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La Damnation de Faust: 3 pièces pour orchestre (H 111)

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Les 3 pièces pour orchestre

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    Comme c’est le cas pour plusieurs des œuvres majeures de Berlioz – le Requiem et les Troyens, entre autres – l’intervalle entre la conception  première de la Damnation de Faust (en 1828) et sa réalisation définitive (en 1846) est long. Dans ses Mémoires (chapitre 26), Berlioz raconte la profonde impression que fit sur lui sa lecture en 1828 du Faust de Goethe dans la traduction de Gérard de Nerval: il est tellement ému par l’ouvrage qu’il ne tarde pas à mettre en musique une série de scènes qu’il fait publier immédiatement, à ses frais, sous le titre Huit Scènes de Faust. Mais il se ravise bien vite, rassemble et détruit tous les exemplaires publiés sur lesquels il peut mettre la main: l’œuvre, selon lui, ‘était incomplète et fort mal écrite’. Elle ne formait pas un tout qui progressait du début jusqu’à la fin, mais n’était qu’une collection de scènes séparées, et si elle comportait deux scènes chacun pour deux des personnages principaux (Marguerite et Méphistophélès), il n’y avait aucune scène consacrée au personnage central de Faust. Et cependant la musique des Huit sxènes était d’une originalité remarquable, et Berlioz avait bien raison d’estimer qu’elle méritait d’être mise de côté pour l’avenir.

    Plus de quinze ans passeront avant que Berlioz revienne au sujet. Sur ce qui a pu l’inciter à reprendre son travail on ne peut qu’émettre des hypothèses, mais il est vraisemblable que son premier voyage en Allemagne en 1842-43 a joué un rôle, en le plongeant pour la première fois dans le cadre et les lieux associés à la légende de Faust, entre autres Weimar, où Berlioz a l’occasion de voir les maisons de Goethe, et Leipzig avec sa célèbre cave d’Auerbach. Il semble aussi que le voyage de Berlioz à Bonn en 1845 pour assister aux célébrations en honneur de Beethoven a pu fournir une période de réflexion propice. Selon les Mémoires (chapitre 54), c’est au cours de son deuxième voyage en Allemagne et en Europe centrale (d’octobre 1845 à avril 1846) que Berlioz travaillera à la composition de la Damnation de Faust, mais bien avant son départ il en ‘ruminait le plan depuis longtemps’. Il avait demandé à Paris à l’écrivain Almire Gandonnière d’ajouter plusieurs scènes au livret de l’ouvrage. En l’occurrence il fut obligé de compléter lui-même le livret au cours de son voyage: le livret de la Damnation fut donc un travail composite de trois auteurs différents, Gérard de Nerval (pour les Huit Scènes de Faust), Almire Gandonnière, et Berlioz lui-même. Fait semble-t-il unique dans la carrière de Berlioz, la composition de la partition se poursuivit au milieu d’une longue tournée de concerts en Europe centrale, mais ne fut achevée qu’au cous de l’été après le retour de Berlioz à Paris.

    Pour le titre de son nouvel ouvrage Berlioz adopta finalement la description ‘Légende dramatique’. Comme avec la composition de sa symphonie de Roméo et Juliette en 1839, Berlioz, en écrivant la Damnation de Faust, ne pouvait manquer d’être conscient de l’échec de son opéra Benvenuto Cellini en 1838: pour l’avenir prévisible les portes de l’Opéra lui étaient closes. Autrement Berlioz aurait fort bien pu concevoir la nouvelle partition comme un opéra plutôt que d’une œuvre destinée aux concerts. En 1846 il la nomme en fait plusieurs fois ‘opéra de concert’ (CG nos. 1028, 1029; voir aussi l’allusion dans le Journal des Débats du 6 septembre 1846: ‘espèce d’opéra que j’élucubre en ce moment’). La page de titre de la partition autographe porte la mention ‘Opéra de concert en quatre parties’, mais les mots ‘Opéra de concert’ sont ensuite biffés et remplacés par ‘Légende’. Quand à Londres en 1847 Berlioz est censé fournir un opéra pour le Théâtre de Drury Lane, il envisage d’adapter la Damnation pour en faire un opéra où Méphistophélès aurait un rôle plus développé; mais le projet n’aboutit pas, et par la suite Berlioz ne fera entendre la Damnation que comme une œuvre de concert. Ce n’est que longtemps après la mort du compositeur que l’ouvrage sera transporté à la scène, où elle aura d’ailleurs grand succès, même si l’idée se heurtera à une vive résistance de la part de plusieurs des plus chauds partisans de Berlioz (sur cette question voir la rubrique consacrée à la Damnation dans la page Les Opéras de Berlioz en France, 1869-1914).

    Comme Berlioz le raconte dans ses Mémoires (chapitre 54; cf. CG no. 1092), les premières exécutions de l’ouvrage à Paris (6 décembre et 20 décembre 1846) suscitent des réactions favorables dans la presse, mais du point de vue financier sont catastrophiques: la salle est à moitié vide et la vente des billets ne peut couvrir les frais considérables des deux concerts. Berlioz compare amèrement l’enthousiasme du public pour Roméo et Juliette en 1839 avec l’indifférence qui accueille le nouvel ouvrage. La Damnation ne sera plus rejouée intégralement à Paris du vivant du compositeur; par contre elle ne tardera pas à être acclamée à l’étranger, en Russie, en Allemagne, et à Londres (voir ci-dessous). Ironie du sort: elle deviendra l’œuvre la plus populaire de Berlioz en France, mais seulement après la mort du compositeur (voir là-dessus les pages sur Paris et Berlioz: le renouveau, et sur Édouard Colonne).

Exécutions

Intégrales

    Du fait de sa longueur et des effectifs importants qu’elle nécessite, les exécutions intégrales de la Damnation seront relativement rares dans la carrière de Berlioz. À part les deux premières exécutions à Paris en décembre 1846, l’ouvrage ne sera joué intégralement que dans quelques occasions spéciales: en 1847 à Berlin (19 juin, à la demande du Roi de Prusse; CG nos. 1106, 1108, 1110bis, 1114, 1115), en 1854 à Dresde (22 et 25 avril; CG nos. 1746, 1748, 1750), en 1856 à Weimar (1er mars; CG nos. 2104, 2128), et pour la dernière fois en 1866 à Vienne (16 décembre; CG no. 3200).

Extraits

    D’un autre côté il était plus praticable de jouer l’ouvrage par extraits et ces exécutions en furent assez fréquentes. Des quatre parties de la Damnation seules les deux premières furent données ainsi, et particulièrement la deuxième (parfois intégralement, parfois en partie seulement); par contre les troisième et quatrième parties ne furent jamais jouées séparément, mais seulement dans le cadre d’exécutions de l’œuvre dans son intégralité. On jouait parfois aussi une ou plusieurs des trois pièces pour orchestre, soit seules soit en plus d’extraits plus étendus. Ces trois pièces sont abrégées ci-dessous comme suit: Marche = Marche hongroise; Menuet = Menuet des follets; Danse = Dans des sylphes. Voici une liste chronologique de toutes ces exécutions (toutes dirigées par Berlioz, sauf indication contraire).

1847: 15 & 25 mars (I-II), 12 mai (I), (St Pétersbourg); 10 avril (I-II; Moscou); 29 avril (II en partie et Marche; Riga)
1848: 7 février (I-II); 7 avril (Marche); 16 juin (Marche et II en partie; tous à Londres); 29 octobre (Marche seule; Versailles)
1849: 15 avril (Marche et II en partie; Paris, Conservatoire, dir. Girard; CG nos. 1256, 1258)
1850: 19 février (I, II; Paris, Société philharmonique); 23 avril (I; Paris, Société philharmonique)
1851: 25 février (Paris, Société philharmonique, Marche seule); 4 nai (Paris, Société philharmonique, Marche seule)
1852: 9 June (extraits de I & II; Londres); 20 novembre (I-II; Weimar)
1853: 11 août (I-II; Bade); 24 & 29 août (I-II; Francfort; CG nos. 1624, 1627); 22 & 25 octobre (II en parte, Marche, Menuet, air de Méphistophélès; Brunswick; CG nos. 1636, 1637); 8 & 15 novembre (I-II (?); Hanovre); 1er & 10 décembre (I-II; Leipzig)
1855: 17 février (II en partie; Weimar)
1856: 17 février (Menuet précédé de l’Évocation; Weimar)
1857: 18 août (Marche; Bade)
1859: 23 avril (II en partie; Paris, Opéra-Comique)
1860: 27 août (II en partie; Bade)
1861: 7 April (II, Paris, Conservatoire, dir. Tilmant; CG nos. 2547, 2549)
1868: 8 février (extraits, non précisés; St Pétersbourg)

Les 3 pièces pour orchestre

I. Marche Hongroise
II. Ballet des Sylphes
III. Menuet des Follets

    Dans ses Mémoires Berlioz raconte les circonstances de la composition de la Marche hongroise et le succès extraordinaire qu’elle remporta lors de sa première exécution à Pesth en février, récit confirmé par des lettres contemporaines (CG nos. 1021, 1029). Berlioz décide non seulement d’inclure la marche dans la Damnation qu’il est en train de composer, mais aussi de l’inscrire souvent dans ses concerts comme morceau au succès assuré. Il faisait aussi parfois entendre les deux autres pièces pour orchestre, le Menuet des follets et la Danse des sylphes (voir la liste d’exécutions ci-dessus). Mais il semble que l’idée de grouper les trois pièces ensemble (avec d’ordinaire la Marche en dernier) remonte à Henri Litolff, compositeur, ami et admirateur de Berlioz. Litolff inscrit les 3 pièces à deux concerts qu’il donne à l’Opéra le 7 et 21 novembre 1869. Des critiques contemporains louent Litolff de son initiative (Le Ménestrel 14 novembre 1869; Ernest Reyer, Journal des Débats 23 novembre 1869). Pasdeloup, qui avait déjà donné des morceaux de Berlioz à ses Concerts populaires, y compris la Marche hongroise, s’empresse de suivre son exemple (9 janvier 1870), comme le souligne Adolphe Jullien dans son compte-rendu de ce concert. Désormais les 3 pièces figureront souvent au programme des grandes sociétés de concert de l’époque.

    I. Marche Hongroise. Ce morceau célèbre, qui conclut la première partie de la Damnation de Faust, se passe de tout commentaire. Notons cependant quelques détails qui sont souvent négligés à l’exécution. (1) On fait rarement ressortir clairement la note d’agrément sur le premier temps de la seconde mesure du thème principal (mesures 9, 27, 31 etc.). (2) Il n’y a aucune justification pour l’accelerando assez gratuit qu’on entend trop souvent au concert dans la péroraison de la marche, après le retour du thème principal (mesure 118 et suivantes). Cette habitude semble remonter à la grande vogue de ce morceau (et de la Damnation dans son ensemble) dans les concerts symphoniques à Paris dans les dernières décennies du 19e siècle. Parmi les chefs contemporains Colin Davis était un de ceux qui l’évitaient systématiquement. (3) Sur la dernière mesure de la marche Berlioz écrit l’indication: ‘Soutenez et enflez le dernier accord des cuivres’, et sous l’accord il écrit un crescendo-diminuendo (< >). indication souvent négligée à l’exécution.

    Pour obtenir l’effet voulu, les triolets et sextolets des violons et altos (mesures 99-118) et des altos (mesures 135-143) on dû être notés intégralement en non sous forme abrégée comme dans la partition.

    II. Ballet des Sylphes. Ce morceau est tiré de la IIème partie de l’ouvrage, vers la fin de la scène VII (Au bord de l’Elbe). Il suit le long chœur de Gnomes et de Sylphes, où Faust, plongé dans un profond sommeil, voit en songe une vision de Marguerite. Le Ballet, pour orchestre seul, utilise en le modifiant le thème principal du chœur précédent.

    III. Menuet des Follets.  Ce morceau, tiré de la 3ème partie de La Damnation, fait suite à l’invocation de Méphistophélès aux follets de venir ensorceler Marguerite avant sa rencontre avec Faust. Chef d’œuvre d’ironie musicale et tour de force d’instrumentation, ce menuet est sans doute l’un des plus originaux jamais écrits. Berlioz fait appel à une danse de l’Ancien Régime, désuète de son temps, et la tourne en parodie diabolique. Après un début d’apparence normale, la musique s’égare dans des directions inattendues, s’arrête et puis repart, explose subitement et se calme aussitôt comme si de rien n’était. Des dièses imprévus défigurent le thème original. Puis juste quand la musique semble sur le point de s’endormir, les petites flûtes, flûte et hautbois se lancent à une vitesse vertigineuse dans une anticipation de la sérénade de Méphistophélès. Le menuet essaie de se faire entendre à nouveau mais est écarté sans façon, et la musique s’évapore dans un trille énigmatique des violons.

    Marche Hongroise (durée 5')
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 7.03.2000; révision le 12.10.2001)
    — Partition en format pdf

    Ballet des Sylphes (durée 2'2")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 2.01.2000; révision le 31.08.2001)
    — Partition en format pdf

   Menuet des Follets (durée 5'32")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 11.09.2000; révision le 23.12.2001)
    — Partition en format pdf

 

© Michel Austin pour toutes partitions et texte sur cette page.

Cette page revue et augmentée le 1er avril 2022.

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