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Partitions de Berlioz

Marche Troyenne, arrangée et developpée pour les concerts (H 133B)

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Présentation

    Après plusieurs années d’attente les Troyens furent finalement montés au Théâtre Lyrique et eurent 22 représentations en tout, du 4 novembre au 20 décembre 1863, le plus grand nombre d’exécutions consécutives d’un ouvrage de Berlioz au cours de sa carrière (voir en détail la page La première des Troyens en 1863). Mais le prix en fut lourd: pour obtenir ces représentations Berlioz fut obligé d’omettre les deux premiers actes des Troyens qui comportaient dans leur version originale cinq actes, et de les remplacer par un Prologue pour fournir le contexte des trois derniers actes, maintenant rebaptisés Les Troyens à Carthage. Ce prologue comprenait d’abord un Lamento instrumental composé à partir du thème du duo entre Cassandre et Chorèbe au premier acte, mais maintenant dans un mouvement beaucoup plus lent qui lui donnait le caractère d’une élégie funèbre sur la chute de Troie et le sort des Troyens (voir la page Les Troyens: extraits pour orchestre). Le Lamento était suivi d’un résumé de l’action des deux premiers actes, déclamé par un récitant en costume de rhapsode antique, qui faisait ensuite entendre une version écourtée de la Marche troyenne (pour orchestre et chœur) d’après le final du premier acte. Cette présentation de la Marche était nécessaire du point de vue musical pour les représentations au Théâtre Lyrique, puisque la musique de la Marche revenait plusieurs fois dans Les Troyens à Carthage, mais sous une forme modifiée; il était donc nécessaire que les auditeurs connaissent la version originale de la Marche telle qu’on l’entend à la fin du premier acte.

    Il est possible que le travail de composition du nouveau Prologue ait donné l’idée à Berlioz que la Marche troyenne pourrait bien devenir une page d’orchestre adaptée aux concerts. Le compromis peu satisfaisant des représentations au Théâtre Lyrique pouvait donc mener au moins à un résultat positif. Quelques semaines après la fin des représentations on voit Berlioz Berlioz au travail, précisément sur un arrangement de ce genre; c’est ce qui ressort d’une lettre du compositeur datée du 19 janvier 1864 à l’éditeur Antoine de Choudens, qui avait accepté de publier les partitions de Benvenuto Cellini ainsi que celles des Troyens (CG no. 2827):

J’ai commencé aussi l’instrumentation et le développement de la marche troyenne pour les concerts; je crois que cela fera un morceau splendide et qui sera jouable avec un grand effet, au Conservatoire, chez Pasdeloup, chez Arban, partout. Je suis capable de donner un concert pour le faire entendre, ainsi que la chasse [royale et orage] avec un orchestre comme il en faut un et dirigé à ma façon.

    Plus d’un an plus tard, une phrase à la fin d’une autre lettre de Berlioz à Choudens laisse entendre que l’éditeur avait accepté la proposition de publier la marche, mais n’avait pas tenu Berlioz au courant: ‘Je n’ai plus entendu parler des parties ni de la partition de la Marche Troyenne’, écrit Berlioz (CG no. 2991, 2 avril 1865). En fait Choudens montra beacoup plus d’empressement à publier la Marche troyenne qu’il ne le fit pour le reste des Troyens: la grande partition parut plus tard cette année et fut annoncée dans une revue à Paris en juin 1865. Nous possédons un exemplaire de cette première édition de la Marche, dont la page de titre est reproduite ci-dessous.

    La Marche troyenne fut en fait une des toutes dernières compositions de Berlioz, peut-être même la dernière. Selon le Catalogue of the Works of Hector Berlioz de D. Kern Holoman (1987 - New Berlioz Edition, tome 25) on ne connaît pas de musique originale de Berlioz qu’on peut dater avec certitude après cet ouvrage. Berlioz avait le sentiment que sa carrière était maintenant à son terme, comme il l’écrit au Grand-Duc de Saxe-Weimar: ‘Maintenant ma tâche est finie [...] Je ne fais plus ni prose, ni vers, ni musique’ (CG no. 2857; 12 mai 1864). Ces mots sont un écho direct de la Postface des Mémoires.

    L’espoir de Berlioz que la Marche troyenne devienne un morceau à succès aux concerts ne sera pas réalisé de son vivant, en dépit du fait qu’elle fut publiée sans tarder et mise à la disposition des sociétés de concert. Berlioz ne dirigea jamais la marche au concert à Paris, et ne l’inscrit pas à ses concerts en Russie au cours de son dernier voyage de 1867-68. Et ce en dépit de l’intérêt porté aux Troyens par ses admirateurs en Russie (ils insistent pour que Berlioz leur envoie une copie de la partition autographe à St Pétersbourg). Pasdeloup de son côté ne la fera pas entendre à ses Concerts populaires, du vivant du compositeur ou après sa mort, bien qu’il ait par ailleurs œuvré pour la musique de Berlioz au long de sa carrière de chef d’orchestre. Parmi les chefs français le seul après la mort du compositeur à avoir fait figurer la Marche troyenne à ses concerts est Édouard Colonne, qui dirige la marche pour la première fois le 1er mars 1874, sans doute la toute première exécution de l’ouvrage depuis sa publication (voir le compte-rendu de cette exécution par Ernest Reyer, un ami et admirateur de Berlioz). Colonne fera entendre la marche plusieurs fois par la suite. Parmi les chefs plus tardifs qui ont défendu la musique de Berlioz, la marche deviendra un morceau populaire; on citera en particulier Felix Weingartner (qui fera un enreisgrement de la marche en 1939), Hamilton Harty et Thomas Beecham (qui lui aussi enregistrera l’œuvre, mais dans une version tronquée).

    La partie principale de la marche (mesures 1-111) est tirée du finale du premier acte, mais sous une forme condensée, avec une instrumentation simplifiée, et sans les chœurs: déplacée de son contexte dramatique, où les avertissements prophétiques de Cassandre à l’avant-scène jouent un rôle si important, la version de concert ne peut donner qu’une idée incomplète de la puissance de l’original (c’est ce qu’avait déja souligné Ernest Reyer dans son compte-rendu de l’exécution de 1874 par Colonne). La fin de la marche (mesures 112-167) est adaptée du cinquième acte (fin du premier tableau, nos. 43-44 de la grande partition), où Énée se résout à quitter Carthage.

Page de titre de la première édition de la Marche Troyenne (1865)

Trojan March

    Cette page est reproduite d’après un exemplaire de la première édition de la partition dans notre collection.

    Marche Troyenne (durée 4'59")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 12.04.2000; révision le 10.07.2001)
    — Partition en format pdf

© Michel Austin pour toutes partitions et texte sur cette page.

Cette page revue et augmentée le 1er mai 2022.

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