FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS
DU 22 MARS 1835 [p. 1-3]
SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE.
4e CONCERT.
On a tant parlé de la puissance de l’art, de son importance dans la vie des hommes civilisés, de l’influence qu’il exerce sur les mœurs et des plaisirs qu’il procure, que bien des gens, après avoir employé beaucoup de temps inutilement à la recherche de cet Eldorado de poésie, ont fini par regarder tout ce qu’on leur en avait dit comme autant de contes ampoulés, que certains esprits vaniteux cherchaient à accréditer afin de passer aux yeux de la foule ébahie pour des êtres doués de facultés supérieures et cxceptionnelles. Il faut avouer que rien à la vérité n’est plus difficile que cette initiation artistique à laquelle beaucoup de ceux même qui y sont appelés par leur orsanisation ne sont jamais admis. Une foule de circonstances heureuses doivent y concourir et bien des conditions veulent être remplies, dont une seule manquant annulle l’effet de toutes les autres.
Ainsi pour ne parler que de l’art musical, supposons un amateur qui viendrait à Paris dans le but de connaître ce qu’on appelle la grande musique. Mon homme n’a jamais entendu d’opéra ni de symphonie. Il n’a pu apprécier encore que les pièces dites di Camera ; sonates, duos, trios, quatuors, romances etc. Plusieurs de ces ouvrages l’ont vivement ému, il leur doit les heures les plus douces de sa vie. Mais que sera-ce, quand les chefs-d’œuvres de la scène lyrique, pompeusement exécutés par l’élite des artistes de l’Europe, viendront agir sur ses organes si neufs, si impressionnables !
Il arrive, il va courir à l’Opéra. C’est tout naturel ; l’Opéra ne s’appelle-t-il pas Académie royale de musique ? Où la musique doit-elle être le plus en honneur ?….. Supposons que le voyageur me consulte là-dessus : « L’orchestre est excellent, n’est-ce pas ? — Oui, lui répondrais-je. — C’est le plus nombreux de Paris ? — Oui. — Les chœurs sont bien composés ? — Oui. — Nourrit, Levasseur, Mlle Falcon, sont des artistes d’un très grand talent ? — Oui certes. — Alors de tant de beaux moyens réunis doit résulter un effet musical extraordinaire, écrasant ? — Non. — Comment, non ! et pourquoi ? — Oh mon Dieu ! pour mille raisons qu’il serait trop long de vous exposer et dont la première serait que la musique ne peut avoir à l’Opéra l’importance que vous lui supposez ; on ne saurait s’y occuper d’elle exclusivement. — Mais voilà qui est déplorable. Où donc la trouverai-je dans toute sa splendeur, au théâtre italien, sans doute ? — Pas davantage, elle n’y est point, il est vrai, sur la même ligne que la chorégraphie, la danse, les décors, mais exclusivement consacrée au chant, sans qu’il lui soit permis d’aussi étroites limites. Le travail des compositeurs italiens aujourd’hui, n’a plus pour but que de faire briller les chanteurs. — Et l’Opéra-Comique ? — Oh ! excellent ! On voit bien que vous arrivez de province. Dans peu il vous sera facile de remarquer que le nom de l’Opéra-Comique n’intervient jamais dans une conversation musicale. Si vous voulez savoir à quel degré de puissance est parvenue la musique moderne dégagée de la pompe et du luxe sous lesquels on l’accable parfois dans les théâtres, et affranchie des exigences des artistes à la mode, tâchez de trouver place dans la salle du Conservatoire un jour de concert. Là vous ne serez pas obligé d’imposer silence à vos voisins ; mille bruits divers ne viendront pas couvrir la voix de l’orchestre de son bruit importun ; là vous n’entendrez pas parler avec un ridicule enthousiasme du ré de la basse ou de la cadence du soprano ; mais là vous éprouverez de nobles et profondes émotions, dues entièrement et seulement à la musique ; là vous respirerez à loisir une atmosphère embaumée de poésie ; car vous serez dans le véritable et malheureusement dans l’unique temple que la capitale du monde civilisé ait su jusqu’à ce jour élever à l’art musical. » Voilà ce que je dirais au provincial, sans craindre de voir mes paroles démenties par l’expérience. Demandez aux auditeurs de ce quatrième concert s’ils ne comptent pas les deux heures qu’ils y ont passé au nombre des plus heureuses de leur vie. Le programme cette fois avait été composé de manière à satisfaire les plus exigeans. Beethoven faisait seul les frais de la première partie ; à Weber on avait en entier réservé la seconde. Dans un intermède fort court, M. Brod a fait entendre un solo de hautbois bien composé et qu’il a exécuté avec la pureté de son irréprochable et la grâce expressive qu’on lui connaît.
Le chœur d’Euryanthe (on nous pardonnera de ne pas suivre l’ordre du programme) a produit son effet accoutumé ; redemandé avec un enthousiasme voisin de la fureur, il a électrisé l’auditoire une seconde fois. Rien de plus franc et de plus énergique que la coupe, en apparence irrégulière, de ce morceau ; les cors y sont mis en œuvre avec cette habileté technique de l’homme qui connaît l’instrument et qui en affectionne le caractère. Sous le triple rapport de la mélodie, des accords et des modulations, ce chœur de chasseurs est devenu un type qu’on a imité à satiété et qu’on imitera long-temps encore. Le fameux ré bémol de la fin, sur la dernière syllabe du vers Chasseurs égarés dans les bois se retrouve partout. On ne fait plus aujourd’hui un chœur d’hommes un peu énergique sans y amener, de gré ou de force, une explosion sur la septième note du ton bémolisé. De même qu’après l’apparition du Freyschütz, toutes les ouvertures nouvelles commençaient nécessairement par un quatuor de cors. Aujourd’hui le vent est aux morceaux d’ensemble à l’unisson ; parce que M. Bellini a fait un duo plein d’élan et de passion dans I Capuletti, où les soprani des deux amans s’unissent ainsi avec le plus rare bonheur, il faut entendre à présent des unissons partout, voire même dans des scènes où les personnages animés de sentimens opposés n’ont aucune raison pour confondre leurs voix sur la même mélodie.
La scène d’Euryanthe telle qu’on l’exécute au Conservatoire forme un tout complet d’une couleur fort pittoresque ; les deux couplets chantés avec les cors sont coupés d’une prière dont la douceur contraste admirablement avec la mélodie sauvage et le rhythme heurté du thème principal. Toutefois elle n’est point de Weber, et si nous rendons justice à l’arrangeur français pour le talent avec lequel il a su encadrer et faire ressortir la belle inspiration du compositeur allemand, ce n’est pas à dire pour cela que nous approuvions le peu de respect avec lequel les traducteurs traitent en général les ouvrages originaux qu’il prennent sous leur patronage. Jamais nous n’accorderons à un homme, de quelque talent qu’il soit doué, le droit de tailler, de transposer, les morceaux d’un opéra ou d’une tragédie ; à plus forte raison lui refuserons-nous celui d’ajouter ses propres idées à celles de l’auteur, et, ce qui est plus fort, de les lui attribuer. L’exemple de Garrick, qui, malgré son adoration pour Shakespeare, s’avisa de changer le dénoument de Roméo et Juliette, n’a-t-il pas amené le bouleversement insensé de plusieurs autres chefs-d’œuvre de l’immortel poëte, l’introduction de nouveaux personnages dans la Tempête et cette Cléopâtre que Byron appelait si plaisamment une salade de Shakespeare et de Dryden ! Pour une tentative de ce genre, couronnée de succès, nous aurons cent profanations absurdes. D’ailleurs, qui vous donne le droit de vous croire plus d’esprit que le créateur de tant de merveilleux ouvrages ? Et en supposant que vos corrections soient ingénieuses et parfaitement raisonnables, pourquoi enlever à la physionomie d’un grand homme ses traits mêmes les plus défectueux ? Croyez-vous que les imperfections de ces natures puissantes n’offrent pas un charme réel d’originalité à qui sait les comprendre ? Et ne savez-vous pas que l’enthousiasme est frère de l’amour ? Si, dans un rendez-vous nocturne, vous êtes heureux en croyant presser la main de votre maîtresse, quelle que soit la beauté qui aura causé votre erreur, ne la repousserez-vous pas instinctivement en découvrant la supercherie ? A moins d’être de ces gens à qui tout est égal, pourvu qu’on les amuse, cela est certain. Mais à ces gens-là, de tout temps l’enthousiasme et l’amour furent inaccessibles.
L’ouverture d’Euryanthe est composeé, selon la méthode adoptée par Weber, des idées principales disséminées dans l’opéra. Ce système n’est pas nouveau ; il nous a valu bon nombre de pots-pourris que les auteurs d’opéras-comiques décoraient pompeusement du nom d’ouvertures, et qui n’étaient en réalité que de misérables non-sens. D’où vient cette différence dans le résultat du même procédé ?… Je m’abstiens de le dire par patriotisme. A une entrée d’une énergie foudroyante succède un vaporeux andante dont le charme est dû presqu’entièrement à l’instrumentation. L’harmonie, tenue pianissimo par les violons divisés en quatre et les altos con sordini, produit un effet mystérieux plein de douceur, dans lequel on pourrait trouvait un vague reflet de l’introduction d’Oberon. Puis l’allegro s’élance de nouveau avec un comportement curieux qui peint à merveille la haine et la jalousie frénétiques du caractère d’Eglantine, si admirablement dessiné dans l’Opéra. Peut-être ces cris forcenés de l’orchestre auraient-ils plus d’action s’ils se prolongaient moins ; peut-être aussi la svelte et élégante mélodie, évidemment adoptée comme thème principal, et qui nous représente la belle Euryanthe, augmenterait-elle l’intérêt général si elle revenait plus souvent, si au lieu de s’éloigner avec effroi des scènes tumultueueses où rugissent d’infernales passions, la vierge modeste leur opposait devantage la douceur de sa voix d’ange et l’éloquence de ses larmes ; mais cette observation, que nous émettons timidement, n’empêche pas que l’ouverture d’Euryanthe ne soit la digne sœur de celles d’Oberon et du Freyschütz, et le magnifique complément de cette trilogie célèbre.
Le chœur de Fidelio est d’une nuance trop délicate pour exciter de bien vifs applaudissemens. En outre les personnes qui n’ont pas présente à l’esprit la scène pour laquelle il a été composé, doivent perdre complètement le fil de la pensée de l’auteur. Des prisonniers affaiblis par une longue et sévère captivité, sont admis par faveur spécial à jouir un instant dans la cour de la forteresse, d’un air plus pur et de la lumière des cieux ; ils n’osent croire à tant de bonheur, ce n’est qu’avec méfiance qu’ils exposent leurs membres endoloris aux rayons vivifians du soleil. Telle est la situation que le compositeur avait à rendre. A mon avis son œuvre est parfaite. J’ai cherché minutieusement les défectuosités de mélodie, d’expression, d’harmonie, d’instrumentation, de disposition des voix, de sentiment ou de combinaison, d’inspiration ou de science, que ce chœur pouvait offrir à la critique, et je n’ai pu à chaque page que m’écrier : beau ! admirable ! sublime ! J’en dirai autant du fragment de quatuor exécuté par tous les violons, altos et violoncelles de l’orchestre. La prestesse, l’ensemble et la vigueur de cette masse d’instrumens à cordes dans une fugue compliquée, remplie de traits qui s’élèvent jusqu’au contre-ut et de phrases en staccato sur la quatrième corde, sont choses stupéfiantes, non pas pour nous, ces Messieurs depuis long-temps nous ont accoutumés à ne plus nous étonner de rien, mais pour les auditeurs qui ne fréquentent pas habituellement les séances du Conservatoire. On regrettait vivement en entendant cet entraînant final que l’andante en la mineur qui le précède eût été supprimé. C’est une des plus originales conceptions de Beethoven ; on croit en l’écoutant assister pendant une sombre nuit d’hiver, dans un château gothique comme ceux que Walter Scott savait peindre si bien, au récit effrayant de quelque antique légende. Le vent gronde sourdement au dehors, le foyer ne jette plus que de pâles lueurs, le cœur des auditeurs bat d’une terreur secrète, et chacun d’eux se rapprochant peu à peu de son voisin rétrécit le cercle en attachant sur la narrateur des regards épouvantés.
Mais parlons enfin de la symphonie pastorale, cet étonnant paysage qui semble avoir été composé par Poussin et dessiné par Michel-Ange. L’auteur de Fidelio et de la symphonie héroïque veut peindre de calme de la campagne, les douces mœurs des bergers. Oh ! mais entendons-nous : il ne s’agit pas des bergers roses-verts et enrubanés de M. de Florian, encore moins de ceux de M. Lebrun, auteur du Rossignol, ou de ceux de J. J. Rousseau, auteur du Devin de Village. C’est de la nature vraie qu’il s’agit ici. Il intitule son premier morceau : Sensations douces qu’inspire l’aspect d’un riant paysage. Les pâtres commencent à circuler dans les champs, avec leur allure nonchalante, leurs pipeaux qu’on entend au loin et tout près ; de ravissantes phrases vous caressent délicieusement comme la brise parfumée du matin ; des vols ou plutôt des essaims d’oiseaux babillards passent en bruissant sur votre tête, et de temps en temps l’atmosphère semble chargée de vapeurs ; de grands nuages viennent cacher le soleil, puis tout à coup ils se dissipent et laissent tomber d’aplomb sur les champs et les bois des torrens d’une éblouissante lumière. Voilà ce que je me représentais en entendant ce morceau, et je crois que, malgré le vague de l’expression instrumentale, bien des auditeurs ont pu être impressionnés de la même manière.
Plus loin est une scène au bord de la rivière. Contemplation……… L’auteur a sans doute créé cet admirable adagio, couché dans l’herbe, les yeux au ciel, l’oreille au vent, fasciné par mille et mille doux reflets de sons et de lumière, regardant et écoutant à la fois les petites vagues blanches, scintillantes du ruisseau, se brisant avec un léger bruit sur les pierres du rivage ; c’est délicieux. Quelques personnes reprochent vivement à Beethoven d’avoir, à la fin de l’adagio, voulu faire entendre successivement et ensemble le chant de trois oiseaux. Comme, à mon avis, le succès ou le non succès décident pour l’ordinaire de la raison ou de l’absurdité de pareilles tentatives, je dirai aux adversaires de celle-ci que leur critique me paraît juste quant au rossignol dont le chant n’est guère mieux imité ici que dans le fameux solo de flûte de M. Lebrun, par la raison toute simple que le rossignol ne faisant entendre que des sons inappréciables ou variables, ne peut être imité par des instrumens à tons fixes dans un diapason arrêté ; mais il me semble qu’il n’en est pas ainsi pour la caille et le coucou, dont le cri ne formant que deux notes pour l’un, et une seule pour l’autre, notes justes et fixes, ont par cela seul permis une imitation exacte et complète.
A présent, si l’on reproche au musicien, comme une puérilité, d’avoir fait entendre exactement le chant des oiseaux, dans une scène où toutes les voix calmes du ciel, de la terre et des eaux doivent naturellement trouver place, je répondrai que la même objection peut lui être adressée, quand dans un orage, il imite aussi exactement les vents, les éclats de la foudre, le mugissement des troupeaux. Et dieu sait cependant s’il est jamais entré dans la tête d’un critique de trouver absurde l’orage de la symphonie pastorale ! Continuons : Le poète nous amene à présent au milieu d’une réunion joyeuse de paysans. On danse, on rit, avec modération d’abord ; la musette fait entendre un gai refrain, accompagné d’un basson qui ne sait faire que deux notes. Beethoven a sans doute voulu caractériser par là quelque bon vieux paysan allemand, monté sur un tonneau, armé d’un mauvais instrument délabré, dont il tire à peine les deux sons principaux du ton de fa, la dominante et la tonique. Chaque fois que le hautbois entonne son chant de musette naïf et gai comme une jeune fille endimanchée, le vieux basson vient souffler ses deux notes ; la phrase mélodique module-t-elle, le basson se tait, compte ses pauses tranquillement, jusqu’à ce que la rentrée dans le ton primitif lui permette de replacer son imperturbable fa ut fa. Cet effet d’un grotesque excellent a échappé presque complètement à l’attention de l’auditoire. La danse s’anime, devient folle, bruyante. Le rhythme change ; un air grossier à deux temps annonce l’arrivée des montagnards aux lourds sabots ; le premier morceau à trois temps recommence plus animé que jamais : tout se mêle, s’entraîne ; les cheveux des femmes commencent à voler sur leurs épaules ; les montagnards ont apporté leur joie bruyante et avinée ; on frappe dans les mains ; on crie, on court, on se précipite ; c’est une fureur, une rage… Quand un coup de tonnerre lointain vient jeter l’épouvante au milieu du bal champêtre et mettre en fuite les danseurs.
Orage, éclairs. Je désespère de pouvoir donner une idée de ce prodigieux morceau ; il faut l’entendre pour concevoir jusqu’à quel degré de vérité et de sublime peut atteindre la musique pittoresque entre les mains d’un homme comme Beethoven. Ecoutez, écoutez ces raffales de vent chargées de pluie, ces sourds grondemens des basses, le sifflement aigu des petites flûtes qui nous annoncent une horrible tempête sur le point d’éclater ; l’ouragan s’approche, grossit ; un immense trait chromatique, parti des hauteurs de l’instrumentation, vient fouiller jusqu’aux dernières profondeurs de l’orchestre, y accroche les basses, les entraîne avec lui et remonte en frémissant comme un tourbillon qui renverse tout sur son passage. Alors les trombonnes éclatent, le tonnerre des timballes redouble de violence ; ce n’est plus de la pluie, du vent, c’est un cataclysme épouvantable, le déluge universel, la fin du monde. En vérité, cela donne des vertiges, et bien des gens, en entendant cet orage, ne savent trop si l’émotion qu’ils ressentent est plaisir ou douleur. La symphonie est terminée par l’action de grâces des paysans après le retour du beau temps. Tout alors redevient riant, les pâtres reparaissent, se répondent sur la montagne en rappelant leurs troupeaux dispersés ; le ciel est serein ; les torrens s’écoulent peu à peu ; le calme renaît, et, avec lui, des chants agrestes dont la douce mélodie repose l’âme ébranlée et consternée par l’horreur sublime du tableau précédent.
Après cela, voulez-vous que je vous parle des étrangetés de style qu’on rencontre dans cette œuvre gigantesque ; de ces groupes de cinq notes de violoncelles, opposés à des traits de quatre notes dans les contrebasses, qui se froissent sans pouvoir se fondre dans un unisson réel ? Faudra-t-il signaler cet appel des cors, arpégeant l’accord d’ut pendant que les instrumens à cordes tiennent celui de fa ?… En vérité j’en suis incapable. Pour un travail de cette nature, il faut raisonner froidement, et le moyen de se garantir de l’ivresse quand l’esprit est préoccupé d’un pareil sujet !… Loin de là, on voudrait dormir, dormir des mois entiers pour habiter en rêves la sphère inconnue que le génie nous a fait un instant entrevoir. Que par malheur, après un tel concert, on soit obligé d’assister à quelque opéra comique, à quelque soirée avec cavatines à la mode et concerto de flûte, on aura l’air stupide ; quelqu’un vous demandera « Comment trouvez-vous ce duo italien ? » On répondra d’un air grave : « Fort beau. — Et ces variations de clarinette ? — Superbes. — Et ce final du nouvel opéra ? — Admirable. » Et quelque artiste distingué qui aura entendu vos réponses sans connaître la cause de votre préoccupation, dira en vous montrant : « Quel est donc cet imbécille ? »
H***.
Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; page Hector Berlioz: Feuilletons créée le 1er mars 2009; cette page ajoutée le 1er mars 2014.
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