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Berlioz à Paris

Théâtre de l’Odéon

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    Dans sa forme actuelle, le Théâtre de l’Odéon date de 1819, mais son origine remonte à 1782 quand la première version du théâtre, construite par Louis XVI, ouvre ses portes sous le nom de Théatre-Français. Par la suite le théâtre changera plusieurs fois de nom, et est appelé Odéon pour la première fois en 1797. Détruit par le feu en 1799 le théâtre ouvre de nouveau après un intervalle en 1808, mais est de nouveau endommagé par un incendie en 1818 puis restauré en 1819, quand il acquiert la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Il a pour nom maintenant Odéon Théâtre de l’Europe.

    Au cours du séjour de Berlioz à Paris comme étudiant au début des années 1820 l’Odéon sert aux exécutions d’opéras, de ballets et de pièces de théâtre, et Berlioz le fréquente avec assiduité ainsi que l’Opéra. C’est à l’Odéon qu’il entend pour la première fois au cours de l’hiver de 1824-5 le Freischütz de Weber, non dans la version originale du compositeur mais sous la forme d’un pastiche arrangé par Castil-Blaze sous le titre de Robin des Bois. Même mutilé l’ouvrage laisse cependant entrevoir à Berlioz une musique nouvelle qui le séduit (Mémoires, chapitre 16). En partie sous l’influence de Weber, Berlioz entreprend en 1826 la composition de son opéra de jeunesse les Francs-Juges sur un livret de son ami Humbert Ferrand; il destine l’ouvrage à l’Odéon, même s’il a une piètre opinion du public qui fréquente ce théâtre (CG no. 61; 15 juillet 1826). Pour finir ses espoirs d’y faire entendre l’ensemble de l’opéra ou du moins des extraits seront déçus (CG nos. 70 et 71; 12 et 20 janvier 1827). Le gouvernement refuse d’accorder à l’Odéon le droit de représenter de nouveaux ouvrages français, et quand Berlioz propose les Francs-Juges à l’Opéra ils sont refusés (Mémoires, chapitre 11).

    L’Odéon possédait à l’époque un petit orchestre de bonne qualité dirigé par Nathan Bloc avec lequel Berlioz était en bons termes. Bloc consent à diriger le premier concert donné par Berlioz et composé uniquement de sa musique, mais la direction de Bloc laissait à désirer (26 mai 1828; Mémoires, chapitre 19). Deux ans plus tard Bloc offre ses services pour une première audition de la Symphonie fantastique que Berlioz venait de composer (mai 1830), mais par manque de préparations suffisantes il fallut abandonner le projet (CG no. 163; Mémoires, chapitre 26).

    Par la suite l’Odéon figurera peu dans la carrière musicale de Berlioz, pour la simple raison que la musique (opéras ou concerts) ne constituait qu’une partie limitée de ses activités. En 1833 (le 24 novembre) Berlioz y organise un concert à bénéfice au profit de Harriet Smithson, mais de son propre aveu le concert est un échec dû à son manque d’expérience à l’époque de l’art de diriger (Mémoires, chapitre 45; CG nos. 370, 398). Quelques années plus tard, le 1er juillet 1844, un concert à bénéfice a lieu à l’Odéon pour aider à la reconstruction d’une institution charitable, l’Hospice du Mont-Carmel, auquel participe Marie Recio et pour lequel Berlioz aide à organiser la publicité.

    D’une tout autre portée est une information glanée dans une lettre de Berlioz datée du 5 novembre 1844 (CG no. 924): ‘J’écris la musique indiquée par Shakespeare pour Hamlet dont on monte à l’Odéon une traduction en vers de Léon de Wailly’. Il s’agit ici sans doute du morceau connu plus tard sous le nom de Marche funèbre pour la derniere scène d’Hamlet, pour chœur sans paroles et orchestre, l’une des plus grandes œuvres du compositeur mais qui ne fut jamais exécutée de son vivant.

    Ce lien avec Shakespeare s’accorde entièrement à la fois avec la carrière de Berlioz et avec l’Odéon: dans l’esprit de Berlioz l’Odéon est intimement associé tant avec Shakespeare qu’avec l’actrice irlandaise Harriet Smithson qu’il épousera en 1833. Le 11 septembre 1827 il assiste à l’Odéon à une représentation d’Hamlet, avec Harriet Smithson dans le rôle d’Ophélie. Quelques jours plus tard, le 15 septembnre, il la revoit dans le rôle de Juliette. D’après les Mémoires (chapitre 18), c’est le ‘plus grand drame de sa vie’:

L’effet de son prodigieux talent, ou plutôt de son génie dramatique, sur mon imagination et sur mon cœur, n’est comparable qu’au bouleversement que me fit subir le poète dont elle était la digne interprète […] Shakespeare, en tombant sur moi à l’improviste, me foudroya. Son éclair, en m’ouvrant le ciel de l’art avec un fracas sublime, m’en illumina les plus lointaines profondeurs. Je reconnus la vraie grandeur, la vraie beauté, la vraie vérité dramatiques. […] Je vis... je compris... je sentis... que j’étais vivant et qu’il fallait me lever et marcher.

    Il ne peut être question dans le cadre de cette page d’examiner en détail ces deux sujets liés, l’influence de Shakespeare sur Berlioz, et la longue et finalement malheureuse passion de Berlioz pour Harriet Smithson. On sait que Shakespeare a directement inspiré plusieurs des principales œuvres du compositeur, à commencer par l’Ouverture de la Tempête, ensuite l’ouverture du Roi Lear, la symphonie dramatique Roméo et Juliette, la ballade La Mort d’Ophélie et la Marche funèbre pour la derniere scène d’Hamlet qu’on vient de citer, et son dernier ouvrage l’opéra Béatrice et Bénédict. L’influence de Shakespeare est omniprésente chez Berlioz et va bien au-delà de ces œuvres: c’est toute sa vision de l’existence humaine qui est en jeu. De son grand opéra en cinq actes les Troyens, inspiré par l’Énéïde de Virgile, Berlioz dit lui-même: ‘La partition a été dictée à la fois par Virgile et par Shakespeare’ (CG no. 2341). Sur l’influence de Shakespeare sur Berlioz on reverra le lecteur au livre de Gaëlle Loisel, La Musique au défi du drame. Berlioz et Shakespeare (Classiques Garnier, 2016).

    Quant à Harriet Smithson, les rapports de Berlioz avec elle sont évoqués dans plusieurs pages sur ce site, notamment la page sur Montmartre où les deux jeune mariés commencent dans le bonheur leur vie conjugale en 1834, et celle sur la rue Saint-Vincent qui retrace la triste fin de l’actrice dans une petite maison, également à Montmartre, où elle meurt le 3 mars 1854. Elle est enterrée d’abord dans le petit cimetière Saint-Vincent avant d’être transférée au cimetière de Montmartre plus grand (3 février 1964), ainsi que Berlioz le raconte dans ses Mémoires (Postface). Au moment de sa mort et de ses funérailles, un étrange jeu du sort rappelle à Berlioz le théâtre de l’Odéon où il avait vu Harriet pour la première fois; l’histoire est racontée plus tard dans les Mémoires (chapitre 59) mais se trouve déjà dans une lettre écrite à l’époque par Berlioz à sa sœur Adèle (CG no. 1701; 6 mars 1854):

Un de ces hasards barbares comme il y en a tant, a fait que la voiture qui me portait [chercher le Pasteur M. Hosemann qui demeurait au faubourg St-Germain] a dû passer devant le théâtre de l’Odéon où je la vis pour la 1ère fois il y a 27 ans, alors qu’elle avait à ses pieds l’élite des Intelligences de Paris, c’est-à-dire du monde… Cet Odéon où j’ai tant souffert…
Nous ne pouvions ni vivre ensemble ni nous quitter et nous avons réalisé cet atroce problème pendant les 10 dernières années. Nous avons tant souffert l’un par l’autre. Je viens du cimetière encore, je suis tout seul; elle repose sur le versant de la colline la face tournée vers le nord, vers l’Angleterre où elle n’a jamais voulu retourner.

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    Sauf indication contraire, les photos modernes reproduites sur cette page ont été prises par Michel Austin; toutes les autres images ont été reproduites d’après des gravures, cartes postales et livres dans notre collection. ©  Monir Tayeb et Michel Austin. Tous droits de reproduction réservés.

1. Le Théâtre de l’Odéon autrefois

Le Théâtre de l’Odéon d’après une gravure du 19ème siècle
Odéon

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Le Théâtre de l’Odéon vers 1830
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Une copie de la lithographie en couleurs de l’Odéon par Salathé, reproduite ci-dessus, est conservée à la bibliothèque de l’Opéra de Paris.

Le Théâtre de l’Odéon au début du 19ème siècle
Odéon

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Cette vieille carte postale date du début du XXème siècle.

2. Le Théâtre de l’Odéon au début du 21ème siècle

Odéon

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Odéon

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3. Harriet Smithson

    Les lithographies en noir et blanc ci-dessous, représentant Harriet Smithson dans les rôles d’Ophélie et de Juliette, sont toutes les deux par Devéria et Boulanger, et se trouvent dans un livre datant du 19ème de notre collection.

Harriet Smithson dans le rôle d’Ophélie dans Hamlet
Harriet Smithson

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Harriet Smithson dans le rôle de Juliette dans Roméo et Juliette
Harriet Smithson

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© (sauf indication contraire) Michel Austin et Monir Tayeb pour toutes les images et informations sur cette page. Cette page créée le 20 octobre 2000; nouvelle version augmentée le 1er janvier 2018.

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