Par
Werner Gladines
© 2007 Werner Gladines
© 2007 Traduction française de Michel Austin
La Messe Solennelle de Berlioz – la
découverte d’une œuvre ‘brûlée’
En 1991 a lieu une découverte extraordinaire dans l’église de Saint-Charles-Borromée à Anvers: dans un coffre de bois sur la plate-forme de l’orgue on était en présence du manuscrit de la Messe Solennelle de Berlioz. Berlioz avait écrit plus tôt dans ses Mémoires [chapitre 8] qu’il avait brûlé la partition parce qu’il avait commencé à avoir des doutes sur la qualité de l’ouvrage. Comment cette partition a-t-elle vu le jour à Anvers? Pourquoi n’a-t-elle pas été brûlée selon l’intention véritable de son auteur? Pourquoi n’a-t-on pas découvert le manuscrit plus tôt? Et est-ce que le manuscrit n’avait-il pas été découvert là auparavant? Voici notre récit.
La Messe Solennelle de Berlioz
Berlioz écrivit sa Messe Solennelle en 1824. Le jeune compositeur avait vingt ans à l’époque et était disciple de Lesueur à Paris. Cette messe de concert – sa première œuvre d’envergure pour chœur et orchestre – avait été commandée plus tôt par un certain Masson, maître de chapelle de l’église Saint-Roch à Paris où l’œuvre – après une première tentative malheureuse – fut créée le 10 juillet 1825. Deux ans plus tard – le 22 novembre 1827 – elle fut exécutée de nouveau à Saint-Eustache. Par la suite Berlioz brûla cette messe, en même temps que d’autres ouvrages moins importants, dédaignant son premier-né et pleinement conscient de sa maturité et de ses qualités de compositeur. Il devait cependant utiliser quelques passages de la messe dans des compositions ultérieures. Il n’y a plus trace de l’œuvre par la suite.
En 1991 la Messe Solennelle revoit subitement le jour dans l’église de Saint-Charles-Borromée à Anvers. Elle y fut découverte dans la tribune au voisinage de l’orgue par Frans Moors. Il était de plus manifeste que c’était la partition autographe de Berlioz comme le montre l’inscription à l’intérieur: ‘La partition de cette Messe, entièrement de la main de Berlioz, m’a été donnée comme souvenir de la vieille amitié qui me lie à lui. – A. Bessems, Paris 1835’.
Le voyage de Paris à Anvers
Il ne semble pas trop difficile de comprendre comment l’ouvrage se soit retrouvé à Anvers. A. Bessems, comme l’inscription le déclare, était évidemment Antoine Bessems (1806-1868), violoniste et compositeur né à Anvers qui vécut une grande partie de sa vie à Paris, où il vint à l’âge de 18 ans pour fréquenter le Conservatoire. Anvers à l’époque n’avait effectivement pas de Conservatoire. Bessems étudia sous la direction de Pierre Baillot (1771-1842) et en 1829 devint premier violon dans l’orchestre du Théâtre Italien. En 1846 il retourna à Anvers et dirigea la Société Royale d’Harmonie. Par la suite il revint de nouveau à Paris où il donna des leçons de violon et composa surtout de la musique de chambre pour violon et violoncelle. Il écrivit aussi quelques ouvrages de musique religieuse. Il rendit service à Berlioz comme violoniste et il est possible que le manuscrit lui fut donné en remerciement ou en récompense pour ses services. Bessems était aussi en même temps en bons terms avec Camille Saint-Saëns. Un désaccord devait cependant intervenir entre les deux hommes quand Saint-Saëns eut vent des rapports de Bessems avec sa mère. Antoine Bessems mourut à Paris en 1868.
Après la mort d’Antoine le manuscrit de la Messe Solennelle vint entre les mains de son frère Joseph Bessems (1809-1892) de trois ans plus jeune. Joseph Bessems était violoncelliste et compositeur, et enseignait à l’école de Peter Benoit, école qui devait devenir plus tard le Conservatoire d’Anvers. Vers l’époque de la mort de son frère aîné Joseph était rattaché à l’église de Saint-Charles-Borromée comme chef d’orchestre et il est fort probable qu’il déposa la partition avec d’autres ouvrages dans le coffre de chêne près de l’orgue où elle resta intacte pendant plus de cent ans, jusqu’à sa découverte par accident par Frans Moors en 1991. Mais il y a plus.
L’inventaire d’une bibliothèque de musique – SC 20: une occasion manquée
Outre le nom de Frans Moors le responsable de l’église de Saint-Charles-Borromée me donna aussi celui de Jean Noppe. Une après-midi vers la fin novembre [2006] j’eus un entretien avec M. Noppe à l’église de Saint-Charles-Borromée. Jean Noppe était organiste et maître de chapelle à l’église à l’époque où il vivait encore dans la paroisse. À présent il habite ailleurs à Anvers et se fait disponible là où il le peut qu’il s’agisse de s’asseoir à l’orgue ou de travailler avec un chœur. Plus tôt ce jour-là il était encore en train de jouer à l’église Saint-André à Anvers. ‘Je peux me débrouiller passablement à l’orgue mais la véritable littérature est au-dessus de mes capacités’, m’avoue-t-il. Nous nous asseyons sur les bancs peu confortables de l’église et il me demande ce que je veux savoir. Ma réponse est aussi brève que nette: tout ce que vous savez sur la Messe Solennelle.
‘Nous devons remonter au milieu des années soixante – c’était en 1964 ou 65. Un jour l’organiste et chef à l’époque à Saint-Charles-Borromée, Alfred Cuyt, prit l’initiative de dresser un inventaire de la bibliothèque de musique de l’église. Alfred Cuyt, moi, et mon père – qui à l’époque faisait partie du conseil d’administration de l’église – voulaient liquider la besogne et nous avons commencé par faire un choix parmi les ouvrages: les partitions en bon état – celles en état moyen – et les partitions en mauvais état. Notre intention était d’établir un inventaire uniquement des ouvrages qui étaient encore en bon état ou dans un état satisfaisant. Comme il faisait assez froid dans l’église nous avons ramené les livres chez nous où nous pouvions travailler au chaud dans le confort du salon. Toutes les œuvres furent soigneusement examinées et estampées avec un chiffre précédé des lettres ‘SC’. (‘SC’ indique ici Saint-Charles-Borromée) Un jour au cours de notre inventaire nous avons remarqué parmi les ouvrages une partition manuscrite de Berlioz. La partition – un gros volume – était en assez bon état et comme tous les autres ouvrages fut estampée avec le numéro SC 20. Par la suite la partition fut soigneusement remise dans le coffre de bois et rangée avec les autres œuvres près de l’orgue’. Jean remarque mon étonnement et continue: ‘À l’époque – et certainement à Anvers – Berlioz n’était pas aussi célèbre comme compositeur que c’est le cas aujourd’hui. Ce n’est que plus tard – à la fin des années 1980 et au début des années 90 – qu’il y eut un regain d’intérêt pour le compositeur. Ceci devait être en 1964 ou 65, comme mon père est mort quelques années plus tard, en 1967.’ Quand je lui demande pourquoi la découverte n’a pas été révélée au public à l’époque il ne peut pas me donner de réponse claire, et il semble plutôt esquiver la question.
Jean désigne l’orgue dans la tribune et poursuit son récit: ‘à gauche de l’orgue il y avait un banc de bois et du côté droit se trouvait le coffre de chêne où la partition était conservée’. Je lui demande si nous pouvons bientôt nous rapprocher de l’orgue pour jeter un coup d’œil. ‘C’est en désordre et poussiéreux et de plus l’orgue n’est plus dans le tout meilleur état’. Visiblement il veut s’excuser de l’état dans lequel l’orgue et la plate-forme se trouvent. Je lui dis que je voudrais prendre quelques photos et que le désordre et la poussière tombent à point pour donner au tout un coloris romantique. Jean poursuit son récit et saute brusquement à 1992, quand la découverte du manuscrit fut largement mentionnée dans la presse.
‘Un jour le curé de l’église de Saint-Charles-Borromée – le Père Jansen – me téléphone pour me demander de venir tout de suite avec lui à l’église. Il y avait une armée de gens de la presse à l’église: des gens de la télévision, des photographes, des journalistes et un musicologue français, qui étaient venus pour le manuscrit de Berlioz. Le Père Jansen n’avait pas pu joindre Frans Moors et je me suis dépéché de me rendre à l’église. Ils m’ont accablé de toutes sortes de questions et m’ont demandé de leur montrer la partition. Pour finir ils ont insisté pour que je leur joue un passage de la messe sur l’orgue. J’ai essayé de leur faire comprendre qu’il s’agissait d’un messe avec orchestre et qu’il n’allait pas de soi d’en extraire des morceaux pour jouer sur l’orgue. Comme ils continuaient à insister j’ai cherché un passage dans la partition qui était plus ou moins jouable sur l’orgue et mon choix est tombé sur l’‘Incarnatus’. (il voulait sans doute dire le ‘O Salutaris’ – comme il semble clair après vérification) ‘Cela semblait une tâche lourde: je n’avais pas l’habitude d’être entouré de tant d’attention et en outre j’étais aveuglé par les lumières intenses de l’équipe de la télévision’. Quand je lui demande pourquoi l’équipe de la télévision se trouvait subitement sur place Jean donne une réponse plutôt incohérente: ‘M. Moors n’est pas sans mérite en ce qui concerne la découverte de la partition, mais nous savions dès 1964 qu’elle se trouvait dans notre bibliothèque. Par conséquent la découverte n’était pas tellement le fruit du hasard en 1991. ‘Ils’ étaient sur sa piste.’
Jean propose de nous rapprocher de l’orgue et prend une imposante clef de fer pour ouvrir la porte près du palier. Nous empruntons les larges marches de pierre près de la tribune d’orgue et devons déblayer des détritus sur le côté avant de pouvoir grimper les marches de bois raides près de l’orgue: ‘Malgré mon âge je trouve toujours naturel de monter et descendre les marches’, observe Jean. L’orgue est là effectivement en assez piètre état et quant à la plate-forme il n’avait pas exagéré. En outre il fait très sombre. Jean me désigne le banc à gauche sur la plate-forme et passe le long de l’orgue pour se diriger vers le coffre de l’autre côté. Il me montre l’emplacement dans le coffre où se trouvait le manuscrit de Berlioz: ‘Les ouvrages étaient placés verticalement suivant leur ordre de classement et l’œuvre de Berlioz se trouvait environ au milieu. Le manuscrit original est toujours à Anvers et n’a été absent qu’une seule fois.’ Je prends quelques photos de la plate-forme et du coffre, et lui dis que j’ai vu la partition à la Bibliothèque Nationale Mitterrand à l’époque de l’exposition Berlioz en 2003. Jean se rapproche de l’orgue et soupire qu’il est hors d’état. ‘Il est peut-être intéressant aussi de prendre des photos de l’orgue.’ J’y consens et je prends quelques photos. Nous cherchons un moyen de redescendre en bas. ‘Berlioz est plutôt ampoulé, n’est-ce pas? Je me souviens encore du soir où on a joué l’œuvre ici dans l’église, il y avait quatre harpes au premier rang – pouvez-vous imaginer cela – une messe avec rien que quatre harpes? Et Berlioz était-il aussi novateur qu’on veut nous le faire croire? Saint-Saëns était novateur et s’est complètement rangé du côté du rêveur Debussy.’ Je lui réponds qu’à mon sentiment Berlioz a parcouru des chemins qui étaient vraiment nouveaux et que malgré les défauts de construction d’un jeune compositeur la Messe Solennelle est une œuvre d’importance. Et que Camille Saint-Saëns était un des plus grands adversaires de Debussy. Nous prenons congé et je remercie M. Noppe chaleureusement pour l’entretien et pour la visite pleine d’enseignements de l’église.
C’est un fait que l’établissement de l’inventaire a bien eu lieu – seulement M. Noppe se trompe quelque peu quant à la date exacte. Il a été fait en 1956, et non en 1964 comme il le soutient. La Messe Solennelle a aussi fait partie de l’inventaire comme le montre le timbre SC20 dans la partition. Mais il reste la question pourquoi l’œuvre a été tout de suite remise dans le coffre sans la moindre publicité. Tout semble indiquer que c’est par ignorance que la partition a été traité de façon routinière.
Une recherche pour la Messe du Couronnement de Mozart qui se fourvoie
Frans Moors – instituteur à la retraite et de plus organiste et maître de chapelle – reçut une partie de son éducation musicale sous la direction d’Alfred Cuyt à l’église de Saint-Charles-Borromée. Depuis sa jeunesse Moors a toujours vécu dans le voisinage de l’église de Saint-Charles-Borromée. Jean Noppe le connaissait aussi depuis ses années de jeunesse. Il a dû entretemps jouer pratiquement de tous les orgues d’église à Anvers. Depuis son départ d’Anvers il joue de l’orgue dans diverses églises dans sa localité – Schoten. J’ai rencontré M. Moors à la maison chez lui où il me mène tout de suite dans son bureau. Les rayons sur les murs sont chargés de partitions et de toutes sortes de livres de musique, et presque tout dans la pièce se rapporte d’une manière ou d’une autre à la musique. Je m’y sens tout de suite chez moi et je suis très curieux d’entendre son histoire. Sympathique, il prend tout son temps et me raconte ses expériences d’une manière à la fois passionnante et sereine.
‘En 1991 on m’avait demandé de jouer de l’orgue pour un mariage dans une église ici à Schoten. La dame qui devait se charger de la partie de soprano se lève pour jouer des morceaux de la Messe du Couronnement de Mozart. Par conséquent il me fallut rechercher d’urgence une partition de la messe et la bibliothèque de musique de l’église de Saint-Charles-Borromée m’est tout de suite venue à l’esprit. La bibliothèque n’était en fait à l’époque (et est actuellement) rien de plus que quelques vieilles partitions d’origines diverses dans le coffre de bois sur la plate-forme de l’orgue dans l’église. Tout en cherchant dans le coffre la messe de Mozart mon œil est tombé sur un gros volume parmi les autres œuvres. À cause de sa taille il a tout de suite attiré mon attention. Comme j’avais du mal à croire qu’un aussi lourd volume ne pouvait comprendre qu’une seule messe, poussé par ma curiosité je pris l’ouvrage du coffre et commençai à l’examiner. Il semblait que c’était une partition manuscrite de la Messe Solennelle de Berlioz. À l’époque je n’avais pas la moindre idée de la valeur de l’œuvre sans parler de l’authenticité du manuscrit. En outre je connaissais à peine Berlioz. Cependant ce qui m’intéressait beaucoup était de tenir entre mes mains une œuvre pratiquement inconnue et je me suis dit qu’il serait utile d’en faire une copie pour mon propre usage. En jouer quelques morceaux dans un service ou un autre pouvait avoir son utilité; je pourrais ainsi présenteur un morceau avec quelque chose d’original. À cette époque j’allais tous les mercredis à l’église pour copier l’ouvrage – je l’ai fait à la main et j’ai transcrit l’ouvrage patiemment. Parce que cette méthode de travail semblait plutôt pesante – la partition originale comprenait facilement plus de 420 pages – je suis rendu une fois à l’église avec une machine à copier portative pour faire de cette manière un double de l’ouvrage. À l’époque rien d’autre n’était disponible sur place. Comme la partition originale présentait un certain nombre de particularités assez peu communes – la disposition des parties sur la page différait pas mal de l’usage actuel – je me suis mis à transcrire l’œuvre intégralement dans une version qui serait plus lisible pour notre époque. Cela a pris beaucoup de temps et d’effort. (il me montre sa version ‘transcrite’ dans une belle reliure)
‘Je devenais au fur et à mesure plus curieux et j’ai commencé à me poser des questions sur la nature et l’origine de l’ouvrage. Je me suis lancé dans une enquête. Je me suis rendu plusieurs fois à cette époque au Conservatoire d’Anvers à la recherche d’informations sur Berlioz et ses œuvres. Un jour j’y trouve un Resurrexit de Berlioz. Je copie le Resurrexit et le ramène chez moi où je le compare avec celui de la Messe Solennelle de l’église – à mon étonnement les deux semblaient presque identiques. Après je me suis mis à lire les Mémoires de Berlioz et il semblait – d’après ce qu’il dit – qu’il avait brûlé sa Messe Solennelle. J’avais mis la main sur encore d’autres ouvrages sur Berlioz et dans tous il était question des ‘partitions perdues’. On savait que l’œuvre avait été écrite mais la partition était introuvable parce qu’elle était censée être partie en flammes. Il m’est alors vraiment venu à l’esprit que j’avais quelque chose d’unique entre les mains. Je résolus de continuer à maintenir une discrétion totale sur mon enquête et de garder mon sang-froid’.
‘J’avais mes doutes sur l’écriture. Il y avait il est vrai l’inscription d’Antoine Bessems qui suggérait l’authenticité du manuscrit, mais Bessems pouvait après tout avoir écrit quelque chose. En outre l’écriture ressemblait à de la calligraphie pure. Je pensais au manque de soin avec lequel la plupart des compositeurs écrivent leurs partitions – voyez par exemple l’écriture de Beethoven – et par conséquent j’avais du mal à supposer que l’œuvre fut un autographe. J’en restais à l’idée qu’il s’agissait d’une copie écrite avec soin. Et cependant… l’inscription de Bessems me tracassait et il y avait en outre dans la partition toutes les nombreuses annotations en marge qui presque sans exception auraient pu être dues au compositeur lui-même; mais il me paraissait cependant moins évident que – au cas où il s’agissait d’une copie - ces annotations auraient été transcrites aussi’.
‘Il vint à ma connaissance que l’éditeur allemand Bärenreiter s’occupait vers cette époque d’une nouvelle édition des œuvres de Berlioz, et que le britannique John Eliot Gardiner poursuivait activement l’enregistrement des œuvres de Berlioz pour le label Philips. J’écrivis tant à Bärenreiter qu’à Philips avec la nouvelle de ma découverte. Je reçus des réponses pratiquement par retour du courrier. Bärenreiter me fit savoir qu’ils allaient envoyer un expert pour vérifier l’authenticité du manuscrit et Philips me dit d’attendre le résultat de l’enquête de Bärenreiter sur le manuscrit. L’expert – le [britannique] Hugh Macdonald – ne me fit pas attendre longtemps; nous allâmes à l’église pour jeter un coup d’œil au manuscrit. Le verdict de McDonald ne laissait aucune place au doute: il s’agissait incontestablement de la partition autographe de la Messe Solennelle de Berlioz! J’avais fait une découverte de taille. Peu après – le 22 novembre 1992 – ma découverte fut annoncée publiquement à Paris. Dans les temps qui suivirent j’avais souvent la presse sur mon parquet: des journalistes et des équipes de télévision d’ici et de l’étranger’. (il me montre toutes sortes de coupures de journaux et me parle de l’enregistrement vidéo qu’il avait gardé de cette époque) Je soulève la question concernant Alfred Cuyt/Jean Noppe et leur inventaire de 1956. ‘L’œuvre fut effectivement retirée du coffre à cette époque et consignée dans l’inventaire. Malheureusement ni l’un ni l’autre n’avait la moindre idée de la nature et de la valeur de l’ouvrage même si M. Noppe soutient maintenant qu’‘ils’ étaient au courant du fait que le manuscrit se trouvait dans l’église. À cette époque (en 1991) j’avais la permission requise de Jean Noppe d’examiner les œuvres dans la tribune d’orgue et de les copier. J’y étais tous les mercredis toujours pour le même travail et il n’a jamais posé de questions’. Finalement je demande à M. Moors pourquoi en 1868 Joseph Bessems a mis l’ouvrage de côté dans le coffre de chêne. ‘Joseph Bessems l’a probablement enfoui dans le coffre à cette époque. Il a dû jeter un coup d’œil à la partition et en tirer rapidement la conclusion qu’un tel ouvrage ne pouvait être exécuté par le chœur et l’orchestre d’une église ordinaire. Toute personne avec un tant soit peu de connaissances musicales peut voir cela au premier coup d’œil’.
Dérobé sous leur nez
L’éditeur Bärenreiter obtint presque immédiatement les droits à l’ouvrage et utilisa comme base pour son édition la version modernisée de Frans Moors. Gardiner fit le tour des grandes salles de concert d’Europe avec la messe. L’œuvre reçut sa première exécution à Brême le 3 octobre 1993 et finit – avec des arrêts au passage à des étapes comme Vienne et Madrid – à la cathédrale de Westminster à Londres le 12 octobre 1993 où elle fut enregistrée par Philips, premier enregistrement mondial de la Messe Solennelle. Détail remarquable: l’œuvre ne fut pas exécutée à Paris parce que le Président de la France à l’époque – François Mitterrand – insistait pour qu’elle soit jouée par un chef français et un orchestre français. La Messe Solennelle fut ensuite exécutée à Vézelay le 7 octobre 1993 sous la direction de Jean-Paul Penin. Le 15 mai 1994 elle fut exécutée à Washington Cathedral à Washington sous la direction de J. Reilly Lewis. Le 25 juin 1994 elle fut exécutée pour la première fois en Belgique, dans la Basilique de Tongeren, sous la direction d’Ostrovski. Et l’église de Saint-Charles-Borromée? Elle dut attendre 1997 quand Marc Minkowski l’exécuta avec l’orchestre de l’Opéra des Flandres.
M. Moors me montre son album de photos et m’en donne le texte et une explication: ‘L’époque qui fit suite à la découverte eut dans le meilleur des cas ses avantages. Nous avons été invité aux exécutions à Brême, Londres et Washington. Par la suite nous avons aussi été invité à La Côte Saint-André où la messe fut exécutée en 2003. À propos j’ai remis au musée à La Côte Saint-André toute la correspondance ayant trait à la découverte. Je regrette cependant beaucoup le fait de n’avoir jamais reçu d’invitation de la Bibliothèque Nationale de France à l’occasion de la grande exposition Berlioz en 2003. J’ai aussi dû faire face à quelques réactions négatives. Ainsi ce musicologue d’Anvers qui exprimait ouvertement dans un journal son mécontentement du fait que j’avais mené moi-même mon enquête. Le monsieur semblait d’avis qu’une chose pareille ressortait exclusivement du domaine des musicologues’. Je lui fais remarquer qu’une telle attitude frise la jalousie et qu’il n’importe pas du tout qui soit celui qui mène une telle enquête à bon port. ‘Je peux comprendre d’une manière son indignation – après tout un amateur leur a dérobé l’ouvrage sous le nez. Mais il y a autre chose – moi aussi je sais m’y retrouver dans les archives et les bibliothèques. L’œuvre était là à prendre pendant toutes ces années, juste sous leur nez!’ (il rit) Nous bavardons encore un peu sur Berlioz, Rameau, Monteverdi et les églises romanes de l’Auvergne. À mon départ il me donne aussi la première impression de la partition de poche de Bärenreiter de la messe ainsi que quelques photos.
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Passages empruntés par Berlioz de la Messe Solennelle dans des œuvres ultérieures.
1. Kyrie – mesures 1 à 13: dans l’Offertoire de la Grande Messe des morts (1837)
2. Gloria – mesures 63 à 68: dans le finale du premier acte de son opéra Benvenuto Cellini (1836) et dans l’ouverture du Carnaval romain (1843)
3. Gratias – mesures 1 à 28: dans la ‘Scène aux champs’ de la Symphonie fantastique (1830)
4. Resurrexit – mesures 32 à 75: dans le ‘Christe, Rex gloriae’ de son Te Deum (1849)
5. Resurrexit – mesures 76 à 98: dans le ‘Dies Irae’ de la Grande Messe des morts (1837)
6. Resurrexit – mesures 99 à la fin du finale du premier acte de Benvenuto Cellini (1836)
7. Agnus Dei: dans le ‘Te Ergo Quaesumus’ du Te Deum (1849)
Voyez aussi sur ce site Berlioz et sa Musique – Auto-emprunts
L’église de Saint-Charles-Borromée
L’église de Saint-Charles-Borromée – l’interieur |
La Messe Solennelle sur le coffre de bois – 1991 |
Messe
Solennelle: Quoniam No. 4
|
Messe Solennelle – l’inscription de Bessems
|
(Traduction du texte ci-dessus)
Une œuvre de Berlioz redécouverte à Anvers.
PARIS (AFP) – La première grande œuvre du compositeur
français Hector Berlioz a été redécouverte. La partition se trouvait dans l’Église
de Saint-Charles-Borromée à Anvers, et a été trouvée par l’organiste
Frans Moors. C’est ce qu’a annoncé le musicologue belge Patrick Gillis.
Il s’agit d’une Missa Solemnis pour solistes, chœur et
orchestre, qui fut écrite en 1824. Elle dure environ une heure et demie. Selon
Gillis l’ouvrage sera bientôt joué en public. On pensait que l’œuvre
était perdue. Le document a été prononcé authentique par l’expert
américain [britannique, en fait] Hugh
MacDonald.
Nous remercions vivement M. Werner Gladines pour ce reportage illustré pour notre site fait d’après ses interviews menés en novembre 2006. Nous exprimons aussi notre reconnaissance à MM. Frans Moors et Jean Noppe pour leur participation au programme d’interviews.
Voyez aussi sur ce site:
Biographie de
Berlioz
Berlioz : liste
complète de ses œuvres musicales
Berlioz
et sa Musique – Auto-emprunts
Mémoires de Berlioz
Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; cette page créée le 1er février 2007
© 2007 Werner Gladines
© 2007 Michel Austin pour les traductions anglaise
et française
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