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Peu de bâtiments à Paris évoquent autant de souvenirs berlioziens que le Conservatoire, fondé en 1784 sous le nom d’École royale de chant et de déclamation, puis fondé de nouveau en 1795 sous le nom de Conservatoire national de musique et de déclamation. Sa salle de concert fut agrandie et inaugurée en 1811 pour abriter la Société des concerts français. Ce fut aussi pendant la construction de la nouvelle salle de concert que fut fondée la bibliothèque du Conservatoire (1808).
C’est dans la bibliothèque du Conservatoire que le jeune Berlioz, peu après son arrivée à Paris en novembre 1821, commence à étudier et copier les partitions de Gluck et de Spontini, puis à partir de 1828 celles de Beethoven aussi. Il n’est d’abord qu’élève privé de Lesueur, avant de s’inscrire officiellement comme étudiant au Conservatoire à l’automne de 1826; mais il lui faudra quatre essais avant qu’il n’obtienne en 1830 le premier prix au concours de Rome de composition. C’est dans la salle du Conservatoire qu’il donne ses premiers concerts symphoniques, le 26 mai 1828 et le 1er novembre 1829; le concert de 1828 comprenait la première exécution de ses ouvertures de Waverley et des Francs Juges. C’est dans la même salle qu’il éprouve pour la première fois, à partir de la fin de 1827, le choc des exécutions de Beethoven par la nouvelle Société des concerts du Conservatoire sous la direction de François Habeneck (le premier concert a lieu le 9 mars 1828). Par la suite, plusieurs des œuvres majeures de Berlioz furent jouées pour la première fois dans cette salle – la Symphonie Fantastique le 5 décembre 1830 (sous la direction de Habeneck); Lélio (avec la Fantastique) le 9 décembre 1832 (à nouveau sous la direction de Habeneck): Harriet Smithson était dans la salle, auditrice de la symphonie qu’elle avait inspirée sans le savoir; Harold en Italie le 23 novembre 1834 (sous la direction de Girard); et Roméo et Juliette le 24 novembre 1839 (sous la direction de Berlioz lui-même), devant un auditoire qui rassemble toute l’élite intellectuelle et artistique de Paris. Ce fut à l’occasion d’un concert le 16 décembre 1838 qui comprenait la Fantastique et Harold en Italie que Paganini s’agenouilla publiquement devant Berlioz et lui fit don peu après des 20 000 francs qui lui permirent d’écrire Roméo et Juliette (Mémoires chapitre 49). On trouvera une liste complète de tous les concerts donnés par Berliozx à Paris, y compris au Conservatoire, dans la page Concerts et exécutions 1825-1869 avec sa page annexe de Textes et documents.
Malgré tous ces succès Berlioz ne parvint cependant pas à se faire accepter par la première institution musicale de France, et ses rapports fort ambigus avec le Conservatoire constituent comme un fil conducteur de ses Mémoires, dès l’époque de ses premières escarmouches avec le directeur du Conservatoire, le vieux Cherubini, en 1822. À partir de 1843 ses œuvres sont pour longtemps exclues de la salle, et ses propres talents de chef d’orchestre lui suscitent des jalousies. Il n’obtient pas de poste au Conservatoire plus élevé que celui de bibliothécaire (bibliothécaire adjoint en 1838, bibliothécaire à partir de 1850). Ce n’est que tard dans sa carrière que les rapports s’améliorent, et pour finir il fit don de tous ses manuscrits de musique à la bibliothèque du Conservatoire (le brouillon de sa lettre du 25 mars 1863 au Comité existe toujours: Correspondance générale no. 2702).
La salle du Conservatoire, dont l’acoustique, à l’encontre du trop vaste Opéra, était réputée (on la nommait le Stradivarius des salles de concert), est petite de dimensions et ne pouvait accueillir à l’époque de Berlioz qu’environ 1000 auditeurs. Cela lui donne un caractère intime et favorise un contact étroit entre l’auditoire et les exécutants, et aussi entre différentes parties de l’auditoire. Jusqu’en 1985 la salle est restée pour l’essentiel semblable à celle de l’époque de Berlioz, sauf que la décoration et la couverture des sièges ont été complètement refaits en 1865-1866. En 1985 d’importants travaux de rénovation ont eu pour effet de réduire les dimensions de la scène, diminuer de plus de moitié le nombre de places assises, et modifier sensiblement l’acoustique de la salle (voir Les Mésaventures de la Salle du Conservatoire par Pierre-René Serna ailleurs sur ce site).
Les panneaux du premier balcon affichent des portraits en médaillon de dramaturges, ceux du second balcon des compositeurs. De gauche à droite (en regardant vers la scène) on reconnaît Meyerbeer, Halévy, Hérold, Donizetti, Spontini, Grétry, (Orphée), Boïeldieu, Méhul, Weber, Mendelssohn, Cherubini, et Rossini. Le nom le plus prestigieux, celui de Berlioz, brille par son absence.
Le Département culturel de Bayer, en coopération avec Bayer France et l’Association nationale Hector Berlioz, a pris l’initiative, à l’occasion du bicentenaire de la naissance du grand compositeur, de placer sur la façade du Conservatoire une plaque commémorative (voyez ci-dessous), qui a été inaugurée dans une cérémonie le 14 décembre 2003, cérémonie suivie d’un concert donné dans l’ancienne salle par des élèves du (nouveau) Conservatoire.
Beaucoup d’autres changements sont intervenus depuis l’époque de Berlioz. Le bâtiment actuel abrite uniquement le Conservatoire National d’Art Dramatique: la section de musique a été s’installer au nouveau Conservatoire de Paris à la Cité de la Musique (où la médiathèque porte le nom Hector Berlioz). Comme on peut le voir sur des gravures du XIXème siècle, l’entrée principale se trouvait à l’époque de Berlioz rue du Faubourg-Poissonière, là où se trouve actuellement l’entrée du bâtiment de la Poste; une autre entrée se trouvait rue Bergère (voyez le récit des Mémoires, chapitre 9). Toute cette partie du Conservatoire a donc disparu. Maintenant on entre par une nouvelle porte de côté sur la rue du Conservatoire, rue qui ne fut ouverte qu’en 1853 (de même que la rue Sainte-Cécile qui lui est perpendiculaire).
On trouvera une liste de toutes les exécutions de la musique de Berlioz au Conservatoire après sa mort jusqu’à la première guerre mondiale dans la page Le Conservatoire et Berlioz: 1869-1914.
Sauf indication contraire, toutes les photos modernes reproduites sur cette page ont été prises par Michel Austin; toutes les autres images ont été reproduites d’après des gravures et livres dans notre collection. © Monir Tayeb et Michel Austin. Tous droits de reproduction réservés
Soulignons que la qualité des photos de l’intérieur de la salle a souffert de la faible lumière disponible.
La rue à droite est la rue du Conservatoire, où se trouve maintenant l’entrée principale, la rue à gauche est la rue Sainte-Cécile. Au fond on entrevoit la rue Bergère.
Le bas relief est placé au dessus de l’escalier principal dans le hall d’entrée; il représente la déesse Minerve distribuant des couronnes aux personnifications des disciplines qu’on enseignait au Conservatoire.
Gravure de 1888 de notre collection. À remarquer que la gravure donne une impression exagérée des dimensions de la salle, en réalité plus modestes comme on peut le voir en comparant les photos ci-dessus.
L’original de cette photo se trouve à la Bibliothèque nationale de France. La bibliothèque a maintenant été changée en pièce qui sert aux répétitions des étudiants (photo ci-dessous).
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