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L’image reproduite sur cette page évoque l’un des moments les plus célèbres de la carrière de Berlioz. Le 16 décembre 1838 il donne un concert au Conservatoire au programme duquel figure la Symphonie fantastique et Harold en Italie. Cette dernière symphonie, composée par Berlioz à l’instigation de Paganini, est entendue alors par l’illustre virtuose pour la première fois; il en est tellement ému qu’après le concert il se met à genoux devant le compositeur dans un geste d’hommage public, et deux jours plus tard il envoie une lettre admirative à Berlioz avec un don de 20,000 francs. Grâce à cette somme Berlioz peut maintenant liquider les dettes de sa femme et se consacrer à la composition de la symphonie Roméo et Julliette. On trouvera un exposé détaillé des rapports entre Berlioz et Paganini dans l’entrée sur Paganini à la page Album de photos (en anglais).
L’épisode sera raconté plus tard par Berlioz dans ses Mémoires posthumes (chapitre 49), où la lettre de Paganini est citée intégralement (mais pas tout à fait exactement); une première version de ce chapitre avait déja paru dans le Monde illustré du 4 juin et du 25 juin 1859. Mais l’événement avait fait sensation à Paris et à l’étranger presque immédiatement. Sans doute à la suggestion de Berlioz, la lettre de Paganini fut reproduite en fac-similé dans la Revue et gazette musicale du 23 décembre 1838, avec une traduction française plus la réponse de Berlioz à Paganini (réponse que Berlioz s’abstint de citer dans ses Mémoires, la jugeant insuffisante). Voir CG nos. 600 et 601. On trouvera un fac-similé de la lettre de Paganini à Berlioz et de la réponse de ce dernier dans l’ouvrage d’Adolphe Jullien, Hector Berlioz, Sa vie et ses œuvres (1888), pp. 140 et 141. Voir ci-dessous la traduction française de l’original.
L’évément suscitera sur le coup de nombreux commentaires dans la presse à Paris et à l’étranger, et souvent par la suite. Par exemple le journal Le Siècle reproduit la traduction française de la lettre de Paganini le 30 décembre 1838. Quand Berlioz se rend à Vienne en 1845 le journal Zuschauer publie le 14 novembre une notice biographique sur le compositeur qui souligne l’importance du don de Paganini (Berlioz lui-même est sans doute la source de cette notice). Une nécrologie de Berlioz en 1869 par Timothée Trimm conclut avec un rappel de l’hommage de Paganini et cite en traduction sa lettre à Berlioz (Le Petit Journal, 10 mars 1869).
Au cours des semaines suivantes le geste de Paganini est fréquemment évoqué par Berlioz dans sa correspondance (voir CG nos. 608, 612, 616, 617, 622). Le jour où il reçoit la lettre de Paganini il écrit sans tarder à son père à La Côte Saint-André pour lui raconter l’histoire, et transcrit la lettre de Paganini intégralement dans l’original, moins la dernière ligne (CG no. 602, 18 décembre 1838). En faisant cette transcription il avait sans doute l’original sous les yeux (mais écrit quand même Beethoven estinto au lieu de Beethoven spento). Selon une note sur la lettre de Berlioz dans CG (tome II, p. 490 n. 3) il existerait pas moins de trois copies de la lettre de Paganini (sans doute des copies de l’original par Berlioz et non par Paganini). Par contre Peter Bloom dans son édition des Mémoires ne fait état que d’une seule copie par Berlioz, qui est conservée dans la collection Reboul (Mémoires d’Hector Berlioz de 1803 à 1865 [2019], p. 460 n. 8). La copie qui est reproduite ci-dessous et qui vient d’une collection privée différente, suggère qu’en effet Berlioz a fait plus d’une copie pour son usage personnel. En comparant ce texte avec le fac-similé dans le livre de Jullien de 1888 mentionné ci-dessus, on constante qu’à part l’omission de quelques signes de ponctuation et d’un article dans la dernière ligne, Berlioz a suivi l’original de près.
Traduction de la lettre de Paganini:
Mon cher ami
Beethoven mort il n’y avait que Berlioz qui pût le faire revivre; et moi qui ai goûté vos divines compositions dignes d’un génie tel que le vôtre, je crois de mon devoir de vous prier de bien accepter en signe de mon hommage vingt mille francs qui vous seront remis par M. le baron de Rothschild sur présentation de la note incluse.
Croyez-moi toujours
Votre affectionné ami
Nicolo Paganini
Paris 18 décembre 1838
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