Cette page présente l’image d’un document autographe inédit de Felix Weingartner en allemand, datant du 17 août 1903, avec la transcription du texte et une traduction française et anglaise par Michel Austin. L’original de ce document se trouve dans les collections du Musée Hector Berlioz. Nous remercions vivement le Musée de nous avoir accordé la permission de le reproduire sur cette page. Tous droits de reproduction reservés.
Le texte, écrit à l’Hôtel de Ville de La Côte-Saint-André sur papier à en-tête de la ville, fait allusion aux cérémonies du centenaire de Berlioz célébrées à Grenoble le 15, 16 et 17 août 1903. À la suite du deuxième concert, le 17 août, où il dirigea la Symphonie fantastique, Weingartner se rendit à La Côte-Saint-André où il remit à la maison natale de Berlioz la couronne qu’il avait déposée sur la statue de Berlioz à Grenoble au cours de la cérémonie du 15 août. Son geste, très remarqué, eut un retentissement immédiat. Moins d’une semaine plus tard, le 23 août, l’hebdomadaire Le Ménestrel publie une annonce en ces termes (p. 272):
— M. Weingartner, le célèbre chef d’orchestre allemand, après avoir conduit magnifiquement la Symphonie fantastique au concert de Grenoble, est allé, dans la nuit, apporter à la ville de la Côte-Saint-André la couronne de vermeil offerte par les musiciens de l’Allemagne au génie de Berlioz. Toute la population de la Côte-Saint-André a fait une ovation enthousiaste à M. Weingartner, et organisé en son honneur un cortège aux flambeaux, musique en tête. La couronne a été déposée par M. Weingartner lui-même au « Musée Berlioz », dans la maison natale du maître.
Une semaine plus tard, le 30 août, la visite de Weingartner est évoquée dans le rapport sur le centenaire de Berlioz à La Côte-Saint-André publié par Julien Tiersot. Peu après, en septembre et octobre 1903, le critique Raymond Bouyer publie dans le Ménestrel une série d’articles qui a pour titre ‘Le génie français jugé par les Allemands’, série dédiée ‘au berliozien Félix Weingartner’ (6/9, p. 283-5; 13/9, p. 290-2; 20/9, p. 300-301; 27/9, p. 306-8; 4/10, p. 316-17). Dans sa conclusion Bouyer explique avec lyrisme la dédicace (p. 317):
A vous donc, Monsieur, qui pénétrez si bien cette œuvre et fêtez si spontanément ce génie, la dédicace naturelle de nos pages où l’Allemagne et la France se rapprochent dans la communion de l’art pur ! Votre brochure, déjà, qui n’est que la traduction loyale d’un bon discours, nous avait appris le rang que le penseur donne à Berlioz dans l’histoire de la « Symphonie après Beethoven » ; et le festival récent du 2 mars 1902, au Nouveau-Théâtre [au Concert Lamoureux], reproduisant, avec Harold en Italie et la Fantastique, le programme lointain du 16 décembre 1838 au Conservatoire, celui qui rendait Paganini généreux, nous montrait que le chef d’orchestre est en vous d’accord avec l’orateur. L’âme de Berlioz vous anime. Vous êtes un berliozien dévoué, de la race de Liszt, car vous êtes un indépendant ; et tout en admirant l’omnipotence du dieu de Bayreuth, vous ne sacrifiez jamais le rayon des autres à sa grande ombre... Une dernière preuve de votre libre sympathie ne sera pas oubliée : au pays de Berlioz, au pied du Saint-Eynard, le 18 août 1903, les Parisiens casaniers vous suivaient par la pensée quand vous posiez, souriant, le bâton magique du kappellmeister pour courir saluer avec émoi, sous la nuit bleue, sa ville natale ; et votre parole, aussi décisive que tremblante, exprima lyriquement la signification tacite et la moralité même des hommages rendus aux génies souffrants, mais glorieux, qui nous ont dotés d’une langue universelle. Pour ne point la trahir et pour vous rendre justice, il me faudrait une de ces nuances musicales que vous savez provoquer d’un geste.
La visite de Weingartner à La Côte est aussi évoquée brièvement dans un article de 1903 de Georges de Massougnes, et à la fin d’un article de Charles Maclean de la même année sur les cérémonies du centenaire à Grenoble
Mais il y a bien mieux: Weingartner lui-même rédigea par la suite un récit détaillé et très vivant de sa participation aux cérémonies de Grenoble et de son voyage de nuit à La Côte Saint-André dans une voiture automobile, conduite par le Maire de La Côte, M. Meyer — selon Weingartner, son premier voyage en automobile! Le récit parut en 1912 dans un recueil d’articles en allemand intitulé Akkorde. On trouvera sur ce site une transcription du texte allemand de ce récit, avec traductions française et anglaise, toutes deux par Michel Austin. Le texte dans Akkorde date d’après octobre 1908 (il y est fait allusion à la mort du chef d’orchestre Georges Marty, qui mourut en octobre 1908), mais la version originale a sans doute été rédigée peu après la visite à Grenoble et à La Côte en août 1903.
This page presents the scanned image of an unpublished autograph document of Felix Weingartner in German, dated 17 August 1903, together with the transcription of the text and an English and French translation by Michel Austin. The original autograph is in the collections of the Hector Berlioz Museum. We are most grateful to the Museum for granting us permission to reproduce the letter on this page. All rights of reproduction reserved.
The text, written on letter paper at the town-hall of La Côte-Saint-André, alludes to the celebrations for Berlioz’s centenary held in Grenoble on 15, 16 and 17 August 1903. After the second concert, on 17 August, during which he conducted the Symphonie fantastique, Weingarnter went to La Côte-Saint-André where he handed over to the house where Berlioz was born the crown he had deposited on Berlioz’s statue in Grenoble during the ceremony on August 15th. Weingartner’s gesture caught public attention and had an immediate impact. Less than a week later, on 23 August, the weekly Le Ménestrel published a short report (p. 272):
— M. Weingartner, the celebrated German conductor, after conducting a magnificent performance of the Symphonie fantastique at the concert in Grenoble, went during the night to the town of la Côte-Saint-André to bring the silver-gilt wreath offered by Germany’s musicians to the genius of Berlioz. The entire population of la Côte-Saint-André gave an enthusiastic ovation to M. Weingartner, and organised in his honour a torch-lit procession, led by a band of musicians. The wreath was deposited by M. Weingartner himself at the « Berlioz Museum », in the house in which the master was born.
A week later, on 30 August, Weingartner’s visit to La Côte is referred to in the report on the 1903 celebrations in the town published by Julien Tiersot. And not long after, in September and October 1903, the critic Raymond Bouyer published in Le Ménestrel a series of articles entitled ‘Le génie français jugé par les Allemands’ [The French genius judged by the Germans] which was dedicated ‘to the Berliozian Felix Weingartner’ (6/9, pp. 283-5; 13/9, pp. 290-2; 20/9, pp. 300-301; 27/9, pp. 306-8; 4/10, pp. 316-17). In his conclusion Bouyer explained in rather effusive terms the dedication (p. 317):
To you, Sir, who understand this work so well and celebrate so spontaneously this genius — to you belongs by right the dedication of these pages in which Germany and France come together in the communion of pure art! We had already learnt from your pamphlet, which is but the faithful translation of a fine speech, what rank the thinker in you assigns to Berlioz in the history of « the Symphony after Beethoven » ; and the recent Berlioz Festival on March 2nd 1902 at the Nouveau-Théâtre [at the Concert Lamoureux], which reproduced with Harold en Italie and the Symphonie fantastique the distant programme of 16 December 1838 at the Conservatoire, which prompted Paganini’s generous gesture, demonstrated to us that the conductor in you is in agreement with the orator. The soul of Berlioz animates you. You are a devoted Berliozian, of the same pedigree as Liszt, because you are an independent spirit; and while admiring the omnipotence of the god of Bayreuth, you never sacrifice the radiance of others to his mighty shadow… One final proof of your open-minded sympathy will not be forgotten: in the country of Berlioz, at the foot of Mt Saint-Eynard, on 18 August 1903, the Parisians here at home followed you in their thoughts as you deposited with a smile the magic baton of the Kapellmeister and hurried to greet with emotion, under the blue night, his native town. Your voice, at once firm and shaking, expressed with effusion the quiet significance, indeed the morality of the tributes paid to those suffering but glorious geniuses who have provided us with a universal language. If I were not to betray your words and do you justice, it would require on my part one of these musical nuances which you know how to conjure up with one single gesture.
Weingartner’s visit to La Côte is also briefly mentioned in an article of 1903 by Georges de Massougnes, and at the end of Charles Maclean’s article of the same year on the centenary celebrations in Grenoble.
But there is something even better: Weingartner himself subsequently wrote his own detailed and lively account of his participation in the celebrations in Grenoble and his subsequent journey at night to La Côte Saint-André, in a motor car driven by the Mayor of La Côte, M. Meyer — according to Weingartner, this was his first-ever car journey! The account was published in 1912 in a volume of essays entitled Akkorde. The German text of this account is reproduced on this site, together with an English and a French translation (both by Michel Austin). The text reproduced in Akkorde dates from after October 1908 (it alludes to the death of the conductor Georges Marty, which took place in that month), but the original draft was probably written earlier, not long after the visit to Grenoble and La Côte in August 1903.
© Musée Hector Berlioz
La Côte-Saint-André, le 17. August 1903. Als Zeichen höchster Verehrung für den grossen Meister Hector Berlioz überreiche ich den Kranz, den ich an der Statue in Grenoble bei deren Enthüllung niedergelegt habe, heute dem Geburtshause in la Cote St. André, zugleich als Zeichen der Bewunderung, die mein Vaterland seinem Genie zollt. Felix Weingartner. |
La Côte-Saint-André, le 17 août 1903. En signe de la plus haute admiration pour le grand maître Hector Berlioz, je transmets aujourd’hui la couronne que j’ai posée à l’occasion de l’inauguration de la statue de Grenoble, à la maison natale de La Côte St. André, en signe aussi de l’admiration que ma patrie doit à son génie. Felix Weingartner. |
La Côte-Saint-André, 17 August 1903. As a token of the highest admiration for the great master Hector Berlioz, I am handing over today the wreath, which I deposited on his statue on the occasion of its inauguration in Grenoble, to the house of his birth in La Côte St. André, and also as a sign of the admiration which my native country owes to his genius. Felix Weingartner. |
Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir
Tayeb; cette page créée le 11 décembre 2012,
augmentée le 1er février 2013 et le 1er février 2019.
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