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Berlioz a Vienne

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Lettres de la famille du compositeur au Musée Hector-Berlioz (comprend 122 lettres d’Adèle Suat, 4 de Marc Suat, 10 de Joséphine Suat, et 17 de Nancy Suat)

    Berlioz fit plusieurs voyages à Vienne près de Lyon, et toujours pour des raisons de famille: c’est là qu’habitait sa sœur cadette Adèle et sa famille. En 1839 Adèle avait épousé Marc Suat, un notaire à Saint-Chamond, et ils eurent deux enfants, Joséphine et Nancy (que Berlioz appellait Nanci). En 1845 la famille alla s’installer à Vienne; ils logeaient dans un appartement en ville, et avaient aussi une très gracieuse villa à Estressin pas loin de Vienne.

    Adèle était la sœur préférée de Berlioz, et ne cessa jamais de le soutenir et de l’accepter pour ce qu’il était. Plus qu’une sœur cadette, Adèle était pour lui une ‘amie intime’. Seule de sa famille elle ne fit jamais objection à la volonté de son frère d’épouser une actrice, Harriet Smithson. Après leur mariage elle continuera à correspondre tant avec Harriet qu’avec son frère. Louis, fils unique de Berlioz, naquit le 15 août 1834 à Montmartre; il fut baptisé le 23 août de l’année suivante, et c’est à Adèle que Berlioz fait part de la nouvelle dans une lettre datée du 23 septembre (Correspondance générale, no. 409, ci-après abrégé CG):

[…] D’abord, sois tranquille, notre garçon est baptisé. Il ne s’appelle pas Hercule, Jean-Baptiste, César, Alexandre, Magloire, mais Louis tout simplement. […] Il est charmant, très fort, des yeux bleus superbes, une petite fossette imperceptible au menton, des cheveux d’un blond un peu ardent comme je les avais dans mon enfance, un petit cartilage pointu aux oreilles comme ceux que j’ai, et le bas du visage un peu court. Voilà tous ses points de ressemblance avec son père; malheureusement, il n’a absolument rien de sa mère. Henriette en est plus folle que folle. […]

    Adèle est l’une des quelques membres de la famille de Berlioz à lui rendre visite à Paris; au cours de son voyage de noces elle se rend dans la capitale avec son mari en mai 1839; Berlioz leur fait visiter la ville et les emmène chez Alfred de Vigny pour prendre le thé (CG nos. 651, 709).

    L’affection de Berlioz pour sa sœur cadette s’étend aux deux filles d’Adèle; il est plus proche d’elles qu’il n’est de Mathilde, la fille de sa sœur aînée Nanci, et c’est à elles qu’il dédie la première partie de l’Enfance du Christ. De même Berlioz est plus proche de Marc Suat que de Camille Pal, le mari de Nanci.

    La mort d’Adèle dans les premiers jours de mars 1860 d’une maladie cardiaque à l’âge de 45 ans est un choc terrible pour Berlioz, comme il l’écrit à son ami Auguste Morel le 9 mars (CG no. 2487):

Je reçois une bonne nouvelle aujourd’hui, j’en recevais une terrible il y a trois jours. Votre ouvrage vient d’obtenir un brillant succès et … ma sœur est morte.
Nous nous aimions comme deux jumeaux. C’était une amie intime. J’avais fait la semaine dernière le voyage de Vienne pour la voir encore une fois, et j’étais reparti sur l’assurance donnée par un célèbre médecin de Lyon que la convalescence allait commencer.
Vous dire le déchirement de cœur que me cause cette perte est impossible. […] Louis est à Vienne auprès de ses cousines et de son oncle. Il a supporté seul le poids de toutes ces atroces douleurs. […]

    Le prochain voyage de Berlioz à Vienne a lieu en 1864 (du 4 au 18 septembre); il le raconte dans la dernière partie de ses Mémoires:

La semaine suivante mon fils dut me quitter, son congé expirait. — Je me sentis pris alors d’un vif désir de revoir Vienne, Grenoble, et surtout Meylan, et mes nièces et... quelqu’un encore [Estelle Fornier], si je pouvais découvrir son adresse. Je partis. Mon beau-frère Suat et ses deux filles, que j’avais prévenus la veille, me reçurent au débarcadère du chemin de fer de Vienne et me conduisirent bientôt après à Estressin, campagne peu éloignée de la ville, où ils vont passer trois ou quatre mois tous les étés. C’était une grande joie pour ces charmantes enfants, dont l’une a dix-neuf ans et l’autre vingt et un; joie qui fut un peu troublée, au moment où, entrant dans le salon de la maison de Vienne, j’aperçus le portrait de leur mère, ma sœur Adèle, morte quatre ans auparavant. Mon saisissement fut grand et douloureux. Pour elles et leur père, ce fut avec un pénible étonnement qu’ils en furent témoins. Ce salon, ces meubles, ce portrait, étaient depuis longtemps sous leurs yeux chaque jour; l’habitude, hélas! avait déjà émoussé pour eux les traits du souvenir, le temps avait agi... Pauvre Adèle! quel cœur! son indulgence était si complète et si tendre pour les aspérités de mon caractère, pour mes caprices même les plus puérils!... Un matin, à mon retour d’Italie [en 1832], nous nous trouvions réunis en famille à La Côte Saint-André; il pleuvait à verse; je dis à ma sœur :

« — Adèle, veux-tu venir te promener ?
— Volontiers, cher ami; attends-moi, je vais mettre des galoches.
— Mais voyez donc, dit ma sœur aînée, ces deux fous; ils sont capables d’aller, comme ils le disent, patauger dans la campagne par un pareil temps. »

En effet, je pris un grand parapluie, et, sans tenir compte des railleries de tous, nous descendîmes Adèle et moi, dans la plaine, où nous fimes près de deux lieues, serrés l’un contre l’autre sous le parapluie, sans dire un mot. Nous nous aimions.

Je passai quinze jours assez tranquilles avec mes nièces et leur père, dans cette solitude d’Estressin.

    Le mari d’Adèle meurt en 1869 et sera enterré dans la même tombe qu’elle au vieux Cimetière du Pipet.

    Après la mort d’Adèle Berlioz continue à entretenir des rapports étroits avec Marc Suat et ses deux nièces; il leur écrit souvent et leur rend visite de temps en temps à Vienne; en 1861 il les invite à assister à un des concerts qu’il donne chaque année à Bade (CG nos. 2562, 2575).

    Voici par exemple une des nombreuses lettres de Berlioz à Joséphine et Nancy, datée du 9 décembre 1865 (CG no. 3071):

Eh bien, c’est gentil ! voilà comment vous traitez votre uncle ! Vous le laissez trois ou quatre semaines sans lui écrire un mot ! un traître mot ! Car, en fait de sincérité, je ne vous en ai jamais crues coupables. Je ne sais ni ce que vous brodez, ne ce que vous grattez, ni ce qui se passe sur la place de la Halle, ni ce qui se dit dans votre salon, ni ce que vous étudiez à quatre mains, ni comment se porte votre père, ni ce que vous lisez, ni le degré du baromètre de l’ennui, ni ce que vous cuit Victoire, ni rien.

Ah ! les nièces d’aujourd’hui ne valent pas les nièces d’autrefois, les nièces du bon vieux temps ; car je suis du bon vieux temps, moi ; et je m’en fais gloire, et il faut que je sois d’une construction solide pour avoir résisté pendant tant d’années à tant de chagrins, à tant d’efforts, à tant de mensonges de toute espèce….. Car vous saurez, chères nièces, charmantes beccassines, vilaines bien aimées, que c’est après-demain le 11 décembre, que ce jour-là j’aurais le malheur d’avoir soixante-deux ans, et que vous ne m’aurez écrit une ligne pour me souhaiter une bonne fête, et que c’est moi qui vous aurez [sic] embrassées le premier, au moment où vous vous y attendiez le moins, moi qui vous aurai coupé l’herbe sous le pied… Il est vrai que je vous ai priées, une fois pour toutes, de ne jamais m’envoyer de lettres de cette espèce, ni de lettres du jour de l’an. Je ne les aime pas plus que les toasts que l’on me porte dans les banquets où l’on avale des discours. Ce sont des préjugés que j’ai (Jolie euphonie !). Chacun a les siens. Je déteste les usages, les coutumes, les habitudes. En conséquence je vous remercie sérieusement de ne m’avoir pas écrit pour ma fête ; je trouve cela bête. Voyez comme ces deux mots riment bien ensemble. Je vous embrasse donc tendrement, violemment, paternellement, amicalement, poétiquement, bien plus, musicalement. Je ne souffre pas ce soir, et je profite de ce temps d’arrêt pour vous écrire; demain je ne pourrais vous dire que d’assommantes choses; les douleurs revenues, j’aurai le cœur sec comme un vieux morceau de bois de construction….. bonsoir, Joséphine, bonsoir Nanci, donnez-moi vos quatre mains, puisque quatre mains il y a, et vos quatre joues, et vos quatre-z-yeux. A la bonne heure, je vous envoie mes plus douces bénédictions. Quoique je sache fort bien que vous allez dire, l’instar de Robert Macaire : « Comme cet oncle-là bénit bien ! »

Avez-vous toujours peur du choléra ? il a été bien paresseux cette fois. Il y a encore un terrible nombre de gredins et d’imbéciles dont il aurait put et dû nous débarrasser. Enfin, patience ! il faut prendre les hommes pour ce qu’ils sont et le choléra pour ce qu’il vaut.

Louis est au Mexique, et l’Empereur Maximilien aussi ; et je suis sûr que ce n’est pas Louis qui a le plus de soucis.

Adieu mes jolies nièces, mes cœurs d’or, mes diamants sans pailles ! Quand je songe que je puis dire : MES ! c’est pourtant vrai !

H. BERLIOZ

    Le dernier voyage de Berlioz à Vienne a lieu en 1867, du 11 août environ au 14 septembre. Berlioz avait été invité à assister au mariage de Joséphine Suat à Marc Antoine Auguste Chapot, officier dans l’armée française. Berlioz est un de leurs témoins au mariage qui a lieu le 10 septembre CG no. 3271, note 1). Pendant son séjour à Vienne Berlioz profite de l’occasion de faire deux courtes visites à Estelle Fornier (CG nos. 3270-71) qui à l’époque habite avec son fils Henri et sa famille à Saint-Symphorien d’Ozon (CG no. 3232, note 1); la deuxième visite, le 9 septembre, sera en fait la dernière fois qu’il la verra.

    Nancy, l’autre fille d’Adèle, épousera Gilbert de Colonjon. Elle mourra sans enfants, mais la descendance d’Adèle se poursuivra jusqu’à notre époque à travers son deuxième fils Victor Chapot dans la personne de l’Abbé Robert Chapot, qui en 1981 fit don au Musée Hector Berlioz de lettres et d’autres archives familiales de la branche d’Adèle. Le neveu de Victor Chapot et arrière-arrière-petit-fils d’Adèle est M. Alain Rousselon, auparavant président de l’Association nationale Hector Berlioz.

Vienne en images

Toutes les photographies reproduites sur cette page ont été prises par Michel Austin en 2009 et par Pepijn van Doesburg en 2003. La gravure de 1840 et les cartes postales du 20ème siècle sont de notre collection. © Pepijn van Doesburg; Michel Austin et Monir Tayeb. Tous droits de reproduction réservés.

1. Vues générales de Vienne

Vienne vers 1840

Vienne 1840

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Vue générale de Vienne en 1912

Vienne 1912

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Vue générale de Vienne au début du XXe siècle

Vienne

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La cathédrale Saint-Maurice est de l’autre côté du Rhône à droite du pont. La colline au fond derrière la cathédrale est le Mont Pipet.

Une vue de Vienne en 1912

Vienne 1912

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La carte postale montre le Cours Romestang (côté de la Gare)

2. Le Cimetière du Pipet

La tombe d’Adèle et Marc Suat en 2009

Tombe Suat

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La tombe d’Adèle et Marc Suat en 2009

Tombe Suat

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Ceci est la pierre tombale d’origine; la pierre plus grande par derrière fut visiblement ajoutée plus tard, et porte une inscription différente.

La tombe d’Adèle et Marc Suat en 2009

Tombe Suat

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On lit sur la tombe:

ICI REPOSENT/ ADELE SUAT/ NÉE BERLIOZ/ DÉCÉDÉE/ LE 2 MARS 1860/ A L’AGE DE 46 ANS
MARC SUAT/ DÉCÉDÉ/ LE [jour et mois illisibles] 1869/ A L’AGE DE 70 ANS/ DE PROFUNDIS

Note: la date du 2 mars 1860 inscrite sur la tombe pour la mort d’Adèle a été généralement acceptée; elle fait cependant difficulté. Peter Bloom a eu l’obligeance de nous signaler que l’acte officiel de décès d’Adèle dans les registres de la ville de Vienne indique que sa mort a eu lieu à 6 heures du matin le 6 mars 1860, et a été enregistré à 10 heures du matin le même jour. Il semble très peu probable que cet acte officiel puisse être erroné, mais d’un autre côté on a du mal à comprendre comment la famille d’Adèle a pu faire inscrire la date du 2 mars sur sa tombe et la laisser persister si cette date était inexacte. La lettre de Berlioz citée ci-dessus soulève une autre difficulté. Berlioz dit avoir reçu la nouvelle de la mort de sa sœur ‘il y a trois jours’ et il donne lui-même la date du 9 mars à sa lettre. En supposant cette date exacte, Berlioz voulait-il dire que la nouvelle lui est parvenue le 6 du mois (calcul exclusif), ou le 7 (calcul inclusif)? Il serait tout à fait possible pour une lettre postée à Vienne le 6 mars d’arriver à Paris le lendemain, mais il semble très peu probable que la nouvelle de la mort d’Adèle soit parvenue le jour même à Berlioz à Paris.

La tombe d’Adèle et Marc Suat en 2009

Tombe Suat

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On lit sur le socle:

DE PROFUNDIS

La tombe d’Adèle et Marc Suat en 2009

 Tombe Suat

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On lit sur la pierre:

ICI REPOSENT UNE SŒUR UN BEAU FRERE DE H. BERLIOZ

Le cimetière du Pipet en 2009

Pipet 2009

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La photo montre le début de l’Allée H, où se trouve (sur la droite) la tombe d’Adèle et de son mari.

Le cimetière du Pipet en 2009

Pipet 2009

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Vue de l’Allée H en descendant en direction de l’entrée principale du cimetière.

Le cimetière du Pipet en 2009

Pipet 2009

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La colline à l’horizon à droite de la photo est le Mont Salomon, avec au sommet les ruines du château de la Bâtie, construit au 13ème siècle par Jean de Bernin, l’un des grands archevêques de Vienne, et seul vestige des fortifications médiévales de la ville.

Le cimetière du Pipet en 2009

Pipet 2009

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La tombe d’Adèle et Marc Suat en 2003

Tombe Suat

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La tombe d’Adèle et Marc Suat en 2003

Tombe Suat

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Nous remercions vivement notre ami Pepijn van Doesburg de nous avoir envoyé ces photos prises en 2003.

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Page Berlioz à Vienne créée le 4 mai 2004 et augmentée le 1er novembre 2009.

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