice. Heureusement, j’ai du temps pour l’achever. Je suis allé lire la pièce à M. Bénazet, qui s’en est montré enchanté. Cet opéra sera donc joué à Bade sur le nouveau théâtre; et le sort des Troyens est toujours incertain. […]

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2557; vers le 10 juin, de Paris):

[…] Je vais aller à Bade, comme de coutume. Je ferai entendre cette année des fragments du Requiem, pour égayer les joueurs. Il faut bien que tout le monde pense un peu à la mort… […]

À ses nièces Nancy et Joséphine Suat (CG no. 2560; 22 juin, de Paris):

Non, chères nièces, nous ne pourrons pas aller à Plombières, je suis dans un grand coup de feu, comme disent les cuisinières, et il faut que je veille à mon rôti. Mais pourquoi ne viendrez vous pas à Bade? ce n’est pas loin de Plombières. Peut-être la raison d’argent… Et pour moi donc, croyez-vous que la raison d’argent soit si déraisonnable? […]

À ses nièces Nancy et Joséphine Suat (CG no. 2562; 29 juin, de Paris):

[…] Pour vous rendre sages, sérieuses, fixes, et immobiles, il faut absolument que votre père vous amène à Bade au mois d’août, parce que quand vous y serez vous n’aurez pas envie d’en sortir. C’est un jardin, c’est une oasis, c’est un paradis, et nous y ferons tout exprès pour vous de grande musique le 26 août.
C’est un petit voyage quand on est à Plombières; et le séjour n’y est pas plus dispendieux qu’ailleurs.
Si vous aimez les fleurs, c’est le pays, il y en a partout. Et quelles montagnes, quelles ruines! quelles parties d’ânes! quels déjeuners à la ferme des chèvres (où il y a 70 chèvres blanches) et puis toute une société de Parisiens, de Russes, d’Italiens, d’Allemands qui me demanderont de faire vos connaissances.
Et des bains sulphureux qui rendent à la santé en cinq minutes!
C’est convenu, vous venez! Vous m’annoncerez votre arrivée et nous irons vous recevoir au chemin de fer. Il y aura des bals à vous faire tourner la tête; M. Bénazet en apprenant que mes nièces et mon beau-frère sont à Bade ne manquera pas de les inviter; idem aux représentations dramatiques de la Salle Louis XV, où l’on a une chaleur de 48 degrés. Mais vous braverez la température. Si vous ne venez pas je ne vous écris plus de soixante ans. […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2565; 6 juillet, de Paris):

[…] J’achève peu à peu un opéra-comique en un acte pour le nouveau théâtre de Bade dont on termine en ce moment la construction. Je me suis taillé cet acte dans la tragi-comédie de Shakespeare intitulée Beacoup de bruit pour rien.
Cela s’appelle prudemment Béatrice et Bénédict. En tout cas je réponds qu’il n’y a pas beacoup de bruit. Bénazet (le roi de Bade) fera jouer cela l’an prochain, (si je trouve le moment opportun, ce qui n’est pas sûr). Nous aurons des artistes de Paris et de Strasbourg. Il faut une femme de tant d’esprit pour jouer Béatrice! la trouverons nous à Paris?…
Je pars pour Bade dans un mois pour y organiser et y diriger le festival annuel. Cette fois je leur lâche deux morceaux du Requiem, le Tuba Mirum et l’Offertoire. Je veux me donner cette joie; et puis il n’y a pas grand mal à faire tous ces riches oisifs un peu songer à la mort…

À Richard Pohl (CG no. 2571; 28 août, de Bade):

Liszt m’a dit que vous désiriez un triangle; en voilà un de Sax qui vient de servir ici pour la première fois dans l’introduction d’Harold. Il est fait à l’image de Dieu comme tous les triangles, mais, de plus que les autres triangles, de plus que Dieu surtout, il est juste. […]

À sa nièce Nancy Suat (CG no. 2575; 1er octobre, de Paris):

[…] Joséphine a donc écrit son feuilleton pour mon oncle? C’est très méritoire de sa part. Les miens sur Bade ont enfin paru; Bénazet m’en a remercié. Je vais en avoir d’autres beaucoup moins gais à faire prochainement; il s’agira de nos malheureux théâtres lyriques, tous morts, ou mourants, ou malades. […]
J’ai engagé dernièrement une admirable et charmante cantatrice pour mon rôle de Béatrice (dans le petit opéra). C’est Mme Charton-Demeur. Elle allait partir pour l’Amérique, mais les événements de la guerre entre les États Désunis lui ont permis de rompre son engagement; et je l’ai prise au vol pour notre opéra de Bade. Demain mercredi elle viendra avec son mari et sa sœur nous trouver à St Germain où M. Delaroche donne un dîner festivalesque.
Mme Demeur est déjà en train d’apprendre son rôle qui est entièrement fini.
Et l’Opéra idiot qui n’engage pas une telle virtuose! […]
Mme Demeur ne fait pas la diva, elle chante comme je veux; et son mari me dit toujours: grondez-la, ne vous gênez pas, dites-lui bien ses vérités. Ce que je ferais en tout cas sans permission. […]

À Marc Suat (CG no. 2585; 7 décembre, de Paris):

[…] Je travaille beaucoup, je viens de finir l’opéra en deux actes destiné au nouveau théâtre de Bade. Il me reste à faire l’ouverture; mais les feuilletons vont m’empêcher de m’en occuper. Nous verrons si les drôles qui me poursuivent à Paris oseront envoyer à Bade des émissaires le soir de la première représentation de cet ouvrage. […]

    Voir aussi CG nos. 2528-9, 2543, 2550, 2566, 2566bis, 2567-9, 2570, 2574, 2579, 2581. Une lettre ouverte adressée par Berlioz aux membres de l’Institut et datée du 11 septembre, après son retour à Paris, donne un récit de sa visite à Bade en août 1861. Publiée d’abord dans le Journal des Débats (11 septembre et 12 septembre; cf. CG no. 2575), elle sera insérée l’année suivante dans le recueil d’articles publié sous le titre d’À Travers Chants (chapitre 21).

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1862

À Camille Pal (CG no. 2589; 4 février, de Paris):

[…] Je suis en ce moment occupé des premières études de mon opéra en deux actes pour l’inauguration du théâtre de Bade. Ce sera joué le 5 ou le 6 août. Bénazet a agi, comme toujours, en Gentleman accompli; il m’a demandé quels acteurs je voulais, je lui en ai donné la liste, et il les a tous engagés. Les chœurs seront ceux de Strasbourg. Dieu sait l’argent que cela coûte, et pour deux représentations! Le théâtre de Strasbourg veut, après Bade, monter ce petit ouvrage, je doute qu’il le puisse.
Quant à Paris je n’y songe pas, il ne faut pas risquer la moindre chose au théâtre jusqu’au lancement de mon grand navire [Les Troyens], qui aura lieu, à ce qu’on dit à l’Opéra, dans treize mois (en mars 1863). […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2590; 8 février, de Paris):

[…] Comment! je ne vous ai pas écrit depuis mon retour de Bade? voilà qui me confond. Oui, oui, le concert a été superbe et j’ai entendu là notre symphonie d’Harold exécutée pour la première fois comme je veux qu’elle le soit; les fragments du Requiem ont produit un effet terrible, mais nous avions fait huit répétitions. […] En attendant je fais répéter chez moi toutes les semaines l’opéra en deux actes que je viens de terminer pour le nouveau théâtre de Bade. Béatrice et Bénédict paraîtront à Bade le 6 août prochain. J’ai fait aussi la pièce comme pour les Troyens; et j’éprouve un tourment que je ne connaissais pas, celui d’entendre dire le dialogue au rebours du bon sens. Mais, à force de seriner mes acteurs, je crois que je viendrai à bout de les faire parler comme des hommes. […]

À son fils Louis (CG no. 2598; 16 mars, de Paris):

[…] En attendant, nous répétons chez moi tous les mardis Béatrice, qui paraîtra au théâtre de Bade le 6 août… J’ai fini tout ce que j’avais à faire, et je me garderai bien de recommencer un autre ouvrage. […]

À Peter Cornelius (CG no. 2605; 9 avril, de Paris):

[…] Ce serait bien charmant pour moi si vous pourriez venir à Bade le 6 août. Tout me fait espérer que ma Béatrice sera bien exécutée, et de plus elle le sera sous ma direction, et tout ira comme je veux que cela aille. C’est un ouvrage en deux actes qui ne coûte presque rien à monter, et qui conviendrait fort à beaucoup de scènes allemandes. Je serais bien heureux que vous pussiez être chargé par quelque directeur d’en faire la traduction. Avant hier on a exécuté deux morceaux (un duo et un air) dans une soirée devant un nombreux auditoire et cela a fait merveilles. Mme Charton-Demeur (la Béatrice) a supérieurement chanté. Il y avait dans le salon où je me trouvais un artiste qui n’est pas de mes partisans. Il n’avait pas eu le programme du concert, et après avoir entendu le duo il s’est écrié en applaudissant: Par dieu! voilà un admirable morceau! C’est d’un coloris délicieux, d’une mélodie ravissante! d’où cela sort-il? quel est l’auteur? – ce à quoi M. de St Georges a répondu en riant et en me montrant: L’auteur n’est pas loin, le voilà! Vous pensez si j’ai ri à mon tour.
Perrin, le directeur de l’Opéra Comique, assistait à la séance. Il a évidemment envie de monter Béatrice à mon retour de Bade; il m’a offert son théâtre pour y faire mes répétitions de mise en scène. Mais je ne sais si je me déciderai à m’exposer aux sifflets de ces messieurs, ces gredins de crétins avant la représentation des Troyens. […]

À sa nièce Joséphine Suat (CG no. 2608; 19 avril, de Paris):

[…] Je suis occupé en outre des répétitions assez fréquentes de mon opéra de Béatrice, qui sera joué le 6 août à Bade. On en a chanté quelques scènes dernièrement dans une soirée, avec un grandissime succès.
Tu ne me dis pas si vous viendrez l’entendre. Ton père pourra-t-il nous donner ce plaisir?… […]
On dit que le nouveau théâtre de Bade est charmant, mais bien petit. Décide donc mon oncle à passer le Rhin à cette occasion. […]

À son fils Louis (CG no. 2610bis [tome VIII]; 8 juin, de Paris):

[…] J’attends mes chanteurs qui vont venir répéter.
J’ai ajouté une nouvelle scène au rôle de Prilleux (Somarone le maître de chapelle) où il sera d’un grotesque amusant. Mme Charton Demeur est charmante dans la partie musicale du rôle de Béatrice. C’est vraiment dommage de se donner toute cette peine pour deux représentations. On dit maintenant qu’il n’y en aura que deux, Bénazet voulant pendant ce mois dramatique avoir un spectacle différent tous les soirs. […]

À son fils Louis (CG no. 2630; 12 juillet, de Paris):

[…] J’ai reçu ce matin une lettre du régisseur de Bade, qui m’annonce que mes chœurs sont sus et qu’ils produisent beaucoup d’effet. Il compte sur un grand succès (comme s’il connaissait le reste de la partition!). Tout n’est que prévention dans ce monde-là. Hier, nous avons répété à l’Opéra-Comique; tout le monde y était par extraordinaire, et nous avons commencé à régler la mise en scène. […]

À Liszt (CG no. 2632; 19 juillet, de Paris):

[…] Tu me souhaites des chanteurs intelligents; ceux dont je dispose le sont en général, et j’aurais tort de me plaindre. Mme Charton-Demeur est à coup sûr la meilleure cantatrice que nous ayons en ce moment en France. Elle a obtenu cet hiver un très beau succès dans la Desdemona au théâtre Italien. On annonçait qu’elle allait être engagée à l’Opéra; puis il n’en [a] plus été question, faute d’argent dit-on. Elle va partir pour la Havane où l’appelle un de ces engagements fous comme en fait maintenant (85.000 pour 4 mois); et j’ai été trop heureux de la prendre au vol pour les 15 jours de Bade. C’est la Béatrice; elle est dans ce rôle si difficile charmante de tout point. Melle Monrose (Héro) est dépourvue de tout instinct musical, mais enfin elle a appris son rôle et sa voix fraîche et naturelle le fera bien valoir. Il y [a] encore une troisième jeune femme… suffisante. Les quatre hommes chantent comme tout le monde. En somme mes interprètes ne m’ont pas tourmenté, n’ajoutent rien, ne retranchent rien à ma musique, et montrent beaucoup de zèle et d’ardeur. On m’écrit de Bade que les chœurs (ceux du th. de Strasbourg) sont très bien sus. […]

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2634; 22 juillet, de Paris):

[…] Vous me demandez comment il se fait que vous ignoriez l’existence de cet opéra en deux actes que nous allons donner à Bade. C’est qu’il y a bien longtemps que je ne vous avais écrit.
N’ayant pu me résoudre à mettre en musique le gros mélodrame que vous avez lu [le livret de Plouvier], et voulant prouver ma bonne volonté à Bénazet, j’ai pris pour texte une partie de la tragi-comédie de Shakespeare (Much ado about nothing) et les idées musicales sont venues à la file, mais à longs intervalles à cause, toujours, de mon infernale névralgie. Ces intervalles d’inaction forcée ont été si fréquents et si longs, que, lors des premières répétitions, j’ai fait en quelque sorte connaissance avec ma musique dont je n’avais plus le moindre souvenir. Cela réussit beaucoup, et il paraît que mes deux héros Béatrice et Bénédict se raillent et se mordillent avec grâce. En outre il y a le couple sentimental, Héro et Claudio, dont le contraste avec l’autre est des plus heureux. J’ai ajouté à la donnée shakespearienne une caricature musicale, un maître de chapelle grotesque, nommé Somarone (gros âne) dont les âneries provoquent le rire. Je donnerais beaucoup pour vous faire entendre cela. Il y a surtout un Scherzo final, où le caractère des deux principaux personnages se résume, et dont l’effet est curieux. […]
Il a fallu du temps pour instruire les chanteurs, maintenant je vais avoir de la peine à instruire l’orchestre, car c’est un caprice écrit avec la pointe d’une aiguille et qui exige une excessive délicatesse d’exécution.
Adieu, chère princesse, je vous tiendrai au courant de l’effet de la représentation. […]

À Camille Pal (CG no. 2635; 23 ou 24 juillet, de Paris):

[…] Heureusement les distractions violentes de mes répétitions l’emportent quelquefois [sc. sur mes douleurs]. Beaucoup de mes amis partiront pour Bade avec moi lundi prochain. Je crois que mon ouvrage sera exécuté d’une façon exceptionnelle. Les répétitions que nous faisons ici le font croire. En arrivant à Bade je vais entreprendre l’étude de l’orchestre, et au bout de quelques jours tout sera sur pieds. Et cela n’aura à Bade que deux représentations le 9 et le 11 août. On dit que le nouveau théâtre est charmant. […]

À son fils Louis (CG no. 2642; 10 août, de Bade):

Grand succès! Béatrice a été applaudie d’un bout à l’autre, on m’a rappelé je ne sais combien de fois. Tous mes amis sont dans la joie. Moi, j’ai assisté à cela dans une insensibilité complète; c’était un de mes jours de souffrance et tout m’était indifférent.
Aujourd’hui, je suis mieux, et les amis qui viennent me féliciter me font grand plaisir. Madame Charton-Demeur a été admirablement charmante, et Montaubry nous a présenté un Bénédict élégant et distingué. Le duo, que tu connais, chanté par mademoiselle Montrose et madame Geoffroy dans une jolie décoration et sous un clair de lune très habilement fait par le machiniste, a produit un effet monstre, on ne finissait pas d’applaudir. Allons, je t’embrasse, tu dois être content. […]

À Marc Suat (CG no. 2643; 10 août, de Bade):

Je ne veux pas tarder à vous apprendre le grand succès de mon opéra de Béatrice donné hier soir au milieu des plus vives acclamations. On m’a rappelé je ne sais combien de fois. Tout a bien marché; Mme Charton-Demeur est bien la plus ravissante Béatrice que l’on puisse voir et entendre. Montaubry qui est quelquefois peu distingué, s’est montré au contraire un Bénédict fin, élégant, mordant et plein de grâce. L’exécution en général a été excellente, les chœurs et l’orchestre n’ont pas fait une faute. À demain la seconde représentation. Je suis bien content. Tous mes amis et confrères venus de Paris, de Leipzig, de Berlin, de Stuttgardt, etc sont d’une ardeur rassurante pour l’effet qui sera produit par la presse. Évidemment cela fera un bruit du diable. Il y a des gens qui ne reviennent pas de leur étonnement d’avoir vu réussir à ce point un opéra composé paroles et musique et dirigé par le même homme.
Écrivez, je vous prie, à mon oncle Marmion; je ne sais aujourd’hui où donner de la tête. Quel malheur que nos deux chères filles, Joséphine et Nanci, ne soient pas venues avec vous cette année. […]

À Ernest Legouvé (CG no. 2645; 18 août, de Paris):

[…] Oui, tout a bien marché, et Mme Demeur a été charmante musicalement et littérairement. Elle et moi nous vous devons beaucoup pour les excellents conseils que vous lui avez donnés.
Comment la remplacer à Paris? Voilà la question. L’orchestre a été ravissant de finesse et d’agilité; et comme j’étais fort souffrant le soir de la 1ère représentation, comme je ne m’intéressais en conséquence à rien, étant sans émotion, j’ai très bien conduit et sans faire une faute (ce qui ne m’arrive pas souvent).
Bénazet est au 17ème ciel, il a redemandé l’ouvrage et l’auteur et la prima donna pour l’année prochaine. […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2646; 21 août, de Paris):

J’arrive de Bade, où mon opéra de Béatrice et Bénédict vient d’obtenir un grand succès. La presse française, la presse belge et la presse allemande sont unanimes à le proclamer. Heur ou malheur, j’ai toujours hâte de vous l’apprendre, assuré que je suis de l’affectueux intérêt avec lequel vous en recevrez la nouvelle. Malheureusement, vous n’étiez pas là; cette soirée vous eût rappelé celle de l’Enfance du Christ. Les cabaleurs, les insulteurs étaient restés à Paris. Un grand nombre d’écrivains et d’artistes, au contraire, avaient fait le voyage. L’exécution, que je dirigeais, a été excellente, et Mme Charton-Demeur surtout (la Béatrice) a eu d’admirables moments comme cantatrice et comme comédienne. Eh bien, le croirez-vous, je souffrais tant de ma névralgie ce jour-là, que je ne m’intéressais à rien, et que je suis monté au pupitre, devant ce public russe, allemand et français, pour diriger la première représentation d’un opéra dont j’avais fait les paroles et la musique, sans ressentir la moindre émotion. De ce sang-froid bizarre est résulté que j’ai conduit mieux que de coutume. J’étais bien plus troublé à la seconde représentation.
Bénazet, qui fait toujours les choses grandement, a dépensé un argent fou en costumes, en décors, en acteurs et choristes pour cet opéra. Il tenait à inaugurer splendidement le nouveau théâtre. Cela fait ici un bruit du diable. On voudrait monter Béatrice à l’Opéra-Comique, mais la Béatrice manque. Il n’y a pas dans nos théâtres une femme capable de chanter et de jouer ce rôle; et Mme Charton part pour l’Amérique.
Vous ririez si vous pouviez lire les sots éloges que la critique me donne. On découvre que j’ai de la mélodie, que je puis être joyeux et même comique. L’histoire des étonnements causés par l’Enfance du Christ recommence. Ils se sont aperçus que je ne faisais pas de bruit, en voyant que les instruments brutaux n’étaient pas dans l’orchestre.
Quelle patience il faudrait avoir si je n’étais pas aussi indifférent! […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2648; 26 août, de Paris):

[…] En outre, j’ai à m’occuper de la publication de ma partition de Béatrice, dont je développe un peu la partie musicale au second acte. Je suis en train d’écrire un trio et chœur, et je ne puis laisser ce travail en suspens. Je me hâte de dénouer ou de couper tous les liens qui m’attachent à l’art, pour pouvoir dire à toute heure à la mort: quand tu voudras! […]

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2651; 21 septembre, de Paris):

[…] Vous me demandez des détails sur l’opéra de Bade. Tout a marché admirablement, plusieurs morceaux ont soulevé des tempêtes d’applaudissements. La presse française toute entière a loué même avec passion un certain nombre de morceaux; on me croyait en proie à une émotion violente, quand je suis venu le premier soir diriger mon orchestre; mais j’étais si souffrant à ce moment que tout m’était devenu indifférent, et que j’ai, en conséquence, dirigé sans faire une faute. Il y a eu un tas de Tartuffes d’enthousiasme qui m’ont obsédé de leurs démonstrations dont je connaissais parfaitement la sincérité… Il m’a fallu prendre l’air niais et avoir l’air de croire…
À présent, nous cherchons avec le directeur de l’Opéra-Comique les moyens de reproduire cela à Paris, où ces mêmes enthousiastes enverront des gens me siffler à la 1ère représentation. Nous ne trouvons pas de cantatrice. Il n’y a pas une femme capable de chanter l’air de Béatrice et de jouer le rôle. Mme Charton-Demeur y a été ravissante, et la voilà partie pour la Havane. On n’a pas voulu faire une place pour elle à Paris. Liszt a raison, il n’y a que les médiocres qui trouvent les portes ouvertes.
En somme, à mon sens, ce petit ouvrage est beaucoup plus difficile d’exécution musicale que les Troyens, parce qu’il y a l’humour, qui ne pouvait tout naturellement s’introduire dans un sujet antique. Bénazet m’a redemandé Béatrice pour l’année prochaine et n’a pas manqué de réengager aussi la prima donna. Le Bénédict probablement ne voudra pas revenir, il a été outré de n’être pas l’homme au succès. […]
Maintenant j’ai fini; hier, j’ai écrit la dernière note d’orchestre dont je tacherai de ma vie une feuille de papier. No more of that, Othello’s occupation’s gone. […]

À Pauline Viardot (CG no. 2652; 21 septembre, de Paris):

[…] et au milieu de tout cela la composition de deux morceaux que j’ai ajoutés au second acte de Béatrice. Oui, c’est fini par bonheur; j’ai fait le trio pour les trois femmes et de plus un chœur très doux pour Soprani, Contralti et Tenori seulement, qui se chantera au loin dans la coulisse un peu après le trio. […]

À Marc Suat (CG no. 2659; 8 octobre, de Paris):

[…] …malgré toute mon économie et mon ordre extrême je suis toujours inquiet pour l’avenir. La saison de Bade peut me manquer tout d’un coup, elle me manquera en effet l’année prochaine, Bénazet ne donnant plus de Festival. Il m’a seulement dit qu’il comptait redonner mon opéra en 1863, mais cet ouvrage m’est payé et ne me rapportera en conséquence que 250 f. de droits d’auteur. C’est donc à peu près une rente de 2000 fr qui va me faire faute. […]

    Voir aussi CG nos. 2595, 2599, 2604, 2606, 2612-13, 2618, 2623-4, 2628, 2633, 2636-7, 2641, 2649, 2660-2, 2666, 2672.

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1863

À Camille Pal (CG no. 2688; 13 janvier, de Paris):

[…] Je suis toujours dans la crainte de perdre 2000f de rente, par la cessation de mon engagement annuel pour Bade. La suppression des jeux est toujours annoncée et dès lors plus de musique. En outre Bénazet paraît décidé à ne plus donner de Festival, son théâtre absorbe tout maintenant. On rejouera Béatrice encore cette année et j’irai en diriger les représentations, mais cela ne me rapportera guère que des droits d’auteur d’assez peu d’importance, l’ouvrage m’ayant été payé l’an dernier. […]

À Richard Pohl (CG no. 2691; 17 janvier, de Paris):

Je vais écrire aujourd’hui même à M. Bénazet pour qu’il prête au théâtre de Weimar la grande partition et les parties d’orchestre de Béatrice. Je ne doute pas qu’il le fasse. Je ne pourrai envoyer les exemplaires de la partition de piano que jeudi prochain 22; je viens de voir l’imprimeur. Le théâtre de Weimar pourra ainsi disposer de toute la musique d’orchestre pendant les mois de février, mars, avril, mai et même juin. Et je ne pense pas qu’on ait l’intention de jouer Béatrice bien souvent après la fête du Grand Duc. J’écrirai à Mme la Grande Duchesse pour la remercier de ses gracieuses intentions. Malheureusement je ne pourrai lui demander la faveur de lui dédier ma partition, elle est déjà dédiée à M. Bénazet.
Le copiste de la direction de Weimar aura seulement à copier le trio des trois femmes et le petit chœur ajoutés au 2ème acte depuis mon retour de Bade, et qui ne se trouvent pas dans la musique que M. Bénazet enverra à Weimar. […]

À Édouard Bénazet (CG no. 2693; 26 janvier, de Paris):

[…] Je ne veux pas attendre votre retour pour vous présenter un exemplaire de la partition dont vous avez bien voulu accepter la dédicace, et qui, sans vous, n’existerait pas. Je serais heureux si ce faible hommage vous paraissait une preuve de ma vive gratitude pour tout ce que vous avez fait pour moi. […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2759; 28 juillet, de Paris):

[…] Il fait aujourd’hui un temps délicieux. Mon fils est arrivé hier du Mexique, et comme il a obtenu un congé de trois semaines je l’emmène avec moi à Bade. Ce pauvre garçon n’est jamais à Paris quand on exécute quelque chose de mes ouvrages. Il n’a entendu qu’une exécution du Requiem quand il avait 12 ans. Figurez-vous sa joie d’assister aux deux représentations de Béatrice.
Il va repartir pour la Vera-Cruz en quittant Bade; mais il sera de retour au mois de novembre, pour la 1ère des Troyens. […]

À son oncle Félix Marmion (CG no. 2762; 23 août, de Paris):

Je suis de retour depuis deux jours seulement. J’ai été malade à Bade d’une esquinancie qui a failli tourner à l’angine et m’a retenu plusieurs jours au lit. Il m’a en conséquence été impossible de diriger la 1ère répétition générale de Béatrice et j’ai dû prier le chef d’orchestre [Kœnnemann] de me remplacer. Mais après cette expérience les acteurs consternés m’ont fait entendre qu’il valait mieux ne pas donner la pièce que de la jouer avec un tel chef; il bouleversait tout. J’ai fait un effort, je me suis levé, j’ai conduit la seconde répétition et l’exécution malgré ma difficulté de parler, et tout est rentré dans l’ordre. Mme Charton a été plus admirable que l’an dernier, sa voix est d’une beauté qu’on ne lui a pas encore connue; mais les deux autres cantatrices ont failli tuer le fameux duo, tant elles y ont mis de mauvaise voix et de mauvais style. J’ai été néanmoins acclamé et applaudi par toute la salle et par l’orchestre. L’air de Béatrice a produit un effet immense. Jourdan Bénédict (un bon musicien pourtant) a battu la campagne pendant presque tout le premier acte.
La reine de Prusse m’a envoyé chercher, et j’ai causé d’art avec elle pendant une demi-heure. Elle est toujours bien gracieuse, mais sa douce beauté qu’est-elle devenue! Le temps est un grand scélérat. […]

    Voir aussi CG nos. 2689, 2725-6, 2731, 2734, 2741, 2743, 2745, 2751, 2755-8.

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1864

À son fils Louis (CG no. 2858; 13 mai, de Paris):

[…] Point de nouvelles de Bénazet. […]

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1865

    En 1865 la direction du festival de Bade est confiée à Ernest Reyer, un ami de Berlioz.

À son fils Louis (CG no. 3025; 11 juillet, de Paris):

[…] Le programme de Bade est bien tel que je t’ai dit. C’est Jourdan qui chantera Enée, et Madame Charton Didon. Mais il y a du Wagner, du Liszt, du Schuman, et le pauvre Reyer ne sait pas ce qui l’attend aux répétitions. […]

À ses nièces Nancy and Joséphine Suat (CG no. 3032; 11 août, de Paris):

[…] On vient de jouer un acte des Troyens et la seconde partie de l’Enfance du Christ à Bade avec un grand succès. On joue beaucoup de ma musique maintenant en Russie, en Allemagne, en Danemarck, en Suède et en Amérique; il y a des gens qui m’adorent et que je ne connaîtrai jamais. […]

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Bade au 19ème siècle

    Sauf indication contraire, toutes les images ci-dessous ont été reproduites d’après des gravures, cartes postales, journaux et livres dans notre collection datant du 19ème ou du début du 20ème siècle, y compris Baden-Baden et ses Environs (Zürich: Orell Füssli, 1879), L’Illustration et l’Illustrated London News.

1. Vues générales de Bade

    Outre ses avantages du point de vue musical, Bade offrait un cadre idyllique qui enchantait Berlioz. Il y fait souvent allusion dans sa correspondance (CG nos. 1627, 2303, 2307, 2308, 2368, 2562).

    D’après la correspondance du compositeur on connaît plusieurs des adresses où Berlioz a logé pendant ses visites à Bade. En 1853 son adresse est ‘Chez M. De Lors No 475 vis-à-vis du Couvent’ (CG no. 1621). En 1856 c’est ‘Stephanien Strasse 356’ (CG nos. 2159, 2160). En 1857 il donne son adresse comme étant ‘Retting Strasse 375’ (CG no. 2240), tandis qu’en 1859 l’adresse est indiquée comme étant ‘Rettig Strasse 374’ (CG nos. 2393, 2394, 2395), sans doute la même qu’en 1857 où le chiffre est peut-être erroné. En 1862 et en 1863 il loge à l’Hôtel de Darmstadt (CG nos. 2614, 2749, 2757). En 1861 il dit à ses nièces ‘Écrivez sans autre adresse que mon nom Baden-Baden Grand Duché de Bade’ (CG no. 2562).

Bade – vue générale (années 1870)
Bade

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Bade – L’allée de Lichtenthal (années 1870)
Bade

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Bade – vue générale (1902)
Bade

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2. Le Vieux Château

    Au chapitre 21 d’À Travers Chants Berlioz donne une description pittoresque du vieux château qui surplombe Bade:

Le vieux château de Bade est une ruine colossale du moyen âge, un nid de vautours construit au sommet d’une montagne qui domine toute la vallée de l’Oos. Au milieu d’une forêt de sapins gigantesques pendent de toutes parts des pans de murs noirs et durs comme les rochers, des pans de rochers droits comme les murs. Dans les cours président des chênes séculaires; de vieux hêtres curieux passent par les fenêtres leurs têtes chevelues; d’interminables escaliers, des puits sans fond se présentent à chaque instant devant les pas de l’explorateur étonné, qui ne peut se défendre d’une terreur secrète. Là, vécurent, on ne sait quand, on ne sait quels landgraves, margraves ou burgraves, gens de proie et de brigandage, de meurtre et de rapine, que la civilisation a fait disparaître. Que de crimes ont été commis sous ces voûtes formidables, que de cris de désespoir, que de sanglantes orgies en ont fait retentir les lambris!... Aujourd’hui, ô prose! ô plate utilité! un restaurateur les habite, on n’y entend que le bruit des fourneaux d’une vaste cuisine, que les explosions des bouteilles de vin de Champagne, que les éclats de rire des bourgeois allemands et des touristes français en pointe de gaieté. Pourtant, si l’on a le courage d’entreprendre l’ascension du faîte déchiré du monument, on retrouve peu à peu la solitude, le silence et la poésie. Du haut de la dernière plate-forme on aperçoit dans la plaine, de l’autre côté de la montagne, plusieurs riantes petites villes allemandes, des champs bien cultivés, une végétation luxuriante, et le Rhin, morne et silencieux, déroulant son interminable ruban d’argent à l’horizon. […]
Le Vieux Château dans les années 1870
Vieux Château

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3. Le Salon de Conversation

    Tous les concerts donnés par Berlioz à Bade en 1853 et de 1856 à 1861 ont lieu au Salon de Conversation, salle construite entre 1821 et 1824 par l’architecte Friedrich Weinbrenner. Une lettre de 1853 donne une description détaillée de la salle, décorée pour le concert de l’année (CG no. 1627), tandis que le chapitre 21 d’À Travers Chants raconte comment en 1861 il dispose ses effectifs pour adapter l’exécution des fragments du Requiem aux dimensions du local.

Le Salon de Conversation en 1835/1840
Salon de Conversation

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Le Salon de Conversation en 1858
Salon de Conversation

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Le Salon de Conversation en 1865
Salon de Conversation

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L’intérieur du Salon de Conversation en 1865
Salon de Conversation

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Le Salon de Conversation dans les années 1870
Salon de Conversation

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Le Salon de Conversation au milieu du 20ème siècle
Salon de Conversation

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Le Salon de Conversation en janvier 2006
Salon de Conversation

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Nous remercions vivement notre ami Pepijn van Doesburg de nous avoir envoyé la photo moderne ci-dessus. 

4. Le Théâtre de Bade

    Pendant les années 1850 Bénazet décide de construire un nouveau théâtre à Bade, et à cette intention il commande en 1858 un nouvel opéra à Berlioz (CG no. 2299). En l’occurrence le théâtre ne sera terminé qu’en 1862, et l’opéra représenté pour son inauguration – Béatrice et Bénédict – n’est pas celui qui avait été commandé au départ. Berlioz évoque le bâtiment à deux reprises dans ses lettres de 1862 (CG nos. 2608, 2635), mais c’est avant d’avoir vu lui-même le nouveau théâtre. Selon un témoignage contemporain (Ernest Reyer) Berlioz aurait été déçu par l’étroitesse de la fosse pour orchestre qui entrave le jeu des musiciens (CG tome VI, p. 324 n. 1); mais aucune des lettres de Berlioz datant d’après août 1862 n’y fait allusion.

Le Théâtre de Bade en août 1862
Théâtre de Bade

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Le Théâtre de Bade en 1865
Théâtre de Bade

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Le Théâtre de Bade dans les années 1870
Théâtre de Bade

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Le Théâtre de Bade vers la fin du 19ème siècle
Théâtre de Bade

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Le Théâtre de Bade vers la fin du 19ème siècle
Théâtre de Bade

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Le Théâtre de Bade en janvier 2007
Théâtre de Bade

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Plaque commémorative pour Berlioz
Plaque commémorative

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Cette plaque se trouve sur la façade du théâtre à côté de la première porte à droite. Le texte allemand de la plaque dit:

Dem Componisten
HECTOR BERLIOZ
geb. 11. Dezbr. 1803. gest. 8. März 1869.
welcher oft und gerne in Baden Baden weilte
und zur Eröffnung dieses Theaters
im Jahre 1862 die Oper
BEATRICE und BENEDICT
componirte und dirigirte.
an seinem Geburtstage
zum Gedächtnis errichtet
von der
STADT BADEN BADEN

[Au compositeur / HECTOR BERLIOZ / né le 11 décembre 1803 mort le 8 mars 1869 / qui a souvent séjourné avec plaisir à Bade / et qui pour l’ouverture de ce théâtre / composa et dirigea / en 1862 l’opéra / BÉATRICE ET BÉNÉDICT / le jour de son anniversaire / à sa mémoire (cette plaque) fut érigée / par la / VILLE DE BADE]

Nous remercions vivement M. Hervé Levy de nous avoir envoyé les deux photos modernes ci-dessus.

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Voir aussi sur ce site:

Berlioz à Plombières

Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997;Page Berlioz à Bade créée le 15 octobre 2007; mise à jour le 1er novembre 2007 et le 18 avril 2016. Révision le 1er février 2024.

Avertissement: Tous droits de publication et de reproduction des textes, photos, images, et partitions musicales sur l’ensemble de ce site, y compris leur utilisation sur Internet, sont réservés pour tous pays. Toute mise en réseau, toute rediffusion, sous quelque forme, même partielle, est donc interdite.

© 2007 Hervé Levy pour les photos du théâtre de Bade en 2007
© 2007 Pepijn van Doesburg pour la photo moderne du Salon de Conversation
© (sauf indication contraire) Michel Austin et Monir Tayeb

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