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Extraits de la correspondance de Berlioz

Présentation

    Cette page reproduit les extraits de la correspondance de Berlioz (ci-après CG = Correspondance générale) qui concernent la publication en série de fragments de ses Mémoires dans l’hebdomadaire le Monde Illustré entre septembre 1858 et septembre 1859. Berlioz n’avait pas au départ l’intention de publier ses Mémoires de son vivant (CG no. 2186). Il admet franchement que c’est par besoin d’argent, pour financer l’éducation de son fils, qu’il a décidé d’accepter l’offre de l’éditeur du Monde Illustré (CG nos. 2334, 2348) de publier les fragments qui concernaient sa carrière de musicien (CG nos. 2334, 2348). D’un autre côté il repousse fermement les propositions de l’éditeur de lui vendre la totalité de l’ouvrage, qui est destiné dans sa pensée à une publication posthume (CG nos. 2296, 2325, 2332, 2348). Il est conscient des risques d’une publication de son vivant d’éléments de sa vie personnelle et semble s’attendre à l’avance à d’éventuelles critiques (CG no. 2348). Mais en même temps il est visiblement satisfait de l’intérêt que suscite la publication (CG nos. 2325, 2341, 2345, 2368) et a à cœur que ses proches et ses amis intimes soient au courant (sa sœur Adèle: CG nos. 2296, 2325, 2345, 2348; Adolphe Samuel: CG nos. 2186, 2341; Georges Kastner: CG no. 2316; Humbert Ferrand: CG nos. 2327, 2332, 2334, 2368; la princesse Sayn-Wittgenstein: CG no. 2351). Il reçoit de nombreuses lettres suscitées par la publication (CG no. 2368), mais de ces dernières deux seules ont survécu (CG nos. 2330, 2367bis); leur texte n’est pas reproduit ici.

Cette page est disponible aussi en anglais

Extraits de la correspondance

À Eugène de Mirecourt (CG no. 2134; début juin 1856):

[…] Veuillez me faire savoir quand je pourrai aller reprendre mes Mémoires et avoir quelques instants d’entretien avec vous.
Je serais bien heureux que le volume qui me concerne dans votre collection pût paraître prochainement; je me suis mis sur les rangs pour la place vacante à l’Institut et cette circonstance donnerait à votre publication une importance pour moi tout à fait exceptionnelle. […]

[Cf. Mémoires, Post-Scriptum, addressé à Eugène de Mirecourt qui n’est pas nommé]

À Adolphe Samuel (CG no. 2186; 25 novembre 1856):

[…] La Biographie dont vous me parlez [par Eugène de Mirecourt, cf. CG no. 2134 ci-dessus] est très bienveillante mais entachée d’erreurs assez graves, d’inventions de l’auteur et de choses vraies devenues fausses par les détails de la narration. Il paraît qu’il n’y a pas moyen d’écrire quelque chose d’exact sur la vie d’un homme quelconque. Les trois volumes de mémoires que j’ai achevés, me semblent vrais de tout point; mais c’est une autobiographie et je ne les publierai pas. […]

À Jules Lecomte, éditeur du Monde Illustré (CG no. 2291; entre mai et septembre 1858):

Monsieur
Vous voulez bien me demander des détails sur ma vie musicale, plus spéciaux, plus personnels même, que le fragment admis par vous il y a quelques mois dans le Monde Illustré. J’ai commencé à Londres en 1848 un ouvrage, aujourd’hui terminé, dans lequel se trouvent consignées les innombrables variations de l’atmosphère orageuse dans laquelle j’ai vécu jusqu’ici. C’est (pour employer une expression nautique) le livre le loch de mon pénible voyage.
Je vous en envoie les fragments qui se rattachent plus ou moins directement à la carrière de l’artiste. Le reste contient de douloureux épisodes relatifs à des sentiments trop intimes du narrateur pour qu’il soit convenable de les publier aujourd’hui. Mon récit ainsi tronqué contiendra donc de nombreuses réticences et des lacunes assez fréquentes. Vos lecteurs voudront-ils les excuser?.. J’ai peine à le croire.
    « Sed si tantus amor casus cognoscere nostros
    « Incipiam.
[Virgile, Énéide II.10] […]

[Berlioz fait ici allusion à l’article publié par lui dans le Monde Illustré du 13 février 1858. Le premier paragraphe de sa lettre est reproduit dans le Monde Illustré du 18 septembre 1858; le second est omis, mais ajouté par l’éditeur, en guise de préface et dans une paraphrase tronquée, en tête de la première livraison des Mémoires d’un musicien dans le numéro du 25 septembre]

À sa sœur Adèle Suat (CG no. 2296; 10 mai):

[…] J’ai parlé à ton mari il y a deux ans d’un ouvrage assez important (mes Mémoires) que je voudrais lui confier. Je le lui enverrai dans quelque temps. Depuis six ans j’en corrige et recorrige le style sans pouvoir parvenir à le rendre à peu près satisfaisant. Je vais le relimer une vingtième fois. Rien n’est plus difficile que de bien écrire en prose.
Ne me parle jamais de cela dans tes lettres. J’indiquerai à ton mari ce qu’il y aura à faire à ce sujet quand je lui enverrai le manuscrit. Je lègue ces trois volumes à Louis avec la prière de les publier tels qu’ils sont, sans le moindre changement. Mais je t’en reparlerai. Ne les lis pas, tu éprouverais par cette lecture, une angoisse de cœur trop pénible, et trop de douloureux souvenirs se réveilleraient. Je ne puis moi-même les relire sans verser des flots de larmes amères. On en a publié quelques fragments (non intimes). Le Monde Illustré dernièrement en contenait un épisode musical; mais, à part mes lettres sur l’Allemagne et l’Italie, qui s’y trouvent reproduites, tout le reste est inconnu. […]

À Georges Kastner (CG no. 2316; 28 septembre 1858):

[…] Le Monde Illustré a commencé hier la publication des fragments de mes Mémoires […] Voyez cela, il y a des choses qui vous intéresseront. Il y a dix ans que je travaille à en limer le style. C’est presque français… […]

À sa sœur Adèle Suat (CG no. 2325; 22 octobre 1858):

[…] Je publie dans le Monde Illustré des fragments de mes Mémoires. Cela obtient beaucoup de succès; l’éditeur imprimeur de ce journal a voulu m’acheter l’ouvrage entier pour le publier en volumes. Je m’y suis refusé obstinément. Tu ne doutes pas des bonnes raisons que j’ai pour persister dans ce refus*. […]
(*) Ceci et tout ce qui concerne les Mémoires est toujours entre nous deux. Ne m’en parle pas dans tes lettres.

À Humbert Ferrand (CG no. 2327; 3 novembre 1858):

[…] Le Monde Illustré publie des fragments de mes Mémoires, où il est souvent question de vous. Cela vous est-il tombé sous les yeux? […]

Achille Paganini à Berlioz (CG no. 2330; 3 novembre 1858)

[Achille Paganini demande à Berlioz de profiter de la publication en série de ses Mémoires pour rétablir la vérité sur le don fait par son père à Berlioz en 1838]

À Humbert Ferrand (CG no. 2332; 8 novembre 1858):

[…] Je vais aller au bureau du Monde illustré vous faire envoyer les numéros du journal qui contiennent les premiers fragments de mes Mémoires; vous recevrez ensuite les autres au fur et à mesure qu’ils paraîtront. Bien que j’ai supprimé les plus douloureux épisodes (on ne les connaîtra que si mon fils veut plus tard publier le tout en volume), ce récit, je le crains, vous attristera. Mais peut-être aimeriez-vous être ainsi attristé… […]

À Humbert Ferrand (CG no. 2334; 19 novembre 1858):

[…] Je n’ai rien publié de ce temps que vous me rappelez; mais je n’écris plus mes souvenirs, tout cela a été rédigé de 1848 à 1850, et je n’en publie que des fragments qu’afin d’avoir un peu d’argent pour les prochaines études que mon fils devra faire dans un port de mer, à son retour des Indes. Auri pia fames!
Vous verrez très prochainement l’histoire des Francs-Juges dans le Monde illustré; je ne pouvais oublier cela. […]

À Adolphe Samuel (CG no. 2341; 1er janvier 1859):

[…] Lisez-vous le Monde illustré? Je publie depuis deux mois dans ce journal des fragments de mes Mémoires qui font du bruit ici. […]

À Adèle (CG no. 2345; 10 janvier 1859):

[…] Mes Mémoires (ou ce qu’on publie dans le Monde illustré) ont de plus en plus de succès, on en parle beaucoup. […]

À Adèle (CG no. 2348; 23 janvier 1859):

[…] C’est encore cette raison [sc. le besoin d’argent] qui m’a fait céder aux sollicitations de l’éditeur du Monde illustré pour la publication des fragments de mes Mémoires. Je prévois que j’aurai bientôt des dépenses à faire pour Louis à son retour, et un millier de francs de surplus dans mes revenus me sera fort utile. Mais je ne me déshabille pas dans la rue (comme tu dis) puisqu’il n’est question que de la vie musicale et des choses et incidents qui s’y rattachent. Je comprends bien ton sentiment, seulement tu l’exagères.
L’éditeur du Monde a voulu m’acheter les Mémoires complets, pour les publier en deux volumes; je m’y suis refusé et je me refuserai toujours à cette publication, que Louis devra faire plus tard. […]

À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2351; 8 février 1859):

[…] Vous avez dû recevoir il y a plusieurs jours un paquet d’exemplaires du Monde illustré. Selon votre désir je vous ai abonnée pour 9 mois, à partir du moment où ce journal a commencé à publier les fragments de mes Mémoires. De plus il y a No du mois de février [1858], contenant le récit du festival de 1844, que j’ai fait joindre au paquet. Il trouvera sa place plus tard, quand le fil de ma narration m’aura conduit à cette époque. Vous êtes d’une bonté incomparable et infatigable! vous intéresser à ces récits tronqués de mon jeune temps, aujourd’hui le vieux temps!! […]

[Voir le Monde Illustré du 13 février 1858]

À Richard Pohl (CG no. 2355; 19 février 1859):

[…] Au sujet des chapitres de mes Mémoires que vous voudriez traduire je vous répondrai ceci: Attendez que tout ce qui doit paraître ait paru, alors vous me désignerez les chapitres que vous voulez traduire, et me direz de quelle façon vous voulez les publier et je vous répondrai. […]

[Le projet n’aura pas de suite; voir aussi CG nos. 2663, 2768]

Alcide-Joseph Lorentz à Berlioz (CG no. 2367bis [tome VIII]; 18 avril 1859):

[Lettre admirative d’un ami de longue date, à l’occasion de la publication dans le Monde Illustré du 9 avril 1859 du récit de la première exécution du Requiem]

À Humbert Ferrand (CG no. 2368; 28 avril 1859):

[…] J’avais totalement oublié, pardonnez-le moi, que vous ne deviez plus recevoir le Monde illustré depuis plusieurs mois. Vous avez donc pris un abonnement, puisque vous le lisez encore?.. Sinon, faites-le moi savoir, et je vous ferai envoyer les numéros qui vous manquent et régulariser les envois. C’est une misère, ne vous en préoccupez pas. Les derniers numéros contiennent (très affaibli) le récit du crime tenté sur moi par Cavé et Habeneck, lors de la première exécution de mon Requiem. Cela fait du bruit. Je reçois fréquemment des lettres en prose et en vers de mes amis inconnus. Cela me console. […]

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Page Hector Berlioz: Mémoires d’un musicien – Le Monde Illustré 1858-1859 créée le 15 janvier 2010; cette page créée le 15 janvier 2010.

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