DE
Présentation
Extraits de la correspondance de Berlioz
Cette page est disponible aussi en anglais
Abréviations:
CG = Correspondance
générale (1972-2003)
CM = Critique musicale (1996- )
NL = Nouvelles
lettres de Berlioz, de sa famille, de ses contemporains (2016)
Cette page rassemble les passages dans la correspondance de Berlioz qui se rapportent à ses Mémoires. Elle fait donc pendant aux pages sur ses précédents ouvrages, le Voyage musical en Allemagne et en Italie (1844), les Soirées de l’orchestre (1852), les Grotesques de la musique (1859) et À Travers chants (1962), mais avec de nombreuses différences évidentes, dûes à la nature même des Mémoires.
En effet, les précédents livres de Berlioz furent rédigés par lui en vue d’une publication à court terme, et étaient en grande partie composés d’extraits d’articles déjà publiés, mais remaniés pour la circonstance. Les Mémoires par contre ne sont destinés au départ qu’à une publication posthume, et la version définitive, imprimée en 1865 mais mise à la réserve dans son bureau au Conservatoire (CG no. 3026), ne sera livrée au public qu’après la mort du compositeur. De plus, quand il entreprend de les écrire en 1848 il ne sait pas encore quel en sera le terme. Récit qui se veut véridique, comme l’auteur le souligne dans sa Préface et dans plusieurs lettres à ses familiers (CG nos. 2186, 2984, 3026), les Mémoires sont aussi une œuvre d’art composée avec le plus grand soin. Dans sa correspondance Berlioz revient souvent sur le peine qu’il n’a cessé de prendre à polir son style (CG nos. 2296, 2316, 2864, 2982, 2984, 3002). Question de style, mais aussi question de l’organisation et de la présentation de la matière. Artiste jusqu’au bout des doigts, Berlioz veut éviter de se répéter tout en donnant une vision globale de sa carrière. Et il lui faudra finalement trouver aussi une conclusion satisfaisante à son ouvrage. Le travail de composition durera des années et se répartira en plusieurs phases, avec entre elles des pauses plus ou moins longues. En l’occurrence la recherche d’une conclusion durera dix ans, de 1854 à 1864, et la rédaction des Mémoires ne sera définitivement achevée qu’en 1865.
C’est en 1848 que Berlioz commence à écrire ses Mémoires. La Préface porte la date du 21 mars 1848; Berlioz est alors à Londres où il avait été nommé chef d’orchestre au Théâtre de Drury Lane. La page sur Berlioz à Londres traite en détail des circonstances dans lesquelles fut amorcée la rédaction des Mémoires, et il n’y a pas lieu d’y revenir ici. Mais il faut néanmoins commencer par un retour en arrière pour fournir une vue d’ensemble de la genèse de l’ouvrage.
Mars 1848 n’est en effet pas le véritable point de départ du travail de rédaction. ‘Ma vie est un roman qui m’intéresse beaucoup’, confie Berlioz à son ami Humbert Ferrand dans une lettre du 12 juin 1833 (CG no. 338). Tôt dans sa carrière il a cherché à intéresser le public non seulement à sa musique mais aussi à sa vie, et les deux se rejoignent: dans la Symphonie fantastique de 1830 il se met en scène lui-même dans une œuvre qui a pour sous-titre ‘Épisode de la vie d’un artiste’, et qui sera bientôt complétée par le monodrame Le Retour à la vie écrit l’année suivante au cours de son voyage en Italie de 1831-1832. Les deux ouvrages sont présentés ensemble dans deux concerts au Conservatoire le 9 et le 30 décembre 1832, et entre les deux concerts (le 23 décembre) paraît un article biographique sur Berlioz dans la Revue de Paris, de la plume de son ami Joseph d’Ortigue, article inspiré par une esquisse autobiographique fournie par Berlioz lui-même. Cette esquisse préfigure en raccourci les premiers chapitres des Mémoires à venir, de son enfance à La Côte Saint-André jusqu’au concert du 9 décembre où son idole, l’actrice Harriet Smithson dont il s’est épris en 1827, assiste à une exécution de la symphonie et du mélologue inspirés par elle (voir la présentation de ce document par Pierre-René Serna et son texte sur ce site). ‘Tout ceci … donne à notre biographie l’air d’un roman’ lit-on à l’avant dernier paragraphe de l’esquisse: la lettre à Ferrand citée ci-dessus semble lui faire écho. Plus de vingt ans plus tard, quand les Mémoires sont définitivement terminés et imprimés (mais pas encore livrés au public), Berlioz décrira à Estelle Fornier l’ouvrage comme ‘[un] roman historique, ou plutôt … [une] histoire romanesque’ (CG no. 3026; 17 juillet 1865).
Dès avant son retour d’Italie Berlioz commence à publier dans divers journaux, à partir de mars 1832, une série d’articles racontant ses expériences en Italie, à laquelle s’ajoute bientôt à partir de juin 1833 une autre série d’articles sur le concours du Prix de Rome. Ces séries se poursuivront pendant plusieurs années jusqu’en octobre 1836 (CM I pp. 69-83, 91-7, 99-105, 107-12, 153-65, 211-13, 215-19, 239-44, 313-41; CM II pp. 155-68, 263-70, 521-9, 567-70, 571-5, 577-81).
Quelques années plus tard, en décembre 1842, Berlioz entreprend un nouveau voyage, le voyage en Allemagne longtemps médité, et dès son retour il ne tarde pas à publier, entre août 1843 et janvier 1844, une série de lettres dans le Journal des Débats sur son voyage, série qui sera reprise intégralement dans son premier livre, paru peu après en août 1844, le Voyage musical en Allemagne et en Italie. Le livre reprend aussi nombre de ses articles antérieurs, sur le Prix de Rome et le voyage en Italie, avec en plus un choix d’articles de critique musicale et de nouvelles. L’ouvrage mêle donc autobiographie, critique musicale et fiction littéraire, et préfigure ses livres à venir, des Soirées de l’orchestre aux Mémoires, qui reprendront une bonne partie de la matière du Voyage musical de 1844.
1848 est pour Berlioz une année charnière, tant dans sa vie personnelle avec la mort de son père, que dans sa carrière de musicien avec toutes les conséquence néfastes des révolutions de 1848. Elle marque aussi un tournant dans son activité littéraire. En janvier il envisageait la possibilité d’une édition anglaise de son premier livre, le Voyage musical en Allemagne et en Italie de 1844, qui lui donnerait l’occasion de retoucher l’ouvrage et d’y ajouter plusieurs articles écrits depuis (CG no. 1161; 14 janvier 1848). Le projet n’eut pas de suite et Berlioz semble y avoir renoncé assez rapidement. La Préface des Mémoires, qui porte la date du 21 mars 1848 à Londres, fait allusion au Voyage musical en ces termes:
Déjà un livre que j’ai publié il y a plusieurs années, et dont l’édition est épuisée, contenait, avec des nouvelles et des fragments de critique musicale, le récit d’une partie de mes voyages. De bienveillants esprits ont souhaité quelquefois me voir remanier et compléter ces notes sans ordre.
Le début du travail de rédaction des Mémoires laisse entendre que Berlioz considère maintenant que l’aspect autobiographique de son Voyage musical de 1844 est destiné à être non seulement complété, mais remplacé à long terme par le nouveau travail qu’il vient d’entreprendre sur ses Mémoires, qui, on le sait, vont incorporer une version remaniée des chapitres italiens du Voyage musical ainsi que des dix Lettres sur son premier voyage en Allemagne de 1842-1843. De la même façon, les articles de critique musicale et les nouvelles du Voyage musical seront par la suite repris et complétés par de nouveaux ouvrages à venir, des Soirées de l’orchestre de 1852 à son dernier recueil À Travers chants de 1862. À long terme le Voyage musical de 1844 subira donc le même sort que nombre des compositions de ses années d’apprentissage, de la Messe solennelle de 1824-1825 à l’ouverture de Rob-Roy de 1832: celui de servir de mine où il puisera pour les œuvres de sa maturité (voir Berlioz et sa musique: auto-emprunts).
La Préface des Mémoires, on l’a dit, est datée du 21 mars 1848 à Londres. Au cours des semaines suivantes Berlioz rédige les quatre premiers chapitres, puis subitement, le 10 avril, il interrompt son récit à la fin du chapitre 4, à cause de la grande manifestation des chartistes à Londres qu’il va observer. Plus loin, dans une note datée du 12 juillet, il confie qu’il n’a pu poursuivre son récit depuis et qu’il retourne maintenant à Paris, où le 16 juillet il décrit la situation catastrophique de la capitale après les émeutes. Il décide de reprendre la rédaction des Mémoires: ‘L’examen du passé servira, d’ailleurs, à détourner mon attention du présent’.
À quelques exceptions près il ne semble pas possible de dater exactement la rédaction de tous les chapitres qui suivent, jusqu’au chapitre 59, à la fin duquel Berlioz ajoute la date ‘Paris, 18 octobre 1854’. Ce gros ensemble de chapitres constitue la partie la plus importante des Mémoires; elle fut donc rédigée entre mars 1848 et octobre 1854, reprenant et remaniant de nombreux passages déjà publiés ailleurs. Le chapitre 48, qui traite de Benvenuto Cellini en 1838, fut écrit en 1850, comme le précise une note de Berlioz ajoutée plus tard, au plus tôt après 1852. Le chapitre suivant, qui traite de Roméo et Juliette en 1839, fut sans doute écrit peu après, mais une note y fut ajoutée quelque temps après le concert à Londres du 24 mars 1852. Le chapitre 58, qui traite de l’année 1848, fut écrit avant 1854, comme il ressort de deux notes au chapitre ajoutées en février et août 1854. D’autres notes du même genre furent ajoutées par Berlioz avant octobre 1854 à des chapitres qui traitent d’événements antérieurs; voir le chapitre 35, et le Premier voyage en Allemagne, Lettre 1 et Lettre 9.
La correspondance de Berlioz, il faut le souligner, n’est d’aucun secours pour dater la rédaction des divers chapitres: Berlioz semble avoir voulu garder un silence total sur son travail sur les Mémoires pendant plusieurs années, même avec ses proches amis et les membres de sa famille. La première mention explicite des Mémoires se trouve dans une lettre à Liszt du 24 janvier 1854 (CG no. 1696); elle indique qu’il en avait parlé récemment à Liszt et à son cercle d’amis de Weimar, sans doute dans les derniers mois de 1853 (Liszt voit Berlioz à Paris en octobre de cette année, puis de nouveau à Leipzig en décembre). La lettre de Berlioz est en réponse à une demande de Liszt de voir le manuscrit des Mémoires pour y puiser des renseignements biographiques, ce que Berlioz refuse pour l’instant par souci de sécurité. À ce moment le chapitre 59 n’était pas encore terminé, mais sans doute en voie d’élaboration.
Le long chapitre 59 traite à lui seul toute la période qui va de 1849 à octobre 1854. Le ton est maintenant bien différent de celui des chapitres antérieurs:
J’ai hâte d’en finir avec ces mémoires, leur rédaction m’ennuie et me fatigue presque autant que celle d’un feuilleton; d’ailleurs quand j’aurai écrit les quelques pages que je veux écrire encore, j’en aurai dit assez, je pense, pour donner une idée à peu près complète des principaux événements de ma vie et du cercle de sentiments, de travaux et de chagrins dans lequel je suis destiné à tourner... jusqu’à ce que je ne tourne plus.
La route qui me reste à parcourir, si longue qu’on la suppose, doit sûrement ressembler beaucoup à celle que j’ai parcourue.
Plus maintenant de récit suivi, même sommaire, mais un tableau sombre de malheurs et d’échecs. D’abord la mort de sa sœur aînée (4 mai 1850), puis celle de sa femme Harriet Smithson (4 mars 1854), à la suite de laquelle il déclare:
Je n’ai plus rien à dire maintenant des deux grands amours, qui ont exercé une influence si puissante et si longue sur mon cœur et sur ma pensée. L’un est un souvenir d’enfance [Estelle Dubœuf, plus tard Fornier] […] L’autre amour m’apparut avec Shakespeare [Harriet Smithson] […].
À ce moment, après l’échec de sa tentative en 1848 de prendre contact avec Estelle, Berlioz semble donc s’attendre à ne jamais la revoir. Il continue son chapitre 59 avec une vision pessimiste de sa situation présente et de son avenir: les oppositions qu’il rencontre, surtout en France et à Paris, son hésitation à entreprendre une grande œuvre dramatique (allusion aux Troyens), et même son renoncement à écrire une symphonie entendue en rêve. Par contre il est bien reçu à l’étranger, surtout en Allemagne, et conclut le chapitre en remerciant l’Allemagne, l’Angleterre et la Russie de leur accueil, ainsi que ses amis en France et dans le monde, mais en accablant de son mépris les ‘maniaques, dogues et taureaux stupides … serpents et insectes de toute espèce’ qu’il espère oublier avant de mourir. Conclusion équivoque, qui laisse bien des points d’interrogation dans l’esprit du lecteur.
On remarquera ici que les trois autres livres de Berlioz, les Soirées de l’orchestre, les Grotesques de la musique et À Travers chants, allaient paraître bien après le début de la rédaction des Mémoires en 1848, le premier en 1852, le second en 1859 et le troisième en 1862. Or ces trois livres contiennent tous des passages de caractère autobiographique: notamment dans les Soirées la visite à Bonn en août 1845 et le voyage à Londres en 1851; dans les Grotesques les voyages à Marseille et Lyon en juin et juillet 1845, puis à Lille en juin 1846, et la visite à Bade en 1857; et dans À Travers chants le voyage à Bade de 1861. Berlioz aurait fort bien pu inclure tous ces épisodes dans les Mémoires qu’il rédigeait depuis 1848, mais il ne l’a pas fait, et sans doute à dessein. C’est comme s’il avait voulu décharger les Mémoires d’un trop-plein de récits qui auraient détruit l’équilibre de son autobiographie, pour les placer ailleurs où ils seraient mieux à leur place.
La date du 18 octobre 1854 inscrite à la fin du chapitre 59 est significative: c’est la veille du mariage de Berlioz et Marie Recio, sa compagne depuis au moins 1842. Marie Recio est la grande absente des Mémoires, et ne figure absolument pas parmi les ‘grands amours’ qui ont influencé ‘le cœur et la pensée’ de Berlioz. Dans cette première rédaction des Mémoires il n’y qu’une seule allusion à elle, au début du chapitre 51, où Berlioz, relatant le début de ses voyages musicaux à l’étranger en 1842, confie qu’il avait ‘une compagne de voyage qui, depuis lors, [l]’a suivi dans [s]es diverses excursions’. Marie Recio n’est pas nommée. Son nom figurait dans la première version de la 5ème lettre du Voyage en Allemagne, publiée dans le Journal des Débats (12 septembre 1843), ainsi que dans la reproduction de cet article dans le Voyage musical de 1844, mais il disparaît dans la version des Mémoires. Quand Berlioz commence la rédaction des Mémoires à Londres en 1848 il est maintenant seul après le retour de Marie Recio à Paris. Par la suite il s’efforcera pendant longtemps à rester discret sur l’existence des Mémoires et surtout à les cacher à Marie Recio, qui est mainenant sa femme (cf. CG nos. 1965, 1975, 2094bis, 2296, 2325). Le mariage de Berlioz et Marie Recio ne sera évoqué que bien plus tard, dans la Postface de 1864, mais hors contexte, à propos de sa mort le 13 juin 1862 et le transfert des restes de Harriet Smithson au cimetiére Montmartre en février-mars 1864. Jusqu’au bout des Mémoires Marie Recio restera vouée à l’anonymat.
Le chapitre 59 est le dernier chapitre des Mémoires à être numéroté, ce qui laisse supposer qu’à ce moment Berlioz pensait avoir mis un point final à son récit. Autre indice: en 1855 il est maintenant prêt à envoyer une copie du manuscrit à Liszt en réponse à sa requête de l’année passée (CG no. 1965); il envisage aussi une traduction allemande des Mémoires (par Richard Pohl), qui ne paraîtrait qu’à titre posthume, tout comme l’édition française proposée par Michel Lévy, l’éditeur des Soirées de l’orchestre. Il conçoit cependant des doutes sur son traducteur éventuel, et la question d’une version allemande restera en suspens pour l’instant (CG nos. 1965, 1975, 1995, 2074, 2094bis).
L’année suivante autre initiative, à première vue assez surprenante. Berlioz, jusqu’alors très discret sur l’existence de ses Mémoires, est maintenant disposé à laisser voir son manuscrit à un étranger, Eugène de Mirecourt de son nom de plume (son vrai nom était Charles Jacquot). Il s’agissait de fournir à ce dernier des renseignements biographiques pour un petit ouvrage sur le compositeur, ouvrage dans une série intitulée Les Contemporains. Berlioz prête son manuscrit en mai mais le réclame bien vite au début de juin (CG no. 2134); l'’ouvrage, rédigé à la hâte en quelques semaines, paraît au cours de l’été (la préface de l’auteur est datée du 3 août 1856). On trouvera le texte complet de ce livre sur ce site avec une présentation des rapports de Berlioz avec de Mirecourt.
La décision de Berlioz fut très probablement motivée par la candidature qu’il pose alors (en mai 1856) au fauteuil vacant à l’Institut: il espère une publicité favorable. Il sera en fait élu le 21 juin, bien avant la publication de l’ouvrage. Quand l’ouvrage paraît, Berlioz est à juste titre très mécontennt du résultat (CG no. 2186; Post-Scriptum): compilation bâclée et désordonnée, pleine d’erreurs et d’inventions, c’est du mauvais journalisme qui, malgré ses bonnes intentions, trahit à la fois l’esprit et la lettre de l’original. Berlioz a dû regretter d’avoir fait confiance à son auteur (il ne prononce jamais son nom, ni dans ses Mémoires ni dans sa correspondance). Mais il ajoute maintenant aux Mémoires le Post-Scriptum, qui est le texte d’une longue lettre, datée du 24 mai 1856, qu’il avait adressée à de Mirecourt en réponse à sa demande de renseignements. En plus du manuscrit principal des Mémoires, de Mirecourt avait fait quelques emprunts à cette lettre (voir par exemple pp. 53-7, 69-70, 82-7 de son livre). Le texte complet du Post-Scriptum reprend plus longuement le thème du chapitre 59 sur les obstacles auxquels Berlioz à dû faire face, mais y ajoute un développement neuf et important sur son style musical.
Deux ans plus tard Berlioz déclare publiquement que son ouvrage autobiographique ‘est maintenant terminé’ (CG no. 2291, entre mai et septembre 1858; voir ci-dessous). On conçoit mal que ce Post-Scriptum représente le dernier mot des Mémoires, mais des années passeront avant que Berlioz ajoute à son manuscrit. Il continue cependant à ajouter de temps en temps quelques notes pour mettre à jour le texte existant (voir les chapitres 16; 46; 48; 53 [fin du chapitre]; Deuxième voyage en Allemagne Lettre 3; Chapitres 54 et 59 note 4 et note 8).
Berlioz au départ n’avait pas l’intention de publier ses Mémoires de son vivant (CG no. 1965). Mais en 1858, changement de cap. Le 13 février 1858 il publie dans l’hebdomadaire le Monde illustré des extraits de ce qui sera plus tard le chapitre 53 des Mémoires concernant le grand concert de 1844 (voir la page Hector Berlioz: Mémoires d’un musicien, avec citation des lettres de 1858 et 1859 qui s’y rapportent). Berlioz ne semble pas d’abord vouloir aller plus loin, mais quelque mois plus tard le directeur du journal le persuade d’entamer une série d’articles du même genre; ils paraîtront dans le journal du 25 septembre 1858 au 10 septembre 1859, articles tirés des chapitres existants du manuscrit des Mémoires. Il ne s’agit cependant que de fragments traitant, comme le titre l’indique, uniquement de sa carrière de musicien et non de sa vie intime, qu’il n’a pas l’intention de publier de son vivant (CG nos. 2291, 2332, 2348, cf. 2186). S’il publie ces fragments, c’est uniquement par besoin d’argent (CG nos. 2334, 2348).
Cette publication, même tronquée, a un certain retentissement, et Richard Pohl lui propose de les traduire en allemand (CG no. 2355). La réponse de Berlioz semble avoir été négative, mais quelques années plus tard Pohl persistera à pousser l’idée, mais sans succès (CG nos. 2663, 2678, en 1862), alors qu’il publiera en 1864 ses traductions allemandes des autres livres de Berlioz. Berlioz continuera cependant à envisager par la suite une traduction allemande des Mémoires (qui paraîtrait après sa mort, comme l’édition française; cf. CG no. 3044). Un ensemble de lettres de 1866 traite du projet d’une traduction qui serait publiée par Heinze à Leipzig, l’éditeur des traductions des trois autres livres de Berlioz, mais avec un autre traducteur que Pohl. Mais le projet n’aboutira pas (CG nos. 3097, 3102, 3103, 3134, 3140, 3146, 3164).
La publication en 1858-9 des Mémoires d’un musicien soulève une question qui intrigue. C’est la première fois que Berlioz reconnaît publiquement l’existence des Mémoires, commencés à Londres en 1848 et considérés en 1858 par l’auteur comme terminés (cf. CG no. 2291, publié en partie dans le Monde illustré du 18 septembre 1858). Il semble fort peu probable que cette publication ait pu été dérobée longtemps à l’attention de Marie Recio-Berlioz, même si Berlioz continue à vouloir rester discret sur l’existence de l’ouvrage (CG nos. 2296, 2325). On ne sait quelle fut la réaction éventuelle de Marie.
À part la correspondance avec Richard Pohl en 1862, il ne semble pas y avoir d’autre allusion aux Mémoires dans les lettres de Berlioz entre 1860 et 1864. En 1858 Berlioz laissait entendre que ses Mémoires étaient maintenant terminés (CG no. 2291, reproduit dans le Monde illustré). Mais à la longue il n’était pas vraisemblable que Berlioz s’en tienne là et omette de parler de sa carrière et de ses œuvres postérieures à 1854, notamment Béatrice et Bénédict et les Troyens. Une note ajoutée en 1858 au chapitre 59 pose au sujet de ce dernier opéra un point d’interrogation: ‘Que deviendra cet immense ouvrage?…’ La question reste sans réponse.
Dans l’esprit de Berlioz la fin de 1863 représente pour lui la fin de sa carrière active. Il a terminé son dernier opéra, Béatrice et Bénédict qui a été représenté avec succès à Bade en août 1862 et 1863, et en avril 1863 à Weimar. Les Troyens ont enfin été montés au Théâtre Lyrique en novembre et décembre, du moins dans une version tronquée. En octobre il publie son dernier feuilleton pour le Journal des Débats, et donne sa démission finalement de ce journal en mars 1864. Peu après il confie au Grand-Duc de Weimar: ‘Maintenant ma tâche est finie. Othello’s occupation’s gone […] Je ne fais plus ni prose, ni vers, ni musique’ (CG no. 2857; 12 mai 1864).
On sait par deux lettres de Berlioz à son fils que dans les premiers mois de 1864 — on ne sait à quel moment précis — il a entrepris de rédiger un supplément à ses Mémoires, la Postface, qui relate ce qui est ‘racontable’ dans les dix années de sa vie depuis 1854; ce supplément est terminé avant la fin de juillet (CG nos. 2864, 2870). La Postface elle-même n’est pas datée exactement, à l’encontre du chapitre 59 et du Post-Scriptum. ‘Il y a maintenant près de dix ans que j’ai terminé ces mémoires’ écrit-il au début, et il termine en disant ‘Je suis dans ma soixante et unième année’. Le chapitre commence avec un écho de la lettre au Grand-Duc de Weimar: ‘Ma carrière est finie. Othello’s occupation’s gone’. Suit un sommaire des principaux événements survenus, et en particulier un long développement sur les représentations des Troyens, puis plusieurs pages sur Béatrice et Bénédict et ses derniers concerts en Allemagne (Lœwenberg) et en France (Paris, Strasbourg). La Postface termine avec un retour à sa vie personnelle. Elle évoque d’abord et presque en passant son remariage (en 1854 !) et la mort de sa deuxième femme (en 1862), qui n’est toujours pas nommée, et revient finalement et plus longement à sa première femme, Harriet Smithson, et le transfert de ses restes au cimetière de Montmartre. Le ton désabusé du tout dernier paragraphe fait écho à celui de la fin du chapitre 59: ‘Mon mépris pour l’imbécillité et l’improbité des hommes, ma haine pour leur atroce férocité sont à leur comble; et à toute heure je dis à la mort: « Quand tu voudras ! » Qu’attend-elle donc ?’
En terminant la Postface, Berlioz affirme à son fils que ses Mémoires sont maintenant bel et bien terminés: le récit des dix dernières années ‘clôt et termine définitivement l’ouvrage’ (CG no. 2870). Les événements ne vont pas tarder à apporter un démenti à cette affirmation.
La Postface conclut avec la disparition des deux femmes de Berlioz*, mais tout au long de ce chapitre il n’y a pas mention d’Estelle Fornier, qui avait joué un rôle central dans sa jeunesse et que Berlioz avait entrevu brièvement à son retour d’Italie en 1832 (Mémoires, chapitre 3). En 1848, après la mort de son père, il avait longuement revisité Meylan et essayé de reprendre contact avec Estelle, mais la lettre qu’il lui écrivit était restée sans réponse (chapitre 58). En 1854, dans le chapitre 59 des Mémoires il ne semblait plus s’attendre à jamais la revoir. Mais des notes ajoutées en 1854 au chapitre 58 montrent qu’il s’était quand même renseigné sur elle à plusieurs reprises, et qu’il savait qu’elle était alors encore en vie — ce qui laisse une question en suspens dans l’esprit du lecteur, et sans doute aussi dans celui de Berlioz.
On connaît la suite: en septembre 1864 Berlioz conçoit le désir de faire un voyage en Dauphiné, d’abord à Vienne pour voir ses nièces et leur père, puis à Grenoble et Meylan, avec l’espoir de revoir enfin Estelle: leur première rencontre depuis plus de trente ans a lieu à Lyon (23 septembre). Il entame alors dès son retour à Paris le 27 septembre une correspondance suivie avec elle, qui se poursuivra jusqu’en 1868. Le récit des derniers mois de 1864, cap décisif dans la vie du compositeur, est consigné dans le Voyage en Dauphiné, écrit presque tout de suite; il est daté du 1er janvier 1865 et clôt maintenant définitivement les Mémoires.
Selon Berlioz, c’est Estelle Fornier qui lui a suggéré de finir ses Mémoires (CG no. 2984). Mais encore à la fin de juillet 1864 Berlioz pensait que les Mémoires étaient maintenant terminés (CG no. 2870): ce serait donc Estelle Fornier qui aurait engagé Berlioz à écrire le Voyage en Dauphiné, où elle redevient le personnage central qu’elle était dans l’enfance du compositeur. Le Voyage en Dauphiné fait suite aux nombreux voyages qui ponctuent la carrière de Berlioz, et qui étaient tous des voyages musicaux, en Italie, en Allemagne, en Europe centrale, en Russie, en Angleterre. Son dernier voyage n’est plus un voyage musical, mais un retour à sa terre natale, qui complète le cercle et réunit les deux thèmes qui parcourent sa vie, amour et musique. ‘Pourquoi séparer l’un de l’autre? Ce sont les deux ailes de l’âme’. La question posée à la fin de la Postface a finalement sa réponse: Berlioz ‘peut mourir maintenant sans amertume et sans colère’.
La correspondance de Berlioz pour l’année 1865 illustre la place centrale que tient Estelle Fornier dans la rédaction finale des Mémoires. Il y a subitement une abondance de lettres qui parlent des Mémoires en détail, mais le plus grand nombre (14 lettres) est adressé à Estelle Fornier, et même la confidante intime du compositeur depuis 1856, la princesse Wittgenstein, vient loin derrière (4 lettres).
Toujours selon Berlioz, c’est aussi Estelle Fornier qui lui aurait conseillé de faire imprimer le texte (CG nos. 2984, 2999, 3002). Le manuscrit est envoyé à l’imprimeur en février et l’impression est finalement terminée en juillet (CG nos. 2970, 2976, 2978, 2982, 2984, 2999, 3002, 3006, 3010, 3026). Berlioz en expédie un exemplaire à Estelle Fornier (CG no. 3030), et au cours d’un voyage à Genève en août pour lui rendre visite fait quelques corrections supplémentaires sur son exemplaire (CG no. 3034). En septembre il fait relier un exemplaire corrigé qui lui est destiné (CG no. 3044).
En faisant imprimer le texte de 1865 des Mémoires (plus quelques ultimes ajouts faits après le 1er janvier: voir les chapitres 22, 36 et 48), Berlioz fige son texte de manière définitive. Il ne peut plus modifier ou ajouter à ce qu’il a écrit, s’il en avait la tentation, et se prémunit ainsi contre le risque de voir un avenir encore incertain troubler la paix relative dans laquelle les Mémoires se terminent.
*Note: Nous omettons ici l’épisode d’Amélie, connu par le récit postérieur des Souvenirs d’Ernest Legouvé (Chapitre XVI, paragraphe 9) et par une lettre à la princesse Sayn-Wittgenstein du 30 août 1864 (CG no. 2892), mais sur lequel Berlioz ne souffle mot au début du Voyage en Dauphiné; voir David Cairns, Hector Berlioz tome II (1999), pp. 739-40 et 781.
À Franz Liszt (CG no. 1696; 24 janvier):
En t’écrivant
précipitamment il y a quelques jours, j’ai oublié de répondre à différents
passages de ton avant-dernière lettre. Il s’agissait du volume que tu as
l’intention de publier sur mes partitions dans deux ou trois mois. Tu
voudrais avoir le manuscrit de mes mémoires pour y prendre des
détails Biographiques. Je ne te l’ai pas envoyé parce que je n’ai point
encore de copie de ce volumineux manuscrit et que je n’ose le confier au
chemin de fer. Un énorme paquet de musique contenant 105 parties de chœur
de mon Requiem a été expédié le 23 décembre par moi à Griepenkerl à Brunswick, et ce paquet n’est pas arrivé à son adresse. Je ne puis
savoir ce qu’il en est devenu. Tu conçois que ce fait me rende plus
méfiant à l’égard des messagers officiels.
Dès que j’aurai pu faire copier la chose, ou je te la
porterai, ou je te l’enverrai par quelque voie sûre. […]
À Franz Liszt (CG no. 1965; 10 mai):
[…] Hier je t’ai envoyé en
un paquet trois volumes manuscrits reliés, que je t’avais promis.
Tu sais que M. Pohl veut bien se charger d’en faire la traduction, qu’il
s’engage à ne pas publier de mon vivant et dont je lui cède toute la
propriété en Allemagne. Il y aura là-dedans une foule de mots, d’allusions
et de locutions tout à fait inintelligibles pour lui, mais je te prie de
vouloir bien les lui expliquer.
Je lui donne un an pour faire sa traduction,
après ce temps je te prie de me renvoyer l’original si je ne vais pas le
chercher moi-même. Je compte sur son honneur de traducteur pour ne faire
aucun changement, aucune concession à des idées qui ne sont pas les
miennes, enfin pour traduire purement et simplement avec la
fidélité la plus scrupuleuse.
Si je mourais avant d’avoir reçu mon manuscrit, je te
prie de le garder et d’en arranger une publication fidèle aussi
avec Michel Lévy (Rue Vivienne) qui me l’a déjà proposée. Tu remettrais
alors le produt de cette vente, quel qu’il soit, moitié à ma femme et
moitié à mon fils.
Pardon de te parler sur ce ton testamentaire; mais, comme disent les
bonnes femmes, cela ne fait pas mourir.
Tu m’accuseras réception seulement du paquet
(je saurais ce que cela veut dire). […]
À Franz Liszt (CG no. 1975; 7 juin):
[…] Il n’y a point de doute que Pohl soit incapable de bien traduire les mémoires; mais il m’a tant prié de les lui confier… Il n’y a qu’un parti à prendre, c’est, si tu ne lui a pas communiqué ma dernière lettre, de continuer à garder le silence à ce sujet. Dis-moi ce qu’il en est par quelques lignes adressées à Londres (à M. William Beale, Cramer and Beale office, Regents street) (pour M. H. Berlioz). Nous trouverons bien un prétexte plausible pour reprendre toute liberté à cet égard. Au reste Cornelius n’est pas non plus de force à traduire du Parisien en allemand, sans être beaucoup aidé. Il a même commis dans l’Enfance du Christ une petite erreur assez singulière, en confondant un corps-de-garde (lieu de garde) avec un Corps de Gardes (hommes de garde). […]
À Franz Liszt (CG no. 1995; 21 juillet):
[…] P.S. Dis-moi ce que tu as fait à propos des Mémoires, avec Pohl et s’il sait que je les ai envoyés.
À Franz Liszt (CG no. 2074; 31 décembre):
[…] P.S. Dans le cas où je verrais Pohl avant toi, fais-moi savoir ce que je devrai répondre aux questions qu’il ne manquera pas de m’adresser au sujet de la traduction des Mémoires.
À Richard Pohl (CG no. 2094bis [tome VIII]; entre le 8 février et le 3 mars):
Voici les mémoires. Ne dites pas que vous les avez et n’en parlez [pas] devant ma femme, qui ne sait pas même que ces volumes étaient à Weimar. Je vous expliquerai tout cela.
À Eugène de Mirecourt (CG no. 2134; début juin): voir Monde illustré
À Adolphe Samuel (CG no. 2186; 25 novembre): voir Monde illustré
—
À Jules Lecomte (CG no. 2291; mai à septembre): voir Monde illustré
À sa sœur Adèle Suat (CG no. 2296; 10 mai): voir Monde illustré
À Jean-Georges Kastner (CG no. 2316; 28 septembre): voir Monde illustré
À sa sœur Adèle Suat (CG no. 2325; 22 octobre): voir Monde illustré
À Humbert Ferrand (CG no. 2327; (3 novembre): voir Monde illustré
Achille Paganini à Berlioz (CG no. 2330 (3 novembre): voir Monde illustré
À Humbert Ferrand (CG no. 2332; 8 novembre): voir Monde illustré
À Humbert Ferrand (CG no. 2334; 19 novembre): voir Monde illustré
À Adolphe Samuel (CG no. 2341; 1er janvier): voir Monde illustré
À sa sœur Adèle Suat (CG no. 2345; 10 janvier): voir Monde illustré
À sa sœur Adèle Suat (CG no. 2348; 23 janvier): voir Monde illustré
À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2351; 8 février): voir Monde illustré
À Richard Pohl (CG no. 2355; 19 février): voir Monde illustré
Alcide-Joseph Lorentz à Berlioz (CG no. 2367bis [tome VIII]; 18 avril): voir Monde illustré
À Humbert Ferrand (CG no. 2368; 28 avril): voir Monde illustré
—
—
Richard Pohl à Berlioz (CG no. 2663: 12 octobre):
[…] En même temps je vous
offre une autre affaire. Si je vous ai compris à Baden, vous m’avez
déclaré que n’auriez rien contre une édition allemande de vos Mémoires,
une publication qui paraîtrait avant une édition française
seulement pour l’Allemagne. Monsieur Gustav Heinze est tout à fait
disposé pour moi, de négocier sur ce point avec vous. Pour cette œuvre
vous pourriez faire des conditions plus élevées parce que c’est une œuvre
originale, qui a beaucoup d’intérêt aussi pour un public, qui n’est pas
composé seulement de musiciens.
Communiquez-moi, je vous prie, bientôt vos intentions, et en cas
favorable, ajoutez à votre lettre deux mandats séparés qui donnent
à moi le droit de traduction et à Monsieur Heinze celui de l’édition
allemande pour ces deux livres. Il a de bons [sic] intentions, et il est
un plus honnête homme que ce Monsieur à Breslau, mais il a malheureusement
peu de fortune. C’est presque toujours comme ça! […]
Richard Pohl à Berlioz (CG no. 2678: 9 décembre):
[…] J’espère que je puis faire peu à peu une édition allemande de vos œuvres complètes. N’y pensez-vous pas encore à une édition complète? Y compris: vos livrets (poésies) les articles des journaux pas encore reproduits et puis, vos mémoires choisies, c’est-à-dire les chapitres qui se trouvent dans « Le Monde illustré » et votre « voyage musical » peut-être? […]
—
À Heinrich Brockhaus (NL p. 610, no. 2856bis; 4 mai) (lettre en réponse à une demande d’informations concernant l’œuvre et la vie de Berlioz):
[…] Des fragments de ses voyages en Allemagne, en Italie, en Russie, en Angleterre et en France ont paru dans divers recueils littéraires. M. Berlioz a écrit trois volumes de Mémoires qui n’ont pas encore été publiés. […]
À son fils Louis Berlioz (CG no. 2864; 3 juillet):
[…] J’ai écrit, peu à peu, dans ces derniers temps un appendice à mes Mémoires, comprenant ce que j’ai de racontable dans les 10 dernières années qui viennent de s’écouler. Maintenant il me faut polir cela et le recopier, et je n’en puis guère mettre au net que deux ou trois pages par jour, tant le moindre travail me fatigue. […]
À son fils Louis Berlioz (CG no. 2870; 22 juillet):
[…] J’ai fini depuis huit jours une postface à mes Mémoires. C’est le récit très laconique de quelques-uns des événements qui me sont arrivés depuis dix ans, cela clôt et termine définitivement l’ouvrage. J’ai cru que je n’en viendrais pas à bout, tant cela m’a fatigué. […]
Louis Berlioz à son père (CG no. 2914; 13 octobre):
[…] Ceux qui ont lu tes
mémoires diront un jour, le père ne s’est pas trompé, son fils lui fait
honneur dans sa carrière.
Je serai bon officier et honnête homme, ce qui n’est pas donné à tout le
monde. […]
[Voir Mémoires chapitre 2]
À Estelle Fornier (CG no. 2970; 20 janvier):
[…] Vous me parlez de mes mémoires, je les ferai imprimer mais non pour les publier de mon vivant; je ne trouve pas convenable d’entretenir moi-même mes contemporains de certaines actions et de certains sentiments. Mais dès que je pourrai vous en envoyer un exemplaire, vous l’aurez. Ce sera le seul qui manquera à l’édition que j’aurai soin de dérober tout entière au public. […]
Louis Berlioz à son père (CG no. 2972; après le 30 mars):
[…] Je n’ai pas reçu ta lettre dans laquelle il est question de tes Mémoires. […]
À sa nièce Nanci [Nancy] Suat (CG no. 2976; 3 février):
[…] Je vais faire imprimer mon volume de Mémoires, mais non pour le livrer au public. Je garderai l’édition entière sans la publier. Louis fera connaître cela ENSUITE. Mais je serai sûr au moins que ce livre sera imprimé tel que je l’ai écrit. […]
À Estelle Fornier (CG no. 2978; 16 février):
[…] Je m’occupe seulement un peu chaque jour de la correction des épreuves de mes Mémoires dont je veux pouvoir vous porter un exemplaire. C’est un travail fastidieux et qui m’obsèderait tout à fait, si dans le cours de cet ouvrage il n’était pas si souvent question de vous. […]
À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2982; 20 mars):
[…] Je suis depuis deux
mois dans les imprimeurs jusqu’au cou. J’imprime mes Mémoires, que j’ai un
peu augmentés depuis que vous les avez lus, et beaucoup retouchés. Cela
fera un beau volume in 80 de 550 pages. Je vois combien il était
nécessaire de les imprimer moi-même; mille détails eussent été perdus sous
la direction d’un autre que moi.
On en tirera 1 200 exemplaires; qui ne seront mis en
vente que plusieurs semaines après la mort de l’auteur. Cela commence à
être bien écrit. Mais, au point de vue philosophique, quelle tempête dans
un verre d’eau! J’ai pris pour épigraphe ces vers de Macbeth:
Life’s but a walking shadow; a poor player,
That struts and frets his hour upon a stage,
And then is heard no more; it is a tale
Told by an idiot, foul [sic] of sound and fury,
Signifying nothing. […]
À Estelle Fornier (CG no. 2984: 22 mars):
[…] Ne regrettez pas de
m’avoir engagé à finir mes Mémoires et par suite à les faire imprimer. Je
tiens moi-même beaucoup à vous les faire lire. Vous y trouverez cependant
bien des choses qui vous choqueront peut-être. J’ai écrit avec une
sincérité absolue; je ne crois pas avoir jamais posé. Vous me trouverez là
ce que j’étais sinon ce que je suis, et ce que je suis sinon ce que
j’étais. C’est bien triste…
Mon imprimeur me fait mourir à petit feu; il n’a encore
achevé que le tiers de sa besogne; il me promet ce qu’il ne tient pas, et
j’en aurais pour quatre mois encore avant de pouvoir obtenir l’exemplaire
que je veux aller vous porter. J’ai commencé à écrire cela en 1848, à
Londres, et j’ai toujours retouché depuis lors le style et le mouvement du
récit. Je suis sûr d’avoir fait tout ce qui dépendait de moi pour que cela
fût passable. Je ne puis pas écrire mieux. S’il y a quelque chose de tout
à fait bien, j’ai lieu de croire que ce sont les pages qui vous
concernent. Ah, je vous ai bien aimée, madame, et je vous aime bien, et
vous ne m’avez jamais fait aucun mal, et votre image est restée pure dans
ma pensée, et vous comprendrez en me lisant (je n’en fais aucun doute) ce
que tant d’autres ne comprendraient pas. […]
À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 2999; 23 avril):;
[…] C’est elle [Estelle
Fornier] qui est cause que je fais imprimer mes Mémoires. Elle me
reprochait un jour la détermination que j’avais prise de ne plus rien
faire et en finissant elle ajoutait: « J’espère que vous ferez une
exception pour vos Mémoires et que vous les ferez bientôt
imprimer; je suis un peu fille d’Eve et j’avoue qu’avant de mourir je
voudrais connaître votre vie ». Aussitôt, j’ai livré le manuscrit à
l’imprimeur. Il y a le récit de mes dix dernières années, une longue lettre
sur ma musique et son exécution, adressée à un individu qui me demandait
des notes pour écrire ma biographie, et une foule de détails ajoutés d’une
façon épisodique aux chapitres que vous connaissez. Mais, chère princesse,
chère amie, et c’est là qu’il faut que vous soyez bonne; je lui ai promis
à elle, qu’un seul exemplaire serait soustrait à l’édition pour lui être
confié, et je ne veux pas lui manquer de parole. Il faut donc que je vous
refuse ce que vous me demandez. Ne dites pas: « C’est mal! » car
au contraire, c’est bien. Vous êtes dans la postface, et j’ai dit sur vous
laconiquement la vérité. Je raconte aussi votre insistance à Weimar pour
me faire écrire les Troyens. […]
L’affaire des Mémoires, qui me regarde seul,
traîne néanmoins d’une façon irritante; il y aura 32 feuilles et il n’y en
a encore que 12 d’achevées, et il n’y en a que deux d’imprimées ce
mois-ci. De sorte que je ne pourrais peut-être même pas porter le volume à
Mme F., à ma prochaine visite. Et je suis si malade, si accablé, si
anxieux d’être devancé par une facétie de la mort! […]
Ce que vous dites est vrai, je pourrais lui chanter
quelque belle chose. Car je crois à cette proposition par laquelle se
terminent mes Mémoires: « L’amour ne peut donner une idée de
la musique, la musique peut en donner une de l’amour. Mais pourquoi les
séparer? Ce sont les deux ailes de l’âme. » […]
À Estelle Fornier (CG no. 3002; 27-29 avril):
[…] Avec quelle impatience
j’attends le mois de septembre, pour aller vous voir et vous porter ce
volume de Mémoires qui me fera mieux connaître! L’imprimeur n’est
pas encore à la moitié de sa tâche. Tout cela fut écrit hors de votre
influence et je ne songeais guère que ces pages dussent un jour arriver
sous vos yeux. Vous avez eu un bon mouvement de me demander à les
parcourir. Je vous en remercie. Oui, oui, c’est vrai, il faut que je
m’enivre de cette idée; c’est vous qui m’avez exprimé le désir de
connaître ma vie. Aussitôt j’ai porté l’ouvrage à l’imprimeur, il m’a
trompé, il met deux fois le temps qu’il avait demandé, à l’achèvement de
ce travail. Si je l’avais su je vous aurais envoyé le manuscrit.
Pourtant il y aura une petite compensation, vous lirez
cela plus facilement, et puis je mets une sorte de coquetterie à limer mon
style, en songeant que c’est vous la première qui lirez le livre. Il me
semble que je viens de l’écrire; bien qu’il ait été commencé à Londres en
1848. Ce sera au moins curieux pour vous de suivre les traces lumineuses
que vous avez laissées dans cette existence… […]
Voilà mon imprimeur qui m’envoie deux feuilles
en protestant qu’il va réparer le temps perdu. Cela me rapproche de vous.
Ainsi donc je puis croire maintenant que tout sera fini en août. Mais
c’est encore bien loin. Un mois dure si longtemps et la mort a des coups
de faux si imprévus! […]
À Estelle Fornier (CG no. 3006; 8 mai):
[…] Maintenant il faut que
je vous informe d’une chose que vous ignorez.
A la fin de mes Mémoires, j’ai écrit cette
phrase: « J’allai voir Mme Fornier (car pourquoi ne la nommerai-je
pas? ma respectueuse adoration n’est pas une offense. » Et à
partir de cette page jusqu’à la fin de l’ouvrage j’ai continué à écrire
votre nom.
Me le permettez-vous? ou cela vous déplaît-il? Songez que ce livre ne sera
lu que plusieurs années après que vous et moi auront disparu de ce monde.
Mais quelle que soit votre décision, faites-la moi connaître et je m’y
conformerai.
Cette partie du manuscrit n’est pas encore imprimée. Si
vous l’exigez, malgré mon chagrin d’effacer votre nom, il disparaîtra. […]
À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 3008; 11 mai):
[…] Vos suppositions à l’égard de la postface de mes Mémoires sont également gratuites. Il n’y a pas un mot, dans le récit de mes dix dernières années, qui ait trait à Wagner, ni à Liszt, ni à la musique de l’avenir. Il n’y a pas moyen de vous envoyer les feuilles séparées du livre; mais je demanderai la permission de vous prêter le livre lui-même, quand tout sera fini. […]
À Estelle Fornier (CG no. 3010: 16 mai):
[…] Ces quelques lignes
n’ont pour objet, chère madame, que l’annonce de ma prompte obéissance. Je
me suis conformé à votre volonté, votre nom a disparu du manuscrit des Mémoires
et les imprimeurs eux-mêmes ne le verront pas.
Vous avez peut-être raison. Et pourtant, tout en
éprouvant une sorte de joie d’éviter une chose qui eût pu vous déplaire,
je sentais un chagrin secret dont il m’est, je l’avoue, impossible de me
rendre compte clairement. […]
Louis Berlioz à son père (CG no. 3023; 5 juillet, de Saint-Nazaire):
[…] Ne m’envoie pas tes mémoires avant que je ne te les demande. Si je puis aller à Paris, je les lirai et relirai là, ce sera plus sûr. Je te fais dans tous les cas toutes les promesses exigées, et je te remercie de tout mon cœur de ta confiance et de ton amitié. […]
À son fils Louis Berlioz (CG no. 3025; 11 juillet):
[…] Je suis allé hier chez
l’agent de change, il n’y avait pas assez de tes cinq cents francs pour
acheter deux obligations ottomanes qui rapportent 9 pour cent. Ainsi, de
l’avis de l’agent, j’attendrais que tu m’envoies ce que tu m’as dit qu’on
te devait pour t’acquérir une petite rente. […]
[…] Quand j’aurai un volume broché de mes Mémoires
je te l’enverrai, sous la promesse formelle qu’il ne sortira jamais de tes
mains et même que tu le renverras quand tu l’auras lu et relu. […]
À Estelle Fornier (CG no. 3026; 17 juillet):
[…] L’impression des Mémoires
est enfin terminée; on en est maintenant à brocher, à coudre toutes ces
feuilles pour en faire des volumes. Je ne sais combien de temps les
brocheurs vont prendre pour terminer leur travail. Il faudra ensuite que
je cherche à caser ces 1 200 gros volumes; et ce n’est pas une petite
affaire… Heureusement, j’ai une assez grande chambre, vide de meubles, à
la bibliothèque du Conservatoire, et je pourrai y déposer cette édition.
J’irai donc bientôt vous présenter le premier, le seul
exemplaire distrait de l’édition de ce roman historique, ou plutôt de
cette histoire romanesque, que vous jugerez peut-être avec sévérité… Vous
m’y trouverez tel que je fus, tel que je suis. Peut-être quelques-unes de
vos opinions (je l’ignore) y seront-elles froissées: peut-être certaines
coïncidences d’événements vous sembleront-elles impossibles… mais tout
cela n’en est pas moins vrai et d’une sincérité parfaite. Vous verrez
bien, d’ailleurs, aux allures de mon récit, que je n’ai pas cherché à
produire de l’effet.
Il est bien entendu, n’est-ce pas, que ce volume ne
sortira pas de vos mains? Vous ne me gronderez pas des élans de cœur qui
vous sont adressés, car ce n’est pas à vous que je les écrivis, et vous
n’êtes pas nommée; je ne pensais pas même, en les écrivant, que vous les
lussiez jamais. […]
À son fils Louis Berlioz (CG no. 3027; 18 juillet)
[…] Ensuite si tu as de l’argent, tant mieux, mais moi je suis obligé de compter très juste après la saignée de 4 800 fr. en argent et en billets à ordre que j’ai dû faire à ma caisse pour l’impression de mes Mémoires. […]
À Estelle Fornier (CG no. 3030; 29 juillet):
Je vous écris seulement
quelques lignes pour vous prévenir que je viens de vous envoyer, par le
chemin de fer, le volume de mes Mémoires. […]
Je vous signale, dans le volume que vous recevrez, un
petit ruban-signet qui porte à l’un de ses bouts un fragment de granit.
C’est un morceau de la roche sur laquelle je vous ai vu monter quand vous
aviez dix-huit ans — roche que j’ai inutilement cherchée lors de mon
pèlerinage à Meylan en 1848, et que j’ai retrouvée l’année dernière. Vous
trouverez l’histoire de cette recherche à deux endroits, vers la fin des Mémoires.
Ne riez pas de moi, je vous en prie!… […]
À Estelle Fornier (CG no. 3034; 21 août, à Genève):
Chère Madame Fornier, veuillez me renvoyer votre volume, le nombre des fautes qu’il contient est très considérable et, décidément, si je les corrigeais chez vous, j’aurais trop de distractions. Je vous le rapporterai cet après-midi. […]
À Berthold et Louise Damcke (CG no. 3036; 22 août, à Genève, Hôtel de la Métropole):
[…] Tout le monde dans la famille [de madame Fornier] a lu et relu le volume des Mémoires. Elle m’a doucement reproché d’avoir imprimé trois de ses lettres, mais sa belle-fille m’a donné raison, et au fond je crois qu’elle n’est pas fâchée. […]
À Estelle Fornier (CG no. 3038; 30 août, à Vienne):
[…] Relisez les dernières pages de mes Mémoires, vous y verrez que mes plus chères espérances étaient depuis longtemps enfermées dans les limites que vous vous même, l’autre jour, leur avez assignées: vous voir quelquefois, échanger avec vous quelques lettres, conserver votre intérêt, votre bienveillance, et voilà tout (ce sont vos propres paroles). […]
À Estelle Fornier (CG no. 3044; 13 septembre):
[…] Quand verrai-je votre
fils? J’ai donné à relier l’exemplaire des Mémoires qu’il voudra
bien porter à madame Suzanne; il me faudra ensuite corriger toutes les
fautes qu’il contient. En arrivant, j’ai trouvé au nombre des lettres
parvenues chez moi en mon absence une demande très instante du rédacteur
en chef de la Presse viennoise (Autriche) pour obtenir ce volume dont il
avait entendu parler. J’ai répondu par un refus motivé par une résolution
irrévocable. J’espère que cela se répandra et que je n’aurai plus d’autres
sollicitations de la même nature à subir.
Ce sera l’affaire de mon fils de publier, à la fois en
français et en allemand, ce livre. Mes deux nièces, dernièrement, ont bien
pleuré en en lisant les parties qui vous concernent. En pouvait-il être
autrement? Les poètes se sont donnés bien de la peine pour imaginer
des sentiments qui ne pouvaient approcher de ceux que je ressens.
[…]
À Mme Massart (CG no. 3045; 15 septembre):
[…] J’ai aussi le gros volume des Mémoires qui vous attend. Je vous le prêterai seulement, pour le temps que Massart et vous mettrez à le lire. C’est bien triste; mais c’est bien vrai. Je suis honteux de ne pas avoir signalé dans ce long récit les douces heures que je vous dois et l’amitié sincère que je vous porte à tous les deux; mais je viens de m’apercevoir que vous n’y êtes pas nommés. C’est inexplicable; vous me battrez, vous me bouderez; mais, à mon grand regret, c’est ainsi. […]
À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 3046; 17 septembre):
[…] Au milieu de ce triste
enivrement [son séjour à Genève en août], je ne vous ai pas oubliée, et
j’ai obtenu la permission de vous envoyer un exemplaire des Mémoires.
Ce volume serait donc déjà parti pour Rome, si je n’avais pas craint de le
voir confisqué par la censure romaine, à cause de deux passages mal
sonnants. Dites-moi ce qu’il faut faire pour ne pas m’exposer à cet
accident. […]
Au reste, vous verrez dans les derniers chapitres des Mémoires
(chapitres que vous ne connaissez pas) toute l’histoire de cet ouvrage [les
Troyens]; et d’autres choses bien plus tristes encore. […]
À Mme Ernst (CG no. 3056; 22 octobre):
[…] J’aimais Ernst, vous le
savez, et je l’avais aimé avant que vous le connaissiez. J’en ai laissé la
preuve dans un volume de Mémoires que je viens de faire imprimer
et où se trouvent une lettre à lui adressée et
une appréciation de son talent. Ce livre
n’est pas publié et ne sera mis en vente qu’après ma mort; mais on verra
ce que je pensais d’Ernst il y a vingt ans.
Ce sera là ma pierre pour son monument. […]
À Estelle Fornier (CG no. 3057; 4 novembre):
[…] Je suppose qu’elle
[Suzanne Fornier] a reçu le volume des Mémoires, je l’ai fait
partir le lendemain de l’arrivée de votre lettre. Il a paru plusieurs
articles sur ce livre dans les journaux allemands; un écrivain (M.
Szarvády) à qui j’ai permis de le lire à Paris, est l’auteur de deux. Les
autres articles ont été calqués sur les siens. Du reste il n’a point
commis d’indiscrétions.
Pendant que j’étais chez mon beau-frère à Vienne, au
mois de septembre dernier, il faut que je vous le dise, votre première
lettre, imprimée dans ces Mémoires et lue à haute voix par l’une
de mes nièces, les a fait fondre en larmes toutes les deux. Ces pauvres
enfants qui m’aiment, sentaient ce que j’avais dû ressentir en la recevant
d’ailleurs, quelle lettre! l’éloquence qui s’ignore! […]
À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 3078; 11 janvier):
[…] Sans doute, le volume est à vous, parce que je sais bien qu’il ne sortira pas de vos mains. Mais ne prenez donc pas la peine de me parler plus en détail de ce livre; il semblerait que vous vous croyez à mon égard redevable d’un feuilleton… sans y être forcée… Vous m’avez déjà dit tant de belles choses… Je ne vous dis pas son nom, je sais que cela ne lui plairait pas; pardonnez-moi. Elle m’a déjà fait des reproches d’avoir imprimé quelques-unes de ses lettres, et sans la nommer. Je prends tant de soin de ne pas laisser tomber la lumière sur cette modestie qui tient à rester ignorée. […]
À la marquise de Bloqueville (NL p. 635-6, no. 3086bis; 21 janvier):
J’ai le regret d’apprendre que vous avez éprouvé de l’ennui, non pour avoir lu mon livre (ce serait pire) mais pour avoir bien voulu vous charger de l’envoyer à Rome. Je vous dis mille excuses et vous renouvelle mes remerciements. La Princesse Wittgenstein m’avait déjà averti que le volume lui était parvenu. J’ai été quelque temps sans lui répondre, forcé que j’étais par des douleurs exceptionnelles de rester au lit. […]
À Mme Massart (CG no. 3091; 31 janvier):
[…] Je vous porterai demain le volume des Mémoires: vous y verrez pourquoi je suis d’humeur si gaie. […]
À la princesse Sayn-Wittgenstein (CG no. 3092; 30 janvier):
Vous n’avez pas compris le vrai sens de mon mot feuilleton, ou je ne comprends pas le sens de votre justification: mais votre lettre est, bien clairement, excellente d’ailleurs et amicale et de tout point charmante. Et pourtant, pardonnez-moi, je n’ose envoyer celle que vous me confiez pour Mme F*****, je craindrais de l’effaroucher même, et de lui faire regretter de m’avoir permis de vous envoyer le volume. Quand je la verrai, je saurai deviner si je dois lui remettre votre lettre. En causant on voit mieux les choses… […]
Frédéric Szarvády à Berlioz (CG no. 3097; 9 février)
(Szarvády transmet à Berlioz une série de questions de la part de l’éditeur Heinze de Leipzig au sujet des conditions auxquelles Berlioz consentirait à publier une traduction allemande de ses Mémoires. Sur la suite de cette correspondance voir les lettres ci-dessous. Pour finir l’initiative n’aboutit pas.)
Frédéric Szarvády à Berlioz (CG no. 3102; 24 février, de Cologne):
Avant mon départ [de Paris]
j’avais écrit à Heinze pour lui exposer vos conditions en le priant de
m’adresser la réponse ici et en lui annonçant que je passerais
probablement par Leipzig.
Je lui avais dit que vous demandez 4 000-5 000 fr pour
vous, que les traducteurs exigent 500 fr, que c’est MM. Damcke et Heller
qui se chargent du travail de traduction et que moi je leur donnerai un
coup de main et que je reverrai les épreuves avec eux en tous les cas.
Il me répond que puisque je dois venir à Leipzig il
vaudra mieux traiter verbalement. Je viens donc vous prier de m’écrire une
lettre dans laquelle vous m’autorisez à traiter pour vous en m’indiquant
quel est le point sur lequel il faut que j’insiste. Je pense qu’il donnera
certainement 3 000 fr. Ecrivez-moi vos conditions à part afin que je
puisse lui montrer votre autorisation pour traiter sans être obligé de lui
faire voir quelles sont les concessions que vous me permettez de lui
accorder.
Dites-moi aussi quelles sont les parties complètement
inédites des Mémoires et quelles sont les parties qui avaient déjà
été publiées telles qu’elles se trouvent dans ce livre. […]
À Frédéric Szarvády (CG no. 3103; 25 février):
Je vous remercie de la
peine que vous prenez pour l’édition allemande de mes Mémoires. Je
vous autorise à traiter avec M. Heinze et à lui céder la propriété
complète de cet ouvrage au prix de 4 000 fr., pas à moins;
aux conditions dont je vous ai parlé, c’est-à-dire de ne le mettre en
vente qu’après moi et quand il sera publié à Paris. MM. Heller et
Damcke ont rejeté bien loin la tâche de traducteur pour la somme de 500
fr.: en conséquence si vous pouviez vous en charger ce serait au mieux.
Mais je tiens à ce que cela soit fait à Paris sous vos yeux. Tenez-moi au
courant de ce que vous aurez stipulé avec M. Heinze à Leipzig, mais
écrivez un peu plus lisiblement car, malgré tous mes efforts, il y a bien
des lignes de votre lettre qu’il m’a été impossible de déchiffrer. […]
P.S. Je ne puis pas vous signaler toutes les parties du
livre qui ont paru dans les journaux, le nombre en est trop considérable.
En tout cas, ce qui regarde mon histoire intime n’a
jamais paru et le reste a été considérablement augmenté.
À Humbert Ferrand (CG no. 3122; 22 mars): voir Soirées
Gustav Heinze à Berlioz (CG no. 3134; 8 mai):
[…] En ce qui concerne vos
Mémoires, j’ai discuté à ce propos avec M. Szarvády de vive voix.
Après mûre réflexion, il me semble que l’essentiel de vos conditions
limite singulièrement toute demande du droit de propriété pour un éditeur
allemand qui ne peut espérer trouver un public prêt à acheter des
livres, aussi nombreux qu’en France.
Quant à faire la traduction à Paris, cela paraît
irréalisable. La traduction du français en allemand devrait seulement être
réalisée ici. Par contre, il va de soi que les épreuves vous seraient
envoyées à Paris pour votre révision.
Avant de prendre une décision définitive, il me
faudrait disposer d’un exemplaire de l’original pour m’en faire une idée.
D’une part pour voir si le sujet peut convenir à la mentalité allemande,
barbare et gauche, et d’autre part, pour juger aussi de son ampleur, etc.
Quant à la fidélité de la traduction allemande de votre livre, je m’en
porte garant. […]
[Note: le texte reproduit ici est une traduction française de l’original en allemand qui se trouve au Musée-Hector-Berlioz à La Côte Saint-André]
Gustav Heinze à Berlioz (CG no. 3140; 21 juin):
[…] De même veuillez bien
m’envoyer le volume de vos Mémoires. Bien qu’au temps de guerre on
ne saura pas être très disposé à faire une édition de cette nature,
cependant, comme je ne crois pas que ces agitations politiques dureront
trop longtemps, je voudrais prendre connaissance de votre ouvrage.
Pour mieux faire marcher cette affaire, il sera
nécessaire de la traiter personnellement avec vous et d’aller moi-même à
Paris. […]
Gustav Heinze à Berlioz (CG no. 3146; 7 juillet):
Il y a plus que huit jours
que j’ai reçu vos très aimables lignes mais pas encore le paquet que vous
avez voulu faire expédier par la maison Brandus.
On m’a dit que cette maison ne fait pas ses expéditions
trop exactes. Je vous prie Monsieur, de bien m’envoyer les corrections [de
l’édition d’Orphée de Gluck] et le volume de vos Mémoires
directement, et PAS affranchis à cause de la meilleure vitesse. […]
À Gustav Heinze (CG no. 3164; 24 septembre):
[…] Gardez mon volume de Mémoires jusqu’à Noël et ne manquez pas cette fois de venir à Paris. […]
À Berthold Damcke (CG no. 3312; 11 décembre, de St Pétersbourg):
[Résumé de catalogue de vente] (La Grande Duchesse Hélène veut avoir une copie de ses Mémoires, aussi il demande à Damcke de renoncer à sa propre copie pour la lui donner.) […]
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Michel Austin on 18 July 1997;
Mémoires de Hector Berlioz page created on 1 December
2005.
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Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18
juillet 1997;
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2005.
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