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Voyez aussi Textes et documents; Berlioz et sa musique: auto-emprunts
Il y a un contraste frappant entre la genèse de la Symphonie fantastique et celle de la deuxième symphonie de Berlioz, Harold en Italie. Dans le cas de la Symphonie fantastique, Berlioz avait dès l’origine une idée claire du caractère de l’ouvrage: il s’agissait d’une œuvre symphonique à grande échelle et d’un genre nouveau, inspirée par sa passion pour l’actrice irlandaise Harriet Smithson. Sa deuxième symphonie, par contre, vit le jour presque par accident: au départ Berlioz n’avait pas envisagé d’écrire une nouvelle symphonie, mais l’ouvrage fut commencé puis évolua en réponse à une commande par le virtuose violoniste Paganini pour une composition qui mettrait en valeur un alto de sa collection qu’il jouerait lui-même. Le témoignage des écrits de Berlioz (ses Mémoires et sa correspondance) montrent qu’au départ il n’avait aucune idée arrêtée sur la manière d’exécuter la commande de Paganini, et le projet évolua d’une façon inattendue pour aboutir finalement à sa forme définitive dans la symphonie Harold en Italie.
Berlioz constate qu’au cours de son séjour en Italie, malgré tous les loisirs dont il disposait, il avait du mal à composer: les ouvrages qu’il produisit étaient peu nombreux et sur une échelle réduite (Mémoires, chapitre 39). Au cours de son voyage il imagina cependant quelques grands projets pour l’avenir. Le premier prit forme au cours de son arrêt à Florence en avril 1831, et il le révéla à son ami Humbert Ferrand à son retour à Rome en juillet: il s’agissait d’un oratorio intitulé Le Dernier jour du monde, projet qui annonce le futur Requiem de 1837. Un autre projet s’ébauche tout à la fin de son séjour italien, en mai 1832 sur la route du retour vers la France: alors qu’il traverse les plaines de Lombardie il passe près du site de la bataille de Napoléon contre l’armée autrichienne au Pont de Lodi (10 mai 1796), qui lui inspire l’idée d’une symphonie militaire sur le retour d’Italie de l’armée française. Ce projet fait penser à la Symphonie funèbre et triomphale de 1840.
Ni l’un ni l’autre de ces deux projets n’a de lien particulier avec l’Italie. Mais d’un autre côté le séjour de Berlioz en Italie exercera une influence profonde et durable sur ses compositions à venir. Les impressions qu’il reçoit au cours de ses randonnées dans le pays feront surface dans nombre de ses ouvrages ultérieurs jusqu’à son dernier grand ouvrage, l’opéra Béatrice et Bénédict de 1862. Mais ceci ne se manifestera qu’avec un certain retard, comme s’il fallait à Berlioz une période de réflexion pour prendre du recul et assimiler ses expériences italiennes.
Résumons ici le récit des Mémoires (chapitre 45). Selon Berlioz, le grand violoniste Paganini, devenu tout récemment partisan convaincu de Berlioz, lui suggère au début de 1834 un ouvrage pour alto et orchestre qui mettrait en valeur un alto Stradivarius de sa collection. Berlioz esquisse un travail qui donne un rôle important à la fois à l’orchestre et à l’alto solo, mais Paganini semble déçu du résultat, s’attendant à une partie plus développée pour son instrument. Il part bientôt pour l’Italie, et Berlioz se met alors à développer sa propre idée, qui devient la symphonie qui, avec une allusion voulue au Childe Harold de Byron, recevra finalement le nom de Harold en Italie. Ce récit présente un raccourci des faits et omet quelques détails intéressants, et doit être complété par le témoignage de la correspondance du compositeur ainsi que celui de la presse parisienne.
La première mention de la commande de Paganini se trouve dans une lettre de Berlioz à son ami l’écrivain et critique Joseph d’Ortigue, qui porte la date du 24 janvier 1834 (CG no. 378):
Tu sais que j’écris un ouvrage pour chœurs, orchestre et alto principal pour Paganini. Il est venu lui-même me le demander il y a quelques jours. Pourrais-tu faire annoncer cela en quatre lignes dans l’album de la Revue de Paris? Le Rénovateur l’a annoncé et je suis allé aujourd’hui pour obtenir la même faveur de M. de Briant à la Quotidienne; il n’y était pas.
d’Ortigue avait sans doute vu l’annonce du Rénovateur, qui avait évidemment été inspirée par Berlioz. Une annonce dans les mêmes termes parut le 26 janvier dans la Gazette musicale de Paris (citée par Julien Tiersot dans Le Ménestrel, 17 juillet 1904, p. 227):
Paganini, dont la santé s’améliore de jour en jour, vient de demander à M. Berlioz une nouvelle composition dans le genre de la Symphonie fantastique que le célèbre virtuose compte donner à son retour en Angleterre.
Cet ouvrage serait intitulé: Les derniers instants de Marie-Stuart, fantaisie dramatique pour orchestre, chœurs et alto principal. Paganini remplira pour la première fois en public la partie d’alto.
On constatera qu’il y a deux détails qui ne sont pas mentionnés dans le récit des Mémoires. Primo, dans le projet original de Berlioz un chœur aurait figuré en plus de l’orchestre et de l’alto principal. Secundo, l’ouvrage aurait eu pour sujet la mort de Marie Stuart. Aucune de ces précisions ne semblaient figurer dans la commande de Paganini, et l’idée doit donc remonter à Berlioz. Le sujet de Marie Stuart surprend: il ne semble pas avoir figuré jusqu’alors dans les projets de Berlioz. On ne sait rien de plus du projet ni de la musique qui fut éventuellement écrite pour lui, et Berlioz ne reprendra pas ce projet par la suite.
La prochaine lettre à traiter du sujet est adressée à son ami et confident Humbert Ferrand, et vient presque deux mois plus tard. On y voit comment le projet de Berlioz est en train d’évoluer. L’ouvrage est maintenant appelé symphonie avec alto principal, mais Berlioz ne révèle pas encore clairement qu’il se rapporte directement à ses impressions d’Italie (CG no. 384, 9 mars 1834):
Je suis à terminer la Symphonie, avec alto principal, que m’a demandée Paganini. Je comptai ne la faire qu’en deux parties mais il m’en est venu une troisième, puis une quatrième; j’espère pourtant que je m’en tiendrai là. J’ai encore pour un bon mois de travail continu.
Berlioz est occupé à écrire des articles et comptes-rendus pour des journaux, et la composition de la symphonie prend plus longtemps que prévu, comme le montre la lettre suivante à Ferrand (CG no. 398, de Montmartre; 15 ou 16 mai 1834). La mention du titre du deuxième mouvement révèle indirectement l’inspiration italienne de la symphonie:
J’ai achevé les trois premières parties de ma nouvelle symphonie avec alto principal; je vais me mettre à terminer la quatrième. Je crois que ce sera bien et surtout d’un pittoresque fort curieux. J’ai l’intention de la dédier à un de mes amis que vous connaissez bien, M. Humbert Ferrand, s’il veut bien me le permettre. Il y a une Marche de pèlerins chantant la prière du soir, qui, je l’espère, aura, au mois de décembre, une réputation. Je ne sais quand cet énorme ouvrage sera gravé; en tout cas, chargez-vous d’obtenir de M. Ferrand son autorisation.
L’ouvrage n’avait pas encore reçu son titre, comme il ressort d’une autre lettre à d’Ortigue, datée du 31 mai 1834 (CG no. 399, de Montmartre):
À la maison je ne quitte pas la plume, soit pour ces gredins de journaux, soit pour finir ma symphonie qui sera née et baptisée avant peu.
La symphonie est finalement terminée avant la fin de juin, comme le montre une autre lettre à Ferrand (CG no. 408, 31 août; citée dans la page sur Montmartre). Dans cette lettre la symphonie reçoit pour la première son nom de Harold.
Avec la Symphonie fantastique ainsi que son complément le mélologue, Berlioz ne cache pas le fait qu’il a réutilisé de la musique composée antérieurement dans ces œuvres nouvelles, procédé d’ailleurs parfaitement légitime. À propos de son opéra de jeunesse Les Francs-Juges Berlioz observe (Mémoires, chapitre 11) ‘J’ai employé çà et là les meilleures idées de cet opéra, en les développant, dans mes compositions postérieures, le reste subira probablement le même sort, si l’occasion s’en présente, ou sera brûlé’. Ailleurs dans ses Mémoires il fait une allusion dédaigneuse à l’ouverture de Rob Roy qu’il dit avoir brûlé aussitôt après sa première exécution au Conservatoire (chapitre 39). Une copie de cette ouverture, envoyée par Berlioz au Conservatoire, a néanmoins survécu et a révélé ce qu’on ne saurait pas autrement: une bonne partie du premier mouvement de la symphonie Harold réutilise de la musique de cette ouverture, qui à l’origine n’avait aucun rapport avec l’Italie.
Ceci s’applique au second sujet du mouvement (mesure 167 et suivantes; comparer Rob Roy, mesure 170 et suivantes), et surtout à ce qu’on peut appeler le thème de Harold, qui est présenté d’abord dans le mineur par les instruments à vent (mesure 13 et suivantes), puis dans le majeur par l’alto solo (mesure 38 et suivantes; comparer Rob Roy, mesure 275 et suivantes). Dans l’ouverture le thème est exposé par le cor anglais, mais dans la symphonie par l’alto solo. Le thème est de coupe très régulière, inusitée pour Berlioz – deux groupes symétriques de quatre mesures, avec un intervalle descendant dans les deux premières mesures, suivi par deux mesures d’un arpège ascendant puis descendant. Ce thème est aussi purement diatonique et dénué de chromatisme. On pourra constater qu’une bonne partie du matériau thématique de la symphonie dérive d’éléments de ce thème, les intervalles descendants et l’arpège ascendant, soit isolément soit ensemble. On le voit avec les premier et second sujets du premier mouvement, avec la sérénade du troisième, et avec le début du thème principal du quatrième. Une autre partie du matériau thématique dérive des premières mesures de la symphonie, le passage chromatique en double-croches des basses (mesure 1 et suivantes), et la phrase chromatique descendante du basson (mesure 3). Par exemple, le thème principal de l’alto au début de l’allegro (mesure 130 et suivantes) combine d’abord l’arpège ascendant et ensuite les deux éléments chromatiques du début de la symphonie.
Comme pour la Symphonie fantastique, Berlioz a délibérément retardé la publication de Harold en Italie pour avoir le temps de diriger d’abord lui-même une série d’exécutions en France et à l’étranger (voir par exemple CG no. 741 en janvier 1841). En l’occurrence la symphonie ne paraîtra qu’en 1848, encore plus tard que la Symphonie fantastique. Elle fut dédiée à Humbert Ferrand, comme Berlioz avait dès longtemps décidé (CG no. 398). Quand, écrivant à Ferrand, Berlioz parle de Harold en Italie, il l’appelle ‘notre symphonie’ (voir par exemple CG no. 3244). La partition autographe de l’œuvre fut donnée par Berlioz à son ami Auguste Morel, qui le légua à son élève favori Alexis Rostand; à son tour ce dernier le légua à sa mort en 1919 au Conservatoire.
À l’encontre de la Symphonie fantastique, Harold en Italie n’a pas de programme — et n’en a pas besoin. Berlioz s’est contenté de donner des titres aux quatre mouvements pour en indiquer leur caractère:
1: Harold aux montagnes. Scènes de mélancolie, de bonheur et de joie
2: Marche des pélerins chantant la prière du soir
3: Sérénade d’un montagnard des Abbruzes à sa maîtresse
4: Orgie de brigands. Souvenir de scènes précédentes
Des quatre symphonies de Berlioz les deux premières sont celles le plus directement comparables. Elles sont toutes deux purement instrumentales et ne font pas appel aux voix, et toutes deux sont construites sur le modèle classique de la symphonie en quatre mouvements (on peut considérer les quatrième et cinquième mouvements de la Symphonie fantastique comme constituant un double final). Le tout début de Harold en Italie – le thème des basses avec son alternance d’un demi-ton avec la note supérieure ou inférieure (sol, la bémol, sol) – fait sans doute écho au début de la Symphonie fantastique (mesure 3). Le récit que donne Berlioz des origines de Harold en Italie établit une comparaison directe entre les deux symphonies (Mémoires, chapitre 45):
J’imaginais d’écrire pour l’orchestre une suite de scènes, auxquelles l’alto solo se trouverait mêlé comme un personnage plus ou moins actif conservant toujours son caractère propre; je voulus faire de l’alto, en le plaçant au milieu des poétiques souvenirs que m’avaient laissés mes pérégrinations dans les Abruzzes, une sorte de rêveur mélancolique dans le genre du Childe-Harold de Byron. De là le titre de la symphonie: Harold en Italie. Ainsi que dans la Symphonie fantastique, un thème principal (le premier chant de l’alto), se reproduit dans l’œuvre entière; mais avec cette différence que le thème de la Symphonie fantastique, “l’idée fixe”, s’interpose obstinément comme une idée passionnée épisodique au milieu des scènes qui lui sont étrangères et leur fait diversion, tandis que le chant d’Harold se superpose aux autres chants de l’orchestre, avec lesquels il contraste par son mouvement et son caractère, sans en interrompre le développement.
On pourrait pousser la comparaison plus loin. Harold en Italie est une des œuvres les plus poétiques et les plus détendues du compositeur, et fait contraste en cela avec la Symphonie fantastique de 1830. On y trouve un sentiment nouveau de nostalgie et de regret pour des souvenirs heureux. Mais la mélancolie de Harold est exempte d’angoisse et reste dans des limites: à l’encontre du Faust de la Damnation, Harold n’est nullement tenté par le suicide. Les sombres phrases chromatiques en sol mineur du début de la symphonie font bientôt place au chant diatonique en sol majeur de l’entrée de l’alto accompagné par la harpe. Le thème de Harold est singulièrement tranquille et presque dénué d’émotion. Comme on l’a dit ci-dessus, la coupe du thème, faite de deux phrases symétriques de quatre mesures chacune, est d’une régularité inusitée pour Berlioz. Le thème est aussi denué de chromatisme, à l’encontre de l’idée fixe de la Fantastique. Après la première exposition du thème dans le mineur au début de la symphonie (mesure 13 et suivantes), on passe rapidement au majeur (mesure 38 et suivantes), et par la suite le thème ne reviendra jamais au mineur.
Le sentiment dominant des trois premiers mouvements de la symphonie est joyeux. Le second mouvement remportait presque toujours les suffrages du public, comme Berlioz l’avait prévu (CG no. 398), et après la première exécution il constate ‘la Marche des pélerins a été bissée; elle a aujourd’hui la prétention de faire le pendant (religieux et doux) de la Marche au supplice’ (CG no. 416). Le troisième mouvement, intitulé ‘Sérénade d’un montagnard des Abruzzes à sa maîtresse’ comporte un écho direct des souvenirs italiens de Berlioz, dans la musique des ‘pifferari’ qu’il entendit à Rome et dans les montagnes (voyez aussi le premier des trois morceaux pour l’orgue mélodium d’Alexandre).
Après les trois premiers mouvements Berlioz a sans doute eu le sentiment qu’il fallait à la symphonie un finale qui fasse contraste avec eux: c’est l’Orgie de brigands. Au cours de son voyage en Italie Berlioz s’était complu dans des rêves de la vie de brigands idéalisés, affranchis des contraintes de la société. Il donne expression à ces sentiments dans un des monologues du Retour à la vie et dans la Chanson de brigands qui lui fait suite; mais dans ses voyages en Italie Berlioz n’avait cependant pas rencontré de véritables brigands. Dans Harold en Italie l’Orgie de brigands qui termine la symphonie est la contrepartie du Songe d’une nuit du Sabbat de la Fantastique, mais elle n’a rien de son atmosphère de cauchemar. À propos d’une exécution de la symphonie qu’il donne à Loewenberg en avril 1863, Berlioz dit avoir dirigé ce mouvement ‘à [sa] manière, avec fureur; j’en grinçais des dents’. Mais les brigands de Harold sont des créatures humaines, et non des monstres; les dissonances cruelles et les rythmes disloqués de ce vigoureux mouvement ont en contrepartie des passages d’une grande délicatesse (mesures 231-68, 394-440). Il y a aussi des réminiscences nostalgiques des mouvements précédents, au début (mesures 12-98) et vers la fin du morceau (mesures 464-500), procédé emprunté à la neuvième symphonie de Beethoven. Malgré leur férocité d’iconoclastes ces brigands semblent bien s’amuser, et la fin du mouvement sonne presque comme un triomphe. Mais du point de vue musical le finale de Harold est sans doute moins saisissant que celui de la Fantastique. Ce dernier suit une progression implacable d’un épisode au suivant, alors que dans le finale de Harold le développement principal du mouvement (mesures 118-247) est tout simplement répété presque note pour note (mesures 280-41). Le mouvement conclut avec une coda développée, avec une dernière réminiscence de la marche des pélerins avant le retour de la musique des brigands (mesure 411 à la fin).
L’idée de faire représenter un personnage par un instrument est une invention de Berlioz, en réponse à la commande de Paganini. Elle a peut-être aussi été suggérée par l’emploi fréquent dans les opéras de Weber (Der Freischütz, Euryanthe), d’un instrument solo pour accompagner un air caractéristique d’un personnage principal. L’tdée fut reprise plus tard par Rimsky-Korsakov (Schéhérazade) et Richard Strauss (Don Quichotte, La vie dun héros). Berlioz affectionnait particulièrement l’alto, et fit grand usage de sa sonorité très caractéristique dans nombre de ses œuvres – il avait déjà confié à un alto une partie de solo pour accompagner la ballade de Marguerite (Le roi de Thulé) dans ses Huit Scènes de Faust de 1828-9 (H 33, incorporée plus tard dans la Damnation de Faust, mais transposée de sol en fa). Harold en Italie n’est bien entendu pas un concerto pour alto – d’où la déception première de Paganini quand Berlioz lui montre la partition (cf. CG no. 408). La partie d’alto est d’ailleurs exempte de toute recherche de pure virtuosité, que Berlioz évite à dessein dans son écriture instrumentale, même dans une œuvre telle que la Rêverie et caprice pour violon et orchestre. Harold n’est donc pas une synthèse de symphonie et de concerto, mais plutôt de symphonie et de musique de chambre, comme le suggère de nombreux passages où l’instrumentation est délibérement réduite à des proportions intimes (par exemple mesure 38 et suivantes du premier mouvement; mesure 473 et suivantes du dernier mouvement).
Harold en Italie fut exécuté pour la première fois à Paris le 23 novembre 1834; On l’entendit encore deux fois la même année, et il y eut encore trois exécutions de l’œuvre intégrale l’année suivante 1835. Les trois premières exécutions étaient sous la direction de Narcisse Girard, qui s’était offert pour prendre la place de Habeneck qui ne voulait plus diriger pour Berlioz. Mauvais choix en l’occurrene: comme Berlioz le raconte dans ses Mémoires (chapitre 45), Girard, moins compétent que Habeneck, fit plusieurs erreurs en dirigeant Harold, et Berlioz comprit qu’il ne pouvait confier sa musique à aucun chef d’orchestre. La composition de Harold en Italie eut donc un résultat inattendu en forçant Berlioz à devenir chef d’orchestre lui-même, ce qu’il fit avec succès: quelques années plus tard il était sans doute devenu le meilleur chef d’orchestre de son époque.
Après 1835 la symphonie fut exécutée encore plusieurs fois à Paris, parfois intégralement (1836, 1838, 1840, 1842, 1844), parfois seulement en extraits (1839, 1845, 1850; le deuxième mouvement était d’ordinaire bien reçu). Après 1850 la symphonie disparut complètement des affiches à Paris, mais elle avait atteint son but. L’exécution du 16 décembre 1838 fut un événement: c’est alors que Paganini entend pour la première fois, et sous la direction de Berlioz, la symphonie qui lui devait son existence. Il réagit avec un hommage public au compositeur, qu’il nomme dans une lettre célèbre le successeur de Beethoven, et auquel il fait un don de 20,000 francs qui permet à Berlioz de composer l’année suivante Roméo et Juliette (Mémoires, chapitre 49; CG no. 602).
Si la popularité de Harold en Italie à Paris reste en deça des espoirs de Berlioz, elle constitue par contre une pièce de résistance de son répertoire dans ses concerts à l’étranger. Au cours de son premier voyage en Allemagne de 1842-43 la symphonie figure dans ses concerts dans de nombreuses villes: Bruxelles, Stuttgart, Hechingen, Mannheim, Weimar, Brunswick, Hambourg, Berlin (deux fois), Hanovre, et Darmstadt. En 1845 il l’exécute hors de Paris à Marseille et à Lyon. Dans son deuxième voyage en Allemagne et Europe centrale de 1845-46 il la fait entendre à Vienne, Pest, Breslau, Prague, et Brunswick. En 1853 il la dirige de nouveau à Francfort, Brunswick, Brême et Leipzig, et plus tard à Bade (1861), Loewenberg (1863) et Cologne (1867). Il a l’occasion de la jouer plusieurs fois au cours de ses visites à Londres (1848, 1853 et 1855). Elle figure dans ses deux voyages en Russie, en 1847 (St Pétersbourg, Riga), et de nouveau en 1868 (Moscou, St Pétersbourg). Au concert à St Pétersbourg du 8 février 1868 Harold en Italie est le dernier numéro au programme du tout dernier concert de sa carrière.
La symphonie fait aussi son chemin à l’étranger du vivant de Berlioz, même sans le soutien du compositeur. Un exemple en est une série d’exécutions de l’œuvre à New York en 1863 et de nouveau en 1866. Pour la première exécution aux États-Unis de Harold en Italie le 9 mai 1863 le chef d’orchestre Theodore Thomas prépare un programme de concert très soigné. On en trouvera une reproduction sur ce site ainsi qu’une transcription du texte (en anglais). Quand Berlioz apprend la nouvelle de ces exécutions, il est enchanté (CG nos. 2840, 2856, 3076, 3244).
Quelques remarques d’ordre technique.
Premier mouvement: Pour le début du premier mouvement Berlioz donne comme indication métronomique
croche = 76. Comme l’a souligné Hugh Macdonald (Berlioz Studies, ed.
Peter Bloom [Cambridge University Press 1992], p. 23-4) ce tempo, convenable d’abord,
peut paraître trop lent à partir de l’entrée de l’alto (mesure 38). Dans
la version présente on a fait subir au tempo une très légère accélération
à partir de la mesure 13 pour atteindre l’indication: croche = 80 à la
mesure 38.
Deuxième mouvement: pour obtenir l’effet voulu il a
été nécessaire de noter intégralement les arpèges de l’alto solo aux
mesures 169-247, et non sous forme abrégée. D’autre part on n’a pas cherché
d’équivalent sonore spécial pour le sul
ponticello de ce passage.
Troisième mouvement. Ce mouvement est écrit
entièrement en 6/8, mais avec deux tempi différents, le premier (Allegro
assai, noire pointée = 138) étant le double du second (Allegretto, noire
pointée = 69); à la fin du mouvement Berlioz superpose les deux. Les tempi de
Berlioz sont plus rapides que ce que l’on entend souvent au concert. Pour
permettre à l’auditeur de juger on a présenté ici ce mouvement dans deux
versions, la première avec les mouvements de Berlioz, la second avec des tempi
un peu plus lents (noire pointée = 126 et 63).
Quatrième mouvement: (1) Pour obtenir la durée
correcte des triolets et sextolets dans plusieurs passages il a été nécessaire de les noter
intégralement et non sous forme abrégée (mesures 38-40 [altos], 107-9 [violons
1 & 2], 175-6 [cordes], 278-9 [cordes], 338-9 [cordes], 449-52 [1ers violons]).
(2) Berlioz ne donne pas d’indications de tempo ou de métronome pour la fin
du mouvement après la mesure 449. Dans cette version on s’est conformé à l’usage
courant de ralentir pour le rappel de la marche des pélerins pour revenir
ensuite au mouvement initial (mesures 464-505). On a aussi accéléré
le mouvement à partir de la mesure 514 pour atteindre blanche = 112, sans quoi
la musique risque de piétiner.
Harold
en Italie I: Harold aux montagnes (durée 15'14")
— Partition en grand format
(fichier créé le 28.05.2000; révision le
5.12.2001)
— Partition en format pdf
Harold
en Italie II: Marche des pélerins (durée 7'2")
— Partition en grand format
(fichier créé le 27.07.2000; révision le
23.12.2001)
— Partition en format pdf
Harold
en Italie III: Sérénade (durée 5'17" et 5'46")
(a) Avec
les tempi de Berlioz
— Partition en grand format
— Partition en format pdf
(b) Avec
des tempi plus lents
— Partition en grand format
(fichiers créés le 12.11.2000)
Harold
en Italie IV: Orgie de brigands (durée 11'54")
— Partition en grand format
(fichier créé le 1.1.2001)
— Partition en format pdf
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Cette page revue et augmentée le 1er décembre 2021.