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Composition
Exécutions
Les cinq mouvements de la symphonie
Partitions
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Voyez aussi Textes et documents; Le programme de la Symphonie fantastique; Berlioz et sa musique: auto-emprunts
On a dit de la Symphonie fantastique que c’était la première symphonie la plus remarquable jamais écrite par n’importe quel compositeur. Beethoven, le géant parmi tous les symphonistes, a débuté avec une première symphonie, écrite certes d’une main experte et assurée, mais œuvre de peu d’envergure, dénuée de passion, et qui ne fait pas pressentir les grandes symphonies qui allaient la suivre. On ne saurait dire de même de la première symphonie de Berlioz, qui constitue rien moins qu’une révolution en musique, par son audace novatrice, son envergure, son imagination, sa puissance et variété d’expression, et sa maîtrise instrumentale. Berlioz lui-même était pleinement conscient de la nouveauté et de la portée de l’œuvre, presque dès sa conception. La symphonie étonne à bien des égards.
L’aspect qui retient le plus souvent l’attention est le caractère personnel de l’œuvre, et Berlioz lui-même a voulu mettre l’accent là-dessus. Pour lui la symphonie est en premier lieu une œuvre très personnelle, intimement liée à sa vie privée. Elle est ouvertement inspirée par sa passion dès septembre 1827 pour l’actrice irlandaise Harriet Smithson; Berlioz espérait grâce à cet ouvrage attirer son attention sur lui. Il échoue d’abord dans ce projet, mais quand il revient d’Italie en 1832 après avoir remanié l’ouvrage et y avoir ajouté un complément, le Retour à la vie, il atteint son but: les deux ouvrages sont exécutés ensemble à un concert au Conservatoire le 9 décembre 1832, en présence de Harriet Smithson. C’est le début d’une période orageuse dans leurs rapports qui aboutit finalement à leur mariage le 3 octobre 1833. Plus de vingt ans plus tard, après la mort de Harriet Smithson le 3 mars 1854, Berlioz remanie le complément, maintenant rebaptisé Lélio ou le retour à la vie, qui est alors lié encore plus intimement au souvenir de Harriet. Cette version remaniée est exécutée à Weimar le 21 février 1855 et publiée la même année. L’idée fixe, qui dans la symphonie représente Harriet Smithson, mais qui n’apparaissait pas dans la version originale du Retour, se fait entendre maintenant dans le premier morceau (Le Pêcheur), puis tout à la fin, après la Fantaisie sur la Tempête de Shakespeare qui termine l’ouvrage.
La Symphonie fantastique est célèbre, trop peut-être, par son programme et ses aspects autobiographiques. Cette question est traitée sur d’autres pagers de ce site; le lecteur pourra lire ailleurs une transcription des deux principales version publiées du programme (de 1845 et 1855), et trouvera sur une autre page une discussion de la question très débattue de Berlioz et la musique dite à programme (cette page comporte une reproduction du programme distribué lors du concert du 30 décembre 1832).
Pour passer du côté personnel à l’aspect musical, la symphonie marque un tournant décisif dans la carrière du compositeur. Ce n’est pas le premier ouvrage d’envergure de Berlioz. Il avait écrit sa Messe solennelle en 1824 et l’avait fait entendre à deux reprises (1825 et 1827), il avait composé un opéra, les Francs-Juges (1826-1829), et il avait composé et publié les Huit scènes de Faust en 1828. Mais Berlioz n’était pas satisfait de tous ces ouvrages, et il avait rapidement retiré la publication prématurée des Huit scènes. Mais avec la Symphonie fantastique Berlioz se déclare complètement satisfait (lettre à Humbert Ferrand du 16 avril 1830, CG no. 158; voir ci-dessous). La symphonie marque à la fois l’aboutissement de ses années d’apprentissage et le point de départ de l’œuvre de sa maturité. L’ouvrage n’aurait pu être écrit sans la découverte par Berlioz des symphonies de Beethoven en 1828, qui lui avaient révélé les possibilités expressives de la symphonie comme forme musicale. Il y a des échos voulus de Beethoven dans le troisième mouvement de la symphonie (voir ci-dessous), mais Beethoven n’aurait jamais pu concevoir ni écrire un pareil ouvrage. La Symphonie fantastique occupe un univers sonore et expressif tout à fait nouveau, qui exercera une influence profonde sur les compositeurs à venir, depuis Liszt, qui sera frappé par l’ouvrage dès sa première exécution et en fera une réduction pour piano, jusqu’à Richard Strauss et Gustav Mahler, entre autres. Mais le succès de l’ouvrage, et des trois autres symphonies de Berlioz, aura à long terme un inconvénient pour Berlioz: à son grand dépit, il se verra classé, surtout aux yeux du public français, comme étant avant tout un ‘symphoniste’, plutôt qu’un compositeur capable de chefs-d’œuvre dans différents genres, que ce soit la musique chorale, vocale ou l’opéra.
Concernant la composition de la Symphonie fantastique, les Mémoires de Berlioz offrent moins de détails et d’aperçus qu’on pourrait souhaiter (comparés, par exemple, au récit des origines d’Harold en Italie). Au chapitre 26 Berlioz évoque brièvement la composition de la symphonie, qui fit suite à celle des Huit scènes de Faust, puis il raconte longuement sa première tentative malheureuse de faire exécuter l’ouvrage au Théâtre des Nouveautés en mai 1830. Il est surprenant qu’il ne dise rien ici des circonstances personnelles à l’origine de la symphonie, à savoir sa passion pour Harriet Smithson, qui domine largement les chapitres précédents (18, 19, 24). Ce qui reste de la correspondance du compositeur pour les années 1829 et 1830 apporte, malgré la brièveté des allusions, un contrepoint instructif aux Mémoires, tant sur la composition de l’ouvrage que sur l’état d’esprit de Berlioz à l’époque. Voici les extraits des lettres en question, présentés en ordre chronologique; elles sont toutes adressées à son ami intime et confidant Humbert Ferrand, sauf pour une lettre à sa sœur Nancy Berlioz.
À Ferrand, 2 février 1829 (CG no. 113):
Écoutez-moi bien, Ferrand; si jamais je réussis, je sens, à n’en pouvoir douter, que je deviendrais un colosse en musique; j’ai dans la tête depuis longtemps une symphonie descriptive de Faust qui fermente; quand je lui donnerai la liberté, je veux qu’elle épouvante le monde musical.
À Ferrand, 3 juin 1829 (CG no. 126):
Tous les journaux anglais retentissent de cris d’admiration pour son génie [sc. Harriet Smithson]. Je reste obscur. Quand j’aurai écrit une composition instrumentale, immense, que je médite, je veux pourtant aller à Londres la faire exécuter; que j’obtienne sous ses yeux un brillant succès!
À Ferrand, 2 janvier 1830 (CG no. 149):
J’ai à faire une immense composition instrumentale pour mon concert de l’année prochaine, auquel il faudra bien que vous assistiez.
À Nancy Berlioz, 30 janvier 1830 (CG no. 151):
Pour accomplir mon dessein [le projet d’un grand concert au Théâtre des Nouveautés au mois de mai], je prépare beaucoup de musique nouvelle; entre autres une immense composition instrumentale d’un genre nouveau au moyen de laquelle je tâcherai d’impressioner fortement mon auditoire. Malheureusement c’est très considérable, et je crains de ne pouvoir être prêt pour le 23 mai, jour de l’Ascension; d’un autre côté, ce travail de feu me fatigue excessivement; quoique depuis longtemps j’ai le squelette de mon ouvrage dans la tête, il faut beaucoup de patience pour en lier les parties et bien ordonner le tout. Enfin il faut toujours aller; nous verrons bien.
À Ferrand, 6 février 1830 (CG no. 152):
J’étais sur le point de commencer ma grande symphonie (Épisode de la vie d’un artiste). où le développement de mon infernale passion doit être peint; je l’ai toute dans la tête, mais je ne puis rien écrire… Attendons.
Le cap sera enfin franchi quelques semaines plus, comme le révèle une lettre à Ferrand datée du 16 avril 1830 (CG no. 158), qui donne le premiier récit circonstancié du programme de la symphonie, dont il n’était pas question dans les lettres précédentes, et du contenu de la symphonie. La partie de la lettre qui concerne la symphonie est citée in extenso sur une autre page de ce site. Le lecteur pourra constater que dans toutes ces lettres, l’idée d’une symphonie à grande échelle hantait l’esprit de Berlioz dès le début de 1829, qu’il était conscient d’emblée que l’ouvrage serait neuf et révolutionnaire, et que l’inspiration du projet était sa passion pour Harriet Smithson et sa volonté de l’impressionner avec sa nouvelle symphonie.
Au départ Berlioz se déclare complètement satisfait de son nouvel ouvrage (CG no. 158). Dans la pratique il ne cessera de le remanier à la lumière des répétitions et exécutions qui suivront, comme il le souligne lui-même: ‘J’ai ... beaucoup retouché ces deux morceaux [les deuxième et troisième mouvements] et tous les autres du même ouvrage pendant plusieurs années’, écrit-il (Mémoires, chapitre 26). Les Mémoires en donnent quelques aperçus, mais non un relevé complet. À l’occasion de la première exécution le 5 décembre 1830, il constate que le troisième mouvement ‘ne produisit aucun effet. [La Scène aux champs] ressemblait peu, il est vrai, à ce qu’elle est aujourd’hui. Je pris aussitôt la résolution de la récrire’ (Mémoires, chapitre 31). Un autre passage des Mémoires (chapitre 34) montre qu’il remania profondément d’autres parties de la symphonie: au cours d’un séjour à Florence en avril 1831 il réinstrumente le deuxième mouvement et y ajoute une coda nouvelle, malgré le succès de ce morceau à sa première exécution en décembre de l’année précédente. La symphonie fut ainsi modifiée sensiblement par rapport à sa première version, sans qu’il soit d’ailleurs possible de reconstituer en détail la version d’origine. Conscient sans doute de la publication prématurée des Huit scènes de Faust qu’il vint à regretter, Berlioz retarda la publication de la grande partition de la symphonie jusqu’à 1845, pour se donner le temps de mettre son ouvrage à l’épreuve au cours de nombreuses exécutions. La symphonie sera dédiée à l’Emperreur de la Russie, en anticipation du voyage projeté qui aura lieu l’année suivante (CG nos. 1034, 1094).
Comme avec les autres grands ouvrages de Berlioz, divers éléments et inspirations, tant littéraires que musicaux, convergent pour se fondre dans une seule œuvre. Dans ses Mémoires (chapitre 26) Berlioz confie qu’il était toujouts sous l’influence du Faust de Goethe en écrivant la symphone, et dans la première lettre à parler de l’ouvrage il le caractérise comme ‘une symphonie descriptive de Faust’ (CG no. 113). L’élément faustien est représenté par le dernier mouvement, qui fait écho à la nuit de Walpurgis dans Goethe, mais montre aussi l’influence de la scène dans la Gorge du Loup dans le Freischütz de Weber. Il y a aussi allusion à la Ronde du sabbat du no. XIV des Odes et ballades de Victor Hugo. La partition autographe porte d’ailleurs une citation des Feuilles d’automne du même Hugo, le livre de mon cœur à toute page écrit, que Berlioz assimile à ses propres expériences. Le ‘vague des passions’ qu’exprime, selon le programme, le début de la symphonie, fait allusion à Chateaubriand, qui est ‘l’écrivain célèbre’ mentionné mais non nommé dans ce programme. Du point de vue musical l’influence majeure est celle de Beethoven, comme on l’a noté ci-dessus, mais tandis que Beethoven objectifie ses expériences, la Symphonie fantastique donne un ton personnel à celles de Berlioz, d’une manière qui aurait sans doute surpris Beethoven.
Tout comme pour l’ouverture des Francs-Juges, Berlioz a reconnu avoir utilisé dans la symphonie de la musique qui datait de ses années de jeunesse à La Côte Saint André, avant son départ pour Paris en 1821: la mélodie au début du premier mouvement reproduit exactement la musique écrite plusieurs années avant sur des paroles de l’Estelle et Némorin de Florian (Mémoires, chapitre 4). Ainsi une symphonie inspirée en premier lieu par Harriet Smithson reprend de la musique composée en rapport avec Estelle Dubœuf (plus tard Fornier), son amour d’enfance. Berlioz ne mentionne pas d’autres emprunts, mais trois autres sont connus. La Marche au supplice réutilise la Marche des Gardes de l’opéra Les Francs-Juges (H 23), comme le manuscrit le prouve (il y eut à ce sujet une controverse animée entre Julien Tiersot d’une part, et de l’autre Charles Malherbe et Adolphe Boschot, dans une série d’articles et de lettres publiés dans Le Ménestrel en 1906). Le thème de l’idée fixe qui apparaît dans chaque mouvement de la symphonie avait déjà été utilisé, mais dans une forme plus conventionnelle, dans la cantate Herminie pour le concours du Prix de Rome de 1828. Finalement, la redécouverte en 1991 de la Messe solennelle perdue a démontré que le thème principal du troisième mouvement (Scène aux champs) avait son origine dans le Gratias de la Messe (le tome 16 de la New Berlioz Edition, consacré à la Symphonie fantastique, parut en 1972 et ne pouvait donc connaître cet emprunt). Ajoutons qu’il ne faudrait pas conclure de tous ces emprunts et adaptations par Berlioz de musique écrite plus tôt que la Symphonie fantastique n’est qu’un assemblage d’éléments hétérogènes. Au contraire, comme pour tous les grands ouvrages de Berlioz (avec la seule exception possible du Retour à la vie), la symphonie frappe par sa cohérence et son unité, quelle que soit l’origine de ses divers éléments.
Berlioz avait espéré d’abord faire entendre la nouvelle symphonie à un concert en mai 1830 au Théâtre des Nouveautés (CG no. 151), mais le projet échoua, comme il raconte dans ses Mémoires (chapitre 26). Pour finir la symphonie reçut sa première exécution le 5 décembre 1830 (Mémoires, chapitre 31; CG no. 190). L’ouvrage fut profondément remanié au cours du séjour de Berlioz en Italie en 1831 et 1832, et le compositeur avait hâte de le faire entendre à Paris avec son nouveau complément, le Retour à la vie, ce qui eut lieu dans deux concerts en décembre 1832 qui font date et marquent un tournant dans la vie du compositeur. Par la suite la symphonie reçoit une série d’exécutions dans des concerts à Paris, en 1833, 1834, 1835, 1836, 1838, 1840, 1842 et 1844 (les exécutions ne sont pas toutes de la symphonie intégrale). Toutes les premières exécutions sont dirigées par des chefs autres que Berlioz (d’abord Habeneck, ensuite Girard), et ce n’est qu’en décembre 1835 que Berlioz dirige son œuvre lui-même. Habeneck la dirige pour la dernière fois en novembre 1838. La dernière fois que la symphonie est entendue à Paris du vivant de Berlioz est à deux concerts de la Société philharmonique de Berlioz (12 novembre 1850 et 25 mars 1851).
Par contre Berlioz fait souvent entendre la symphonie dans ses tournées de concert au long de sa carrière: d’abord en Belgique et en Allemange en 1842 et 1843 (Bruxelles, Stuttgart, Hechingen, Weimar, Leipzig, Dresde), en France à Marseille et Lyon en 1845, puis dans sa seconde tournée en Allemagne et Europe centrale en 1845-1846 (Vienne, Prague, Pesth, Breslau, Brunswick), et de nouveau en Allemagne plus tard (Hanovre en 1854, Weimar en 1855). La symphonie figure dans ses deux voyages en Russie, à St Pétersbourg en 1847 et dans la même ville en 1867, la dernière exécution qu’il donne de l’ouvrage. Il est frappant que malgré ses multiples visites à Londres entre 1847 et 1855, Berlioz n’aura jamais l’occasion de présenter la symphonie au public de Londres, et plus tard dans sa carrière il dissuade les londoniens de monter l’ouvrage sans des répétitions suffisantes (CG no. 2357, 23 février 1859).
I: Rêveries. Passions
II: Un Bal
III: Scène aux champs
IV: Marche au supplice
V: Songe d’une Nuit du Sabbat
La première mention détaillée de la symphonie et de son plan dans la correspondance de Berlioz (CG no. 158) présente déjà l’ouvrage comme comprenant cinq mouvements. Mais le témoingnage de la partition autographe prouve de manière concluante qu’une version plus ancienne de la symphonie ne comportait que quatre mouvements: on lit en effet sur la page de titre ‘Symphonie Fantastique en 4 parties’, mais le chiffre 4 est biffé et remplacé par 5. De même pour la Marche du Supplice, qui est renumérotée 4 au lieu de 3. Il est très vraisemblable que le mouvement supplémentaire est l’actuel second; en avril 1830 il était d’abord placé après le mouvement lent (la Scène aux champs) (CG no. 158), mais sera bientôt mis à sa place définitive. Cette disposition finale établit un équilibre et une progression satisfaisants entre les cinq mouvements: le long premier mouvement a pour contrepoids le final, le court second mouvement la Marche, également courte, et le troisième mouvement, le plus long des cinq, devient le pivot central de toute la symphonie.
L’idée fixe parcourt tout le premier mouvement. La mélodie qui ouvre la symphonie est, on le sait, tirée d’une composition de jeunesse (Mémoires, chapitre 4; voir ci-dessus), et préfigure le deuxième membre de l’idée fixe. Elle prépare donc l’auditeur pour l’entrée du thème qui apparaît pleinement développé au début de l’allegro (mesure 71 et suivantes). L’allegro, de forme sonate avec un da capo traditionnel (souvent omis à l’exécution), n’a pas à proprement parler de second sujet. Après une série de longs développements orageux ponctués par des accalmies passagères, le mouvement conclut tranquillement avec une série d’accords larges qui ménagent la transition au second mouvement.
Le second mouvement, valse élégante en forme de rondo, fait contraste avec le premier et est l’équivalent du menuet ou scherzo des symphonies de Haydn, Mozart et Beethoven. L’instrumentation en est à la fois délicate et brillante, et l’utilisation de deux harpes, instrument que Berlioz affectionnait, donne à la musique un caractère de fête scintillante – on pourrait rapprocher la 2ème partie de Roméo et Juliette, le dernier mouvement du Te Deum, la Marche troyenne, ou l’instrumentation par Berlioz de l’Invitation à la valse de Weber (on remarquera qu’au chapitre 59 de ses Mémoires, où Berlioz raconte la mort de Harriet Smithson, il la compare à une harpe). L’idée fixe apparaît deux fois, aux mesures 120-162 sous sa forme intégrale, puis plus brièvement aux mesures 302-319 avant d’être balayée par le tourbillon final qui conclut le mouvement de manière brillante.
La partition autographe comporte une partie pour cornet à pistons, ajoutée plus tard par Berlioz, sans doute pour le virtuose Arban, mais non reproduite par lui dans la grande partition publiée de son vivant. On entend parfois cette version au concert ou sur disque (Colin Davis la jouait souvent). Le mouvement est présenté ici en deux versions, la première sans et la seconde avec cornet à pistons.
Le troisième mouvement est le cœur de la symphonie et aussi le tournant du drame: du monde réél imaginé des trois premiers mouvements on s’achemine au monde de cauchemar des deux derniers. Les origines du mouvement sont complexes, mais ses différents éléments sont fondus par Berlioz dans un tout indissoluble. On sait maintenant que le thème principal (mesure 20 et suivantes; allusion discrète à ce thème aux mesures 4-5 du premier mouvement) avait déjà été utilisé par Berlioz dans le Gratias de sa précoce Messe solennelle de 1824-5, redécouverte en 1991 (voir ci-dessus). Mais dans la symphonie la même mélodie, en fa majeur au lieu de mi, fait l’objet de développements beaucoup plus étendus (le mouvement est en fait une série de variations sur le thème principal). Le ranz des vaches des pâtres qu’on entend au début du mouvement (mesures 1-20) puis à la fin (mesures 175-96) rappelle par sa tonalité, le coloris instrumental (l’usage du cor anglais), et son atmosphère la romance de Marguerite dans les Huit Scènes de Faust de 1828-9 (H 33), comme s’il s’agissait de deux versions de la même idée. Le mouvement est enfin un hommage évident au Beethoven de la Symphonie pastorale: c’est la découverte de Beethoven en 1828 qui oriente Berlioz de manière décisive vers la musique symphonique. Outre la même tonalité lumineuse de fa majeur, on reconnaît des échos voulus, en particulier la discrète allusion au chant des oiseaux du second mouvement de la Pastorale aux mesures 67 et suivantes. Mais il y a une grande distance entre le sentiment d’isolement qui baigne la Scène aux champs et l’hymne dansé à la nature qu’est la Symphonie pastorale. L’idée fixe, à laquelle les mesures 38-41 font déjà une brève allusion, réapparaît dans la tourmente qui vient briser l’apparente sérénité du mouvement (mesures 87-102), puis dans un ton plus apaisé dans les dernières pages (mesures 150-4).
Le quatrième mouvement était à l’origine une marche des gardes dans l’opéra de jeunesse de Berlioz Les Francs Juges (H 23), composé pour l’essentiel en 1826 et remanié en 1829 (voir ci-dessus). Dans la version pour la Symphonie Fantastique, Berlioz ajoute à la fin de la marche une citation inattendue des premières mesures de l’idée fixe: l’artiste, mené à l’échafaud pour avoir tué celle qu’il aime, se souvient d’elle au moment fatal, mais la mélodie est brutalement interrompue par la chute de la guillotine et le tumulte qui s’ensuit (mesure 164 et suivantes).
Le cinquième mouvement est le plus volontairement provocant de toute la symphonie et va bien au delà de tout ce qu’on avait pu tenter dans le genre jusqu’alors. Le modèle le plus proche à l’époque, la scène dans la Gorge du Loup à la fin du 2ème acte du Freischütz de Weber, n’est qu’en partie comparable: Weber en effet fait appel simultanément à différents moyens expressifs — paroles, chant, mélodrame, orchestre — alors que Berlioz n’utilise que les ressources de son orchestre. Le mouvement est de forme très libre, mais est néanmoins rigoureusement construit. Après une brève introduction qui donne le ton (mesures 1-20), l’idée fixe apparaît une dernière fois, mais seulement pour être rapidement mise l’écart après une brutale parodie musicale (mesures 21-78). Les affaires sérieuses peuvent alors commencer: d’abord le Dies irae (mesures 127-221), puis la Ronde du Sabbat (mesures 241-347), avec pour finir l’inévitable réunion des deux qui précipite la musique dans une conclusion échevelée (mesures 348-524).
Plus que d’autres pages de Berlioz le Songe d’une Nuit du Sabbat fait ressortir les limites trop évidentes du système Midi, qui ne peut donner qu’une faible idée de l’originalité sonore de ce mouvement. En particulier le système Midi n’offre pas d’équivalent satisfaisant pour les cloches graves que Berlioz avait à l’esprit (mesures 102-223), et on a dû, suivant la pratique de Berlioz lui-même quand les cloches graves faisaient défaut, substituer le son d’un piano pour ce passage. D’autre part on ne peut reproduire exactement le col legno des violons et altos (mesures 444-60), et, faute de mieux, on a substitué le son d’un xylophone.
Pour tenter de donner plus de réalisme au son plusieurs passages ont aussi été notés intégralement et non sous forme abrégée: les sextolets des cordes aux mesures 4 et 15, et les roulements des timbales et de la grosse caisse aux mesures 306, 311 et 316.
Symphonie
Fantastique I: Rêveries, passions (durée 13'32")
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(fichier créé le 8.08.2000; révision le
20.11.2001)
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Symphonie
Fantastique II: Un
Bal, (1) versions sans cornet à pistons (durée 5'57")
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(fichier créé le
24.03.2000; révision le 20.11.2001)
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Symphonie
Fantastique II: Un
Bal, (2) version avec cornet à pistons (durée 5'57")
— Partition en grand format
(fichier créé le 20.11.2001)
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Symphonie
Fantastique III: Scène aux champs (durée 14'33")
— Partition en grand format
(fichier créé le 7.11.2000)
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Symphonie
Fantastique IV: Marche au supplice (durée 7'06")
— Partition en grand format
(fichier créé le 18.12.2000)
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Symphonie
Fantastique V: Songe d’une Nuit du Sabbat (durée 10'51")
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(fichier créé le 9.2.2001)
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Cette page revue et augmentée le 1er novembre 2021.