Chefs d’orchestre: Felix Mottl (1856-1911)
|
Présentation
Sources
Mottl et Wagner
Mottl et Liszt
Le répertoire de Mottl
Mottl et Berlioz
Mottl et Paris
Mottl chef d’orchestre
Épilogue
Chronologie
Illustrations
Cette page est disponible aussi en anglais
Avertissement: Tous droits de publication et de reproduction des textes, photos, images, et partitions musicales sur l’ensemble de ce site, y compris leur utilisation sur l’Internet, sont réservés pour tous pays. Toute mise en réseau, toute rediffusion, sous quelque forme, même partielle, est donc interdite.
Note: on a utilisé les abréviations suivantes —
Delage = Roger Delage, Correspondance inédite entre
Emmanuel Chabrier et Félix Mottl, Société Française de Musicologie,
tome 49 no. 126 (1963), pp. 61-107
Haas = Frithjof Haas, Der Magier am Dirigentenpult: Felix
Mottl (Carslruhe, 2006)
Krienitz = Felix Mottls Tagebuchaufzeichnungen aus den
Jahren 1873-1876, mitgeteilt von Willy Krienitz, in Neue Wagner-Forschungen,
Veröffentlichungen der Richard-Wagner-Forschungsstätte, Bayreuth. Hg. von Otto
Strobel, Karlsruhe 1943, pp. 167-208
Parmi tous les grands musiciens enfantés par l’Allemagne dans la deuxième moitié du 19ème siècle Felix Mottl (1856-1911) tient une place à part comme un des grands chefs d’orchestre de son époque, et un partisan convaincu de nombreux compositeurs, Berlioz parmi eux. Travailleur inlassable aux dons multiples, ouvert d’esprit, curieux et d’une culture étendue, Mottl sait se faire beaucoup d’amis et peu d’ennemis; son répertoire musical parcourt les pays et les époques, du 18ème siècle jusqu’à son temps, et accueille tant les grands classiques du passé que des compositeurs peu connus de son époque. En ce qui concerne Berlioz, Felix Mottl est sans aucun doute le partisan le plus actif du compositeur en Allemagne pendant 30 ans, des années 1880 jusqu’à sa mort, et le digne pendant d’Édouard Colonne en France, mais avec une différence importante: alors que Colonne est actif surtout dans le domaine des concerts symphoniques et fait relativement peu pour les opéras de Berlioz sur la scène, le champ d’action de Felix Mottl embrasse sans distinction tant le théâtre lyrique que les concerts. Il peut ainsi mettre sur le même plan l’ensemble de l’œuvre du compositeur, symphonique, vocal et lyrique, et c’est à Felix Mottl que revient le mérite ineffaçable d’avoir le premier fait représenter tous les opéras de Berlioz sur la scène, et en particulier d’avoir ressuscité les Troyens et de les avoir présentes à plusieurs reprises comme une œuvre unique et non deux opéras distincts.
Et cependant malgré tout ce qu’il a accompli, la réputation posthume de Felix Mottl reste sans doute en deça de ses mérites. Parmi les chefs d’orchestre allemands qui ont œuvré pour Berlioz il est moins connu que son aîné Hans von Bülow (1830-1894), par exemple, qui a fait beaucoup moins pour Berlioz que Mottl. Bülow retient l’attention grâce à sa forte personnalité et à certaines circonstances très particulières de sa vie, notamment dans ses rapports avec Wagner; il a aussi l’avantage important que grâce au dévouement de sa veuve Marie von Bülow une partie importante de sa correspondance et de ses écrits a été réunie et publiée après sa mort. Felix Weingartner (1863-1942), contemporain plus jeune de Mottl, a pour lui d’avoir vécu plus longtemps et d’avoir ainsi pu faire enregistrer quelques-unes de ses exécutions au cours des années 1920 et 1930, y compris ses interprétations des symphonies de Beethoven et le premier enregistrement connu de la Symphonie fantastique (1925). Weingartner a aussi consacré une partie de son temps à la publication de plusieurs livres, ce que Mottl n’a jamais fait, et surtout à la composition musicale, dont pas moins de 7 symphonies. Par contre Felix Mottl, s’il était à la fois compositeur et chef d’orchestre, comme la plupart des chefs allemands de son temps, a peu composé (notamment deux opéras, Agnes Bernauer et Fürst und Sänger, un ballet Pan im Busch, un quatuor à cordes et plusieurs mélodies; liste complète dans Haas p. 385-9, et p. 361-83 sur Mottl compositeur). De toute façon Mottl n’attachait qu’une importance très relative à sa propre musique: une entrée dans son journal à la date du 15 juin 1874 témoigne certes de sa satisfaction à entendre exécuter une symphonie de jeunesse, mais plus tard il y ajoutera ce commentaire: ‘Je suis persuadé alors que je suis au moins un grand compositeur! Mais l’avenir a démontré que c’était une erreur encore plus grande’ (Krienitz, p. 182 — voir ci-dessous). Mottl est sans doute plus connu par ses arrangements ou par son instrumentation de la musique d’autres compositeurs: par exemple c’est lui qui instrumente quatre des Wesendonck Lieder de Wagner à la demande de Cosima Wagner (on trouvera une liste de ses arrangements dans Haas p. 403-11).
Cette page mettra bien entendu l’accent sur ce que Mottl a fait pour Berlioz, mais on tiendra compte aussi de la carrière de Mottl et de son répertoire dans leur ensemble pour fournir le cadre nécessaire (on trouvera un résumé chronologique de sa carrière séparément ci-dessous).
À l’encontre d’autres chefs d’orchestre, Weingartner par exemple, Felix Mottl n’a pas écrit d’autobiographie, et même en 1909 quand il a déjà atteint la cinquantaine l’idée d’une biographie de sa carrière ne l’intéresse pas du tout (Krienitz, p. 167-8). Dénué de toute vanité personnelle Mottl a peine à croire que des générations futures puissent s’intéresser à son existence. Ce qu’il entreprend de rédiger, et ce tôt dans sa vie, alors qu’il est encore étudiant et n’a que dix-sept ans, c’est un journal personnel, qu’il commence le 1er janvier 1873 et poursuit jusqu’au 21 juin 1911, peu de temps avant sa mort. Dans ce journal Mottl note tout ce qui lui paraît intéressant dans sa vie quotidienne, donc en premier lieu tout ce qui a rapport à ses innombrables activités musicales, mais aussi sa vie sociale et intellectuelle: comme Berlioz il se passionne pour la littérature tant allemande que française; il s’intéresse aussi aux arts visuels et profite de ses tournées à l’étranger pour rendre visite aux grands musées. Selon Willy Krienitz (1882-1954), son secrétaire personnel à Munich de 1906 à 1911 (il avait été auparavant secrétaire du chef d’orchestre Ernst von Schuch à Dresde de 1902 à 1905), Mottl voulait absolument tenir son journal constamment à jour malgré les multiples contraintes d’une vie particulièrement active. Mais le manque de temps a pour conséquence que le récit restera souvent lacunaire; il n’est d’ailleurs pas destiné à la publication et n’a aucune prétention littéraire. Ce n’est qu’au cours de son voyage aux États-Unis en 1903-1904 que Mottl aura le loisir de consigner par écrit ses observations plus longuement. Des extraits de la période américaine du journal sont reproduits par Haas (p. 223-60) et donnent un aperçu particulièrement intéressant de ce que le journal aurait pu être si Mottl avait pu y consacrer plus de temps (le journal complet du voyage aux États-Unis comporte à ce qu’il paraît environ 250 pages en tout). En 1909 Krienitz persuade Mottl de réviser le début de son journal pour y ajouter de mémoire ce qui aurait pu manquer, et Mottl rédige alors une nouvelle version un peu plus développée des premières années jusqu’à la fin août 1876. Cette nouvelle version sera publiée par Krienitz en 1943 avec des notes abondantes, et cette partie du journal fournit des aperçus très suggestifs sur les débuts de la carrière de Mottl et sur ses idées (voir ci-dessous). Le reste du journal, à l’exception des extraits du voyage outre-atlantique reproduits par Haas, reste inédit et pourrait encore receler des informations de valeur. À l’heure actuelle le journal, avec de nombreux autres documents de Mottl, est déposé à la Bayerische Staatsbibliothek à Munich.
Il en est de même de la correspondance de Mottl: elle est encore en grande partie inédite. Mottl était très proche de Cosima Wagner, fille de Liszt et deuxième femme de Wagner, les deux compositeurs vivants qui ont eu la plus grande influence sur le début de la carrière de Mottl. La correspondance entre Mottl et Cosima est très développée: elle s’étend sur plus de vingt ans et comporte quelque 500 lettres de part et d’autre (sur leurs rapports voir Haas p. 73-95). Une partie beaucoup plus modeste de la correspondance de Mottl, celle avec le compositeur Emmanuel Chabrier (1842-1894), a été publiée (voir Delage). Elle couvre une période restreinte, de 1887 à 1894, mais fournit d’intéressants aperçus sur les deux hommes et leurs rapports (voir ci-dessous). Cette correspondance est presque entièrement en français, et révèle les hésitations de Mottl dans le maniement de la langue écrite — mais il est le premier à l’admettre — et d’ailleurs il lisait et comprenait le français fort bien et pouvait soutenir une conversation sans difficulté (il pratiquait la littérature française, et comme Berlioz lisait beaucoup: Shakespeare est un de ses auteurs favoris, même s’il le lit sans doute en traduction). Mottl pratiquait aussi passablement l’italien. Mais il n’était pas le virtuose des langues qu’était Hans von Bülow. Sa connaissance de l’anglais était d’abord plus faible, comme le montre un faux-pas malencontreux survenu au cours d’une répétition à Londres en 1897 qui fit bien rire les instrumentistes de la ville.
Dès 1911 il est question d’une biographie de Mottl que Willy Krienitz serait en train de préparer. Mais plus de trente ans plus tard ce travail selon Krienitz est toujours en cours (Krienitz, p. 169), et quand Krienitz meurt en 1954 il reste inachevé et ne paraîtra jamais (on ne sait ce qu’il est advenu des notes ou brouillons rédigés par Krienitz, et Haas est muet sur cette question). Mottl devra donc attendre jusqu’en 2006 pour avoir enfin sa première biographie détaillée, l’ouvrage de Frithjof Haas, Der Magier am Dirigentenpult: Felix Mottl [Le Magicien au pupitre: Felix Mottl]. S’appuyant sur une étude approfondie des sources manuscrites dont il a été question ci-dessus, ainsi que des journaux de l’époque, particulièrement ceux en allemand, cet ouvrage est désormais le point de départ de toute recherche ultérieure dans la carrière de Mottl (on regrettera cependant que l’auteur ne donne pas de bibliographie complète des ouvrages consultés, et on peut relever des lacunes dans son information). Dans cette biographie l’accent est mis naturellement sur la carrière de Mottl dans son ensemble plutôt que sur tel ou tel aspect (comme par exemple sa défense de Berlioz). On a largement utilisé ce livre dans la préparation de la présente page, à laquelle fait pendant une page de textes se rapportant à la carrière de Mottl. La plupart de ces textes sont en français et sont tirés de l’hebdomadaire Le Ménestrel, quelques-uns du Musical Times de Londres sont en anglais, et on trouvera de brefs extraits de la correspondance entre Chabrier et Mottl: pour plus de détails on se reportera à la présentation de cette page. La chronologie ci-dessous donne un résumé des principaux événements de la carrière de Mottl, et met l’accent sur ce qu’il a fait pour Berlioz; mais il n’a pas été possible de donner une liste exhaustive de toutes les exécutions de Berlioz par Mottl (ce qu’on peut faire pour les carrières de Pasdeloup, Colonne et Lamoureux à Paris). Les données sont éparpillées parmi tous les manuscrits inédits de Mottl et dans la presse de l’époque de plusieurs pays, et pour l’instant il n’existe pas d’équivalent pour Mottl au catalogue exhaustif fourni par Kenneth Birkin pour Hans von Bülow (Hans von Bülow. A Life for Music, Cambridge, 2011, p. 387-699).
La partie publiée du journal de Mottl pour les années 1873 à 1876 illustre plusieurs thèmes qui vont parcourir toute la carrière de Mottl, et en premier lieu son amour pour le théâtre. La rubrique pour janvier 1873 commence avec ces mots ‘Grande passion pour le théâtre’ et relève pas moins de 9 représentations d’opéras auxquelles Mottl a assisté dans ce seul mois, dont 2 de Mozart, 2 de Weber, et 3 de Wagner, et de même pour la suite du journal (Krienitz, p. 174). Dans sa carrière ultérieure les deux principaux postes qu’il occupe, à Carlsruhe de 1880 à 1903 et à Munich de 1904 à 1911, le placent en premier lieu à la tête de théâtres lyriques: s’il est également à l’aise à l’opéra et au concert, Mottl a probablement dirigé encore plus d’opéras que de concerts symphoniques. Au cours de son séjour à Carlsruhe, par exemple, il dirige pas moins de 313 représentations d’opéras du seul Wagner, selon Le Ménestrel, qui donne ensuite le détail pour chaque opéra (25/10/1903). On vante à l’époque la maîtrise de Mottl dans la fosse à l’opéra: il a si bien fait répéter son orchestre qu’il peut pendant la représentation concentrer toute son attention sur la scène, d’où l’impression de cohérence et d’unanimité qui caractérise sa direction à l’opéra (voir par exemple le récit donné par Albéric Magnard des répétitions pour les Troyens à Carlsruhe en décembre 1890, et aussi Le Ménestrel 11/1/1908).
Autre thème qui apparaît avec insistance dès le départ: la passion de Mottl pour la musique de Wagner, et quand Mottl révise son journal en 1909 il fait ressortir ce trait encore plus. Par exemple, non content de dresser la liste des nombreuses exécutions de Wagner auxquelles il assiste à Vienne, il se dit outré par les ‘misérables coupures’ infligées à la partition des Maîtres Chanteurs lors d’une exécution le 31 janvier 1873 (Krienitz p. 174). En février il se joint à d’autres fervents de Wagner pour fonder une ‘Société Wagner’ à Vienne (Krienitz p. 176). Le jour de Noël 1873 il commence l’étude de Tristan et ‘est pris de passion pour cette œuvre’ qu’il ‘porte partout avec lui comme le portrait de sa bien-aimée’; au jour de l’an 1874 il ‘en est complètement fou’ (Krienitz p. 180). Le 21 février 1875 quand Wagner arrive à Vienne pour donner un concert, Mottl avec d’autres enthousiastes (Bruckner parmi eux) ‘l’attend à la gare avec le cœur battant’ et est ‘fou de joie de voir le merveilleux maître’; quand Wagner l’invite à prendre le petit-déjeuner il ‘se sent comme un roi et salue ses connaissances dans la rue de haut en bas’ [en français dans le texte] (Krienitz p. 185). Le 2 mars 1876 il entend Wagner diriger Lohengrin en personne et évoque ‘le merveilleux pouvoir de suggestion de sa personnalité’ et la ‘perfection technique de toute l’exécution. Ce fut une soirée merveilleuse’ (Krienitz p. 190). C’est l’exécution que Mottl considérera plus tard comme un événement décisif dans sa vie (texte cité par Krienitz p. 173). Le 20 mai de la même année Wagner invite Mottl à venir prêter son concours aux répétitions pour l’ouverture du festival de Bayreuth; Mottl y séjourne du 22 mai à la fin août. Le journal relate ce séjour en détail et inscrit au début de l’année 1876 ce commentaire: ‘L’année de Bayreuth! C’est l’année capitale dans mon développement artistique, qui m’a marqué pour toute la vie. J’eus la joie d’être en contact personnel avec Richard Wagner pendant trois mois et d’apprendre tout ce qu’un étudiant enthousiaste peut apprendre du plus grand des maîtres. Tout ce dont ce je suis capable je le dois à cette période d’apprentissage à Bayreuth. À partir de ce moment je commence à considérer l’art comme le but principal de mon existence’ (Krienitz p. 189).
Mottl est trop jeune pour diriger au festival d’ouverture (c’est Hans Richter qui est au pupitre), mais les fruits du séjour à Bayreuth viendront plus tard. Wagner est impressionné par le dévouement et le talent du jeune homme et lui donne son plein appui. Une lettre de Wagner à Mottl datée du 1er mai 1882, alors que Mottl est maintenant en place à Carlsruhe, commence ainsi: ‘On me dit que vous allez monter Don Juan. Je m’en réjouis pour vous qui comprenez si bien Tristan et Isolde. Je crois que vous comprenez mieux que quiconque ce que c’est que l’amour. Vous avez développé dans mon Tristan et Isolde tant de beauté et de charme divin que je suis tout fier de pouvoir vous confier mes œuvres’ (Le Ménestrel 20/4/1912, p. 127). Certains, comme Hans von Bülow ou Berlioz lui-même, avaient de bonnes raisons d’en vouloir à Wagner, mais ce n’est pas le cas avec Mottl: il n’a que respect et admiration pour le compositeur, et ces sentiments se reportent aussi sur sa famille. Il devient très lié avec Cosima, la veuve de Wagner, et plus tard avec son fils Siegfried, et les invitations pour diriger à Bayreuth se multiplient, d’abord en 1886, puis à maintes reprises en 1888, 1891, 1892, 1894, 1896, 1897, 1901, 1902; il y dirige pour la dernière fois en 1906. À partir de la fin des années 1890 on réclame Mottl de plus en plus comme chef d’orchestre wagnérien, à l’étranger comme en Allemagne, et outre de fréquentes exécutions de Wagner au concert il dirige de nombreuses représentations à Londres (1898, 1899, 1900), en Belgique (1902, 1904, 1907), plusieurs villes aux États-Unis (1903-4), et pour finir à St Pétersbourg aussi (1911). Après son retour des États-Unis son centre de gravité se déplace à Munich, d’où un certain refroidissement dans ses relations avec Cosima Wagner, mais il reste dévoué à Wagner comme par avant. Il donne de nombreuses exécutions d’opéras de Wagner en 1905 et 1906 et fait de Munich presque un rival pour Bayreuth, comme il l’avait déjà fait à Carlsruhe. C’est pendant qu’il dirige sa 100ème représentation de Tristan que Mottl s’évanouit le 21 juin 1911 et meurt dix jours plus tard (Le Ménestrel 1/7 et 8/7/1911).
Tout au long de sa carrière Mottl restera fidèle à Wagner. En 1903 Hans Richter et lui refusent de prendre part à des concerts pour célébrer l’inauguration d’un monument Wagner à Berlin: les manifestations de ce genre sont contraires aux principes du maître. En 1903-4 au cours de son voyage aux États-Unis il refuse toute participation aux représentations de Parsifal montées à New York, malgré les rumeurs mal intentionnées auxquelles certains journaux donnent cours. En 1909 il intervient dans un débat sur les coupures faites par Felix Weingartner dans des opéras de Wagner à Vienne et les condamne sans réserve.
Dans son journal pour février 1873 Mottl écrit à propos d’Otto Dessoff (1835-1892), le chef d’orchestre de la philharmonique de Vienne de 1860 à 1875 et son professeur pour l’instrumentation et la direction d’orchestre, qu’il ‘était un ardent partisan de Brahms mais ne s’entendait pas particulièrement bien avec Wagner et Liszt, qui à cette époque étaient déjà pour moi des modèles’ (Krienitz p. 175). On trouve certes des mentions de Liszt ou d’exécutions de ses ouvrages dans le journal des premières années; bien moins fréquentes que celles de Wagner — Liszt n’est pas compositeur d’opéras — elles sont cependant significatives. En janvier 1874 Liszt vient à Vienne, pour la première fois depuis 1846, pour participer à un concert. Mottl trouve son exécution ‘céleste’ et ‘la meilleure qu’il ait entendue’, et après le concert les étudiants du Conservatoire offrent à Liszt une couronne en son honneur qui le qualifie de leur modèle (Krienitz p. 181). Mottl est enthousiasmé d’entendre pour la première fois la symphonie Faust le 24 janvier 1875 (Krienitz p. 184). Au début de janvier 1876 il assiste à une répétition puis à une exécution de la Légende de Saint Élisabeth de Liszt et se dit ‘profondément ému par ce magnifique ouvrage’ (Krienitz p. 189): par la suite il l’exécutera plusieurs fois en version scénique (Le Ménestrel 1/8 et 26/9/1897, 11/9/1898, 12/9/1908). Sur le plan personnel il faudra plus de temps à Mottl pour se rapprocher de Liszt que de Wagner, mais l’occasion se présente au printemps de 1879 quand Liszt vient à Vienne pour une exécution de sa Messe de Gran; Mottl l’accompagne pendant son séjour et Liszt lui promet de faire jouer l’année suivante à Weimar son opéra Agnes Bernauer. La représentation a lieu le 28 mars 1880 sous la direction de Mottl, et c’est au cours du séjour à Weimar que l’amitié entre les deux se noue: Mottl reçoit maintenant l’adhésion entière du vieux maître comme celle de Wagner (Le Ménestrel 5/8/1911). Par la suite, et tout au long de sa carrière, Mottl ne manquera pas d’exécuter des ouvrages de Liszt, en Allemagne et dans ses concerts à l’étranger (voir par exemple Le Ménestrel 26/2/1899, 25/11/1900, 2/3/1902, 16/11/1902, 22/8 et 3/10/1908, 26/3/1910). Il assiste aux funérailles de Liszt à Bayreuth en août 1886, et dans la dernière année de sa vie il projette de participer activement aux fêtes du centenaire de Liszt (22 octobre 1911), mais meurt avant de pouvoir accomplir ce devoir.
Le 11 octobre 1880 Felix Mottl entre en fonctions comme directeur de la musique à la cour du Grand-Duc de Carlsruhe (Hofkapellmeister); il succède dans ce poste à son ancien professeur Otto Dessoff qui l’avait encouragé à poser sa candidature et avait surmonté les hésitations du jeune homme, alors âgé de vingt-quatre ans. Carlsruhe à l’époque est une ville de dimensions modestes, qui ne compte qu’environ 60,000 habitants et ne peut se comparer aux grands centres musicaux de l’Europe tels que Vienne, Berlin, Paris ou Londres. Mais le poste offre à Mottl des possibilités dont il saura tirer parti au cours des deux décennies et plus qu’il y passera. Il a la haute main à la fois sur un theâtre lyrique et sur les concerts symphoniques, et peut donc parcourir tout le répertoire lyrique et symphonique sans souffir des limites imposées aux directeurs des grandes sociétés symphoniques de Paris comme celles de Colonne ou Lamoureux. De plus il bénéficie de l’appui actif d’un souverain éclairé ami des arts, d’un genre qui n’est pas sans exemple dans l’Allemagne du 19ème siècle, le Grand-Duc de Bade Frédéric Ier (1826-1907) et son intendant le baron Gustav zu Putlitz, lui-même homme de théâtre. Ce qui compte avant tout pour le Grand-Duc c’est le mérite artistique, et non le succès commercial, et à cette fin il est prêt à dépenser son argent, sujet d’étonnement pour un visiteur à Calrsruhe comme le compositeur Albéric Magnard. Avec de tels avantages et son propre talent, Mottl est en mesure au cours des vingt prochaines années de transformer Carlsruhe en un centre artistique de renomée internationale, célèbre pour l’imagination et la largeur de vues de ses programmes, et le haut niveau de ses exécutions, tandis que Mottl se hisse au rang des meilleurs chefs de l’époque.
De son temps Mottl est célèbre en Allemagne et à l’étranger pour ses interprétations de Wagner, mais il est bien plus qu’un des grands chefs wagnériens de son époque. Le répertoire qu’il développe à Carlsruhe, et par la suite à Munich aussi, est vaste et varié, et il ne peut être question ici que d’en esquisser quelques traits. La page annexe de textes propose un choix d’annonces et de comptes-rendus des nombreux concerts de Mottl en Allemagne et dans ses tournées à l’étranger et peut en donner une première idée. On citera ici l’appréciation posthume des conceptions artistiques de Mottl, à propos du contenu de sa bibliothèque (Le Ménestrel 12/10/1912): ‘Mottl aimait les choses belles et fut artiste dans la plus noble acception du mot […] S’il aimait à posséder les chefs-d’œuvre de la musique et de la littérature, c’était pour s’en servir, et non pour en contempler l’extérieur […] Son large esprit restait rebelle à une spécialisation de ce genre et c’est pour cela qu’il fut peut-être le plus initiateur de tous les chefs d’orchestre de théâtre et n’hésita jamais à faire représenter l’ouvrage qui lui paraissait génial ou simplement bon.’
Il va de soi que Mottl connaît à fond les grands classiques, tels que Beethoven, Schubert, Weber et bien d’autres (voir par exemple sur ses interprétations de Beethoven Le Ménestrel 1/12/1895; The Musical Times 1/12/1895, 1/1/1896, et 1/6/1896; Le Ménestrel 3/4/1898 et 5/3/1899). Parmi les vieux maîtres Mottl a une prédilection particulière pour Bach qui remonte à sa jeunesse: dans son journal il note sa joie à jouer Bach à l’orgue de St Veit, sa ville natale près de Vienne (Krienitz p. 182, septembre 1874). Son admiration grandit au fil des ans: une entrée dans son journal à la date du 22 mars 1875 constate qu’à cause d’une exécution froide et peu satisfaisante il n’a pas formé alors une bonne impression de la Passion selon Saint Mathieu (Krienitz p. 186). Avant son départ pour les États-Unis en octobre 1903 il tient à faire ses adieux à Calrsruhe avec un concert consacré uniquement à Bach (Le Ménestrel 25/10/1903; sur son opinion de Bach voir aussi 25/9/1904). Mozart est une autre idole; le journal recense plusieurs exécutions de Don Juan, la Flûte enchantée et du Mariage de Figaor entre 1873 et 1875, et fait part de son ‘ravissement’ à une exécution de la symphonie Jupiter (Krienitz p. 180, 4 janvier 1874). Mozart figure dès le départ dans ses programmes de Carlsruhe. Quand un fils naît à Mottl et à sa femme Henriette le 24 mai 1894 il est baptisé Wolfgang Amadeus Richard. On jugera de la profondeur de son admiration pour Mozart d’après l’extrait d’un discours prononcé par lui à Salzbourg en 1904 (Le Ménestrel 12/8/1911); quand il s’établit à Munich il y dirige une série d’opéras de Mozart en 1905 et 1906. Selon un critique le succès de Mottl dans ses interprétations de Mozart dépendait de la sonorité aérée qu’il savait obtenir des exécutants (Le Ménestrel 5/11/1910). On ajoutera que les goûts musicaux de Mottl faisaient une bonne place à la musique légère: viennois de naissance qui se sent autrichien plus qu’allemand il ne cache pas sa prédilection pour la musique de Johann Strauss (Le Ménestrel 24/7/1909).
Un souci constant de Mottl, où l’on peut sans doute reconnaître l’influence de son maître Liszt, est de redonner vie à des partitions oubliées qu’il juge dignes d’être entendues. À cette fin il lui arrive de faire des arrangements, comme pour l’Acis et Galathée de Haendel en 1888, qui d’ailleurs n’a pas grand succès; par contre des opéras de Pergolèse, Cherubini et Donizetti qu’il reprend en 1893 et 1894 s’avèrent populaires. Il prend grand soin lors de la reprise en 1884 du Barbier de Baghdad de Peter Cornelius (Cornelius, ami de Berlioz dans les années 1850 et 1860, avait été soutenu par Liszt), et dans ce but il ré-instrumente la partition, et son ami le chef d’orchestre Hermann Levi fait de même pour l’autre opéra de Cornelius, Le Cid. Grâce à cette nouvelle version le Barbier de Baghdad jouit d’un regain de popularité en Allemagne; mais pour les célébrations à Weimar du 80ème anniversaire de la naissance du compositeur en 1904 on rétablit l’instrumentation d’origine (Le Ménestrel 19/6/1904; voir aussi 12/9/1908). Sa défense de partitions moins connues s’étend aux compositeurs contemporains: il se souvient sans doute de l’appui décisif qu’il a reçu au début de sa carrière de la part de personnalités reconnues comme Wagner, Liszt ou Dessoff. La carrière de Mottl en donne de nombreux exemples: par exemple, il fait représenter un nouvel opéra d’Ethel Smyth en 1898, un autre en 1899 par un compositeur belge peu connu, Franz Servais, l’opéra Don Quichotte d’Anton Beer-Waldbrunn en 1908 (Le Ménestrel 11/1 et 12/9/1908), des opéras de Max Schillings et de Friedrich Klose en 1908. Avec les premiers compositeurs de l’époque ses réactions varient: par exemple, Mottl n’a jamais eu beaucoup de sympathie pour la musique de Gustav Mahler, mais avec Strauss après avoir été d’abord méfiant il finit par lui être acquis: il fait représenter les derniers opéras de Strauss à Munich (Électre en 1909 et 1911, le Chevalier à la rose en 1911, avec dans les deux Zdenka Fassbender dans le rôle principal), et en juin 1910 il organise une ‘Semaine Strauss’ où il partage le pupitre avec le compositeur.
Un des traits les plus caractéristiques de la programmation de Mottl est son goût pour la musique française, goût qu’il partage avec d’autres musiciens allemands à l’époque — Hans von Bülow, par exemple, parle avec chaleur des compositeurs français de son temps — mais Mottl va bien plus loin qu’eux. Le public français s’en aperçoit pour la première fois en 1885 quand Mottl met en scène un opéra inachevé de Halévy, Noè, complété par Bizet son élève. Ce penchant pour la musique française assurera à Mottl un popularité durable en France de son vivant et après sa mort: un chef allemand s’était donné du mal pour favoriser la musique française (voir Le Ménestrel 3/4/1898 [fin], 19/2/1899, 2/3/1902 [fin], 8/7/1911 [fin], 6/7/1912, et 12/10/1912 sur sa bibliothèque). Ce qu’il amorce à Carlsruhe il le poursuit jusqu’à la fin de sa carrière: en 1910 il organise une ‘Semaine française’ à Munich (Le Ménestrel 23/7/1910). La faveur qu’il accorde à la musique française s’étend des vieux maîtres, tels que Grétry (Le Ménestrel 4/5/1890, 30/3/1902), Méhul (Le Ménestrel 1/11/1891) et Dalayrac (Le Ménestrel 28/10/1894) jusqu’à des compositeurs contemporains tels que Bizet (Le Ménestrel 28/10/1894), les frères Hillemacher (Le Ménestrel 18/11/1894, 22/11/1896, 1/8/1897), ou Ernest Chausson (Le Ménestrel 19/2/1899).
Un cas particulier est celui d’Emmanuel Chabrier, qui se lie d’amitié avec Mottl: on peut suivre leurs rapports en détail de 1887 à 1894 grâce à leur correspondance qui est publiée (voir Delage), à laquelle les lettres de Chabrier au chanteur Ernest van Dyck, un de ses proches amis, ajoute quelques compléments (ces dernières publiées dans Le Ménestrel de septembre et octobre 1928). On trouve aussi quelques réminiscences de Chabrier dans une interview donnée par Mottl à un journaliste français peu après la mort du compositeur.
Dès juillet 1886 Chabrier essaie de suggérer à Mottl l’idée d’exécuter son opéra Gwendoline et à cette fin fait envoyer la partition à Carlsruhe. Mottl a évidemment dès cette date la réputation en France d’être non seulement un chef d’orchestre de premier ordre qui dirige des représentations de haute qualité, mais aussi d’être éventuellement prêt à accueillir à Carlsruhe un opéra par un compositeur français qui est lui-même passionné de Wagner. Rien ne se passe d’abord, mais en 1887 van Dyck se rend à Carlsruhe pour travailler son allemand et étudier avec Mottl le rôle de Parsifal, qu’il doit chanter à Bayreuth l’année suivante à l’invitation de Cosima Wagner. Chabrier demande à van Dyck de pousser Mottl à prendre en charge Gwendoline, ce qu’il fait, et après plusieurs retards l’opéra est représenté à Carslruhe pour la première fois le 30 mai 1889, représentation suivie d’autres. Mottl poursuit son action avec une représentation d’un autre opéra de Chabrier, le Roi malgré lui le 3 mars 1890, de nouveau après quelques retards. Il instrumente aussi deux œuvres pour piano de Chabrier, la Bourrée fantasque et les Valses romantiques, qui sont restées au répertoire; Mottl fait entendre son instrumentation de la Bourrée dans ses concerts à l’étranger (par exemple en 1898; cf. Le Ménestrel 10/4/1898).
La correspondance entre Chabrier et Mottl est intéressante à plusieurs titres. Polie d’abord, elle devient bientôt plus familière après la première visite de Chabrier à Carlsruhe en janvier 1888 à l’invitation de Mottl. Après la première représentation de Gwendoline les deux hommes se tutoient. Mottl écrit la plupart du temps en français, même s’il est le premier à admettre que son français écrit est parfois approximatif (Chabrier ne s’excuse qu’une seule fois de ne pas savoir l’allemand!). Les lettres donnent une impression de Mottl des plus sympathiques: il est généreux, accueillant, sans prétentions et patient avec un ami exubérant et parfois difficile qui s’impatiente des retards dans l’exécution de ses opéras et ne semble pas toujours comprendre à quelles pressions Mottl doit faire face. Elles témoignent aussi de la conscience artistique de Mottl, qui préfère remettre une exécution si elle n’est pas encore à point. Malgré quelques réserves au départ sur la musique de Chabrier, il le défend dans sa correspondance avec Cosima Wagner et loue son talent, à quoi Cosima réplique avec une condamnation sans appel des deux opéras (Delage pp. 88, 89-90, 95-6, 97-9). On ajoutera que Chabrier est pénétré de reconnaissance pour ce que Mottl a fait, et cherche à lui faire décerner la Légion d’honneur (voir aussi sa lettre du 19 février 1890), honneur qui ne sera cependant accordé que quelques années plus tard (12 février 1899).
C’est grâce aux bons rapports personnels qu’il a su nouer avec Mottl que Chabrier parvient à faire représenter deux de ses opéras à Calrsruhe, d’où ils entrent dans le répertoire d’autres théâtres lyriques en Allemagne. Dès les débuts de la carrière de Mottl les rapports personnels jouent un grand rôle: c’est grâce au soutien de Wagner et de Liszt que le jeune maître peut commencer son ascension, et ce soutien ne fait qu’accroître l’admiration qu’il ressent pour leurs œuvres avant même d’être entré dans leur intimité. Mais avec Berlioz, dont la musique va aussi jouer un rôle important dans sa carrière, il ne peut y avoir de lien personnel: quand Berlioz se rend à Vienne en décembre 1866 pour y diriger la Damnation de Faust Mottl n’a encore que dix ans, et bien qu’on sache de la bouche de Mottl lui-même qu’il a assisté à l’exécution du 16 décembre (il en fait part dans une interview à un journaliste français à la fin de 1894), son seul souvenir de ce concert est ‘la caractéristique tête au profil d’aigle’ du compositeur. Moins de trois ans plus tard Berlioz n’est plus. À part cela le seul lien de Mottl avec Berlioz est quand il se rend à Paris en mars 1894 et tient à rendre visite à la tombe du compositeur au cimetière de Montmartre, mais il n’aura jamais l’occasion de se rendre à la ville natale du compositeur de La Côte-Saint-André (à l’encontre de Weingartner qui fait une visite très remarquée à la ville en 1903).
Et cependant Mottl va devenir au cours des années 1880 le premier partisan de Berlioz en Allemagne, ce qu’il restera jusqu’à la fin de sa carrière. On y a parfois vu un paradoxe: en 1890 Adolphe Jullien, qui partage son admiration également entre Wagner et Berlioz, se dit étonné de constater que l’enthousiasme de Mottl pour Berlioz ‘émane d’un wagnérisme ardent, d’un des grands prêtres du temple de Bayreuth’. Mais le paradoxe est peut-être moindre qu’il ne paraît: Mottl grandit en effet dans un milieu musical à Vienne où si la musique de Berlioz n’est jouée que de temps en temps, elle fait tout de même partie du répertoire normal des concerts. De nombreux musiciens allemands de l’époque n’ont aucune peine à admirer à la fois Berlioz et Wagner et n’y voient aucune incompatibilité. Dès les années 1860 Berlioz a ses partisans à Vienne, tel que son ami Peter Cornelius qui y séjourne pendant plusieurs années. Johann Herbeck, le dirigeant de la Gesellschaft der Musikfreunde, exécute Harold en Italie et la Symphonie fantastique en février 1862, la fin de la 2ème partie de la Damnation de Faust en 1864 pour coïncider avec l’anniversaire du compositeur le 11 décembre, et aide à faire inviter Berlioz à Vienne en décembre 1866 pour y diriger une intégrale de l’œuvre. On ajoutera que Herbeck dirige aussi le chœur de la chapelle impériale dans lequel Mottl chante de 1866 à 1870. Les programmes de la philharmonique de Vienne montrent qu’on y exécute des œuvres de Berlioz presque chaque année à partir de 1860: le scherzo de la Reine Mab sous la direction de Karl Eckert (15 janvier 1860), puis sous la direction d’Otto Dessoff le 2ème mouvement d’Harold en Italie (10 février 1861, 8 janvier 1865, 14 mars 1869), la Symphonie fantastique (23 mars 1862, 11 novembre 1866, 10 mars 1872, 18 janvier 1874), la Scène d’amour et le scherzo de la Reine Mab de Roméo et Juliette (1er novembre 1863), l’ouverture du Carnaval romain (21 février 1864 et 11 décembre 1870), l’instrumentation de Berlioz de l’Invitation à la valse de Weber (22 janvier 1865, 10 février 1867, 30 janvier 1870), le scherzo de la Reine Mab de nouveau (8 novembre 1868), l’ouverture de Benvenuto Cellini (13 février 1870), Absence des Nuits d’été (26 décembre 1870), puis 3 mouvements de Roméo et Juliette (1er mars 1874). Quand Hans Richter prend la tête de la philharmonique de Vienne en 1875 il continue cette tradition (seules les exécutions jusqu’à 1880 sont mentionnées ici): il joue l’ouverture de Benvenuto Cellini (12 décembre 1875 et 7 mars 1880), Harold en Italie intégralement (26 décembre 1875), l’ouverture du Carnaval romain (7 janvier 1877 et 26 janvier 1879), la Symphonie fantastique (24 mars 1878), et l’ouverture des Francs-Juges (21 novembre 1880). Dans les premières années de son journal Mottl note une exécution de l’ouverture du Carnaval romain le 18 janvier 1874 (elle manque dans la liste ci-dessus) avec le commentaire ‘merveilleux’ (Krienitz p. 181), et l’exécution d’Harold en Italie du 26 décembre 1875 (Krienitz p. 189). À la date du 19 mai 1875 Mottl note une rencontre à Graz avec Théodore Ritter, ‘disciple de Berlioz … pour lequel j’avais déjà une passion profonde’ (Krienitz p. 187). Dans l’interview avec un journaliste français de la fin de 1894 dont il a été question ci-dessus, Mottl attribue une grande importance à cette rencontre: ‘Ritter sut inspirer à Mottl la profonde admiration qu’il avait pour Berlioz, si bien que le jeune musicien se mit à étudier ses œuvres et s’enflamma à son tour’.
Mottl grandit donc dans un milieu où la musique de Berlioz, ou du moins certaines de ses œuvres, font partie de l’horizon musical. Liszt son maître, qui avait invité Berlioz à Weimar et y avait fait jouer sa musique au début des années 1850, lui aura aussi parlé de Berlioz. Même Wagner, malgré les sentiments partagés qu’il fait parfois mine d’afficher envers Berlioz, n’a jamais cessé de reconnaître son génie, comme l’a souligné Georges de Massougnes il y a bien longtemps, et a implicitement reconnu sa dette envers lui. Le journal de Mottl pour son séjour à Bayreuth en 1876 note à la date du 2 juin: ‘Wagner nous parle de Berlioz et de Meyerbeer’ (Krienitz p. 198).
Rien d’étonnant par conséquent dans l’intérêt que porte Mottl de bonne heure à Berlioz, mais il ne s’ensuit pas qu’il va inévitablement devenir le plus actif des partisans de Berlioz en Allemagne, devançant les autres chefs de l’époque comme Otto Dessoff, Hans Richter, Hermann Levi ou même Hans von Bülow. En l’absence d’une chronologie détaillée de toutes ses exécutions de Berlioz à partir de 1880 il est difficile de préciser si son engagement pour Berlioz est le résultat d’un projet conçu de longue date, comme l’interview de 1894 le laisserait supposer, ou s’il a pris forme peu à peu au fil des ans. On ne dispose que de quelques repères et ils ne peuvent tout révéler: il semble que Mottl donne déjà une intégrale de la Damnation de Faust en 1881, mais ce n’est qu’à partir de 1885 que ses exécutions de Berlioz commencent à se multiplier, avec le Requiem en 1885 et de nouveau en 1888, Benvenuto Cellini en 1886, Béatrice et Bénédict en 1888 et les Troyens en 1890, suivies de bien d’autres par la suite (voir la Chronologie). Moins de dix ans après sa nomination à Carlsruhe Mottl est considéré de plus en plus tant en Allemagne qu’à l’étranger comme plus qu’un simple partisan de Berlioz, mais son défenseur le plus actif en Allemagne. Dans une lettre à Hermann Levi du 3 décembre 1888 Mottl écrit à son ami: ‘Il faut frapper à la porte étrange et mystérieuse du génie du Berlioz de toute sa force, de tout son être et de toute son âme avant qu’elle s’ouvre, et alors elle révèlera des jardins de roses et de palais enchantés, alors que les gens d’esprit rassis n’y voient que des ronces’ (traduction du texte allemand cité par Haas p. 109). La correspondance de Chabrier fournit là-dessus des aperçus intéressants. En juin 1889, on l’a vu, après la représentation de son opéra Gwendoline à Carlsruhe, Chabrier s’active à Paris pour faire décerner la Légion d’honneur à Mottl en reconnaissance de ses services pour la musique française, et il est clair d’après une lettre à Mottl du 19/2/1890 que son œuvre pour Berlioz en est un aspect important: ‘Il faut qu’après les efforts artistiques que tu as faits depuis dix ans pour répandre notre grand Berlioz, — il faut qu’ici on t’apprécie à ta vraie valeur, il faut qu’on te connaisse’. Ceci date de même avant l’exécution intégrale des Troyens le 6-7 décembre 1890, événement qui fera date et qui fait dire à Adolphe Jullien que Mottl est ‘l’homme le plus dévoué qui soit aux intérêts de Berlioz qu’il admire profondément et le mieux disposé pour tous les artistes français auxquels il fait large et chaleureux accueil’ (voir aussi son compte-rendu de 1899 de la Prise de Troie à l’Opéra de Paris). Même tableau dans les récits d’Albéric Magnard sur les représentations de Carlsruhe. Au début de 1891 Le Ménestre constate que Mottl, tout en étant dévoué à Wagner, ‘a en même temps, pour notre Berlioz, une admiration sans limites’. L’année suivante le même journal suppose comme allant de soi que Mottl est un ‘fervent admirateur de Berlioz, dont il est le vrai porte-drapeau en Allemagne’ (voir aussi Le Ménestrel du 4/10/1896). Le ‘Cycle Berlioz’ que Mottl donne à Carlsruhe en novembre 1893 ajoute encore à sa réputation internationale et attire des visiteurs de la France, de l’Angleterre et de la Russie en plus de l’Allemagne (voir les comptes-rendus du Ménestrel et du Musical Times). On pourrait voir dans les invitations de Berlioz à Weimar par Liszt en novembre 1852 et en février 1855 un précédent pour le ‘Cycle Berlioz’ de Mottl, mais celui-ci est de tout autre ampleur. C’est peut-être à cette occasion, sinon plus tôt, que Georges de Massougnes fait la connaissance de Mottl (son nom n’est pas mentionné par Albéric Magnard comme ayant assisté aux Troyens de Carlsruhe en 1890). Dans la notice rédigée par Massougnes pour le concert de Mottl à Paris le 18 mars 1894 il évoque l’admiration de Mottl pour Berlioz et raconte avoir vu dans le salon de Mottl à Carlsruhe un masque de Berlioz placé entre des bustes de Beethoven et de Wagner. Ses articles de 1900 et de 1903 montrent que dix ans plus tard l’enthousiasme de Mottl pour Berlioz n’a en rien diminué: ‘Il n’est pas de fidèle exclusif de Berlioz […] dont l’enthousiasme surpasse et peut-être égale le sien ; il s’indigne de la moindre critique, de la moindre réserve dans l’admiration’, écrit-il dans ce dernier article. On ajoutera que quand Louise Pohl, fille de Richard Pohl (ami comme Cornelius de Berlioz dans les années 1850 et 1860), publie son ouvrage Hector Berlioz’ Leben und Werke à Leipzig en 1900, elle le dédie à ‘Felix Mottl, le directeur de musique [à Carlsruhe], l’infatigable et fidèle défenseur de la musique de Berlioz’, et dans sa conclusion (p. 282) elle affirme que ce n’est qu’à Carlsruhe que Berlioz est toujours en honneur — ‘Felix Mottl, l’éminent chef d’orchestre […] a enfin fait éclater la véritable valeur de Berlioz; il consacre toute son énergie à revendiquer définitivement pour ce compositeur méconnu la place qui lui a été si longtemps refusée’. Outre ses exécutions de Berlioz Mottl cherche à encourager d’autres chefs à suivre son exemple: un exemple en est son ami Hermann Levi qui représente sur ses conseils Benvenuto Cellini à Munich en 1887-8 et les Troyens en 1893 et 1895, malgré des réserves sur Berlioz que Mottl ne partage pas (voir Haas p. 131-2, citant leur correspondance). Une précision à ajouter: l’œuvre de pionnier accomplie par Mottl pour Berlioz, et notamment pour ses opéras, se limite à l’Allemagne (Carlsruhe d’abord, ensuite Munich): alors que Mottl dirige des opéras de Wagner en Belgique, à Londres et aux États-Unis, et inscrit de temps en temps des œuvres de Berlioz à ses programmes à l’étranger, aucune de ses exécutions majeures de Berlioz ne franchira les frontières de l’Allemagne (voir ci-dessous).
Le répertoire Berlioz de Mottl semble avoir embrassé la totalité de l’œuvre de Berlioz. Selon un texte de Georges de Massougnes datant de 1894 Mottl ‘ne se borne pas à jouer les opéras du maître, mais exécute habituellement ses œuvres symphoniques dans les grands concerts qu’il dirige, et l’on ne pourrait citer un seul ouvrage de Berlioz qu’il n’ait fait entendre’ (voir aussi les remarques d’un critique en 1907 à propos du chef d’orchestre autrichien Siegmund von Haussegger: ‘Il sait par cœur notre vieux Berlioz, tout comme les Weingartner et les Mottl’). Émanant d’un partisan de Berlioz qui connaît bien Mottl on peut prendre son affirmation au pied de la lettre, bien qu’on ne puisse la vérifier dans le détail. Dans la Chronologie ci-dessous les seules œuvres majeures de Berlioz qui ne figurent pas dans l’inventaire des exécutions de Mottl sont le Te Deum et le Retour à la vie, mais la liste est de toute façon incomplète. Dans l’œuvre de Mottl pour Berlioz la palme revient sans aucun doute à ce qu’il a fait pour les opéras. On remarquera qu’il joue les opéras uniquement en les faisant représenter sur la scène, et jamais en version de concert (alors que pour Wagner il fait les deux). Tous les opéras sont représentés non dans l’original mais en traduction allemande, comme c’est l’habitude en Allemagne à l’époque (et inversement en France on exécute les opéras allemands, y compris ceux de Wagner, en traduction française).
Le premier pas, la représentation de Benvenuto Cellini en 1886, est sans doute le moins aventureux: l’ouvrage a déjà été repris par Hans von Bülow à Hanovre en 1879, et Arthur Nikisch a suivi son exemple à Leipzig en 1883 (mais avec des coupures qui mettent Bülow en fureur). Obtenir le matériel d’orchestre n’aura donc pas posé de problème. La reprise de Béatrice et Bénédict en 1887-8 constitue une initiative plus importante: l’ouvrage a été représenté à Weimar en janvier 1876, où Berlioz l’a déjà dirigé en 1863, mais ne semble pas avoir été repris depuis en Allemagne au cours des dernières années. Bülow avait eu le projet de faire représenter l’opéra à Hanovre après Benvenuto Cellini, et se proposait d’écrire des récitatifs pour remplacer les dialogues parlés de Berlioz, mais il quitte Hanovre avant de donner suite au projet et n’y revient pas par la suite. Pour sa propre représentation Mottl suit l’idée de Bülow et compose ses propres récitatifs en collaboration avec Gustav zu Putlitz, le gérant du théâtre de Carlsruhe; cette version est publiée en 1888 (voir les images ci-dessous d’une édition de 1918) et le succès des représentations de Carlsruhe donne l’impulsion à d’autres exécutions ailleurs en Allemagne (voir Le Ménestrel 31/3 et 7/4/1889, 6/4/1890).
La mise en scène des Troyens est l’entreprise de loin la plus ambitieuse et Mottl la réserve pour la fin; c’est le véritable couronnement de son œuvre pour Berlioz, et lui vaudra les louanges bien méritées des partisans du compositeur en France (voir entre autres les comptes-rendus d’Albéric Magnard et d’Adolphe Jullien, et les remarques de Chabrier). Concevoir de mettre en scène un vaste ouvrage qui n’a jamais été exécuté dans sa totalité, voilà qui demande de l’audace et de l’imagination! Mottl n’a pas pu entendre aucune des exécutions partielles qui ont eu lieu à Paris avant, que ce soit la version tronquée des Troyens à Carthage qui remonte à novembre 1863 ou la version pour concert de la Prise de Troie donnée en 1879 par Pasdeloup et Colonne. Pour obtenir le matériel d’orchestre il faut s’adresser à l’éditeur Choudens à Paris; selon Albéric Magnard les répétitions s’étalent sur plus d’un an. Et surtout, Mottl saisit d’emblée que les Troyens ne font qu’un seul opéra qui a été artificiellement séparé en deux, et presque tout au long de sa carrière il s’en tient à la conviction que les deux parties doivent être représentées de suite et non séparément, même si les limites du petit théâtre de Carlsruhe l’obligent à répartir l’exécution sur deux soirées. Mais quand il en a l’occasion il parvient à représenter l’ouvrage intégral en un jour à au moins deux reprises, à Mannheim en 1899 et à Munich en 1908, représentation qui a grand succès, et Zdenka Fassbender, qui sera la deuxième femme de Mottl, chante le rôle de Didon. Dès le départ Mottl insiste pour exécuter l’ouvrage sans aucune des coupures qui défigurent les Troyens à Carthage dès ses premières représentations à Paris et ne cessent de le hanter en France par la suite. Ce qui demande également de l’audace: Berlioz lui-même n’avait-il pas été forcé de tronquer Benvenuto Cellini pour s’adapter aux pratiques des théâtres lyriques en Allemagne? Dès sa jeunesse Mottl avait été outré des coupures infligées aux Maîtres Chanteurs de Wagner à Vienne en 1873, et quand il exécute l’Anneau du Nibelung à Covent-Garden en 1898 il se voit imposer des coupures par les chanteurs, ce qui est contre ses convictions. En 1909 une controverse surgit à propos de coupures faites par Weingartner aux opéras de Wagner, encore à l’opéra de Vienne: Mottl prend part au débat et s’insurge contre toute atteinte à l’œuvre du compositeur. En défendant l’intégrité des Troyens Mottl est donc d’accord avec ses principes de toujours.
Au cours des années 1890 la réputation internationale de Mottl ne cesse de grandir; on l’invite de plus en plus à l’étranger pour venir diriger, et l’exemple de ses tournées en dehors de l’Allemagne est suivi par les autres grands chefs allemands de l’époque. Le premier voyage de Mottl est en fait non à Paris, malgré sa réputation là et le nombre grandissant de ses amis en France, mais à Bruxelles. Il s’y produit pour la première fois avec grand succès le 14 mai 1893, et ses rapports avec la Belgique seront par la suite particulièrement étroits. Y font suite l’année d’après un premier voyage à Paris (en mars) puis un à Londres (en avril).
Dès 1889 Chabrier presse Mottl de venir à Paris et renouvelle plusieurs fois son invitation, mais Mottl a trop à faire et n’est pas encore en mesure d’accepter. D’après la correspondance avec Chabrier ce n’est qu’en avril 1893, un mois avant son premier voyage à Bruxelles, que Mottl commence à songer à un concert à Paris; Henriette Mottl est censée se produire aux Concerts Lamoureux le 17 décembre, mais doit annuller son voyage au dernier moment pour cause de grippe (voir les lettres citées par Delage, p. 106-7). En l’occurrence ce n’est que le 16 mars 1894 que Mottl arrive à Paris pour donner son premier concert aux Concerts Colonne; il loge à l’Hôtel du Louvre (lettre du 15 mars citée par Delage, p. 107). Il est accueilli par Georges de Massougnes, qui a pu jouer un rôle dans l’organisation du voyage, et qui lui fait voir la capitale: il se rend à la tombe de Berlioz au cimetière de Montmartre, à celui de Napoléon, et rend visite au Musée de Louvre, proche de son hôtel. On ne sait si Mottl a eu l’occasion de revoir Chabrier, qui est maintenant gravement malade et meurt en septembre. Chabrier n’aura malheureusement pas l’occasion de rendre à Mottl l’hospitalité qu’il a reçue de lui à Carlsruhe.
Le concert que donne Mottl au Châtelet le 18 mars est à plusieurs égards un événement d’importance dans la vie musicale de Paris. Il est suivi le 23 par un autre aux Concerts Colonne, dirigé cette fois par Hermann Levi, ami de Mottl et comme lui célèbre pour ses interprétations de Wagner (il dirige la première exécution de Parsifal à Bayreuth en 1882). Le concert de Mottl provoque l’enthousiasme de la critique: pour le public de Paris c’est une révélation, même si la capitale peut se flatter d’avoir depuis des années des orchestres et des sociétés de concert de premier ordre. Le concert de Levi suscite les mêmes louanges. Ces premières visites à Paris de grands chefs allemands seront suivies dans les années à venir par d’autres, notamment celles d’Arthur Nikisch, Felix Weingartner, Richard Strauss et Gustav Mahler. Les concerts dirigés par des chefs d’orchestre venus de l’étranger, surtout allemands, deviennent désormais une des caractéristiques des grandes capitales musicales de l’Europe, et les États-Unis ne tardent pas à suivre. Le prestige et le rôle des chefs-célèbrités s’accroissent, comme en témoigne l’attention nouvelle que leur prête les critiques dans leurs comptes-rendus. En invitant Mottl et Levi à diriger son orchestre en mars 1894 Édouard Colonne a inauguré une ère nouvelle dans les grands concerts parisiens.
La programmation de Mottl pour son premier concert à Paris est significative: alors que Levi joue uniquement du Wagner (sauf pour la 8ème symphonie de Beethoven) — et le critique regrette qu’il n’ait pas fait place aussi à Berlioz — Mottl divise son concert en deux parties égales, consacrées l’une à Berlioz et l’autre à Wagner. C’est sans doute son idée à lui et un nouveauté dans les concerts à Paris: si des chefs tels que Pasdeloup, Colonne et Lamoureux ont souvent inscrit à leur programmes de la musique des deux compositeurs, ils n’ont jamais placé côte à côte l’allemand et le français, et sur un pied d’égalité. Mottl par contre semble vouloir proclamer au public français l’égalité des deux, geste sans doute favorablement accueilli par ceux en France qui partagent leur admiration également entre Berlioz et Wagner et ne voient aucune incompatibilité entre eux, des critiques tels qu’Ernest Reyer, Georges de Massougnes et Adolphe Jullien. Les biographies par ce dernier de Wagner (1886) et de Berlioz (1888) sont toutes deux illustrées par des lithographies d’Henri Fantin-Latour (1836-1904), lui-même admirateur des deux compositeurs.
C’est visiblement l’intention de Mottl de continuer avec ce thème à Paris dans les années à venir, et non seulement au concert, où il n’est pas possible de révéler la pleine mesure des deux compositeurs, mais aussi sur la scène. Après la visite de Mottl on parle de le faire revenir à Paris pour y diriger en avril et mai 1895 les Troyens dans leur intégralité et Benvenuto Cellini, suivis en 1896 par le cycle de l’Anneau du Nibelung, les Maîtres Chanteurs et Tristan, toujours sous la direction de Mottl. Projet qui aurait constitué un succès de taille: Paris aurait vu et entendu pour la première fois les Troyens entiers et Benvenuto Cellini, pas représenté depuis 1838, ainsi que les œuvres de Wagner. Mais il semble que ce qui est possible depuis des années à Carlsruhe sous l’impulsion de Mottl ne l’est pas à Paris; le projet échoue et c’est une grande occasion de perdue. Elle ne reviendra pas; il n’est plus question d’opéras de Berlioz montés à Paris sous la direction de Mottl, et il faudra attendre jusqu’en 1913 pour voir un chef allemand, Felix Weingartner, diriger sur la scène à Paris un opéra de Berlioz (Benvenuto Cellini). Mais au concert, du moins, le geste de Mottl d’associer Berlioz et Wagner est suivi en partie: Lamoureux au Trocadéro (6 mai 1894) et Colonne à des concerts du Vendredi-Saint en 1896 (3 avril) et 1904 (1er avril) adoptent l’idée de réunir les deux compositeurs dans des concerts consacrés exclusivement à leur musique. Colonne suit aussi le modèle de Mottl d’un ‘Cycle Berlioz’ pour la saison 1894-1895, mais tandis que le cycle de Mottl était axé sur les opéras, la série de concerts de Colonne exclue la musique d’opéra presque complètement. On ne saurait trouver de démonstration plus éloquente des limites des institutions et pratiques musicales de Paris par rapport à des villes allemandes assez modestes comme Carlsruhe, ni des conséquences de la séparation entre sociétes de concerts et théâtres lyriques.
En 1896 Colonne et son orchestre sont invités en retour par Mottl et se rendent à Carlsruhe où ils exécutent la Symphonie fantastique (14 avril). Mottl pour sa part revient plusieurs fois à Paris à partir de 1897, d’abord aux Concerts Colonne, et ensuite également aux Concerts Lamoureux. Jusqu’à 1902 il est souvent accompagné par sa femme la cantatrice Henriette Mottl, qui parfois se produit toute seule. Ils donnent ensemble ou séparement des concerts en 1897 (17 janvier, 24 janvier, 7 mars), 1898 (13 février, 27 mars, 21 mai), 1899 (24 février, 26 février), 1900 (18 novembre; voir une reproduction du programme ci-dessous), 1902 (24 février), 1908 (27 février) et — pour la dernière fois — en 1909 (17 et 20 mars). Dans sa programmation Mottl ne reprend pas la formule de son premier concert à Paris, et dans la plupart de ses visites la musique de Wagner prend une large place (les concerts du 17 janvier 1897, 13 février 1898, 27 février 1908 et 17 mars 1909 lui sont exclusivement consacrés). La musique de Berlioz ne figure que de temps en temps, et d’ordinaire dans des morceaux assez courts: l’ouverture du Carnaval romain et Absence (24 janvier 1897), le 3ème mouvement de Roméo et Juliette (27 mars 1898), l’ouverture de Benvenuto Cellini (26 février 1899). Ce n’est qu’au concert du 18 novembre 1900 qu’il exécute une œuvre plus importante, Harold en Italie, souvent jouée en Allemagne mais pour une raison ou une autre rarement entendue intégralement à Paris, comme le critique le souligne (Colonne ne la joue en entier qu’une seule fois, en 1888). Des extraits de cette symphonie sont joués de nouveau au dernier concert de Mottl à Paris (20 mars 1909). Le public parisien attend visiblement de Mottl du Wagner avant tout. À la fin de sa carrière on annonce à Paris un cycle de l’Anneau du Nibelung à l’Opéra sous la direction de Mottl: ç’aurait été la première fois que Mottl dirige un opéra à Paris, mais l’aggravation de sa santé fait échec au projet. Le voyage est annullé et Mottl qui avait construit sa réputation au théâtre ne dirigera donc jamais d’opéras à Paris.
De ce point de vue Paris est en reste avec d’autres capitales européenes en dehors de l’Allemagne: elles parviennent à faire venir Mottl non seulement pour donner des concerts mais pour y diriger aussi des opéras. Après sa première visite à Londres en 1894 Mottl est entendu au concert à Queen’s Hall en 1895, 1896 et 1897 et ses concerts sont d’ordinaire très bien reçus. Il dirige en plus des exécutions de Wagner à Covent Garden en 1898 (l’Anneau du Nibelung), 1899 (Lohengrin, Tristan) et 1900 (Tannhäuser, Lohengrin, l’Anneau du Nibelung), mais avec des résultats variables, à en juger par les critiques de l’époque. Covent Garden à l’époque ne peut se mesurer avec Bayreuth, et Mottl ne poursuit pas ses liens avec Londres au delà de cette date: il est plus à l’aise dans des milieux francophones. Comme ville capitale Bruxelles ne peut se mesurer ni à Londres ni même à Paris, mais c’est cependant là que Mottl sera le mieux accueilli. Il y vient pour la première fois en 1893, et revient y donner des concerts à plusieurs reprises au cours des années à venir, en 1897, 1898, 1899, 1900, 1901, 1902 et 1904. Son succès aux concerts lui ouvre les portes des scènes lyriques. Il dirige à La Monnaie à Bruxelles des représentations de Tristan dont on se souviendra longtemps (1902 et 1907), et en 1904 il dirige La Walkyrie à Anvers. Au cours de sa dernière visite à Bruxelles en 1907 il est même engagé plusieurs années à l’avance pour diriger la première en français de Parsifal en 1913. La mort annullera ce projet, mais Mottl aura maintenu jusqu’au bout le lien étroit avec Bruxelles noué dès 1893 par l’entremise du chef d’orchestre Joseph Dupont: c’est Dupont qui le premier l’a invité à Bruxelles, devançant Paris et Londres, et quand Dupont meurt en 1899 Mottl tient, malgré des obligations pressantes à Carlsruhe, à participer à un concert à sa mémoire en 1902.
Dès que Mottl se produit au concert à l’étranger, les critiques et le public sont impressionnés. Après le premier concert de Mottl à Paris en mars 1894 le critique Hippolyte Barbedette s’enthousiasme: ‘[…] Chef d’orchestre incomparable […] il a absolument rompu avec la vieille tradition du chef d’orchestre, batteur de mesure, surveillant sévère des exécutants soumis à sa direction et rien de plus. […] Qui pouvait se douter du degré de perfection auquel [l’orchestre de Colonne] pouvait arriver sous l’influence d’un homme convaincu, plein de sincérité dans ses convictions, plein de puissance pour les communiquer ? Jamais nous n’avions entendu conduire avec une telle autorité’. Le critique anonyme qui assiste au premier concert de Mottl à Londres le mois suivant est tout aussi dithyrambique: ‘[…] Deux répétitions ont suffit à M. Mottl pour s’entendre parfaitement avec son orchestre, et les joueurs ont réagi aux moindres signes de sa part avec une rapidité qui n’aurait pu être dépassée après des mois et non quelques heures d’étude. Ceci montre que M. Mottl est un chef né. Ses interprétations se signalent par leur remarquable clarté, la délicatesse, l’énergie, une grande souplesse dans le rythme, et des contrastes de tous genres très fortement marqués’. Même enthousiasme pour la plupart de ses concerts tout au long de sa carrière. On loue constamment le sentiment d’autorité qui s’émane de Mottl, la haute qualité du jeu qu’il obtient de ses instrumentistes, et son refus d’attirer l’attention sur lui-même plutôt que sur la musique. Un aspect de sa direction qui est souvent souligné est son talent pour animer et dramatiser les partitions qu’il joue, et on reconnaît là l’influence de l’homme de théâtre. Les comptes-rendus de ses concerts à Londres en 1895 et 1896 donnent des réactions opposées à cette tendance: le critique trouve le résultat impressionnant dans la Symphonie héroïque et une ouverture de Gluck, mais déplacé dans la Symphonie pastorale.
Comme chef wagnérien Mottl — et c’est vrai aussi pour Hans Richter et Hermann Levi — dispose de références inattaquables. Il a l’aval du maître en personne et Cosima la veuve de Wagner l’invite d’année en année à diriger au Festival de Bayreuth. Mottl s’est formé dès le départ à l’école de Wagner lui-même et a eu l’occasion d’observer le maître de près. Quand Wagner vient à Vienne pour diriger Lohengrin le 2 mars 1876, Mottl note attentivement dans son journal la manière de diriger du compositeur et surtout les mouvements qu’il prend (Krienitz p. 190, 192). Pendant l’été de 1876 il passe plus de trois mois à Bayreuth à participer sous l’œil de Wagner aux préparations pour les premières représentations de l’Anneau du Nibelung. Pour les exécutions qu’il dirige par la suite à Bayreuth il consulte souvent Cosima Wagner, comme il ressort d’un récit plus tard sur les mouvements adoptés par lui pour Parsifal en 1888. Mottl plaisantait lui-même que le seul souvenir qu’on aurait de lui c’est qu’il avait ‘mottlisé’ Wagner, c’est-à-dire qu’il jouait sa musique dans des mouvements lents (Krienitz p. 168). Les enregistrements faits en 1907 de Mottl jouant Wagner au piano confirment cette impression. On sait aussi que Mottl avait couvert ses partitions des opéras de Wagner avec des annotations qui reflétaient les idées du compositeur sur la manière d’exécuter ses œuvres, et ces éditions sont publiées après la mort de Mottl. Comme chef wagnérien Mottl appartient donc à une tradition qui remonte à Wagner et s’inspire de son penchant pour une interprétation flexible des mouvements (‘sur la corde lâche’, comme disait Berlioz, pour qui cette manière de diriger était antipathique). Cette tradition sera transmise par Mottl à la génération suivante de chefs tels que Wilhelm Furtwängler (sur Mottl chef d’orchestre voir Haas p. 347-59).
Avec Berlioz la situation se présente autrement. Quand Mottl commence à diriger Berlioz dans les années 1880 il ne dispose pas d’une tradition en place sur la manière de jouer la musique du compositeur. Peu de personnes sont encore en vie qui peuvent faire état d’un lien direct avec Berlioz: Ernest Reyer, Charles Hallé et Hans Bülow sont parmi les rares noms qui viennent à l’esprit. Parmi eux Ernest Reyer n’a pas de prétentions comme chef d’orchestre et a assez peu dirigé, et il semble par ailleurs ne pas avoir eu de rapports avec Mottl. Charles Hallé dirige d’excellentes interprétations de la Damnation de Faust à Manchester et à Londres dans les années 1880 et 1890, mais lui aussi n’a pas que l’on sache eu de rapports avec Mottl. Hans von Bülow a vu et entendu Berlioz diriger des extraits de la Damnation de Faust et de Roméo et Juliette à Weimar en novembre 1852 puis les deux œuvres intégralement à Dresde en 1845 (et quelques autres morceaux). Se fondant sur ces exécutions Bülow a le sentiment d’avoir un lien avec la tradition de Berlioz, mais il n’a jamais exécute aucune de ces œuvres lui-même. Il loue la représentation donnée par Mottl de Benvenuto Cellini en 1886 (mais il a entendu l’ouvrage dirigé par Liszt, et non par Berlioz, qui ne l’a dirigé qu’une seule fois, à Londres en juin 1853). Il critique par contre l’exécution de l’autre grand ouvrage de Berlioz qu’il a entendu sous la baguette de Mottl, le Requiem en 1888, ouvrage qu’il n’a jamais entendu sous la direction de Berlioz et n’a pas dirigé lui-même.
La plupart du temps Mottl n’a donc aucun guide pour Berlioz sauf les partitions elles-mêmes et son propre sentiment musical. Il est sensiblement dans la même situation qu’Édouard Colonne, l’autre grand partisan de Berlioz de cette époque: ils n’ont pas de lien personnel avec Berlioz et aucune tradition en place pour les guider. Les réactions aux exécutions de Mottl de la part d’admirateurs de Berlioz tels qu’Adolphe Jullien et Georges de Massougnes sont uniformément positives: ils louent son enthousiasme pour le compositeur, la haute qualité de ses exécutions, son respect pour les œuvres, qu’il joue toujours intégralement et sans coupures. Mais leurs appréciations ne permettent pas de se faire une idée claire de sa manière de diriger Berlioz, notamment en ce qui concerne le genre de sonorité qu’il recherche, les mouvements et la stabilité du rythme, essentiel pour sa musique. Mottl utilise le rubato dans ses interprétations de Wagner (voir par exemple le compte-rendu du concert à Paris du 17 janvier 1897), en quoi il suit Wagner, mais il est difficile de savoir à quel point il fait de même pour Berlioz; un compte-rendu d’une exécution du 3ème mouvement de Roméo et Juliette à Paris en 1898 laisse supposer qu’il s’en sert parfois. La question mérite d’être soulevée car on peut déduire de comptes-rendus de ses exécutions de symphonies de Beethoven qu’il prend parfois des mouvements qui surprennent les critiques par leur lenteur (par exemple le mouvement lent de la 9ème symphonie à Londres en 1897, ou le premier mouvement de la 5ème à Paris en 1899). En est-il de même avec certaines de ses interprétations de Berlioz? On ne peut malheureusement saisir d’après les comptes-rendus de l’époque quels mouvements il adopte pour ses exécutions d’Harold en Italie à Londres le 18 mai 1897 ou à Paris le 18 novembre 1900. En conséquence, si l’on peut se faire une idée de sa manière de diriger Wagner, ce n’est pas le cas pour Berlioz. Comme chef berliozien Mottl n’a vraiment pas de prédécesseurs; il en est de même d’Édouard Colonne, mais alors que les traditions de Colonne seront transmises d’une certaine manière à son successeur Gabriel Pierné et à Pierre Monteux, premier alto des Concerts Colonne pendant plusieurs années, Mottl n’aura aucun véritable successeur en ce qui concerne Berlioz. La manière de diriger Berlioz de Felix Weingartner est la sienne et il l’a élaborée indépendamment de Mottl, et après Mottl aucun chef en Allemagne ne semble avoir traité sur un même pied d’égalité l’œuvre lyrique, choral et symphonique de Berlioz.
L’année 1903 marque un tournant dans la carrière de Mottl: après plus de vingt ans au service de la cour de Carlsruhe, Mottl accepte au cours de l’été l’invitation d’un imprésario américain pour faire une tournée de plusieurs mois aux États-Unis, bien plus longue que ses précédents voyages en Europe. En octobre il démissionne finalement de son poste à Carlsruhe et s’embarque pour les États-Unis, et au début de novembre on annonce qu’à son retour il prendra un poste à la cour de Munich à partir de 1904. Alors que dans ses précédentes tournées en Europe il voyage souvent en compagnie de sa femme la cantatrice Henriette Mottl, il part cette fois seul et Henriette reste à la maison. La décision de quitter Carlsruhe reflète en partie le désenchantement grandissant de Mottl avec l’étroitesse d’une existence dans une petite ville d’Allemagne (l’interview de 1894 avec un journaliste français en donne déjà une idée); plus d’une fois au cours des années précédentes il a été tenté de chercher ailleurs (Berlin en 1889, Munich en 1898). Elle reflète aussi des tensions accrues dans son intérieur: il semble que la vie avec Henriette est de bonne heure difficile, bien qu’on n’en soupçonnerait rien dans tous les dithyrambes dont les deux époux font l’objet au cours de leurs nombreuses tournées à l’étranger.
Les circonstances particulières de la carrière de Mottl en 1903 expliquent sans doute ce qui semble par ailleurs surprenant: un chef d’orchestre qui est d’ordinaire attentif aux anniversaires des compositeurs qu’il admire le plus est absent au moment du centenaire de Berlioz en 1903, et ne peut donc participer aux nombreuses célébrations qui ont lieu en Europe pour le compositeur dont il a été le partisan si efficace pendant près de vingt ans. D’autres chefs allemands y prennent part, entre eux Hans Richter, Richard Strauss et surtout Felix Weingartner, qui tient à rendre visite au cours du centenaire à La Côte-Saint-André, la ville natale du compositeur. Mottl s’embarque de Cherbourg le 21 octobre 1903 et ne commence le voyage de retour de New York que le 26 avril de l’année suivante. Pendant les six mois de son séjour il dirige du Berlioz dans ses concerts, notamment une Damnation de Faust a New York en novembre (déduite du journal pour le 9/10 novembre cité par Haas p. 232), et dans son journal à la date du 23 janvier 1904 il note le plaisir qu’il a eu à lire une biographie de Berlioz de la plume du critique Rudolph Louis (Haas p. 246). Mais autrement le journal ne donne pas l’impression que Berlioz le préoccupe outre mesure à ce moment, même si la suite montrera que la passion de Mottl pour Berlioz reste toujours vive, avec de nouvelles représentations des opéras à Munich (1905, 1908, 1909, 1910), un concert spécial pour l’anniversaire du compositeur le 11 décembre 1908 qui comprend des œuvres moins connues, et sa participation à une ‘Semaine française’ à Munich en septembre 1910.
Pour Mottl le voyage aux États-Unis n’est de façon générale pas un épisode heureux, comme son journal le révèle à presque chaque page. Dès son arrivée à New York le 28 octobre il ne se sent pas à l’aise: ‘Il m’est dès maintenant évident’, écrit-il, ‘que je ne suis pas fait pour l’Amérique’ (Haas p. 227). Il n’aime pas le bruit et la circulation frénétique de la ville, l’indiscrétion des journalistes, l’air d’improvisation qui règne à la direction de l’opéra, et partout l’obsédante course à l’argent. ‘Je suis sûr que même les quelques moineaux sur les toits doivent faire des affaires à la Bourse’, écrit-il pendant son séjour à Chicago (18 mars 1904; Haas p. 254). Philadelphie lui plaît plus, mais ce n’est qu’à Boston qu’il se sent tout à fait chez lui: ‘Tout à fait surpris en arrivant à Boston de voir la propreté de la ville, son élégance et sa dignité. Elle me fait plutôt penser à Dresde […] le personnel de l’hôtel est propre et accueillant, et pas des animaux et des machines comme à New York’ (2-4 avril 1904; Haas p. 256). Il attend avec impatience la fin de son interlude américain. Le 25 avril, à la veille de repartir, il écrit, citant Brünnhilde au 3ème acte de Siegfried: ‘Dernière journée à New York! Salut, jour éclatant!’ (Haas p. 260).
Avec le recul du temps il semble clair que c’est la période à Carlsruhe qui constitue la partie la meilleure et la plus heureuse de la carrière de Mott, malgré sa décision d’y mettre fin en 1903 (voir les remarques d’Ernest van Dyck juste après sa mort). Après son retour des États-Unis et son établissement à Munich il reste aussi actif et entreprenant que par le passé; sa maîtrise et sa réputation internationale ne cessent de grandir, mais sa santé suscite de plus en plus d’inquiétudes, par cause de surmenage, d’abus du tabac, et de soucis domestiques. Henriette suit son mari pour s’installer à Munich et ils continuent d’abord à se produire ensemble, comme à Bruxelles en 1904, mais la discorde entre eux grandit, et Henriette par son train de vie excessif s’endette lourdement. L’année 1907 apporte de graves déceptions. Felix et Henriette Mottl, et la direction de l’opéra de Munich, sont accusés de mauvaise gestion et doivent soutenir un procès; on craint que Mottl ne donne sa démission et quitte Munich pour de bon. En l’occurrence le procès se solde par un acquittement et le public témoigne avec chaleur son attachement à Mottl. Peu après, nouvelle déception: quand Gustav Mahler démissionne de l’opéra de Vienne Mottl est le candidat le plus en vue pour lui succéder, et il est en pourparlers avec Vienne. Mais le Prince-Régent de Bavière, le patron de Mottl, refuse de lui laisser quitter son poste à Munich. En compensation Mottl est décoré par le Prince-Régent et promu, mais l’espoir qu’il a longtemps caressé de terminer sa carrière dans sa Vienne natale est anéanti. Au cours de 1907 Mottl décide de demander un divorce d’Henriette, mais la ratification légale ne vient qu’en 1910. Henriette retourne à Vienne, sa ville d’origine, et au début de la première guerre mondiale la cantatrice, jadis célèbre, n’arrive même pas à gagner sa vie en donnant des leçons. En mars 1911 Mottl tombe malade au retour d’un voyage à St Pétersbourg; il se rétablit et peut reprendre ses activités le mois suivant, mais en juin il est obligé d’annuller un engagement avec l’Opéra à Paris. Le temps presse. Le même mois il annonce son mariage avec Zdenka Fassbender en juillet, mais le 21 juin il s’évanouit alors qu’il dirige sa 100ème représentation de Tristan. À l’hôpital il tient à célébrer en tout hâte ses noces avec Zdenka le 28 juin, mais meurt quelques jours plus tard, le 2 juillet.
La fin prématurée d’une grande carrière est un choc pour ses nombreux admirateurs en Allemagne et à l’étranger, comme le montrent les notices nécrologiques reproduites ici, l’une de Paris et l’autre de Londres, et la lettre du chanteur Ernest van Dyck qui s’est souvent produit sous sa direction. Les anecdotes sur Mottl sont nombreuses à circuler dès son vivant (voir par exemple le récit d’une exécution de La Walkyrie en 1909), et sa mort suscite quantité de souvenirs de la part de ceux qui l’ont connu (voir quelques exemples dans Le Ménestrel 15/7, 29/7 et 5/8/1911, et 12/10/1912). Elles le montrent toujours sous un jour sympathique: dès le débuts de sa carrière ses dons exceptionnels de musicien impressionnent les juges les plus exigeants, et sur le plan personnel son naturel accueillant et exempt de toute vanité lui gagne bien des amis. Munich honore sa mémoire (Le Ménestrel 3/2, 30/3, 25/5 et 6/7/1912). En France on se rappellera longtemps sa prédilection pour la musique française, et certains garderont pendant des années le souvenir de ses concerts à Paris. Pour le public français il est le premier exemple d’un nouvelle génération de grands Kapellmeister allemands. Une audition de l’ouverture du Vaisseau Fantôme à Paris en 1927 fait dire à un critique: ‘[…] nous nous remémorions l’impression fulgurante, irrésistible, qu’un certain jour Mottl sut nous donner de ce même début en dirigeant l’orchestre des Concerts-Colonne, qui, depuis, ont su heureusement en conserver la tradition’ (Le Ménestrel 21/1/1927, p. 27). Ceci renvoie soit au concert du 17 janvier 1897 soit à celui du 23 février 1902, au moins vingt-cinq ans plus tôt.
Après quelque retard Bruno Walter succède à Mottl comme directeur de musique à Munich; il tient à inaugurer sa nomination avec une représentation de Tristan et Yseult, qui serait suivie par une des Troyens: deux ouvrages par deux compositeurs, l’un allemand et l’autre français, avec lesquels la carrière de Mottl a été intimement liée.
On trouvera des résumés de la carrière de Mottl dans la notice de 1894 de Georges de Massougnes, les notices du Ménestrel du 18/3/1894 et du 8/11/1903, et les nécrologies du 8/7/1911 et du 1/8/1911; voir aussi la lettre d’Ernest van Dyck du 19/7/1911.
La chronologie comprend toutes les exécutions d’œuvres de Berlioz par Mottl dont nous avons connaissance; pour les raisons indiquées ci-dessus cette liste est bien entendu très incomplète, et nécessitera de nombreux ajouts par la suite. Sauf indication contraire toutes les exécutions sont dirigées par Mottl.
24 août: naissance de Felix Mottl à Unter St. Veit, près de Vienne
Felix Mottl devient membre du chœur de la chapelle impériale que dirige Johann Herbeck
16 décembre: Berlioz dirige la Damnation de Faust à Vienne; Mottl âgé de 10 ans assiste à ce concert
Felix Mottl est admis au Conservatoire de Vienne
1er janvier: début du journal de Mottl
19 mai: Mottl rencontre Théodore Ritter à Graz
10-11 juillet: première visite de Mottl à Bayreuth
2 mars: Mottl entend Wagner diriger Lohengrin à Vienne
22 mai - 31 août: Mottl participe aux répétitions à Bayreuth pour l’Anneau du Nibelung
28 mars: Mottl dirige son opéra Agnes Bernauer à Weimar à l’invitation de Liszt
11 octobre: Felix Mottl est nommé Hofkapellmeister à Carlsruhe
Exécution de la Damnation de Faust à Carlsruhe (mentionnée dans le programme par Charles Malherbe pour la 100ème exécution de l’ouvrage aux Concerts Colonne le 11 décembre 1898)
5 février: exécution de Carmen de Bizet à Carlsruhe
13 février: mort de Wagner à Venise
16 janvier: visite à Carlsruhe de Hans von Bülow avec l’orchestre de Meiningen
1er février: exécution du Barbier de Baghdad de Cornelius à Carlsruhe
5 avril: exécution de Noé de Halévy-Bizet à Carlsruhe
28 mai: exécution du Requiem à Carlsruhe (Haas p. 68-9)
21 mars: exécution de Benvenuto Cellini à Carlsruhe, en présence de Hans von Bülow
31 juillet: mort de Liszt à Bayreuth
3 août: funérailles de Liszt à Bayreuth
Avril: exécution de Benvenuto Cellini à Munich, sous la direction de Hermann Levi
Septembre: exécution de Benvenuto Cellini à Bade
6 avril: exécution de Béatrice et Bénédict à Carlsruhe
6 mai: exécution du Requiem à Carlsruhe, en présence de Hans von Bülow
30 mai: exécution de Gwendoline de Chabrier à Carlsruhe
2 mars: exécution du Roi malgré lui de Chabrier à Carlsruhe
Mars-avril: exécution de Béatrice et Bénédict à Vienne sous la direction de Jahn
30 novembre: Mottl donne un conférence sur les Troyens à la Wagnerverein
6 et 7 décembre: exécution intégrale des Troyens à Carlsruhe en deux soirées; voir les comptes-rendus par Adolphe Jullien et Albéric Magnard, les notices du Ménestrel du 28/12/1890 et 25/1/1891, et les remarques de Chabrier
Janvier: autres exécutions des Troyens à Carlsruhe
17 et 18 octobre: exécution des Troyens à Carlsruhe
17 décembre: mariage de Felix Mottl et Henriette Standhartner
29 janvier: exécution des Troyens à Carthage à Munich, dir. Hermann Levi
7 avril: exécution de l’ouverture de Benvenuto Cellini à Bade
14 mai: premier concert de Mottl à Bruxelles
3 septembre: Henriette Mottl engagée par l’opéra de Carlsruhe
5 novembre: début d’un Cycle Berlioz à Carlsruhe avec Benvenuto Cellini
7 novembre: Béatrice et Bénédict
8 novembre: concert consacré à Berlioz avec l’ouverture du Roi Lear, 4 mélodies des Nuits d’été chantées par Henriette Mottl, les 2ème et 3ème mouvements d’Harold en Italie, et la Symphonie fantastique
11 novembre: la Prise de Troie
12 novembre: fin du Cycle Berlioz avec les Troyens à Carthage; Mottl est promu au poste de ‘Generalmusikdirektor’ à Carlsruhe
16 mars: Mottl arrive à Paris
18 mars: premier concert de Mottl à Paris, aux Concerts Colonne, avec un programme Berlioz-Wagner (ouverture de Benvenuto Cellini; duo de Béatrice et Bénédict [fin du 1er Acte]; ouverture du Carnaval romain; 2ème mouvement de Roméo et Juliette) [voir le programme ci-dessous]
17 avril: premier concert de Mottl au Queen’s Hall à Londres
Mai: autres exécutions des Troyens à Carlsruhe
20 mai: 2ème concert de Mott au Queen’s Hall à Londres
17 mars: exécution de la Prise de Troie à Munich, dir. Hermann Levi
24 mars: exécution des Troyens à Carthage à Munich, dir. Hermann Levi
20 juin: concert par Felix et Henriette Mottl au Queen’s Hall à Londres, avec le 2ème mouvement d’Harold en Italie et Absence (reproduction du programme dans Haas p. 190)
4 juillet: 2ème audition du même concert
12 novembre: concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres (voir aussi un 2ème compte-rendu du même concert)
26 novembre: second concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres
14 avril: concert par Édouard Colonne à Carlsruhe avec la Symphonie fantastique
28 avril: premier concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres
14 mai: deuxième concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres
11 juin: troisième concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres
17 janvier: concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Colonne à Paris
24 janvier: second concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Colonne à Paris, avec l’ouverture du Carnaval romain et Absence
7 mars: Henriette Mottl chante aux Concerts Colonne à Paris
16 mars: concert par Mottl au Queen’s Hall à London, including the duet from Béatrice et Bénédict sung by Henriette Mottl and Mme Tomschik
30 mars: concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres
11 mai: concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres
13 avril: concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres, avec la Symphonie avec chœurs de Beethoven
11 mai: concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres
18 mai: concert par Mottl au Queen’s Hall à Londres, avec Harold en Italie
18 septembre: exécution de la Prise de Troie à Carlsruhe
19 septembre: exécution des Troyens à Carthage à Carlsruhe
13 février: concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Colonne à Paris
27 mars: concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Lamoureux à Paris, avec le 3ème mouvement (Scène d’amour) de Roméo et Juliette (voir le programme ci-dessous)
21 mai: concert de Felix et Henriette Mottl à Paris
Juin: Mottl dirige l’Anneau du Nibelung à Covent Garden à Londres (voir les programmes ci-dessous)
27 septembre: exécution de Béatrice et Bénédict à Carlsruhe
1er octobre: exécution de la Prise de Troie à Carlsruhe
2 octobre: exécution des Troyens à Carthage à Carlsruhe
13 novembre: concert par Felix et Henriette Mottl à Bruxelles, avec Harold en Italie
Date? Exécution de l’Enfance du Christ à Carlsruhe (Le Ménestrel 10/4/1931, p. 166)
Février: exécution intégrale des Les Troyens en une journée à Mannheim
12 février: on décerne à Mottl la Croix de la Légion d’honneur
24 février: concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Colonne à Paris
26 février: concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Colonne à Paris, avec l’ouverture de Benvenuto Cellini
Mai: Mottl dirige Lohengrin à Covent Garden à Londres
1er août: Zdenka Fassbender est engagée à l’opéra de Carlsruhe
Avril: concert par Felix et Henriette Mottl à Bruxelles
Mai: Mottl dirige des opéras de Wagner à Covent Garden à Londres, y compris Tannhäuser (voir le programme ci-dessous)
18 novembre: concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Colonne à Paris, avec Harold en Italie
Juin: exécution de Béatrice et Bénédict à Carlsruhe
24 février: concert par Felix et Henriette Mottl aux Concerts Colonne à Paris
9 novembre: concert par Mottl à Bruxelles à la mémoire de Joseph Dupont
Juillet: Mottl décide de partir à l’automne pour une tournée aux États-Unis
Octobre: Mottl quitte Carlsruhe
19 octobre: Mottl part pour les États-Unis (sans Henriette)
21 octobre: Mottl part de Cherbourg
29 octobre: Mottl arrive à New York
3 novembre: Mottl accepte un engagement comme directeur de la musique à la cour de Munich
12 décembre: fin des rapports entre Mottl et Carlsruhe
26 avril: Mottl part de New York
3 mai: Mottl arrive à Bremerhaven
17 mai: exécution de la Walkyrie à Bruxelles
3 octobre: Mottl nommé directeur de la Münchner Akademie der Tonkunst
26 mai: exécution de la Prise de Troie à Munich
7 août - 21 septembre: Mottl dirige une série d’opéras de Mozart et de Wagner à Munich
1er juillet: Zdenka Fassbender engagée à l’opéra de Munich
2 août - 7 septembre: Mottl dirige une série d’opéras de Mozart et de Wagner à Munich
1-3 juin: Mottl participate à un festival de musique à Strasbourg avec Édouard Colonne
29 et 30 octobre: exécution des Troyens in Munich, avec Zdenka Fassbender dans le rôle de Didon
27 février: Mottl dirige un concert de musique de Wagner avec l’orchestre Lamoureux à Paris
5 juin: Mottl dirige à Munich une exécution intégrale des Troyens en une seule journée, avec Zdenka Fassbender dans le rôle de Didon
1er novembre: exécution de la Damnation of Faust à Munich
11 décembre: Mottl dirige un concert de musique de Berlioz à Munich, avec l’ouverture du Corsaire, la cantate Cléopâtre, la Marche funèbre pour la dernière scène d’Hamlet, et la Symphonie funèbre et triomphale
17 et 20 mars: Mottl donne deux concerts à Paris à la Salle Gaveau avec l’orchestre Lamoureux, le second comprenant des extraits d’Harold on Italie avec Pierre Monteux comme alto solo
19 et 21 juin: Mottl dirige Les Troyens à Munich en deux soirées
4 juillet: divorce de Felix Mottl et Henriette Standthartner
18-20 septembre: Semaine française à Munich
Juin: Mottl annulle un engagement à l’Opéra de Paris; il annonce ses fiançailles avec Zdenka Fassbender
21 juin: dernière entrée dans le journal de Mottl; il s’évanouit au cours d’une exécution de Tristan à Munich
28 juin: mariage de Felix Mottl et Zdenka Fassbender
2 juillet: mort de Mottl [voir les nécrologies du Ménestrel et du Musical Times, et la lettre d’Ernest van Dyck]
—
Janvier: Bruno Walter prend la succession de Mottl à Munich
Sauf indication contraire, toutes les images sur cette page ont été saisies à partir de gravures, cartes postales, journaux et autres publications dans notre collection. Tous droits de reproduction réservés.
La photo ci-dessus fut publiée dans Otto Strobel (ed.), Neue
Wagner-Forschungen (G. Braun, Carlsruhe, 1943), p. 169, dont un
exemplaire se trouve dans notre collection.
Cette photo de Siegfried Wagner (1869-1930) et de Felix Mottl, publiée dans un livre non identifié de langue anglaise, vient de la Bibliothèque Nationale de France.
L’image ci-dessus vient de The New Grove Dictionary of
Music and Musicians (1980), tome 15, page 848, dont un exemplaire se trouve
dans notre collection.
On voit Mottl ici au centre avec à droite Hans Richter (1843-1916) et à gauche
Hermann Levi (1839-1900). Ces trois chefs ont dirigé presque toutes les représentations
du Festival de Bayreuth jusque dans les années 1890.
La photo ci-dessus, reproduite sur une carte postale, montre Mottl répétant à l’opéra de Munich en 1908.
Née à Vienne tout comme Felix Mottl, Henriette Standthartner épouse Mottl le 17 décembre 1892 et l’année suivante rejoint la troupe de l’opéra de Carlsruhe. Elle se produit parfois seule, mais chante souvent au concert et à l’opéra sous la direction de son mari; ils font ensemble de nombreuses tournées à l’étranger à partir de 1895 (par exemple à Bruxelles en 1897, 1898, 1900 et 1904; à Paris en 1897, 1898, 1899, 1900 et 1902; à Londres en 1895, 1896, 1897 et 1899). Elle chante Béatrice dans Béatrice et Bénédict et Didon dans les Troyens à Carlsruhe en 1898. Mais sa carrière prend fin après l’installation de Felix Mottl à Munich; leur divorce n’a lieu qu’en 1910 mais leurs rapports n’avaient cessé de se dégrader au cours des dernières années.
Zdenka Fassbender est d’abord engagée par l’opéra de Carlsruhe en 1899, puis par l’opéra de Munich à partir de 1906. Elle chante le rôle de Didon dans plusieurs représentations des Troyens à Munich, et épouse Felix Mottl quelques jours avant sa mort le 2 juillet 1911. Elle continuera à chanter à l’opéra de Munich jusqu’en 1932.
Le théâtre est construit en 1852 par Heinrich Hübsch;
l’intérieur subit d’importants remaniements
au cours de l’été de 1898 en vue de la saison
suivante qui comprend des représentations
de Béatrice et Bénédict et des Troyens.
Cette carte fut postée à Carlsruhe le 13 juillet 1899.
Cette carte fut postée à Carlsruhe le 25 octobre 1913.
Cette carte fut postée à Carlsruhe le 27 décembre 1913.
La construction de ce théâtre est décidée
par le Prince-Régent de Bavière en 1899, et le nouveau théâtre, conçu sur
le modèle de celui de Bayreuth, est inauguré
le 21 août 1901. C’est dans ce théâtre qui Felix Mottl dirigera de nombreux
opéras, de Mozart, Wagner et Berlioz entre autres, au cours de sa direction de
l’opéra de Munich à la fin de sa carrière.
La citation musicale est celle du thème de Siegfried dans l’Anneau du Nibelung: le théâtre servira en premier lieu à des représentations des opéras de Wagner (mais de nombreux autres ouvrages y sont représentés). En fait il fait concurrence à celui de Bayreuth pour les exécutions de Wagner, ce qui amènera un certain refroidissement dans les rapports entre Felix Mottl et Cosima Wagner.
En 1871 Wagner décide de faire construire un nouveau théâtre à Bayreuth pour faire représenter ses opéras, et pose la première pierre du théâtre le 22 mai 1872. La construction du nouveau théâtre est finalement achevée en 1875, et au mois de juillet de la même année Mottl se rend pour la première fois à Bayreuth; il impressionne Wagner par sa connaissance de la partition l’Anneau du Nibelung et Wagner l’invite à participer aux préparations pour le premier festival. Mottl travaille à Bayreuth de mai à la fin août 1876; il dirigera au Festival de Bayreuth pour la première fois en 1886, et pour la dernière fois en 1906.
La photo ci-dessus fut publiée dans A Travers Le Monde, No. 30, 23 juillet 1904, dont un exemplaire se trouve dans notre collection.
La photo ci-dessus fut publiée dans A Travers Le Monde, No. 30, 23 juillet 1904, dont un exemplaire se trouve dans notre collection.
L’original des programmes des concerts du 18 mars 1894, du 27 mars 1898 et du 18 novembre 1900 reproduits ci-dessous se trouve au Musée Hector Berlioz qui possède une très importante collection de programmes de concerts. Nous remercions vivement le Musée de nous avoir accordé la permission de les reproduire sur cette page. Tous droits de reproduction reservés.
On trouvera une reproduction des pages 2-3 de ce programme sur la page sur Georges de Massougnes
Pour la représentation de Béatrice et Bénédict en 1888 Mottl remplace par des récitatifs les dialogues de Berlioz qui avaient été utilisés aux exécutions de l’ouvrage en Allemagne à Bade en 1862-3 et Weimar en 1863. Les textes pour les récitatifs sont écrits par Mottl avec la collaboration de Gustav zu Putlitz, intendant du théâtre de Carlsruhe et lui-même homme de théâtre. Ces récitatifs sont publiés la même année et utilisés par la suite en Allemagne. Les illustrations ci-dessus viennent d’une édition dans notre collection de la partition chant et piano publiée par Bote et Bock à Berlin en 1918; elles montrent la page de titre et le début du duo à la fin du 1er acte.
Mottl loge ici au cours de son premier séjour à Paris en mars 1894.
Site Hector Berlioz crée par Monir Tayeb et
Michel Austin le 18 juillet 1997;
Page Berlioz: Pionniers et
Partisans créée le 15 mars 2012; cette page créée le 11 décembre 2013.
© Michel Austin et Monir Tayeb. Tous droits de reproduction réservés.