Découverte
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La découverte de Weber par Berlioz a une date précise, le 7 décembre 1824: ce jour-là a lieu la première exécution au théâtre de l’Odéon d’une version française du Freischütz de Weber. L’ouvrage avait connu un succès foudroyant en Allemagne dès sa première représentation à Berlin en juin 1821. Mais ce que Berlioz entend à Paris n’est pas l’opéra tel que Weber l’avait composé, mais un pastiche librement adapté à partir de l’original, sous le nom de Robin des Bois, par le compositeur et critique Henri Castil-Blaze (1784-1857). Castil-Blaze avait pour spécialité d’‘arranger’ les œuvres lyriques d’autres compositeurs, pour assurer leur succès et en même temps pour son plus grand profit (il fait subir le même traitement à la Flûte enchantée de Mozart sous le nom Les Mystères d’Isis). Ironie du sort: ce même Castil-Blaze se trouve être le prédécesseur de Berlioz au Journal des Débats et le fier fondateur du feuilleton musical de ce journal, dont Berlioz héritera quelques années plus tard pour le rendre célèbre (le premier feuilleton de Castil-Blaze porte la date du 7 décembre 1820, et il continue dans son poste jusqu’à 1833). Au départ Castil-Blaze se montrait bienveillant envers le jeune compositeur, mais les mutilations qu’il fait subir au chef-d’œuvre de Weber le condamne à jamais pour Berlioz, qui le fustige sans ménagement dans ses écrits et ruine sa réputation pour la postérité (Mémoires chapitre 16; Débats 15 août 1843, 27 octobre 1849).
Malgré ses mutilations l’ouvrage n’en fait pas moins une impression profonde sur Berlioz, qui s’empresse d’assister à de nombreuses exécutions pendant 1825. C’est pour lui la révélation d’un monde inconnu jusqu’alors; sa principale expérience de la grande musique avait été les opéras de Gluck et Spontini à l’Opéra (Mémoires, chapitre 16):
[…] Ce nouveau style, contre lequel mon culte intolérant et exclusif pour les grands classiques m’avait d’abord prévenu, me causa des surprises et des ravissements extrêmes, malgré l’exécution incomplète ou grossière qui en altérait les contours. Toute bouleversée qu’elle fût, il s’exhalait de cette partition un arôme sauvage dont la délicieuse fraîcheur m’enivrait. Un peu fatigué, je l’avoue, des allures solennelles de la muse tragique, les mouvements rapides, parfois d’une gracieuse brusquerie, de la nymphe des bois, ses attitudes rêveuses, sa naïve et virginale passion, son chaste sourire, sa mélancolie, m’inondèrent d’un torrent de sensations jusqu’ alors inconnues. […]
Il ressort d’un article plus tardif de Berlioz (Débats 23 avril 1858) qu’outre les exécutions du Freischütz mutilé à l’Odéon, ce théâtre donne aussi en 1825 et 1826 une série de représentations d’un autre opéra de Weber, Preciosa: Berlioz assiste à une dizaine de ces exécutions, dont il ne dit rien dans ses Mémoires. Il est maintenant à la recherche de tout ce qui est signé Weber, et suivant sa méthode il étudie toutes les partitions qu’il peut se procurer. Dans une lettre du 1er novembre à sa sœur Nancy (CG no. 100) on le voit en compagnie de Louis Schloesser, un jeune ami allemand qui avait connu Weber, jouer et chanter par cœur à son maître Lesueur des airs du Freischütz, d’Obéron et d’Euryanthe. Dans la même lettre il envoie à sa sœur une valse ‘ravissante de grâce et de fraîcheur’ de Weber, qu’il décrit en détail. Il ressort de cette lettre qu’outre les opéras de Weber, Berlioz s’intéresse aussi à sa musique instrumentale. Quand en 1830 il s’éprend de la pianiste Camille Moke, elle lui joue souvent des pièces pour piano de Weber et Beethoven (CG nos. 168, 169, 172, 173). L’année suivante, au cours d’un passage à Florence pendant son voyage en Italie, une lettre le montre essayant d’acheter de la musique de Weber chez un libraire, mais il est déçu de constater que le libraire n’a jamais entendu parler de Weber... (CG no. 216, 12 avril 1831).
Auparavant une possibilité bien fugace s’était offerte à Berlioz de rencontrer son nouveau héros, lors du passage de Weber à Paris en février 1826 en route pour Londres, où il allait diriger l’exécution de son dernier opéra Obéron. Mais au grand regret de Berlioz les deux hommes se manquent de très peu, et l’occasion ne se représentera plus: Weber, qui souffrait depuis longtemps d’une faible santé, meurt le 5 juin la même année à Londres, et sa mort prématurée sera vivement ressentie par Berlioz (Mémoires, chapitre 16).
La découverte de Beethoven par Berlioz vient vers la fin de 1827, plus de deux ans après son adhésion à Weber. À partir de 1828 les deux compositeurs sont souvent associés dans l’esprit de Berlioz. Par exemple, dans un articles intitulé ‘Aperçu sur la musique classique et la musique romantique’ publié dans Le Correspondant du 22 octobre 1830 (Critique Musicale I, 63-68), il attribue à Weber et Beethoven le mérite d’avoir introduit en France ce qu’il appelle le genre instrumental expressif, auparavant inconnu:
La musique instrumentale des anciens auteurs, semble n’avoir eu d’autre but que de plaire à l’oreille ou d’intéresser l’esprit […] mais dans les compositions de Beethoven et de Weber, on reconnaît une pensée poétique qui se manifeste partout. C’est la musique livrée à elle-même, sans le secours de la parole pour en préciser l’expression; son language devient alors extrêmement vague et par là même acquiert encore plus de puissance sur les êtres doués d’imagination. […] De là les effets extraordinaires, les sensations étranges, les émotions inexprimables que produisent les symphonies, les quatuors, ouvertures, sonates de Weber et de Beethoven. […]
L’association de Beethoven et Weber est fréquente dans les lettres de Berlioz à cette époque. Par exemple, dans une lettre à son père du 29 mai 1828 il écrit (CG no. 91):
J’évite en général comme la peste ces lieux communs que tous les compositeurs (excepté Weber et Beethoven) mettent à la fin de leurs morceaux; c’est une espèce de charlatanisme qui veut dire: « Préparez-vous à applaudir, ça va être fini; » et rien à mes yeux n’est plus pitoyable que ces phrases banales et de convention qui font que toutes les musiques se ressemblent.
Par la suite Berlioz continuera à associer le nom des deux grands compositeurs allemands. À la fin d’un article il nomme Beethoven et Weber ensemble (Débats 21 juillet 1835: ‘Ce sont nos empereurs à nous autres musiciens, et nous n’aimons pas non plus à les voir travestis ou mutilés, ni traînés sur des tréteaux comme des saltimbanques’. Pour Berlioz ils partagent plusieurs traits en commun: leur maîtrise de l’orchestre (voir le Traité d’instrumentation et la liste de passages cités), leur originalité dans l’emploi du rythme comme moyen d’expression musicale, la puissance et l’originalité de leurs ouvertures (Débats 27 septembre 1835, 8 mars 1859). D’un autre côté Berlioz a pris conscience des différences entre eux: dans son ensemble la musique de piano de Weber ne peut se mesurer à celle de Beethoven, sa musique de chambre a moins d’ampleur (il n’a jamais écrit de quatuors), et il n’est jamais devenu un grand symphoniste: dans un compte-rendu d’une des deux symphonies de Weber Berlioz souligne à dessein que par rapport au meilleur de Weber elle laissait bien à désirer (Débats 23 juin 1835).
Dans les concerts de Berlioz la musique de Weber figure assez souvent, tout au long de sa carrière de chef d’orchestre jusqu’à ses derniers concerts à St Pétersbourg en 1867 et 1868. Les œuvres qu’il joue sont pour la plupart des morceaux de peu d’étendue, tirés du répertoire courant des concerts de l’époque, mais il lui arrive parfois d’inclure des œuvres moins connues. Berlioz critiquait parfois le répertoire de la Société des concerts du Conservatoire le jugeant trop restreint, et proposait des œuvres qui selon lui méritaient d’être entendues; dans un de ces articles il cite entre autres plusieurs œuvres de Weber (Débats 5 février 1847). Voici une liste des titres de Weber qui ont figuré dans ses concerts:
Tous ces morceaux étaient relativement courts, ce qui était sans doute inévitable: les grandes l de Weber étaient des opéras, et Berlioz n’a jamais été en mesure de les diriger lui-même dans un théâtre lyrique (son poste de chef d’orchestre au théâtre de Drury Lane à Londres en 1847-1848 n’a été que de courte durée). Mais un cas special se presente en 1841 quand l’Opéra décide de monter Der Freischütz dans une traduction française (voir le récit de Berlioz de cet épisode dans ses Mémoires chapitre 52, mais il date par erreur l’événement d’après son premier voyage en Allemagne de 1842-1843). Les représentations de l’ouvrage à Paris dans la version d’origine en allemand étaient rares: elles dépendaient de troupes allemandes en visite, ce qui arriva pour Der Freischütz en juin 1829 (Critique Musicale I pp. 23-31) et de nouveau en avril 1842 (Débats 26 avril 1842). Mais la représentation de l’ouvrage en français posait un problème pratique: l’original comprenait des dialogues parlés, ce qui était interdit à l’Opéra de Paris, et il fallait donc lui fournir des récitatifs. Berlioz, le meilleur connaisseur de Weber en France à l’époque, accepte donc de s’en charger lui-même plutôt que de laisser la tâche à quelqu’un de moins qualifié, mais à la stricte condition que l’ouvrage serait exécuté intégralement et sans coupures ou modifications. De plus, comme les habitudes de l’Opéra exigeaient que tout opéra comporte un ballet, Berlioz instrumente pour la circonstance un morceau pour piano de Weber, l’Invitation à la valse, qui deviendra populaire par la suite populaire: Berlioz le dirige souvent dans ses propres concerts (voir ci-dessus), et le morceau sera plus tard repris avec succès par les grandes sociétés de concert à Paris, notamment celles de Pasdeloup et après lui Colonne. Pasdeloup, cependant, est à l’origine d’une mauvaise habitude qui va se perpétuer, celle d’omettre l’andante final pour terminer le morceau bruyamment, à la grande fureur de Berlioz (CG nos. 2581, 3072; cf. aussi Débats 12 novembre 1861).
Berlioz consacre un article dans les Débats (13 juin 1841) pour présenter l’œuvre et sa nouvelle mise en scène, mais il s’abstient à dessein de parler de son travail pour les récitatifs,ß et aussi de l’addition de l’Invitation à la valse. Les représentations de 1841 réussissent auprès du public, mais sont critiquées à l’époque par Richard Wagner; la mise en scène est reprise en 1850 (voir Débats, 13 avril 1850), mais aura une suite malencontreuse pour Berlioz. En 1853 un comte polonais, Tadeusz Tyzkiewicz, intente procès à l’Opéra de Paris pour avoir mis en scène une version mutilée du Freischütz; il perd son procès, mais Berlioz se voit injustement accusé d’être responsable de coupures faites par l’Opéra. Il publie une lettre à sa défense dans la presse parisienne (voir Débats, 22 décembre 1853), mais la presse allemande s’empare aussi de la controverse, au grand dépit de Berlioz (CG nos. 1682, 1684, 1685).
Le nom de Weber se lit dans plus d’un tiers des presque 400 articles écrits par Berlioz pour le Journal des Débats entre 1835 et 1863. Dans les passages où Berlioz parle plus longuement de Weber c’est généralement en rapport avec des exécutions de ses œuvres à Paris (il n’écrit pas de biographie de Weber, alors qu’il le fait pour ses autres idoles Gluck, Spontini et Beethoven). Pour la commodité du lecteur on groupera ici les principales références en rapport avec les ouvrages traités par Berlioz. Sur Der Freischütz voir Débats 13 juin 1841, 26 avril 1842, 13 avril 1850 et 22 décembre 1853. Sur Oberon voir Débats 12 février 1835, 24 août 1847, 6 mars 1857, 24 October 1857 et 14 mai 1863. Sur Euryanthe voir Débats 22 mars 1835 et 8 septembre 1857. Sur Preciosa voir Débats 31 mai 1842 et 23 avril 1858. Sur Abu Hassan voir Débats 19 mai 1859. Sur le Konzertstück pour piano et orchestre voir Débats 14 février 1841, 7 janvier 1849 et 5 février 1850. Sur le Concerto pour piano voir Débats 4 mars 1845. Sur la Sonate pour clarinette et piano voir Débats 4 mars 1863.
Berlioz reprendra plusieurs de ses articles sur Weber dans ses livres: voir les Soirées de l’orchestre (quatrième et dix-huitième soirées) et surtout À Travers chants (chapitre 15, chapitre 16, chapitre 17).
Weber est parmi ses prédécesseurs celui qui était sans doute le plus proche par l’esprit et le style de Berlioz lui-même, dont il est le devancier dans plus de domaines que Berlioz ne se doutait peut-être. Il avait innové notamment dans la direction d’orchestre et la mise-en-scène à l’opéra, et avait utilisé ses talents d’écrivain pour développer ses idées sur la musique. Berlioz connaissait les prouesses chef d’orchestre de Weber (Débats 30 septembre 1838); lors de son passage à Dresde en 1843 il est très conscient des liens de Weber avec le théâtre de Dresde, et choqué que personne ne lui dise que la famille de Weber vivait toujours dans la ville (Débats 12 septembre 1843). Mais Berlioz ne savait pas l’allemand et n’a donc peut-être pas pu saisir entièrement l’apport de Weber à l’histoire de la musique. On peut émettre l’hypothèse que la mort prématurée de Weber à l’âge de quarante ans a privé son pays d’un Berlioz allemand avant Berlioz lui-même, et les conséquences possibles de la rencontre qui n’eut pas lieu entre les deux hommes en 1826 laissent le champ ouvert à bien des suppositions. Virtuose de l’orchestre plus que tous ses prédécesseurs, sans excepter Beethoven, Weber a pu guider Berlioz dans cette voie, comme Berlioz le reconnaît lui-même dans son Traité d’instrumentation, dans ses Mémoires (chapitre 13) et ailleurs: ‘l’orchestre de Weber [est] un orchestre à part, s’éloignant presque autant de l’orchestre de Beethoven que de celui de Rossini’ (Débats, 23 juin 1835; Critique musicale II p. 194). Si l’on compare la partition de la Messe solennelle de 1824-5, où l’instrumentation est encore peu caractérisée, avec l’ouverture des Francs-Juges de l’automne de 1826, on peut mesurer le chemin déjà parcouru. On peut parler aussi d’une certaine affinité de tempérament: fougue, audace, style plein de vitalité, vivacité du sentiment, souci de variété et de contraste, sens du coloris, tous ces traits de Weber font souvent penser à Berlioz. On pourrait multiplier les comparaisons entre Weber et Berlioz. La scène au bord de l’Elbe dans la IIème partie de la Damnation de Faust renvoie au monde féérique d’Obéron, dans la même tonalité (ré majeur) que l’ouverture de l’opéra; le monde d’Obéron se retrouve de même dans l’ouverture sur la Tempête inspirée de Shakespeare, et dans le scherzo de la Reine Mab dans Roméo et Juliette. Le Sanctus du Requiem rappelle souvent de manière frappante la prière de Huon au deuxième Acte d’Obéron (’Vater! Hör’ mich flehn zu dir!’ — nous remercions John Ahouse d’avoir attiré notre attention sur cet exemple). L’adieu de Didon à Carthage au Vème Acte des Troyens (‘Adieu, fière cité’) fait penser à la cavatine d’Euryanthe au IIIème de l’opéra qui porte son nom (‘Hier dicht am Quell’); les deux arias, dans la même tonalité de la bémol, sont comparables par l’élévation et la retenue du sentiment. Les ouvertures de Benvenuto Cellini et de Béatrice et Bénédict sont construites à partir de thèmes des deux opéras, tout comme les ouvertures du Freischütz, d’Euryanthe et d’Obéron. Les traits brillants des cordes dans l’ouverture du Corsaire font penser aux ouvertures du Freischütz et d’Obéron. Berlioz, qui cherchait constamment à se renouveler, devait aussi sans doute apprécier la prouesse de Weber en réussissant deux chefs-d’œuvre d’un caractère si différent (Mémoires, chapitre 16 — mais il est surprenant qu’il ne cite pas Euryanthe, dont il avait rendu compte en détail dans les Débats du 8 septembre 1857):
Si la différence fut grande entre la destinée de cette partition merveilleuse [Obéron] et le sort de son aîné, le Freyschütz, ce n’est pas qu’il y ait rien de vulgaire dans la physionomie de l’heureux élu de la popularité, rien de mesquin dans ses formes, rien de faux dans son éclat, rien d’ampoulé ni d’emphatique dans son langage; l’auteur n’a jamais fait, ni dans l’un ni dans l’autre, la moindre concession aux puériles exigences de la mode, à celles plus impérieuses encore des grands orgueils chantants. Il fut aussi simplement vrai, aussi fièrement original, aussi ennemi des formules, aussi digne en face du public, dont il ne voulait acheter les applaudissements par aucune lâche condescendance, aussi grand dans le Freyschütz que dans Obéron. Mais la poésie du premier est pleine de mouvement, de passion et de contrastes. Le surnaturel y amène des effets étranges et violents. La mélodie, l’harmonie et le rythme combinés tonnent, brûlent et éclairent; tout concourt à éveiller l’attention. Les personnages, en outre, pris dans la vie commune, trouvent de plus nombreuses sympathies; la peinture de leurs sentiments, le tableau de leurs mœurs, motivent aussi l’emploi d’un moins haut style, qui, ravivé par un travail exquis, acquiert un charme irrésistible, même pour les esprits dédaigneux de jouets sonores, et ainsi paré, semble à la foule l’idéal de l’art, le prodige de l’invention.
Dans Obéron, au contraire, bien que les passions humaines y jouent un grand rôle, le fantastique domine encore; mais le fantastique gracieux, calme, frais. Au lieu de monstres, d’apparitions horribles, ce sont des chœurs d’esprits aériens, des sylphes, des fées, des ondines. Et la langue de ce peuple au doux sourire, langue à part, qui emprunte à l’harmonie son charme principal, dont la mélodie est capricieusement vague, dont le rythme imprévu, voilé, devient souvent difficile à saisir, est d’autant moins intelligible pour la foule que ses finesses ne peuvent être senties, même des musiciens, sans une attention extrême unie à une grande vivacité d’imagination.
On pourrait aussi émettre l’hypothèse que Weber aurait transmis en partie l’esprit de Beethoven à Berlioz avant même que Berlioz ne fasse lui-même la découverte du maître allemand. L’un des premiers de ses contemporains à avoir compris dans une certaine mesure le génie de son aîné, Weber admirait Fidelio qu’il fit jouer à Prague en 1814 et à nouveau à Dresde en 1823. Le monde de Weber n’est certes pas celui de Beethoven: le surnaturel, que Beethoven avait en général tenu à l’écart, joue un rôle de premier plan dans le Freischütz. Mais il y a bien des traces de Fidelio et d’autres œuvres de Beethoven dans l’opéra de Weber et aussi dans Euryanthe. Dans l’ouverture les développments orageux en ut mineur font penser par exemple aux premier et troisième mouvements de la 5ème symphonie ou à l’ouverture de Coriolan, et la conclusion triomphante en ut majeur rappelle le finale de cette même symphonie, les ouvertures de Léonore, et le finale de Fidelio. Les sinistres septièmes diminuées dans l’adagio de l’ouverture et vers la fin de l’allegro trouvent leur parallèle dans le prélude au IIème Acte de Fidelio (voyez la partie des timbales dans les deux œuvres).
Malgré ses dettes envers Weber et d’autres, Berlioz reste cependant toujours lui-même; il retient dans l’œuvre de ses prédécesseurs ce qui est le plus proche de son propre tempérament. On pourrait comparer l’influence bien différente de Weber sur Berlioz et sur Wagner. Pour ne citer qu’un exemple, on peut rapprocher la sonorité veloutée de l’orchestre wagnérien, où les cors jouent un rôle de fond, de l’adagio de l’ouverture du Freischütz avec ses quatre cors: mais c’est une sonorité qu’on ne retrouve pas dans l’orchestre beaucoup plus limpide de Berlioz où la clarté du tracé prend le pas sur la richesse et la densité du son.
Weber se voyait l’apôtre d’un nouveau style de musique nationale: il cherchait à créér une tradition d’opéra germanique par opposition aux influences italiennes qui balayaient alors l’Europe musicale de son temps. Berlioz par la suite va aussi combattre les influences italiennes (tout en y étant sensible, comme l’atteste l’ouverture de Waverley de 1827 ainsi que certaines parties de Benvenuto Cellini de 1838). Mais tout en admirant les vieux maitres français tels que Grétry ou Méhul, il ne s’est jamais présenté comme le porte-étendard de la musique française, et appartenait plutôt à la tradition ‘internationale’ de Gluck. À l’encontre de Debussy plus tard, Berlioz n’aurait jamais songé à se présenter comme ‘musicien français’. Ne s’est-il pas appelé lui-même un jour ‘musicien aux trois-quarts Allemand’ ?
Un *astérisque indique que la partition est citée par Berlioz dans son Traité d’instrumentation
Ouverture de Jubel (durée 8'17")
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(fichier créé le 1.7.2004)
— Partition en format pdf*Ouverture Der Freischütz (durée 8'42")
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(fichier créé le 11.12.2002)
— Partition en format pdfDer Freischütz, Valse, Acte I (durée 1'42")
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(fichier créé le 22.2.2003)
— Partition en format pdfDer Freischütz, Entr’acte au IIIème Acte (durée 1'55")
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(fichier créé le 22.2.2003)
— Partition en format pdfOuverture, Euryanthe (durée 7'30")
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(fichier créé le 1.4.2004)
— Partition en format pdf*Ouverture Obéron (durée 8'42")
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(fichier créé le 25.12.2002)
— Partition en format pdfObéron, Acte II Ballet (durée 48")
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(fichier créé le 1.2.2003)
— Partition en format pdfObéron, Acte III Marche (durée 3'23")
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(fichier créé le 1.2.2003)
— Partition en format pdfWeber: L’Invitation à la valse, orch. Berlioz (durée 9'21")
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(fichier créé le 25.09.2001)
— Partition en format pdfWeber: L’Invitation à la valse, version originale pour le piano (durée 9'21")
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(fichier créé le 10.10.2001)
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Ouverture de Jubel
Composée en 1818, cette brillante ouverture ressemble dans son allegro principal à l’ouverture de Fidelio de Beethoven, œuvre que Weber admirait particulièrement; les deux ouvertures sont dans la même tonalité de mi majeur. À la fin de l’ouverture Weber réutilise son orchestration du God save the king qu’il avait introduite dans sa cantate Kampf und Sieg (Bataille et victoire), écrite en 1815 sous l’impression de la Bataille de Waterloo. L’une des œuvres moins connues de Weber, l’ouverture est néanmoins digne de son auteur et mérite d’être jouée plus souvent. C’était d’ailleurs l’opinion de Berlioz lui-même. Après un concert au Conservatoire il écrit dans la Revue et gazette musicale (12 mars 1837; Critique musicale III p. 75-6):
L’ouverture d’Euryanthe terminait la séance; pourquoi donc n’a-t-on pas encore donné celle de Jubel, si digne de prendre rang à côté des trois autres ouvertures de Weber qu’on exécute habituellement au Conservatoire? Nous l’avons entendue l’année dernière chez Musard [sans doute au Concert Musard le 15 et 26 mars 1836], où elle produisait le plus grand effet; la Société des concerts devrait-elle ainsi rester en arrière?
À propos de l’hymne God save the king on se souviendra que Berlioz eut un moment l’intention de le mettre en musique lui-même. Dans une lettre à son père juste après son arrivée à Londres, où l’impresario Jullien l’avait invité à diriger au théâtre de Drury Lane, Berlioz écrit (7 novembre 1847; CG no. 1134):
Je vais m’occuper maintenant d’écrire un morceau sur le thème du God Save the Queen pour le jour de l’ouverture du théâtre. Je n’y avais pas songé, mais Jullien, qui a l’œil et l’oreille à tout, voudrait me voir reproduire ici la scène des Hongrois de Pesth, en attaquant de la même façon la corde sensible de la lyre nationale anglaise. D’ailleurs il est d’usage que ce chant célèbre figure dans toutes les grandes cérémonies de cette nature.
En fait le projet n’eut pas de suite. Une raison qu’on pourrait avancer est tout simplement que Weber ayant déjà utilisé l’hymne avec bonheur dans son ouverture de Jubel Berlioz ne voulait pas répéter ce que son prédecesseur avait déjà fait. Mais Berlioz inclut l’ouverture à la fin de son dernier concert à Exeter Hall à Londres en 1852: le concert se termine donc comme il le faut avec l’hymne national (voir ci-dessus).
La partition ne comporte pas d’indications de métronome. Les mouvements ont été établis comme suit. Adagio, noire = 60; presto assai, blanche = 108; andante, noire = 66.
Der Freischütz
Ouverture
Cette magnifique ouverture avait toujours grand succès auprès du public parisien; Berlioz l’admirait beaucoup et l’inscrivit plusieurs fois au programme de ses concerts, à Paris et à l’étranger (Londres en 1852, Moscou en 1867-8). Il la cite aussi dans son Traité d’instrumentation, au chapitre sur la clarinette.
La partition ne comporte pas d’indications de métronome. Dans cette version les mouvements on été fixé comme suit: adagio, noire = 50, puis noire = 56 à partir de la mesure 25; molto vivace, blanche = 104 (sans ralentir pour le second sujet).
Valse, Ier Acte
Le mouvement a été fixé à blanche pointée = 50.
Entr’acte au IIIème Acte
Le mouvement a été fixé à noire = 100. Note: par suite d’un bogue dans le logiciel on a dû omettre les notes d’agrément aux parties de flûte et de premier violon aux mesures 85-88.
Euryanthe
Ouverture
Tout comme pour les deux autres grands opéras de Weber, Der Freischütz et Obéron, Berlioz admirait l’ouverture d’Euryanthe: on peut sans doute y reconnaître l’influence au début de l’ouverture de Benvenuto Cellini. Mais l’opéra – un grand chef d’œuvre encore trop peu connu – ne semble pas avoir retenu l’attention de Berlioz au même degré que les deux autres (voyez la citation ci-dessus où il oppose le Freischütz et Obéron, mais sans citer Euryanthe) – alors qu’il eut une influence majeure sur Wagner, qui en appréciait le chromatisme, tout comme Richard Strauss plus tard (on peut par exemple rapprocher le poème symphonique Don Juan de l’ouverture d’Euryanthe).
Pour cette ouverture, Weber donne des indications de métronome et de tempo, mais elles font parfois difficulté. Aucun ralentissement n’est indiqué pour le second sujet (mesures 60 et 225) par rapport au mouvement initial très rapide (blanche = 92), mais il semble difficile à éviter; ici on a fixé le second sujet à blanche = 76, ce qui suppose en outre un ralentissement du mouvement pour parvenir au second sujet, suivi d’une accélération pour revenir ensuite au mouvement initial. Le développement marqué Tempo I assai moderato (mesure 144) porte l’indication blanche = 88, à peine plus lent que le mouvement initial. Ici on l’a fixé à blanche = 76. Jouée ainsi l’ouverture est néanmoins sensiblement plus rapide que dans bien des exécutions modernes.
Obéron
Ouverture
L’ouverture d’Obéron ne le cédait en rien à la popularité de l’ouverture du Freischütz, et Berlioz la dirigea plusieurs fois au cours de sa carrière, à Paris et à l’étranger (voir ci-dessus). À la fin d’un de ses feuilletons il donne une description enthousiaste de l’ouverture (Débats 12 février 1835). Il la cite également dans son Traité d’instrumentation, au chapitre sur le violoncelle.
La partition ne comporte pas d’indications de métronome. Dans cette version les mouvements on été fixé comme suit: adagio sostenuto, noire = 40, puis noire = 48 à partir de la mesure 10; allegro con fuoco, noire = 120 (sans ralentir pour le second sujet).
Acte II Ballet: le mouvement a été fixé à noire = 80
Acte III Marche: le mouvement a été fixé à noire = 104
L’Invitation à la valse
Voyez le commentaire dans la page Partitions de Berlioz
Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet
1997.
Page Berlioz et Weber créée le 11 décembre 2002. Version revue et augmentée le 1er juillet 2021.
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