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Felix Mottl: textes et documents

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Présentation / Introduction

Textes et Documents

    Cette page reproduit un choix de textes et documents qui servent à illustrer la carrière de Felix Mottl. L’accent est mis en premier lieu sur la prédilection de Mottl pour la musique française en géneral, et celle de Berlioz en particular, mais la page veut aussi faire ressortir l’étendue et la variété de son activité et de ses sympathies musicales. Un petit nombre de textes en anglais sont tirés d’annonces et de comptes-rendus (non signés) du journal londonien The Musical Times pour les années de 1893 à 1897 et pour 1911, l’année de la mort de Mottl. La majorité des autres textes sont en français. Sauf pour quelques extraits de la correspondance d’Emmanuel Chabrier (voir les années 1889 et 1890), ils viennent de l’hebdomadaire Le Ménestrel qui parut à Paris pendant plus un siècle, de 1833 à 1940 avec seulement deux interruptions, de décembre 1870 à décembre 1871, et de septembre 1914 à octobre 1919. D’ordinaire les annonces ne sont pas signées, alors que normalement les comptes-rendus le sont (les noms qu’on rencontre le plus fréquemment ci-dessous sont ceux d’Hippolyte Barbedette et d’Amédée Boutarel).

    Fondé en 1833, l’hebdomadaire passe ensuite sous la direction de Jacques-Léopold Heugel (1815-1883), propriétaire d’une maison d’édition, direction d’abord partagée avec J. Lovy à partir du 13 juillet 1839 pour devenir unique à partir du 16 février 1840 (Lovy devient alors rédacteur en chef); Heugel continuera à gérer Le Ménestrel jusqu’à sa mort le 12 novembre 1883. Sous sa direction l’hebdomadaire élargit progressivement son champ de vision. De 4 pages à l’origine il passe à 8 dans sa vingt-sixième année, le 5 décembre 1858, et ce chiffre reste fixé pendant bien des années (au début de la première guerre mondiale il est réduit à 4 pages le 22 août 1914 et sa publication est suspendue deux semaines plus tard). Berlioz eut des rapports avec Le Ménestrel et son éditeur, et il existe plusieurs lettres de lui adressées à Heugel; les lettres datées s’échelonnent entre 1844 et 1862 (CG nos. 879, 892, 913, 929, 946bis, 2385, 2389, 2636; il y a quelques lettres non datées, nos. SD 76-8). Elles sont toutes brèves, du genre annonces de concerts à insérer, et ne dénotent pas plus qu’une simple cordialité dans les rapports entre les deux hommes.

    Après la mort de J.-L. Heugel son fils Henri (1844-1916) prend immédiatement la direction de l’hebdomadaire et son nom apparaît pour la première fois sur la couverture du numéro du 25 novembre 1883; il restera directeur jusqu’au numéro du 5 septembre 1914, le dernier avant la première guerre mondiale, au cours de laquelle il meurt. Henri Heugel maintient le haut niveau atteint par Le Ménestrel sous la direction de son père. La période active de la carrière de Felix Mottl, de la fin des années 1870 à sa mort en 1911 est également celle où Le Ménestrel est à son apogée et riche en informations. Quand l’hebdomadaire est ressuscité après la première guerre mondiale sous la direction de Jacques Heugel, fils d’Henri, il ne pourra à la longue se maintenir au même niveau de la période avant-guerre.

    L’hebdomadaire s’occupe en premier lieu du théâtre et du mouvement musical à Paris, mais il fait place aussi à ce qui se passe en province et même à l’étranger. De fait l’activité musicale s’internationalise de plus en plus vers la fin du 19ème siècle, grâce au développement des moyens de transport, et l’hebdomadaire élargit en conséquence son champ de vision: la présentation de la carrière de Felix Mottl dans ses pages en est un exemple. À cette époque Le Ménestrel a maintenant des correspondants établis, par exemple, à Bruxelles, Londres, et les principales villes d’Allemagne; il reçoit d’eux des dépêches régulièrement, et à l’occasion de plus loin encore (Russie, États Unis). Mais il ne saurait traiter le mouvement musical à l’étranger aussi largement que celui de Paris, et les lacunes sont nombreuses. Le nom de Mottl apparaît pour la première fois dans une notice sur les préparations pour le premier festival de Bayreuth en 1876 (Le Ménestrel 11/6/1876). Mais on attendra jusqu’à 1885 pour le voir reparaître dans un bref compte-rendu d’une exécution à Carlsruhe de Noé, opéra d’Halévy resté inachevé et complété par son élève Bizet. Les cinq premières années de l’activité de Mottl à Carlsruhe n’ont donc pas laissé de traces dans Le Ménestrel, qui ne commence à s’occuper du chef allemand que quand il s’avère qu’il a un penchant pour la musique française. Ce penchant, la renommée internationale grandissante de Mottl à la fin des années 1880, et le début de ses voyages à l’étranger en 1893, ont pour résultat que l’hebdomadaire suivra sa carrière avec une attention grandissante, et à la longue il en donne une idée juste. Mais il reste des lacunes: par exemple, l’exécution de la Gwendoline de Chabrier à Carlsruhe en 1889 est dûment remarquée et laissera un souvenir durable, mais la mise en scène de son autre opéra le Roi malgré lui en 1890 passe inaperçue. On est également surpris de constater que la notice nécrologique sur Chabrier publiée par Arthur Pougin, critique pourtant avisé, dans Le Ménestrel (16/9/1894 pp. 293-4), n’a pas même conscience de l’accueil réservé au compositeur par Mottl à Carlsruhe. Avec ces réserves, la vue d’ensemble de la carrière de Mottl qui se dégage des pages du Ménestrel est équilibrée, sympathique et rend justice à l’œuvre du grand chef d’orchestre.

Introduction

    This page reproduces a selection of texts and documents which illustrate the career of Felix Mottl. Particular emphasis is placed on Mottl’s dedication to French music in general and to the music of Berlioz in particular, but the page also seeks to illustrate the range and diversity of Mottl’s musical interests and activities. A few of the texts are in English, and are taken from (unsigned) articles and reviews in the London Musical Times for the years 1893 through to 1897, and for 1911, the year of Mottl’s death. The majority are in French. Of these a small number consists of short excerpts of the composer Emmanuel Chabrier’s correspondence (see under 1889 and 1890), but the vast majority are taken from the weekly journal Le Ménestrel which was published in Paris continuously for over a century from 1833 to 1940, with only two interruptions, from December 1870 to December 1871 and from September 1914 to October 1919. Reports and announcements are usually unsigned, whereas reviews are normally signed (the names that appear most frequently below are those of Hippolyte Barbedette and Amédée Boutarel.

    The paper was founded in 1833; the music-publisher J.-L. Heugel (1815-1883) became its co-director from 13 July 1839, and director from 16 February 1840, a position he continued to hold till his death on 12 November 1883. Under J.-L. Heugel the coverage of the paper broadened and deepened. For years it was only 4 pages in length, but from 5 December 1858 this was doubled, and the paper continued to have 8 pages till the outbreak of the First World War (it was reduced to 4 pages on 22 August 1914 and closed down completely 2 weeks later). Berlioz had dealings with Le Ménestrel and its editor, and a number of letters of his to Heugel have been preserved; the dated letters range from 1844 to 1862 (CG nos. 879, 892, 913, 929, 946bis, 2385, 2389, 2636; there are a few undated letters, nos. SD 76-8). They are all brief and businesslike in character, such as requests for the publication of concert announcements and the like, and do not suggest any special closeness between the two men.

    After J.-L. Heugel’s death his son Henri Heugel (1844-1916) took over as director immediately and his name appears for the first time on the cover page of the issue of 25 November 1883; he remained in that position till the last issue of the journal on 5 September 1914, when the outbreak of the First World War interrupted its publication, and died during the war. Henri Heugel maintained the high standard that the paper had reached under his father’s management. The period in which Mottl’s active career falls, from the late 1870s till his death in 1911, was also the time when Le Ménestrel was at its best and provided the fullest coverage. When the paper was revived after the First World War under Henri Heugel’s son Jacques it was not able to sustain in the long run the standard that it had reached before this.

    The primary focus of the paper was on the theatre and music in Paris, but it also reported on relevant events elsewhere in France, and even abroad. But as musical life in Europe became increasingly international in character in the late 19th century with the development of travel, the scope of the paper’s coverage widened; its reporting of the career of Felix Mottl, as shown by the entries reproduced below, is an illustration of that. Le Ménestrel had established correspondents in, for example, Brussels, London and the leading German cities; it received regular reports from them, and sometimes from further afield as well (Russia, the United States). But it could not provide the same detailed coverage of the international scene as it gave for Paris and France, and there are numerous gaps. The name of Mottl appears for the first time in a report on the preparations for the first Bayreuth festival of 1876 (Le Ménestrel 11/6/1876). But it does not appear again till 1885, when there is a report on the performance in Karlsruhe of Noé, an unfinished opera by Halévy that had been completed by his pupil Bizet. The first five years of Mottl’s activity in Karlsruhe thus went unreported, and Le Ménestrel only started to take notice of him when it emerged that one of his characteristics was his promotion of French music. This, his growing international reputation from the late 1880s, and the start of his travels abroad from 1893 onwards, ensured that the coverage by the journal of Mottl’s career became increasingly full and representative. But even here there are gaps: for example, the performance of Chabrier’s Gwendoline in Karlsruhe in 1889 was duly noted and remembered, but the staging of Chabrier’s other opera le Roi malgré lui in 1890 passed unnoticed, and the obituary notice for Chabrier published by the experienced critic Arthur Pougin in Le Ménestrel (16/9/1894 pp. 293-4) is strangely unaware of the reception that Chabrier had received from Mottl in Karlsruhe. With this proviso the picture of Mottl’s career that emerges from the pages of Le Ménestrel is overall rounded, sympathetic and appreciative of the great conductor’s achievements.

Textes et documents

Abréviation: Delage = Roger Delage, Correspondance inédite entre Emmanuel Chabrier et Félix Mottl, Société Française de Musicologie, tome 49 no. 126 (1963), pp. 61-107

1885 1891 1897 1903 1909
1886 1892 1898 1904 1910
1887 1893 1899 1905 1911
1888 1894 1900 1906 1912
1889 1895 1901 1907 1913
1890 1896 1902 1908 1914

1876

Le Ménestrel 11/6/1876, p. 221: — Grande activité à Bayreuth. Les artistes ne sont pas encore arrivés, mais toute la figuration est sur pied. Vingt-quatre gymnasiarques travaillent sans relâche, sous la direction du maître de ballet Fricke ; il s’agit pour ces braves gens, chargés de représenter les gnomes, de réaliser de véritables tours de force. Pendant ce temps, quatre chefs de service, MM. Zimmer, Seidl, Fischer et Mottl révisent et corrigent les parties d’orchestre. Wagner, de son côté, ne reste pas inactif, et fait travailler le seul artiste installé à Bayreuth, M. Unger, chargé du rôle de Siegfried. Les répétitions d’orchestre ont également commencé, et ici Wagner a introduit un système assez original : il fait travailler séparément les instruments à cordes et l’harmonie. Ce n’est qu’après ces répétitions partielles qu’il réunit tout l’orchestre. Aussitôt que la troupe chantante sera arrivée à Bayreuth commenceront les répétitions d’ensemble qui se feront acte par acte. Le 12 juin, les épreuves préparatoires seront terminées et l’on pourra commencer les répétitions générales des quatre grands opéras, dont la réunion forme la tétralogie des nibelungen. On a beau blaguer Wagner, c’est là un travail colossal et tel, que peu de musiciens seraient capables de le mener à bien.

1885

Le Ménestrel 12/4/1885, p. 149-50: — Cette semaine, a été représenté pour la première fois, sur le théâtre grand-ducal de Carlsruhe, un opéra postume d’Halévy, Noé, dont, après la mort du maître, Bizet, son élève, s’était chargé de revoir la partition pour en compléter l’instrumentation, restée en certains points inachevée. Par une douloureuse ironie du sort, ni Halévy ni Bizet n’auront pu assister à l’éclosion de cette œuvre importante. Noé est en trois actes et quatre tableaux, et le succès, nous apprend une dépêche, en a été complet, aussi bien en ce qui concerne sa valeur que son interprétation. Malheureusement les détails manquent. On signale surtout la supériorité de l’orchestre, admirablement dirigé par M. Félix Mottl, et la mise en scène, particulièrement le tableau du Déluge. Intendants et directeurs des grands théâtres allemands assistaient à la représentation. Nous reviendrons sur Noé quand les journaux allemands nous auront fait connaître leur impression sur cette œuvre importante. [Voir Le Ménestrel 19/4/1885, p. 158]

1886

Lettre de Hans von Bülow à sa fille Daniela (8 juin 1886)

Le Ménestrel 8/8/1886, p. 292: Quelques détails sur les obsèques de Liszt qui ont eu lieu mardi, à Bayreuth. Le corps avait été exposé à la Wahnfried, la villa qu’habitait Wagner, et qui appartient aujourd’hui à Mme Wagner. Une chapelle ardente avait été élevée dans le grand salon du rez-de-chaussée, où le piano, qui se trouve d’habitude au milieu de la pièce, avait été recouvert d’un voile de crêpe. A dix heures précises, le cercueil d’ébène, rehaussé de bronze doré, a été enlevé par six hommes et porté sur le corbillard. Le cortège s’est ensuite mis en marche. Derrière le corbillard, Mme Wagner et son fils, le jeune Siegfried, suivaient à pied. On remarquait dans l’assistance MM. Levi et Mottl, chefs d’orchestre du théâtre de Bayreuth ; plusieurs artistes français et allemands venus pour assister aux représentations wagnériennes, notamment le pianiste Diémer et M. André Messager. Toutes les maisons, sur le parcours du cortège, étaient hermétiquement fermées, en signe de deuil. Les réverbères, entourés d’un voile de crêpe, étaient allumés. Au cimetière, trois discours ont été prononcés, par le maire de Bayreuth, par M. Reuss, qui a parlé au nom des élèves de Liszt, et par le docteur Gille, d’Iéna. […]

Lettre de Hans von Bülow au Allgemeine Musikalische Zeitung (17 décembre 1886)

1887

Le Ménestrel 13/3/1887, p. 117

Le Ménestrel 31/7/1887, p. 278: — Le théâtre de Carlsruhe va monter Béatrice et Bénédict de Berlioz, sous la direction du chef d’orchestre Mottl.

Le Ménestrel 25/9/1887, p. 310: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. — Benvenuto Cellini, de Berlioz, a remporté un triomphe complet à Baden-Baden, sous la direction du chef d’orchestre Mottl. L’empereur et l’impératrice du Brésil et leur suite assistaient à la représentation. — C’est encore Benvenuto Cellini qui a fourni le spectacle d’inauguration du théâtre de la cour de Carlsruhe.

Le Ménestrel 9/10/1887, p. 325: — On écrit de Carlsruhe que le théâtre Grand-Ducal prépare avec beaucoup de soin la représentation de l’opéra de Berlioz, Béatrice et Bénédict. La traduction allemande de l’ouvrage est due à M. Richard Pohl, l’éminent critique, et des récitatifs ont été écrits par M. Mottl. On compte sur un grand succès.

1888

Le Ménestrel 22/4/1888, p. 133:Acis et Galathée, l’opéra-pastorale de Haendel, modernisé et réduit en un acte par le chef d’orchestre Félix Mottl, vient d’être représenté au théâtre de la Cour de Carlsruhe. La tentative a malheureusement échoué.

Lettre de Hans von Bülow à Marie von Bülow (5 mai 1888)

Lettre de Hans von Bülow à Marie von Bülow (7 mai 1888)

1889

Le Ménestrel 31/3/1889, p. 101: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. […] — CARLSRUHE : Grand succès au théâtre de la Cour pour Béatrice et Bénédict, de Berlioz, qui a eu une brillante série de représentations, sous la direction de M. Félix Mottl.

Le Ménestrel 7/4/1889, p. 109: Engagé par le succès de Béatrice et Bénédict, de Berlioz, à Carlsruhe, M. Jahn aurait également décidé de monter cet ouvrage à Vienne.

Le Ménestrel 9/6/1889, p. 182: — On écrit de Carlsruhe que la Gwendoline de M. Chabrier a obtenu un succès très brillant et incontesté. M. Félix Mottl, qui tient avec une égale autorité la plume de critique et le bâton de chef d’orchestre, ne s’est pas contenté de diriger avec sa maîtrise coutumière l’œuvre de M. Chabrier, il a tenu à la présenter à ses compatriotes dans un remarquable article inséré dans la Badische Landeszeitung, comme Weber faisait jadis à Dresde, chaque fois qu’il montait au théâtre de cette ville un opéra français. M. Mottl fait le plus grand éloge de l’œuvre de notre compatriote, qu’il trouve riche d’invention mélodique, pleine de force dramatique et instrumentée de main de maître.

Lettre d’Emmanuel Chabrier à Ernest van Dyck, 27 juin [Le Ménestrel 21/9/1928, p. 400]: […] J’arrive à Mottl. Pour le faire décorer au mois de Juillet, ce n’est pas possible. Mais je compte m’en occuper, et solidement, pour le commencement de l’année prochaine. Il est archicertain que sa très haute valeur artistique et le souci constant de monter des ouvrages français lui constituent des droits indiscutables. La difficulté, ou tout au moins le retard possible dans la réussite proviendrait de ce que deux Ministères auraient à s’occuper de cette affaire, les Beaux-arts et les Affaires étrangères. (Si Liszt n’était pas claqué, il aurait pu me donner un rude coup d’épaule !) Bref, je me décarcasserai pour ça. […]

Lettre d’Emmanuel Chabrier à Felix Mottl, 2 septembre [Delage p. 73]: Où es-tu ? Pourquoi ne viens-tu pas faire un tour à Paris ? Je te logerai, te blanchirai, te nourrirai, te sortirai, te promènerai, puis tu retourneras à tes travaux ! donne moi donc de tes nouvelles ! écris moi dans un français quelconque : tu n’as plus besoin de te gêner avec moi ! […]

Le Ménestrel 13/10/1889, p. 327: — On sait que les Troyens, de Berlioz, vont être montés cet hiver sur plusieurs théâtres d’Allemagne, à Carlsruhe d’abord, et ensuite à Berlin et Weimar ; ils finiront peut-être par revenir à Paris, quand les Allemands nous auront démontré que c’est une œuvre de premier ordre.

Lettre d’Emmanuel Chabrier à Felix Mottl, 10 décembre [Delage p. 83]: Cher ami, Tâche donc de te procurer au grand café où tu allais autrefois, le Figaro d’aujourd’hui 10 décembre. Tu verras, aux nouvelles théâtrales, qu’un correspondant (?) de Karlsruhe annonce les Troyens en février, mais ne parle pas du tout de mon pauvre Roi en janvier [le Roi malgré lui]. — Pourquoi ? pourrais-tu savoir quel est ce correspondant ? Serait-ce volontairement qu’il n’a pas parlé de moi ? — Tu seras bien gentil, si tu le connais, de lui dire de m’annoncer aussi, — car cela me porte préjudice et de plus je serais très heureux et très flatté qu’on sût à Paris que tu ne t’occupes pas seulement de notre grand Berlioz mais encore de ton petit Chabrier […]

Le Ménestrel 29/12/1889, p. 413: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. […] — CARLSRUHE : Les répétitions des Troyens de Berlioz sont poussées activement. M. Félix Mottl pense pouvoir donner cet ouvrage, sans coupures, dans le courant de février.

1890

Lettre d’Emmanuel Chabrier à Felix Mottl, 19 février [Delage p. 94]: […] J’aurai à te parler de bien des choses relativement à ton avenir; il faut qu’après les efforts artistiques que tu as faits depuis dix ans pour répandre notre grand Berlioz, — il faut qu’ici on t’apprécie à ta vraie valeur, il faut qu’on te connaisse. […]

Le Ménestrel 6/4/1890, p. 110: — A l’Opéra impérial de Vienne on vient de donner, avec succès, le joli opéra-comique de Berlioz, Béatrice et Bénédict, dont les deux rôles principaux sont tenus par Mlle Renard et M. Schroeder. Le nocturne du premier acte surtout a fait fureur, comme jadis à Bade, lors de la création de cet ouvrage. C’est le directeur de l’Opéra en personne, M. Jahn, qui dirigeait l’orchestre. Le dialogue parlé a été remplacé par des récitatifs dont l’auteur est M. Félix Mottl, le chef d’orchestre wagnérien bien connu.

Le Ménestrel 4/5/1890, p. 141: — Au théâtre de Carlsruhe, M. Félix Mottl, l’un des chefs d’orchestre wagnériens les plus renommés, vient de monter et de remettre à la scène, avec succès, l’un des opéras les plus oubliés de Grétry, Raoul Barbe-Bleue. Pourquoi n’essaierait-on pas en France une reprise de ce genre ? Il est vrai qu’il faudrait que nos directeurs connussent même les titres des opéras de Grétry, ce qui n’est pas absolument certain.

Le Ménestrel 16/11/1890, p. 366: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. […] — CARLSRUHE : A l’occasion de la fête de la grande-duchesse, le théâtre de la Cour représentera pour la première fois en Allemagne les Troyens de Berlioz. L’ouvrage sera joué dans toute son intégrité, c’est-à-dire que l’on consacrera une soirée entière, celle du 2 décembre, à la première partie, La Prise de Troie, et une autre, la suivante, à la seconde partie, Les Troyens à Carthage. Les rôles de Cassandre et de Didon sont échus à Mmes Reuss et Mailhac, celui d’Enée à M. Oberländer.

Le Ménestrel 28/12/1890, p. 413: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. […] CARLSRUHE : Le public du théâtre municipal a fait un accueil enthousiaste à la production des Troyens de Berlioz. L’ouvrage avait été monté avec un soin minutieux sous l’excellente direction du kapellemeister Mottl. Mme Reuss-Belce (Cassandre) et Mlle Mailhac (Didon) ont été très fêtées.

Adolphe Jullien, Les Troyens à Carlsruhe dans Musiciens d’aujourd’hui, Première série, Paris 1892, p. 10-21

Albéric Magnard, Les Troyens à Carlsruhe, dans Le Figaro 6, 8, 10 décembre 1890

1891

Le Ménestrel 25/1/1891, p. 30-1: Les représentations des Troyens continuent, à Carlsruhe, avec un succès considérable. La Prise de Troie et les Troyens à Carthage sont donnés en deux soirées, à un jour d’intervalle, et sans la moindre coupure. Il n’est pas inutile de signaler ce respect des Allemands pour nos chefs-d’œuvre, au moment où l’on préparera, à Nice, cette étrange combinaison de la Prise de Troie avec UNE PARTIE des Troyens à Carthage !... Les représentations de Carlsruhe n’ont, certes, rien de commun avec cette fantaisie de casino. Un de nos collaborateurs, qui, dernièrement, assistait à la troisième, est revenu émerveillé et de la grandeur de l’œuvre et de l’intelligence qui préside à son exécution. L’orchestre, nous dit-il, est admirable de tous points, les chœurs sont bien disciplinés, et deux cantatrices viennoises extrêmement remarquables, Mmes Reuss et Mailhac, tiennent les deux rôles dominants de Cassandre et de Didon. Mme Reuss, surtout, dans celui de Cassandre, est extraordinaire d’élan et de passion fougueuse. Mais l’âme de tout cela, celui qui communique à tous, depuis les merveilleux instrumentistes jusqu’aux plus modestes comparses, l’enthousiasme de l’œuvre et le sens intime de la musique de Berlioz, c’est le directeur même du Théâtre grand-ducal. M. Félix Mottl, un grand artiste (viennois lui aussi) qui, très jeune encore, n’en est pas moins l’un des premiers chefs d’orchestre de l’Allemagne. M. Mottl a dirigé, à Bayreuth, les représentations de Tristan et Yseult et, paraît-il, d’une façon supérieure. Mais sa passion pour Wagner n’a rien de commun avec l’étroite monomanie des wagnériens de Paris, car il a en même temps, pour notre Berlioz, une admiration sans limites. Il y a plusieurs années déjà qu’il a mis au répertoire du théâtre de Carlsruhe Benvenuto Cellini et Béatrice et Bénédict. Il prépare maintenant, pour le printemps prochain, une grande solennité, la Semaine de Berlioz, où il fera entendre, dans un espace de cinq soirées, les quatre opéras du maître. Cette fête française en Allemagne a, nous semble-t-il, quelque chose d’aussi touchant qu’inattendu.

Le Ménestrel 25/1/1891, p. 31: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. CARLSRUHE : Une décision de l’intendance du théâtre de la Cour vient de rendre inamovible le siège du chef d’orchestre, Félix Mottl, en reconnaissance des services rendus par le célèbre Kapellmeister.

Lettre d’Emmanuel Chabrier à Felix Mottl, 7 février [Delage p. 101-2]: […] Ça devait être superbe, comme tout ce qui te passe par les mains, du reste — tes représentations des Troyens ! Messager et Magnard sont revenus enthousiasmés, — mais quel mal tu as dû te donner ! Et les chœurs qui se plaignaient de la difficulté des miens, crois-tu qu’ils étaient à la noce quand il leur a fallu apprendre des tartines de longueur comme le chœur en ut du début, et le chœur en fa # mineur [citation] et celui-ci (superbe) [citation] celui-là (si b) du roi des cieux et cet autre [citation] et le finale du 2e acte [citation]. Ils n’ont pas dû rigoler tous les jours et je les vois d’ici, filant comme des zèbres à la brasserie, pour enfoncer, à coups de bocks les croches restées en travers de leurs gosiers. […]

Le Ménestrel 1/11/1891, p. 349: — A signaler une reprise particulièrement intéressante qui vient d’avoir lieu au théâtre grand-ducal de Carlsruhe, celle d’un opéra en un acte de Méhul, Uthal, dont la première représentation à l’Opéra-Comique remonte au 17 mai 1806. C’est dans cet ouvrage, qui était joué par Solié, Gavaudan, Gavaux, Saint-Aubin, Baptiste, Darancourt, Richebourg et Mme Scio, que Méhul, pour donner une teinte plus sombre à son orchestre, jugea à propos d’en supprimer les violons et de les remplacer par des altos, ce qui motiva la boutade devenue célèbre de Grétry : « J’aurais donné un louis pour entendre une chanterelle. » C’est à M. Félix Mottl, le fameux chef d’orchestre, qu’on doit cette reprise de l’ouvrage de Méhul, si oublié chez nous, et qu’il avait déjà fait remettre à la scène en 1809. […]

1892

Le Ménestrel 9/10/1892, p. 326: Nous annoncions la semaine dernière, d’après un journal étranger, que M. Félix Mottl, le fameux chef d’orchestre wagnérien, avait été frappé d’aliénation mentale. La nouvelle était inexacte. La vérité est que M. Félix Mottl, très fatigué à la suite des représentations de Bayreuth et de toute une année de travaux considérables, a dû, sur le conseil de son médecin, prendre quelques semaines de repos. Il est allé à Vienne, chez sa mère, mais il en est revenu le 3 de ce mois, très bien portant, à ce point que le 5 il dirigeait, à Bade, une représentation de Fidelio, et qu’il doit aussi diriger, le 17 et le 18, à Carlsruhe, la Prise de Troie et les Troyens à Carthage. On sait, à ce propos, que M. Mottl est le fervent admirateur de Berlioz, dont il est le vrai porte-drapeau en Allemagne. Nous avons annoncé naguère que depuis longtemps il projetait d’organiser une « semaine de Berlioz. » Il espère pouvoir mettre ce projet à exécution au printemps prochain.

1893

Le Ménestrel 1/1/1893, p. 4: Le mariage du capellmeister Félix Mottl avec la cantatrice Henriette Standthartner est un fait accompli depuis le 17 décembre. Le mariage a été célébré à Vienne. Les époux avaient pour témoins le chef d’orchestre Hans Richter et le baryton Reichmann.

Le Ménestrel 7/5/1893, p. 149: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. […] — CARLSRUHE : La première représentation de l’opéra en un acte de M. Félix Mottl, Empereur et Poète, est fixée au 9 mai.

Le Ménestrel 21/5/1893, p. 165: De notre correspondant de Belgique (18 mai) : — Le dernier concert populaire dirigé par M. Mottl, qui est venu remplacer M. Richter, a obtenu, dimanche dernier, un succès considérable. Le jeune capellmeister du théâtre de Carlsruhe, qui conduit aussi, comme on sait, à Bayreuth, certaines œuvres wagnériennes, nous a donné une interprétation très mouvementée, très colorée, et avec cela très fouillée dans ses détails, de la troisième symphonie de Brahms et de divers fragments des Niebelungen. Le public lui a fait un accueil enthousiaste. Il n’est pas inutile d’ajouter que toutes les répétitions avaient été faites par M. Joseph Dupont, qui, avec un désintéressement rare, a cédé le bâton de chef d’orchestre à son collègue au moment où tout était bien préparé. Il avait d’ailleurs conduit ces mêmes œuvres plus d’une fois, et elles n’avaient point paru moins parfaites sous sa direction. Mais un chef nouveau est toujours de nature à piquer la curiosité générale, et cette curiosité ne pouvait qu’être beaucoup dans le succès, dont M. Mottl, qui a ses qualités, et M. Dupont, qui a bien les siennes aussi, ont pris une part égale.

Le Ménestrel 4/6/1893, p. 182: On prépare à Carlsruhe, sous la direction de M. Félix Mottl, le chef d’orchestre renommé, un cycle important des œuvres de Berlioz, qui comprendra, outre les Troyens à Carthage et la Prise de Troie, Benvenuto Cellini, Béatrice et Bénédict et Roméo et Juliette.

Le Ménestrel 18/6/1893, p. 198: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. […] — CARLSRUHE : Le théâtre de la Cour a célébré, le 18 mai, le quarantième anniversaire de son édification sur les ruines de l’ancien théâtre incendié en 1847. La première représentation de Prince et chanteur, de M. F. Mottl, n’a pu avoir lieu par suite d’une indisposition subite de Mme Mottl, femme du compositeur, qui devait interpréter le principal rôle féminin.

S. Gigon, Le cycle de Berlioz à Karlsruhe, Le Ménestrel 19/11/1893, p. 371: 

    La direction du théâtre de Karlsruhe vient de célébrer une fête française : dans la même semaine, du 5 au 12 novembre, elle a fait représenter Benvenuto Cellini, Béatrice et Bénédict, la Prise de Troie et les Troyens à Carthage. Cet hommage rendu à la mémoire de Berlioz n’est pas sans causer quelque amertume aux Français qui aiment l’art et leur pays. N’est-il pas incompréhensible qu’après le triomphe avéré de l’œuvre symphonique du maître, une défiance inexplicable éloigne de nos scènes lyriques des opéras considérés hors de notre pays comme des chefs-d’œuvre incontestés ; et n’est-il pas pénible de faire un long voyage, de passer le Rhin pour entendre ces belles œuvres et les voir glorifiées par les applaudissements enthousiastes des Allemands ?

    Jusqu’à présent, Béatrice et Bénédict et les Troyens à Carthage ont été seuls représentés en France. Le premier de ces opéras, joué médiocrement devant le public sélect des « grandes auditions », a eu cinq ou six représentations ; le second, défiguré par des mutilations honteuses et joué avec un sans-façon qu’on n’admettrait pas pour une œuvre d’Adolphe Adam, a disparu du répertoire de l’Opéra-Comique. La Prise de Troie, chantée en 1879 aux concerts Colonne [et aux concerts populaires de Pasdeloup], n’est plus connue que des musiciens ; enfin, Benvenuto est oublié depuis 1838. On peut donc affirmer que l’œuvre dramatique de Berlioz est inconnue en France. Après l’audition de ces quatre opéras, représentés à Karlsruhe dans leur intégrité et avec le respect absolu de la pensée du maître, on peut affirmer que le jour où un théâtre lyrique (qui peut-être se croira hardi) voudra suivre l’exemple de l’Allemagne, le succès sera certain.

    L’interprétation des quatre opéras au théâtre de Karlsruhe est un véritable triomphe pour M. Félix Mottl, chef d’orchestre et directeur artistique. Ce parfait artiste, pénétré de la plus vive admiration pour le génie de Berlioz, a obtenu de ses chanteurs, de ses chœurs, de son orchestre, une exécution très rapprochée de la perfection. Les premiers sujets ne possèdent certainement pas tous des voix extraordinaires, mais tous sont des musiciens et des acteurs remarquables, les chœurs, très nombreux, manœuvrent avec une spontanéité merveilleuse, les groupes se forment et se déploient naturellement, la foule marche, court, frémit, chaque choriste joue avec le même soin que les artistes en vedette et jamais l’exécution musicale n’en est troublée. Quant à l’orchestre, il est, comme notre orchestre de Colonne, au-dessus de toute louange. Avec ces éléments si bien préparés, M. Mottl obtient une interprétation également parfaite des scènes aux expressions les plus opposées. Quelle merveille d’entrain, de verve, de couleur, que le finale du deuxième acte de Benvenuto Cellini, le carnaval romain ! Dans Béatrice et Bénédict, après les scènes de verve railleuse, viennent les plus tendres rêveries d’amour ; au noir dramatique de la Prise de Troie succèdent les tableaux variés des Troyens à Carthage. Les nuances des sentiments les plus divers, chanteurs et orchestre les expriment avec une intelligence dramatique et musicale qui fait honneur à leur sens artistique, mais qui fait encore plus d’honneur au chef, au directeur qui a su si bien s’assimiler et exprimer toute la grande poésie de l’œuvre de Berlioz. M. Mottl a bien mérité de l’art français.

    Les artistes du théâtre de Karlsruhe, nous l’avons dit, ont tous une réelle valeur : nous citerons seulement, comme tout à fait hors pair, Mlle Mailhac, une belle Didon, au jeu dramatique, au chant passionné ; dans le rôle de Béatrice, elle a su rendre avec infiniment de charme, les nuances exquises de ce personnage de coquette convertie ; Mme Rauss, tragédienne consommée, chanteuse de grand style, a incarné Cassandre la prophétesse avec une puissance irrésistible de terreur et de larmes : en l’écoutant on se souvenait de Mme Viardot.

    M. Mottl, pour compléter le Cycle de Berlioz, a donné comme intermède un concert symphonique comprenant l’ouverture du Roi Lear, des fragments d’Harold, la Symphonie fantastique et quatre délicieuses mélodies du maître. Mme Mottl a chanté ces mélodies avec une voix superbe et une profonde émotion.

    En présence des hommages hautement rendus à notre grand Berlioz par les Allemands, il faut espérer qu’un peu d’émulation s’emparera de nos théâtres lyriques ou de nos grandes sociétés de concerts. S’il est vrai que l’Éden doive jouer cet hiver une série de chefs-d’œuvre inconnus aux Parisiens, qui empêcherait M. Colonne de donner, lui aussi, un Cycle de Berlioz. Les quatre opéras représentés dans toute leur intégrité, sans aucune des coupures chères à M. Carvalho, sont bien des chefs-d’œuvre inconnus.

    Allons, messieurs les wagnériens intransigeants, faites preuve d’esprit large, laissez pour un moment vos préoccupations scolastiques, aidez à glorifier dans notre Berlioz la poésie et la musique françaises. Nous ne marchandons pas, nous, notre admiration au maître de Bayreuth.

S. GIGON

Karlsruhe, 5-12 novembre 1893.

The Musical Times, 1/12/1893, p. 724-6 

THE BERLIOZ CYCLE AT CARLSRUHE.

(FROM OUR OWN CORRESPONDENT.)

    IT may safely be said that those who are unacquainted with Berlioz as an opera composer (i.e., at least 99-100ths of the musical public) know only one side of the composer’s qualities. Strange to say, in the three operas which date from the youth and advanced age of the composer, there is scarcely a trace of any one of his less admirable peculiarities such as are to be found in nearly all his works for the concert-room. One would have expected the composer of the “ Symphonie Fantastique ” and “ Harold en Italie ” to out-Meyerbeer Meyerbeer in his desire to make a sensation on his audience. So far from this being the case, there is never a moment at which the slightest element of unrefinement appears. It is true that in “ Benvenuto Cellini, ” his first opera, there are arie with cadenzas, and all the usual paraphernalia of the operatic composers of the day ; but compare the score, as a whole, with any opera that had lately been written in 1838, and it will be found that it marks a real and important degree of advance from the accepted conventions of the time. The libretto is, indeed, rather a poor affair, but it had the excellent result of making Berlioz determine henceforward to be his own librettist. And the masterly way in which he has treated each scene, and, in particular, the whole second act with its vivid pictures of the Carnival, is especially surprising to those who remember the somewhat disjointed style of much of the composer’s work. Musically, the third act, which concerns itself mainly with the casting of the statue of Perseus, is the most important, though much of the effect of the beautiful tenor air, with its exquisite pastoral accompaniment, is lost when it is sung during the progress of the founding, at a moment when the superintendence of the sculptor in person is above all things necessary. The work, as a whole, is justly reproached with a certain want of characterisation ; the personages of the story have become the types that are so familiar in grand opera — for instance, in the central figure there is nothing to reflect the self-confidence, not to say “ swagger, ” of the famous artist.

    It is only when judged by the higher standard of the later operas that these defects appear ; as compared with the grand operas of its own date, with any of Meyerbeer’s for example, it is a masterpiece of dramatic as well as of musical art. No better opening to such a series of performances as were given at Carlsruhe under Herr Felix Mottl’s able direction from the 5th to the 12th ult. could be imagined, and its performance, in most respects, was excellent. In the exquisite opéra comique “ Béatrice et Bénédict, ” given on the 7th ult., the main dramatic motive of Shakespeare’s play has been so completely left out of sight that Don Pedro becomes a purely superfluous character, being used, like Ursula, merely for the purpose of completing two delicious trios, though it must not be forgotten that Ursula takes part in the loveliest number of all, the inspired Duo-Nocturne, “ Vous soupirez, Madame ? ” the effect of which upon the stage is quite extraordinary. Berlioz has added a most amusing scene, in which a fatuous musician directs a rehearsal of a composition of his own ; the effect of this and of many other scenes is heightened by the excellently written music which Herr Mottl has set to what was spoken dialogue, and which, if it seems at times a little sombre in tone, serves all the better to throw up the brilliancy and unending vivacity of the original numbers. With a very little alteration, consisting, in fact, merely of the excision of two short passages in which the celebrated idée fixe occurs, the lovely scène du bal from the “ Symphonie fantastique ” is arranged to serve as an accompaniment for a dance at the opening of the second act, and the complete success of the result amply justifies the proceeding.

    The crowning work of the composer for the stage, “ Les Troyens, ” which occupied the evenings of the 11th and 12th, must be described as a “ music-drama ” of almost as full development as those of Wagner, though on completely different lines. Nothing can be more dissimilar than the actual methods of the two masters, yet it is certain that the effect produced by both is to some extent the same — viz., that the characters of the story, and the story itself, have been presented to us with a truth and force far beyond the power of drama unaccompanied by music. It is one of the most amazing things in the history of France and of music that as yet no attempt should have been made at either of the Parisian opera-houses to present this masterpiece of French music worthily. Its great length is, of course, the chief stumbling-block to its being performed all in one evening, though, even so, it is not as long as the “ Götterdämmerung. ” The happy idea of connecting the story together by means of a bold addition to the Virgilian text is entirely successful, and its suggestiveness will be plain at once. In the rapid course of events that pass in the first two acts, making up the part called “ La Prise de Troie, ” Æneas is visited in a dream by the ghost of Hector, who commands him to seek, not merely, as in Virgil, a new country, but definitely, Italy. From that point onwards the hero is continually reminded of his destination, and the word “ Italia ” is uttered in almost every one of the subsequent scenes. Cassandra and the Trojan women cry it aloud as they prepare for death ; the Naiads, Fauns, and Satyrs utter it (we must suppose in entire ignorance of its meaning) during the picturesque “ chasse royale ” in the Numidian forest ; Mercury descends from heaven to prevent (by merely repeating it) Æneas from forgetting his mission in the charms of Dido ; and, finally, Dido, as she expires, sees a vision of the Roman capitol and prophesies of Hannibal who shall avenge her wrongs. In some ways the first part is the more dramatic of the two ; the scenes follow one another with extraordinary power and conviction, and the inevitable doom of the city is felt from first to last. Musically, the numbers which demand notice are a remarkably beautiful duet between Cassandra and Chorœbus, her lover ; a five-part chorus, “ Dieux protecteurs, ” and the subsequent scene, enacted in dumb show, where Andromache enters with Astyanax to mourn over Hector’s grave. A wonderful ensemble succeeds to this, in which each of what would naturally be called the solo parts is sung by either two or three voices (of soloists) in unison, and a most impressive effect of statuesque dignity is thereby created. A scene of enormous dramatic power, in which Cassandra, left alone, hears the sacred march of Troy, and gradually realises that it is being used to accompany the entrance of the wooden horse into the citadel, she being aware all the time of the purpose of the artifice. The Finale of this part, in which the prophetess inspires her companions to destroy themselves rather than become the slaves of Greek warriors, is marvellously beautiful, and their wild hymn is worked up to a splendid pitch of exaltation. These two acts are so exciting to those who have ears to hear that the opening of the next part, “ Les Troyens à Carthage, ” would inevitably lose some of its effect if the whole work were placed in one evening. Not that it matters much to discuss practical questions such as this, for there is not much chance, in the present condition of operatic matters, of seeing this noble opera in London, although M. Jean de Reszké would find himself suited “ down to the ground ” in the music of Æneas. The general design of much of this part, the pageants, triumphal choruses, &c., a certain “ pas d’esclaves Nubiennes, ” and many of the utterances of the Queen after she realizes that Æneas has forsaken her, remind one so strongly of passages in “ Aida ” that one is tempted to wonder whether Verdi ever witnessed one of the few performances which were given of this section at the Théâtre Lyrique in Berlioz’s lifetime. It would be pleasant to linger over the many beauties of the earlier scenes (Act III of the whole as originally cast), but the music of the later scenes is incomparably more important as well as more beautiful. The curious movement, almost purely instrumental, called “ Chasse royale, ” is a most picturesque section, in the course of which the frightened sylvan creatures fly from the hunters ; the storm and the peaceful end of the scene have given Berlioz so many suggestions that the neglect of this strange and characteristic piece by concert-givers is hard to account for. It might conceivably be more effectively arranged than it was at Carlsruhe where, however, the stage management, as a rule, was most excellent throughout the cycle. The next scene opens with three delightful ballet numbers, and a lovely pastorale for the second tenor, “ O blonde Cérès. ” There succeeds to this a group of three most beautiful movements, a quintet, a septet with chorus, and the love duet, which is the only number of the work known to most musicians. The last of these, the duet “ Nuit d’ivresse ” belongs to the loveliest things of its class in the whole range of music ; nothing more melodious or appropriate to the situation can be imagined, and, in its own way, it is not less dramatic than the love-duet in “ Tristan. ” For its words Berlioz has adapted the lovely scene between Lorenzo and Jessica in the last act of “ The Merchant of Venice, ” a passage which is known to have been among his prime favourites in the whole of his adored Shakespeare. The fifth act of the whole, played at Carlsruhe as the fourth and fifth of the second evening, begins, à la Tristan, with a characteristic little sailor’s song, sung, as in the opening of Wagner’s work, by a singer out of sight. A little duet for sentinels leads to a splendid scene for Æneas in the course of which the ghosts of famous Trojans appear to remind him of his mission. This, and the subsequent scene with Dido, reach a point of dramatic truth rarely, if ever, attained before ; and the same high level is maintained in the last scenes, where Dido has a splendid solo, culminating in a pathetic reminiscence of the theme of the love-duet, and a noble piece of declamation before she stabs herself.

    The climax of the final scene is preceded by a gloomy march of Priests, of most tragic import, and by a spirited piece of invective for two voices (Anna and Narbal, mezzo-soprano and bass) in unison. The course of the scene, from Dido’s command to build a pyre until the end, where she kills herself as an apotheosis of Rome appears in the sky, presents a curious parallel with the end of “ Götterdämmerung, ” and throws into all the stronger relief the entire absence of any musical resemblance between the two composers. Berlioz in this, his greatest achievement, appears rather as the legitimate successor of Gluck ; his statuesque severity of style, the unconventionality in his means of expression, and in some ways the actual form of his melodies, remind the hearer continually of the great reformer of an earlier day. But, as a matter of course, Berlioz’s treatment of the orchestra throughout his operas is most individual and always delightful. It is something of a surprise to find that he never overloads the accompaniments or sacrifices dignity to effect.

    Wherever it is heard the work must make the same profound impression upon musicians as it did at Carlsruhe, although few companies will be able to provide two singers of such dramatic power and musical intelligence as Frau Reuss-Belce, whose Cassandra was wonderfully impressive or Fraülein Mailhac, whose Dido was an impersonation of the utmost charm and intensity, even though she is scarcely a sufficiently perfect vocalist to do full justice to the music. In the less congenial part of Béatrice she showed unexpected comic power. The performance was wonderfully fine in nearly all ways, and, in particular, the excellent singing and acting of the chorus merits a word of commendation.

    At the Concert given on the 8th, the “ Symphonie fantastique ” was given as a main attraction. Its performance, though creditable, was not nearly up to the level usually attained in London, and the two bells, which are a necessary part of the band in the Finale, were (apparently) represented by one tea-tray. Two movements from “ Harold in Italy ” were played — the Pilgrims’ March and the Serenade ; the former was taken almost exactly half as fast again as the metronome marks indicate, and both were far more finely played at Sydenham the other day. Frau Henriette Mottl’s really exquisite singing (in French) of four of the strangely-neglected “ Nuits d’Eté ” was, perhaps, the most agreeable feature of the Concert, which began with the “ Roi Lear ” Overture.

Le Ménestrel 24/12/1893, p. 414: — Nouvelles théâtrales d’Allemagne. […] — CARLSRUHE : Le théâtre de la cour, toujours en quête d’innovations artistiques, a inauguré dernièrement des « soirées historiques » qui se continueront à intervalles réguliers dans le courant de la saison. La première de ces soirées comprenait le spectacle suivant : la Servante maîtresse, de Pergolèse, l’Hôtellerie portugaise, de Cherubini, et l’Elixir d’amour, de Donizetti, dirigés par M. Mottl, l’instigateur du projet ; ces trois ouvrages ont obtenu le plus vif succès.

1894

Le Ménestrel 11/3/1894, p. 79: — L’administration des concerts du Châtelet, dont la vingtième et dernière séance a lieu aujourd’hui, annonce une série de quatre concerts supplémentaires, qui exciteront certainement dans le public dilettante un intérêt exceptionnel. Le premier de ces concerts sera dirigé par M. Félix Mottl, le second par M. Hermann Lévi, le troisième par M. Édouard Grieg, le quatrième enfin par M. Colonne.

Le Ménestrel 18/3/1894, p. 86: Quelques notes biographiques sur M. Félix Mottl, le chef d’orchestre qui doit diriger aujourd’hui le premier des quatre concerts supplémentaires du Châtelet. Né à Vienne le 26 août 1856, M. Félix Mottl a fait ses études au Conservatoire de cette ville. Dès l’âge de vingt ans il était répétiteur adjoint aux représentations de l’Anneau de Niebelung. En 1878 il était, sous la surveillance de Liszt, chargé de la direction des études au théâtre de Weimar, l’année suivante il devenait chef d’orchestre de l’Opéra-Comique de Vienne, et en 1880 il passait en la même qualité à l’Opéra de Carlsruhe ; c’est là qu’il fit entendre toutes les œuvres dramatiques de Berlioz et celles de Wagner, Gwendoline de M. Chabrier, Noé de Bizet et Halévy, ainsi que le Requiem et les ouvertures et symphonies de Berlioz. On se rappelle le « cycle Berlioz » que M. Mottl a organisé l’an dernier et qui a eu tant de retentissement en Allemagne. C’est en 1886 que M. Félix Mottl fit ses débuts de chef d’orchestre wagnérien à Bayreuth, et c’est lui qui, en 1891, a dirigé les représentations de Tristan et Yseult, Tannhäuser, les Maîtres chanteurs et Parsifal. Ajoutons que ce n’est pas sans une très vive émotion que M. Mottl se placera à la tête d’un orchestre français.

Georges de Massougnes: Félix Mottl

H. Barbedette, Le Ménestrel 25/3/1894, p. 93: Le premier concert supplémentaire a été dirigé par M. Félix Mottl, chef d’orchestre du théâtre de Carlsruhe. Le public a fait à M. Mottl une ovation doublement méritée : il est un chef d’orchestre incomparable, renommé dans toute l’Allemagne ; de plus, c’est un admirateur des maîtres français et un enthousiaste de Berlioz, dont il a fait exécuter toutes les œuvres avec une perfection inconnue en France. Il est pénible de penser que, lorsque chez nous on s’aplatit exclusivement devant le talent incontestable de Wagner, en doublant cet aplatissement d’un dédain absolu pour les maîtres français dont nous devrions nous enorgueillir, ce soit un chef d’orchestre allemand qui vienne nous apprendre comment il faut interpréter les maîtres oubliés et qui nous révèle les beautés de premier ordre dues à leur génie. Nous avons admiré M. Mottl à un autre point de vue : il a absolument rompu avec la vieille tradition du chef d’orchestre, batteur de mesure, surveillant sévère des exécutants soumis à sa direction et rien de plus. — Il appartient à cette génération nouvelle de chefs d’orchestre qui commencent par étudier, par aimer l’œuvre qu’ils dirigent, par s’en pénétrer si intimement qu’ils semblent interpréter leur propre pensée, se mettre en communauté de sentiments et d’idées avec l’auteur, vivre de sa vie. Bien peu arrivent à ce résultat ; mais, pour ceux qui réussissent, quelle action puissante ils exercent sur ceux qu’ils dirigent ! Pour nous servir d’un mot dont on a trop abusé dans ces derniers temps, de quelle force de suggestion ne sont-ils pas doués ! Certes, l’orchestre de M. Colonne a toujours passé pour un excellent orchestre, mais qui pouvait se douter du degré de perfection auquel il pouvait arriver sous l’influence d’un homme convaincu, plein de sincérité dans ses convictions, plein de puissance pour les communiquer ? Jamais nous n’avions entendu conduire avec une telle autorité. Nous ne sommes pas suspects d’enthousiasme pour ce qui nous vient d’outre-Rhin ; mais nous avouons franchement que M. Mottl nous a paru un admirable chef d’orchestre et que nous nous sommes associés de grand cœur aux acclamations dont il a été l’objet. — Le concert se divisait en deux parties : la première consacrée à Berlioz, la seconde à Wagner ; pour l’un et pour l’autre, l’exécution a été merveilleusement belle.

Amédée Boutarel, Le Ménestrel 1/4/1894, p. 101: — Concert du Châtelet. — Le 23 mars dernier, vendredi saint, l’orchestre Colonne, sous la direction de M. Hermann Lévi, a donné une interprétation imposante et grandiose du prélude et de la scène religieuse du premier acte de Parsifal. Il ne semble pas qu’il soit possible de pousser plus loin l’art d’équilibrer les sonorités, d’assouplir les rythmes, d’estomper les dessins mélodiques, de conserver aux groupes d’instruments tantôt leur velouté, tantôt leur mordant, et de voiler la première intervention d’un son nouveau afin de ne jamais troubler en rien l’équilibre de l’ensemble orchestral. Cette exécution, conforme à la tradition que Wagner a donnée lui-même au premier chef qui ait dirigé son œuvre à Bayreuth, a impressionné par la puissance du sentiment musical. Elle a mis en relief les nuances les plus subtiles avec un tact et une élévation qui ont laissé à la pensée religieuse toute son éloquence dans le calme le plus austère et dans l’expression la plus somptueuse du renoncement, de la prière et de la foi. Nous avons regretté que M. Lévi ne nous ait pas fait entendre un ou deux morceaux choisis parmi ceux qui exigent plutôt des qualités poétiques, une imagination éprise du pittoresque et une intuition délicate des effets de mise en scène musicale. Les œuvres de Wagner, un peu prodiguées à ce concert avec Siegfried-Idyll, l’Enchantement du vendredi saint et la Marche dédiée en signe d’hommage au roi de Bavière, ne suffisent pas à mettre en lumière tous les dons que doit posséder le chef d’orchestre idéal. M. Lévi s’en est bien rendu compte puisqu’il a compris sur son programme la symphonie en fa de Beethoven ; mais un ou deux ouvrages de Berlioz auraient rendu l’épreuve plus complète, et le triomphe n’eût pas été moins assuré. On aurait vu que notre répertoire français est aimé à Munich comme à Carlsruhe. Dans la symphonie en fa, M. Lévi prend les mêmes mouvements que nos orchestres pour l’introduction et le finale. L’allegretto est joué un peu moins vite et y gagne évidemment. Le rallentendo des mesures 32 et 63, non prescrit par Beethoven, peut être accepté sans difficulté. Quant au menuet, on a critiqué la lenteur avec laquelle M. Lévi l’a fait exécuter. Il ressort pourtant ainsi avec une élégance exquise et semble vouloir renouer la tradition de cette danse, qui fut en vogue au XVIIIe siècle et qui se jouait en mouvement très modéré. Mais une raison plus décisive nous semble militer en faveur de l’interprétation allemande, c’est l’absence de toute indication nouvelle au début du trio. Ce trio est un cantabile de cor qui ne peut être rendu que dans une mesure très ralentie, tout le monde est d’accord là-dessus ; dès lors, ne peut-on pas supposer que le mouvement de cette dernière reprise du menuet était également, dans la pensée de Beethoven, celui des deux premières ? La soirée tout entière n’a été qu’une suite de témoignages de sympathie, de haute estime et de chaleureuse admiration pour M. Hermann Lévi et pour l’excellent orchestre qu’il dirigeait.

Le Ménestrel 29/4/1894, p. 136

The Musical Times, 1/5/1894, p. 315

HERR MOTTL’S CONCERT.

    THE famous Conductor, Herr Mottl, made his first appearance in England at Queen’s Hall, on the I7th ult., at a Wagner Concert, organised by Mr. Schulz-Curtius. The great room was filled in every part by a highly attentive and appreciative audience, which gave signs of its satisfaction in the most emphatic manner at the close of each piece. The works chosen were chronologically arranged, and included the Overtures to “Rienzi,” “The Flying Dutchman,” and “Tannhäuser” ; the Preludes to “Lohengrin,” “Tristan,” “Die Meistersinger,” and “Parsifal ” ; the “Liebestod,” the Trauermarsch, and Wotan’s “Abschied” — this last sung most artistically by Mr. Andrew Black. An orchestra of exceptional strength and excellence had been engaged — with extra brass for the realization of the composer’s intentions in the Funeral March — and, save that the first violins were scarcely powerful enough, admirable results were obtained. Wagner’s works are now so familiar that two rehearsals enabled Herr Mottl to come to a perfect understanding with his band, and his slightest indications were consequently obeyed with a promptness that could scarcely have been exceeded if months instead of hours had been spent in preparation. This, in itself, shows Herr Mottl to be a born ruler of men. His “readings” were marked by singular clearness, delicacy, and energy, great rhythmic freedom, and exceptionally strong contrasts of all kinds. Not a detail, not a point was lost, and altogether it was felt by those who made first acquaintance with the Carlsruhe Conductor that his fame was well deserved. At the same time we seemed to miss, on two or three occasions — in the “Liebestod,” for instance, in Wotan’s “Abschied,” and in certain parts of the “Meistersinger” Prelude — a certain glow of ecstasy, an emportement, a rapture, that are never lacking in the performances of a Conductor whose pupil Herr Mottl is known to be. If he can catch this superfine quality he will have little to fear from any rival.

Le Ménestrel 3/6/1894, p. 174: On assure que M. Félix Mottl, le célèbre chef d’orchestre, qui est directeur du théâtre grand-ducal de Carlsruhe, se propose d’organiser à ce théâtre, pour l’automne, un « cycle » d’œuvres de Berlioz. On joue précisément à Carlsruhe, en ce moment, les deux œuvres maîtresses de Berlioz, la Prise de Troie et les Troyens à Carthage.

Le Ménestrel 26/8/1894, p. 271

Le Ménestrel 9/9/1894, p. 287

Le Ménestrel 28/10/1894, p. 341: Le directeur du théâtre de la cour à Carlsruhe, M. Félix Mottl, vient de donner une représentation originale pour montrer le développement de l’art lyrique français pendant un siècle, de 1770 à 1870. Dans la même soirée il fit d’abord jouer les Deux Avares de Grétry (1770), ensuite les Petits Savoyards de Dalayrac (1789) et à la fin Djamileh, de Bizet. Le public a fait un accueil chaleureux à cette entreprise artistique, à laquelle on n’eût pas songé à la place du Châtelet. Le petit opéra-comique de Dalayrac a été tellement applaudi que maint compositeur moderne pourrait désirer un pareil succès.

Le Ménestrel 18/11/1894, p. 366: — Le Hoftheater de Carlsruhe représentera cet hiver un drame lyrique en trois actes, le Drac, tiré du drame de George Sand et Paul Meurice, par M. Louis Gallet, musique de MM. Paul et Lucien Hillemacher. Cet ouvrage sera dirigé par l’éminent chef d’orchestre M. Félix Mottl.

1895

Le Temps, 1/1/1895, p. 3: Les « Troyens » à Paris ? Une conversation avec M. Mottl

Le Ménestrel 6/1/1895, p. 6: Le Temps publie une interview de M. Mottl, kapellmeister de l’Opéra grand-ducal de Carlsruhe qui devait venir diriger l’exécution des Troyens à Paris, dans une entreprise particulière. Le chef d’orchestre allemand dit que les négociations ont été rompues, cette combinaison étant rendue impossible par le projet qu’aurait aussi l’Opéra de donner l’œuvre de Berlioz dans son intégrité. Hum ! hum ! Berlioz est bien français pour avoir une pareille bonne fortune.

Le Ménestrel 7/7/1895, p. 213: — Mme Mottl, la femme de l’excellent chef d’orchestre autrichien M. Félix Mottl, bien connu par sa remarquable interprétation des œuvres wagnériennes, vient d’être engagée par Mme Cosima Wagner pour les représentations qui auront lieu l’an prochain à Bayreuth, où elle chantera les deux rôles de Freya et de Gutrun dans la reprise décidée de l’Anneau du Nibelung. Mme Mottl ne déploie pas moins de talent d’ailleurs dans la grande musique classique, et avant son mariage, qui eut lieu il y a trois ans, elle s’était fait applaudir, sous son nom de Mlle Standhartner, en chantant les œuvres des grands maîtres, et aussi des chansons populaires allemandes, qu’elle dit d’une façon délicieuse. Cette artiste fort distinguée est en ce moment à Londres, où elle vient de débuter en donnant au Queen’s Hall un concert qui lui a valu un très grand succès et dans lequel elle a chanté, outre un fragment des Maîtres chanteurs, une mélodie de Mozart : Deh ! vieni, non tardar, orchestrée par son mari, l’Absence de Berlioz et des sérénades du jeune compositeur Richard Strauss.

Léon Schlesinger, Le Ménestrel 17/11/1895, p. 366: — De notre correspondant de Londres (14 novembre) : M. Félix Mottl a dirigé un magnifique concert mardi à Queen’s Hall. S’il n’est pas doué d’une organisation musicale aussi complète que celle de Hans Richter, M. Mottl a du moins une âme artistique que son confrère à Vienne pourrait lui envier. Sa perception des nuances et de l’expression est plus raffinée, son style est aussi noble, mais moins sévère. Avec quel sentiment délicat, avec quel soin il a détaillé la symphonie en si de Schubert, avec quel art il a su nous en faire pénétrer le mystère, tantôt doux comme une consolation, tantôt terrible comme la fatalité ! L’intermezzo de Donna Diana de M. Reznicek, dont c’était la première audition en Angleterre, est une page de valeur sous le rapport de la ciselure instrumentale ; elle demande une exécution simple et fine, une justesse parfaite de la part des violons, du mécanisme de la part des harpes. Je ne puis pas dire que l’orchestre de Queen’s Hall ait été à la hauteur de ces exigences. Mme Marie Blema et M. Planket Green ont chanté avec une très grande autorité et d’excellentes qualités vocales le duo final de la Valkyrie.

Léon Schlesinger, Le Ménestrel 1/12/1895, p. 382: — De notre correspondant de Londres (28 novembre) : Nous devons à M. Mottl une soirée d’une rare valeur artistique. Son second et dernier concert mardi, à Queen’s Hall, a été réussi au delà de toute expression. Quelle satisfaction d’entendre la Symphonie héroïque dans le mouvement, dans le sentiment qui lui conviennent, sans les exagérations de nuances, sans les rallentendo de mauvais goût auxquels tant de « grands » chefs d’orchestre se livrent ! Parfaite aussi et surtout très intelligible l’exécution des fragments de Parsifal. M. Mottl est un initiateur incomparable.

The Musical Times, 1/12/1895, p. 814

MOTTL CONCERT.

    AT Queen’s Hall, on the 12th ult., Herr Mottl conducted the first of Mr. Schulz-Curtius’s winter season of “Wagner Concerts.” As “Wagner” is a name to conjure with at the present time, we are not disposed to enquire too curiously into the appropriateness of the title as applied to a programme which contained the Overture to “Oberon,” Schubert’s “Unfinished” Symphony, and an Intermezzo from Reznicek’s opera “Donna Diana,” on the one side, and Wagner’s “A Faust” Overture and the “Walkürenritt” and final scene between Brunnhilde and Wotan, from “Die Walküre,” on the other. Rather are we inclined to welcome the catholicity shown by the scheme (as contrasted with its designation) ; for, besides indicating a wider range of vision on the part of Mr. Schulz-Curtius than on that of his subscribers, it greatly enlarged our knowledge of Herr Mottl’s powers and limitations. We do not remember a finer performance of the “Oberon” Overture, as a whole, than this one — the opening slow movement was played with a delicacy beyond all praise ; and in the Allegro the rhythm was accentuated with such extraordinary vigour that the joyous passages (from Rezia’s scena) positively lost their character. This, of course, was a blemish, but the tout ensemble was so wonderfully fine that one easily forgave and almost forgot it.

    The rendering of the “Faust” Overture also was full of light and life, and the astounding power of the “Walkürenritt” was brought out with quite exceptional vividness and weight. Schubert’s Symphony suffered on this occasion from “too much zeal” — it was “articulated” and polished to such a degree that its atmosphere of mystery, tragedy, and romance evaporated, leaving little but a beautifully prepared “museum specimen” behind. The “Walküre” duet was interpreted with noteworthy skill and sympathy by Miss Marie Brema and Mr. Plunket Greene. The second Concert, on the 26th ult., must be reserved for notice in our January number.

1896

The Musical Times, 1/1/1896, p. 22

MOTTL CONCERTS.

    THE second and last of Mr. Schulz-Curtius’s so-called “Wagner Concerts,” which took place on November 26, at Queen’s Hall, was marked by quite exceptionally fine performances of Beethoven’s “Eroica” Symphony and Gluck’s “Iphigenia in Aulis” Overture. Apart from the singular clearness which distinguishes all orchestral performances given under Herr Mottl, and enables every detail of the most complex score to be heard with ease, his readings of the two masterpieces in question on this occasion must be placed among the very finest ever given in a London concert-room. The Overture was so dramatically played that to some it may even have seemed that Herr Mottl exaggerated the characteristic expression of the various themes ; on others (we were among them) the power and beauty of the work impressed themselves as they had never done before, and Wagner’s enthusiasm for this Overture and his interpretation of its dramatic meaning were seen to be perfectly natural and obvious. Similar insight was revealed in the rendering of the “Eroica,” of which the constantly changing emotional phases — among the most subtle and poignant to be found in the whole range of art — were brought out with a sureness of touch, an alertness, an infinitude of resource, that no verbal description could do justice to. Herr Mottl’s reading of the “Eroica” went farther to establish his claims to the respect of English connoisseurs than anything he has yet done. Between the Overture and Symphony was placed an arrangement for string orchestra, by J. Hellmesberger, of Bach’s Sonata in E minor, originally for violin solo. It was admirably phrased, and sounded well enough ; but transcriptions of this kind are entirely out of place at a high-class Concert. The second part of the programme was occupied by a selection from “Tristan,” in which Frau Ida Doxat made a very successful first “appearance in England” as Isolde, and the music of Tristan and Brangane was artistically sung by Mr. Hedmondt and Miss Esther Palliser.

Amédée Boutarel, Le Ménestrel 12/4/1896, p. 117

Ernest Reyer, Journal des Débats 12/4/1896, p. 2

Le Ménestrel 19/4/1896, p. 127: — Nos orchestres symphoniques voyagent sous la conduite de leurs chefs. Tandis que M. Colonne commence une grande tournée en Allemagne avec ses artistes, M. Lamoureux, à la tête des siens, s’est rendu à Londres, où il a commencé, au Queen’s Hall, une série de concerts. M. Colonne a tout d’abord visité Carlsruhe, où sa première séance a obtenu un plein succès et provoqué des applaudissements nourris et bruyants. M. Lamoureux n’a pas moins été heureux à Londres, où une superbe exécution du Rouet d’Omphale, de M. Saint-Saëns, a fait éclater une véritable explosion de bravos. L’art français n’a qu’à se réjouir des succès que nos artistes, exécutants et compositeurs, obtiennent à l’étranger.

The Musical Times, 1/6/1896, p. 384

MOTTL CONCERTS.

    THE first of a series of three Concerts, organised as on former occasions by Mr. Schulz-Curtius, and conducted by Herr Mottl, was given at Queen’s Hall on April 28. With the exception of the first two numbers of the opening Concert (Beethoven’s “Pastoral” Symphony and “Emperor” Concerto), the three programmes have been drawn exclusively from the works of Wagner. Those of the second and third Concerts, announced as “intended, not as ordinary Concerts, but as a preparation for the ensuing Bayreuth Festival,” have naturally been made up entirely of extracts from the “Ring,” which will this year be given at Bayreuth for the first time since its production there twenty years ago. Herr Mottl’s reading of the “Pastoral” was disappointing. Every detail of the score was clearly brought out, and the performance lacked neither point nor finish ; but the spirit of the work — simple, genial, humorous, and hearty — was to a large extent missed. Herr Mottl’s gifts are in tendency distinctly dramatic, and the “Pastoral,” being a series of “mood-pictures,” it is not difficult to understand why his reading of this beautiful work should have been less successful than that of the “Eroica,” with which, not long ago, he astonished us all. The pianist in the Concerto was Mr. Eugene d’Albert, who thus appeared in his native country after an absence of fourteen years, during which, we understand, he has forgotten the English language, and has gained a reputation of which, no doubt, the commercial value alone has weighed against his repugnance to the “barbarous land” which he now re-visits as a “foreigner.” Those who remembered this gifted artist’s playing in 1882, when he was seventeen and knew nothing of Germany, were curious. They recalled not only the effect of his masterly performances here, but also a certain article in the Vienna Signale of March 4, 1882, in which the talents of “the young Anglicised Frenchman, who enjoys in London the tuition of that esteemed virtuoso and pianoforte teacher, Ernst Pauer,” were acknowledged with a warmth altogether exceptional ; and they wondered whether the improvement inevitable during fourteen years would turn out to be so much greater because they had been spent in Germany, rather than in England or anywhere else. They were quickly enlightened. Mr. d’Albert’s performance was marked, in a high degree, by the breadth, intelligence, technical skill, and power that already characterised his playing in 1882, and by a certain impetuosity which induced the Viennese critic already quoted to dub him a “musical Hotspur” ; and of course these qualities showed themselves greatly matured. But for traces of anything to justify Mr. d’Albert’s extravagant eulogy of the developing powers of the Fatherland, competent judges sought in vain ; such improvement as was shown being amply accounted for by the number of years occupied in the process. Much applause was showered on Mr. d’Albert at the close of his task, and after two acknowledgments of it he re-seated himself at his Bechstein and, with tremendous executive power, played an arrangement of Bach’s Organ Fugue in D. The second Concert, on the 14th ult., consisted of the first and last scenes from “Das Rheingold” and the first act of “Die Walküre.” The vocalists were Mrs. Mottl, Miss Agnes Janson, Miss Gelber, and Messrs. Carl Nebe and Emil Gerhauser, of whom Mrs. Mottl and Mr. Nebe carried off the honours.

The Musical Times, 1/7/1896, p. 455-6

MOTTL CONCERT.

    THE third and last Mottl Concert, given at Queen’s Hall, on the 11th ult., consisted of the “Schmiedelieder” and closing scene from “Siegfried” and the Prelude and closing scene from “Die Götterdämmerung.” As this and the previous Concert were announced as “intended not as ordinary Concerts, but as a preparation for the ensuing Bayreuth Festival,” it is unnecessary to point out that these excerpts are quite unsuited to the concert-room. Otherwise we should have to show that, as music, their full beauty and significance can be realised only when costume, scenery, and gesture (the last especially) are as evident to the eye as voices and orchestra are to the ear. This, as every tyro knows, is the essence of Wagner’s art. But his music is often so beautiful, so satisfying, that many are content to enjoy it for itself alone. Their weakness may be condoned, but it must not be encouraged. The characters represented were distributed as follows : — Brünnhilde, Fräulein Doxart ; Siegfried, Herr Emil Gerhäuser ; Mime, Herr Bussart ; and the three Norns, Mesdames Mottl, Gelber, and Agnes Janson.

Le Ménestrel 30/8/1896, p. 279: — Les théâtres d’outre-Rhin commencent à rouvrir et les œuvres françaises occupent de nouveau une place considérable dans le répertoire de ces théâtres. A Vienne, c’est Manon qui a été jouée lors de la soirée de gala donnée en l’honneur des souverains russes. Au théâtre grand-ducal de Bade le jubilé du grand-duc sera célébré par une série de représentations extraordinaires, sous la direction de M. Félix Mottl, et nous trouvons parmi les œuvres choisies les Troyens, de Berlioz, les Deux Avares de Grétry, les Petits Savoyards, de d’Alayrac et Djamileh, de Bizet. A Berlin, on prépare Benvenuto Cellini, de Berlioz.

Le Ménestrel 4/10/1896, p. 318: Aux Concerts Ysaÿe [à Bruxelles], nous entendrons l’excellent pianiste français M. Raoul Pugno, le baryton Maurel, le violoniste Thomson, qui jouera avec M. Eugène Ysaÿe le concerto pour deux violons de Bach, Mlle Gulbranson, la chanteuse norvégienne, etc. ; enfin M. Mottl viendra diriger une des séances réservées à l’audition de fragments de l’Apollonide de Franz Servais et d’œuvres de Berlioz, dont M. Mottl est le protagoniste en Allemagne.

Le Ménestrel 22/11/1896, p. 374: — Au théâtre Grand-Ducal de Carlsruhe vient d’avoir lieu la première représentation d’un grand ouvrage inédit dû à trois de nos compatriotes, le Drac, opéra en trois actes, livret imité de George Sand par M. Louis Gallet, musique de MM. Paul et Lucien Hillemacher. L’exécution a eu lieu sous la superbe direction de M. Félix Mottl, qui avait lui-même patroné l’ouvrage, et le succès a été complet. La musique, conçue dans une forme toute moderne, n’en est pas moins remarquable au point de vue de l’inspiration, et a produit sur le public une très grande impression.

1897

Le Ménestrel 17/1/1897, p. 23: — Une série de cinq grands concerts doit avoir lieu au printemps prochain à Londres, dans la Queen’s Hall, sous la direction de M. Félix Mottl. Bien que ces concerts soient surtout consacrés à Richard Wagner (on y exécutera, entre autres Parsifal presque en entier), il paraît probable qu’on y entendra aussi la Symphonie avec chœurs de Beethoven, et le Roméo et Juliette de Berlioz.

Amédée Boutarel, Le Ménestrel 24/1/1897, p. 29-30: M. Félix Mottl, conduisant l’orchestre, a quelque chose de l’énergique brusquerie du héros wagnerien dans la 3e partie de la Tétralogie. Il a moins de sécurité dans la force que M. Hans Richter, mais ses révoltes impatientes et les tumulteux orages qu’il soulève ne compromettent jamais la ligne pure de l’ouvrage exécuté. Il possède l’art supérieur de préparer les contrastes et de juxtaposer sans heurts des teintes musicales très opposées sans leur enlever l’éclat de leur coloris. Vibrant comme sous l’impulsion de courants électriques intérieurs, il ne se borne pas à marquer les temps de la mesure ; il semble tracer d’un trait le dessin graphique de chaque phrase, surprenant dans ses fluctuations les plus insaisissables, dans ses ronflements, dans ses profondes palpitations, le mouvement de sa vie intérieure. Ainsi, le tempo rubato devient l’âme même de son interprétation, apparaissant d’ailleurs, non pas comme l’artifice familier des musiciens médiocres qui ne savent pas être expressifs sans modifier l’allure métronomique, mais comme l’imperceptible vibration d’un organisme orchestral où rien n’est immobile. Il s’ensuit que si, pour l’oreille, les variations de mouvements paraissent très marquées, elles sont, en réalité, très légères, et l’expression résulte des nuances de sonorité, de style et des affinités cachées des accords et des rythmes avantageusement mis en lumière. Chez M. Mottl, le rôle de la main gauche consiste à préparer et à requérir l’effet musical prochain. A cet effet, le bras, les doigts, le poing même, sont des imitateurs, de telle sorte que l’instrumentiste a été, pour ainsi dire, entraîné avant chacune de ses entrées. Il est résulté de tout cela une interprétation d’un attrait supérieur. Le programme comprenait l’ouverture du Vaisseau fantôme, le Vénusberg et la Chevauchée des Valkyries, auxquels on avait ajouté un air de Tannhäuser pour Mme Henriette Mottl et le duo de la Valkyrie qu’elle a chanté avec M. Cazeneuve. Mme Mottl s’est affirmée comme une cantatrice éminemment sympathique. Son organe, d’une contexture adorablement délicate, fixe le son avec une grande fermeté, remplit la salle et nous émeut par la sincérité du style et par l’expression ingénue et juvénile des sentiments affectueux. Elle a été admirable dans l’Elisabeth, plus encore que dans la Valkyrie où la traduction française la gênait, cela se comprend. Elle s’est retirée couverte de fleurs, et le public l’a confondue dans la longue ovation qu’il adressait au chef d’orchestre. Après cette artistique diversion on reverra avec plaisir M. Colonne, qui s’est prêté à un parallèle aussi flatteur pour lui qu’intéressant pour nous tous.

H. Barbedette, Le Ménestrel 31/1/1897, p. 37: M. Mottl a conduit, pour la seconde fois et avec le même succès, l’orchestre des concerts Colonne : il a prouvé une fois de plus ce que peut l’influence d’un chef d’orchestre sur les artistes qu’il dirige. Beaucoup de gens en sont encore à croire qu’un chef d’orchestre n’a d’autre mission que d’être un métronome vivant, faisant observer les mouvements d’une partition et marquant, du mieux qu’il peut, les nuances indiquées. C’est là une conception très fausse. Un chef d’orchestre doit être, avant tout, un homme de conviction : il s’assimile une œuvre qu’il comprend et qu’il aime, il en pénètre le sens apparent ou caché : il la fait sienne en quelque sorte ; il n’est plus le métronome vivant, mais la synthèse vivante du chef-d’œuvre qu’il interprète. A ces conditions, et à ces conditions seules, il s’établit entre lui et son orchestre un courant magnétique analogue à celui qui existe, physiologiquement parlant, entre le cerveau qui veut et la main qui exécute. Donc, pour être un bon chef d’orchestre, il faut être un convaincu, et M. Mottl est un convaincu ; sa mimique expressive traduit sa pensée et, sans qu’il soit besoin de l’analyser, disons qu’elle est immédiatement comprise : cela suffit. Quand un chef d’orchestre n’est pas un convaincu, ou bien quand, à force de ressasser les mêmes choses, il finit par se blaser sur les œuvres qu’il interprète, l’action personnelle disparaît ; l’art risque de devenir du métier. Le concert du 24 janvier était très varié. Le célèbre chef d’orchestre avait mis, au premier numéro de son programme, l’ouverture du Carnaval romain de Berlioz, dont il a fait oublier la trivialité grâce à une merveilleuse exécution. De même, il est parvenu à jeter un peu de jour et de lumière dans ce lourd et pâteux macaroni musical qu’on appelle l’ouverture des Maîtres chanteurs de Richard Wagner. Mais où notre admiration a été sans réserve, c’est à l’audition de l’Enchantement du Vendredi Saint, de Parsifal, qui a été rendu avec une délicatesse de touche, un sentiment tendre et recueilli au-dessus de tout éloge ; également à celle de la marche funèbre du Crépuscule des dieux, page colossale qui égale les plus belles qui aient été écrites. Si Wagner n’avait produit que de pareilles œuvres, il ne serait pas ce grand pervertisseur que l’on connaît. Mais, pour nous, ces belles choses pâlissent auprès de l’ouverture d’Éléonore de Beethoven, qui est à elle seule un véritable drame. L’orchestre de Beethoven lui suffit pour peindre tous les sentiments de l’âme, depuis les plus douces impressions jusqu’aux passions les plus déchaînées. Un de nos plus vifs souvenirs de jeunesse est d’avoir assisté, à Londres, à une représentation de Fidélio au cours de laquelle le public voulut entendre, debout, l’ouverture d’Éléonore. Cet hommage rendu par les flegmatiques Anglais au plus grand génie musical de notre époque était véritablement émouvant. Le jour où Beethoven ne sera plus compris sera la fin de la musique. La gracieuse Mme Mottl a partagé le succès de son mari. Elle a fait entendre l’Absence de Berlioz, une Berceuse de Mozart, une Sérénade de Strauss, l’air de Suzanne de Mozart, toutes choses qu’elle a dites avec une voix pure et un sentiment exquis. Elle est morte à la fin du concert, comme doit mourir toute cantatrice de talent qui sait le rôle d’Yseult ; mais c’est bien triste de finir un concert par le trépas d’une aussi aimable personne.

Le Ménestrel 28/2/1897, p. 70: — Nous avons eu la semaine dernière à Bruxelles M. et Mme Mottl, qui sont venus faire les frais du dernier concert Ysaye et d’une séance au Cercle artistique. Le succès du kapellmeister a été dépassé peut-être par celui de sa femme, que ces deux intéressantes auditions mettaient d’ailleurs spécialement en valeur et, qui, dans une série nombreuse de lieder de Mozart, de Schumann, de Schubert, etc. chantés délicieusement, a ravi le public justement enthousiaste de son art si pur et de sa diction si distinguée — et si peu allemande !

H. Barbedette, Le Ménestrel 14/3/1897, p. 85: — Le 17me concert du Châtelet a été fort beau : le programme ne contenait que des œuvres d’une valeur incontestée, et l’exécution ne laissait rien à désirer. Le charme de cette intéressante matinée était rehaussé par la coopération de trois artistes femmes dont l’éloge n’est plus à faire. La gracieuse Mme Mottl a interprété avec un goût parfait et une voix bien timbrée deux airs bien charmants des Noces de Figaro de Mozart, et la Prière d’Elisabeth de Wagner. Dans la Rédemption de César Franck, elle avait accepté le rôle un peu ingrat de l’archange, dans lequel elle a su se faire très justement applaudir.

Léon Schlesinger, Le Ménestrel 21/3/1897, p. 94: De notre correspondant de Londres (18 mars) : L’événement de la semaine a été la réapparition de M. Félix Mottl sur l’estrade de Queen’s Hall. M. Mottl est par tempérament un musicien de l’école du charme et de l’émotion. C’est de tous les grands chefs d’orchestre allemands le moins rigide, le moins cérémonieux. Tandis que la plupart de ses confrères s’appliquent à produire une exégèse scrupuleuse du texte qu’ils ont devant les yeux, le regard de M. Mottl traverse ce texte pour se mirer dans la pensée même de l’auteur. Sous son impulsion, la musique des grands maîtres s’épanouit dans le plein abandon de sa floraison et de sa fraîcheur. Tel est du moins le résultat obtenu quand il a sous ses ordres des musiciens à la fois dociles et instruits, comme ceux qui forment son orchestre à Carlsruhe ou ceux qu’il trouve au Concert Colonne de Paris. A Londres nous devons nous contenter d’un honnête à peu près. Les instrumentistes de Queen’s Hall sont gens de bonne volonté et de discipline ; la plupart possèdent à fond la technique de leur instrument, mais c’est en vain qu’on attendra d’eux ce petit mouvement de ferveur, ce je ne sais quoi de souriant et d’attendri qui décèle l’éducation supérieure de l’artiste et fait courir le frisson dans l’auditoire. Ah ! combien cette éducation est nécessaire pour exécuter la divine symphonie en sol mineur de Mozart, par laquelle s’ouvrait le concert et que M. Mottl a dirigée de si idéale façon ! Le premier et le dernier mouvement, conçus dans le même sentiment de sérénité heureuse, demande une aisance, une grâce et une délicatesse dans le phrasé qu’on ne rencontre peut-être plus qu’à la Société des concerts de Paris. Pour l’Andante, qui semble dépeindre l’ascension tranquille et triomphale d’une âme sans péché, il faut de la part des instruments à vent bien autre chose que ces sonorités pâteuses que nous avons entendues mardi. Lorsqu’après cette manifestation si éblouissante de clarté pure qu’est la symphonie en sol mineur, on entend les fragments du Crépuscule des Dieux qui terminaient le concert, et qui pourtant contiennent des pages d’une beauté incontestable, on se demande si c’est le même art qu’ont cultivé Mozart et Wagner. Wagner emploie, pour faire chanter les dieux, le fracas des plus barbares humains. Je préfère Mozart, qui divinise les accents qu’il met dans la bouche des hommes. La marche funèbre du Crépuscule des Dieux est saisissante par son caractère de grandeur et de majesté farouche, mais ces récits de Hagen et cette interminable scène de Waltraute, si bien chanté que cela ait été par M. Lemprière Pringle, Mmes Mottl et Tomschik, sont naturellement ennuyeux. Mme Mottl est une cantatrice de tout premier ordre. Sa voix, d’un timbre superbe, se plie à toutes les exigences du drame wagnérien. Le charme, pas plus que la chaleur, ne lui fait défaut. Elle l’a prouvé dans l’interprétation du duo de Béatrice et [de] Bénédict, où, sans le secours d’aucun système préconçu, Berlioz a présenté le plus poétique tableau nocturne qu’on puisse imaginer. Et avec quels accents sincères et émouvants il a dépeint l’état d’âme de l’héroïne et l’immense apaisement que la nuit verse dans son cœur consumé par l’amour !

The Musical Times, 1/5/1897, p. 313

MOTTL CONCERTS.

    MR. MOTTL devoted his second concert (given at Queen’s Hall on March 30) to illustrations of “The Development of the Overture.” We cannot honestly say that the experiment was altogether satisfactory, regarded either from an artistic or an educational point of view. For enjoyment, there was too much overture — one became conscious of a sense of boredom ; for instruction, there was not enough — it is obviously absurd to suppose that the development of any important art-form during 150 years can be fairly shown in one evening. A list of the overtures performed is given in another column, and reference to it will show the incompleteness, and, at the same time, the redundancy of the scheme. Lulli, who practically “invented” the overture, was not represented at all, and Cherubini, Rossini, Auber, Schumann, and Brahms were equally ignored ; Mendelssohn’s “Hebrides” (or “Fingal’s Cave”) — though it is not properly an “overture” at all, but what we now-a-days call a “symphonic poem” — was selected in preference to “Ruy Blas” or “A Midsummer Night’s Dream,” both of which are “overtures” (i.e., preludes to dramatic works) in the legitimate sense of the term ; and the Wagner selection included two overtures (“Dutchman” and “Tannhäuser”), the essential differences between which are so slight that, in so condensed a scheme as the one now under discussion, they might safely have been ignored. Fortunately, however, Mr. Schulz Curtius’s patrons are not too critical, and “The Development of the Overture,” as exhibited on this occasion, was followed by quite a large audience, of which, presumably, the major part found ample reason for satisfaction in the very excellent performances. In this respect the concert left room for some adverse criticism only to hearers who found themselves unable to accept some of Mr. Mottl’s tempi as an improvement on those to which they have hitherto been accustomed.

    The concert of the 13th ult. proved interesting for many reasons. Mr. Mottl conducted Beethoven’s Choral Symphony, and there was a specially engaged and very fine choir from Leeds. Last but not least we heard for the first time in England, unless we are much mistaken, those much discussed and vehemently denounced alterations in the scoring which Wagner suggested with a view to making certain passages more effective. Herr Mottl’s reading of the symphony was remarkable for breadth and nobility though we cannot help thinking that his tempi in the slow movement were open to objection. Such a slow, lumbering Adagio we have never heard. The heavenly melodies appeared dragged out of all proportion; an increase in length without corresponding breadth. The Scherzo was perfectly played ; very fast, but strictly rhythmical. In the Finale the Leeds singers, who had been splendidly trained by Mr. Adolf Beyschlag, did yeomen’s service. They were also heard in the two most hackneyed of all Wagner selections — viz., the bridal chorus from “Lohengrin” and the march and chorus from “Tannhäuser.” It was a revelation to hear these pieces sung in this fresh and beautiful manner. The preludes to acts I. and III. from “Lohengrin” and the Waldweben from “Siegfried,” all magnificently played, completed the programme. Misses Esther Palliser and Rosa Green, and Messrs. O. Fischer-Sobell and Andrew Black greatly distinguished themselves as the soloists in the symphony.

The Musical Times, 1/6/1897, p. 386-7

MOTTL CONCERTS.

    THE chief features of the concerts given at the Queen’s Hall on the 11th and 18th ult., under the direction of Herr Felix Mottl, were the performances of the second part from the second act and the greater portion of the third act from “Parsifal.” The programme attracted large audiences, and the renderings were as effective as they could be made in the concert-room. On the 11th ult. the second portion from the second act was given in its entirety, the title-rôle being sustained by Herr Heinrich Vogl, who had a reception which showed that his fine impersonations at the old Her Majesty’s Theatre in 1882, when the “ Ring ” was performed for the first time in England, had not been forgotten. Time has dealt very leniently with his magnificent voice and increased his power of dramatic expression, and his singing in “Parsifal” and his rendering of the “Spring Song” from “Die Walküre” were superb examples of vocal declamation. The music of Kundry was excellently declaimed by Frau Mottl, and the few words of Klingsor were capably delivered by Mr. Charles Copland. The parts of the six maidens were intelligently sung by Misses Esther Palliser, Agnes Nicholls, Hilda Foster, Helen Jaxon, Eleanor Jones, and Ruby Shaw ; and the choral portion was interpreted by the female choir from the Royal College of Music, whose fresh young voices and admirable training contributed in no small degree to the effectiveness of the interpretation. The remainder of the programme consisted of the overture to Weber’s “ Oberon, ” the reading of which was characterised by exaggeration of contrasts of tonal force, the Prelude and Liebestod from “Tristan and Isolde,” and Smetana’s symphonic poem “Aus Bohmen’s Hain und Fleur.” The last-named, which is the fourth of a series of six works in similar form entitled “Mein Vaterland,” had not previously been heard in England. The music is intended to suggest the peace which is supposed by poets to prevail in the country on a lovely summer day, and the subsequent joys of a peasant holiday ; but, as a matter of fact, the music possesses so little distinctiveness that the listener has no occasion to trouble about its poetic basis.

    The concert on the 18th ult. was opened with Berlioz’s third [sic] symphony, “Harold in Italy,” which was finely interpreted, the violin solo part being very effectively played by Mr. Michael Balling on the viola-alta, an instrument which, owing to its size and certain peculiarities of construction, emits a richer and more powerful tone than the ordinary viola, a matter of importance when this music is played by Herr Mottl’s powerful orchestra. The rendering showed that Herr Mottl is thoroughly in sympathy with Berlioz’s music, but no skill can impart interest to the last movement. which, however, is not astonishing, seeing that its poetic basis is an “Orgy of Brigands,” with whose doings St. Cecilia can have little sympathy. The excerpts from the last act of “Parsifal” commenced where Gurnemanz perceives the approach of the “Pure Fool.” This part was sung with due dignity by Herr Wachter, and Mr. David Bispham declaimed the words of Amfortas with his usual dramatic perception. Herr Vogl sustained the title-rôle. The male as well as the female choirs of the Royal College of Music were called upon on this occasion, and fully merited the confidence placed in them. The orchestral part was magnificently played, and the effect of the great climax where the bells are heard was made more than usually impressive by the use of the new apparatus, introduced for the first time on this occasion, and which, when not struck too hard, fairly imitates deep bell-like tones.

Le Ménestrel 13/6/1897, p. 190: — Une petite histoire amusante court les orchestres de Londres. Lors des récents concerts dirigés par M. Mottl dans la capitale anglaise, ce chef d’orchestre, ordinairement si poli, apostropha soudainement un pauvre musicien avec ce seul mot : Ass (âne). Grande stupéfaction et indignation de l’orchestre. Mais tout le monde s’est mis à rire lorsque le premier violon, un Allemand, expliqua à ses collègues que le chef d’orchestre avait voulu simplement indiquer au musicien qu’il devait faire un la bémol (en allemand As), au lieu du la naturel qu’il avait donné par erreur. M. Mottl, habitué à parler allemand, avait oublié qu’il se trouvait en Angleterre et qu’il aurait dû dire : A flat !

Le Ménestrel 1/8/1897, p. 247: — L’excellent chef d’orchestre Félix Mottl prépare à Carlsruhe, paraît-il, un « cycle » d’opéras classiques allemands et d’œuvres wagnériennes et françaises qui comprendra les ouvrages suivants : Orphée, Fidelio, la Flûte enchantée, les Troyens, la Prise de Troie, Tannhäuscr, Lohengrin, Tristan et Yseult, les Maîtres Chanteurs, la Légende de sainte Elisabeth, de Liszt, et le Drac, de MM. Paul et Lucien Hillemacher. Ces représentations auront lieu entre le 5 septembre et le 3 octobre. Onze ouvrages montés en moins d’un mois ! voilà qui va faire rêver nos directeurs.

Le Ménestrel 26/9/1897, p. 309: — Veut-on connaître le répertoire du théâtre grand-ducal de Carlsruhe depuis le 5 septembre, date de sa réouverture, jusqu’au dernier jour de ce mois, répertoire dont le programme a été scrupuleusement suivi jusqu’ici ? Le voici : le 5 septembre, Tristan et Yseult ; le 7, la Flûte enchantée ; le 9, Lohengrin ; le 12, Tannhäuser ; le 16, la Légende de sainte Elisabeth, de Liszt ; le 18, la Prise de Troie, de Berlioz ; le 19, les Troyens à Carthage, de Berlioz ; le 21, der Fluthgeist (le Drac), de MM. Hillemacher ; le 23, les Maîtres Chanteurs ; le 26, Orphée ; le 28, Fidelio ; le 30, Orphée. Le tout sous la direction du vaillant chef d’orchestre Félix Mottl. Il y a de quoi donner froid dans le dos à nos directeurs !

1898

H. Barbedette, Le Ménestrel 20/2/1898, p. 60: Je suis fort embarrassé pour donner un compte rendu du dernier concert. Quand j’aurai dit que M. Félix Mottl est un admirable chef d’orchestre et Mme Mottl une cantatrice des plus agréables à entendre, je n’aurai rien affirmé qui ne soit pas connu. En ce qui touche le concert en lui-même, il était uniquement composé de musique de Wagner : Lohengrin, Parsifal, les Maîtres chanteurs, Tristan et Yseult ont successivement défilé devant le public. Tous ces personnages peuvent être intéressants à la scène ; la musique peut y être en parfaite situation, mais cela, je le répète, n’a aucune raison d’être au concert. Je veux seulement profiter de l’occasion pour dire que c’est une tendance malheureuse que celle qui consiste à supprimer, dans les concerts, la variété qui en faisait autrefois le charme. C’était une sensation agréable pour l’oreille et pour l’esprit de l’auditeur, que l’audition successive de pièces de style différent, comme l’est, pour le voyageur, l’aspect de sites variés. Aujourd’hui un concert s’intitule : Festival, Festival Wagner, Festival Berlioz etc., un seul maître remplit à lui seul tout le programme. S’agit-il d’une manifestation artistique plus modeste, c’est un monsieur qui s’assied au piano, y reste trois heures et joue successivement 24 morceaux, la plupart du même style et du même compositeur. Cela s’appelle un Récital. Festival, Récital, mots pompeux que l’on n’employait pas autrefois. Si l’on continue à exagérer cette tendance, l’art ne saurait y gagner, car l’auditeur forcément se lasse et se fatigue. C’est l’éternelle histoire du pâté d’anguilles.

A. Boutarel, Ménestrel 3/4/1898, p. 109: — Comme chef d’orchestre, M. Félix Mottl personnifie la force. Il dirige avec des mouvements de bras et d’épaules réguliers qui font penser à la respiration d’une poitrine puissante. Tout est correct, classique, net et bien combiné ; l’imagination, la fantaisie, l’imprévu n’ont qu’une place très secondaire dans ses interprétations. L’exécution de la symphonie en la nous paraît de premier ordre ; pourtant le finale seul, dont chaque phrase étincelle comme le fer sur l’enclume, a permis à ce Siegfried de l’orchestre de nous donner l’impression d’une chose comprise et rendue autrement que d’autres le pourraient faire. Très remarquable a été la façon de chanter, dans l’adagio de Roméo et Juliette, la dernière partie de la phrase principale, avec un retard au moment où sont appuyées en legato les cinq notes culminantes qui préparent la double inflexion finale. Et là, un geste noble accompagne le sentiment exprimé par la musique et y ajoute une impression de sincérité fort belle en elle-même et très artistique. La sincérité, c’est par là que Mme Mottl s’est rendue sympathique à toute l’assistance. Une mélodie de Schubert, Thekla, trois couplets pendant lesquels on entend douze fois, avec des changements de mode et des variantes de notes, le morne motif, aurait dû paraître monotone malgré la beauté de la poésie de Schiller ; puis, cette délicate berceuse, Schubert l’aurait voulue plus simple sans doute, plus « chanson populaire ». Mme Mottl l’a dite avec une coquetterie de jeune mère éblouie, dans son naïf orgueil, par la grâce de son nouveau-né ; c’est un délicieux, un adorable contresens, mais la sincérité sauve tout. Voici maintenant une martiale bleuette de Beethoven. Dans le drame de Goethe, Claire dit, après avoir chanté, qu’elle voudrait porter le drapeau d’Egmont. Voyez, Mme Mottl a pris les couleurs de la France, elle chante avec une agréable mutinerie, on applaudit. On applaudit encore la prière de Tannhäuser et une scène d’une écriture très fluide et d’un joli sentiment, extraite du Drac, de MM. P. L. Hillemacher. Après l’audition d’une Bourrée fantasque de Chabrier, et de l’ouverture du Vaisseau fantôme, le concert s’est terminé par une brillante ovation au chef d’orchestre qui a fait entendre à Carlsruhe tant de belles œuvres françaises.

H. Barbedette, Le Ménestrel 10/4/1898, p. 116: […] Venons aux morceaux qui nous ont le plus intéressé. La Bourrée fantasque d’Emmanuel Chabrier, instrumentée par M. Mottl : c’est une œuvre humoristique pleine d’intérêt et de charme ; elle gagne à être transférée du piano à l’orchestre. Cette traduction offrait de réelles difficultés. M. Mottl s’en est tiré avec un art infini. Parfois la touche est un peu brutale, mais le caractère du morceau voulait cela, et du reste cette brutalité fait contraste avec des passages d’une douceur infinie. […]

Le Ménestrel 22/5/1898, p. 165: — On annonce de Carlsruhe que le grand-duc n’a pas accepté la démission de M. Félix Mottl, auquel on offrait la place de premier chef d’orchestre à l’Opéra royal de Munich, restée vacante par l’engagement de M. Richard Strauss à Berlin.

Le Ménestrel 29/5/1898, p. 173: — Nous avons déjà annoncé que M. Félix Mottl n’a pas obtenu sa démission a Carlsruhe et a dû renoncer au poste avantageux que l’Opéra de Munich lui avait offert. On apprend à ce sujet que M. Mottl s’est engagé, lors de sa nomination au poste de directeur général de la musique à Carlsruhe, à ne pas quitter cette ville du vivant du grand-duc régnant, qui est actuellement âgé de 72 ans, pour accepter une place autre que celle de chef d’orchestre à l’Opéra de Vienne, exception faite en raison de cette circonstance que M. Mottl est Viennois de naissance. Le conseil municipal de Carlsruhe vient de présenter à M. Mottl une adresse pour lui exprimer sa satisfaction de le voir rester dans cette ville.

Le Ménestrel 19/6/1898, p. 198: De notre correspondant de Londres (16 juin) : Je n’étais pas à Londres lors des représentations du premier cycle de l’Anneau du Niebeloung, mais les journaux vous ont tenus au courant de l’impression produite par cet événement colossal et unique dans les annales artistiques de Londres. Il n’y a eu qu’une voix dans le public et dans la presse pour louer l’excellence de l’interprétation vocale et il y a eu, de même, unanimité presque absolue dans le blâme infligé à l’orchestre et à la mise en scène. […] Il a fallu que la direction présente d’humbles excuses aux protestataires et promette de rétablir tous les passages coupés. J’ai vraiment de la chance d’être un spectateur du deuxième cycle !
    Celui-ci a commencé avant-hier. M. Mottl a en vain usé tout son fluide pour obtenir de l’orchestre quelque chose qui ressemble à du fondu, à de la cohésion. Quel triste gâchis avons-nous eu là ! Les huit cors qui, au début du prélude, sont chargés de nous dépeindre le remous des flots dans le Rhin, ont plutôt semblé vouloir imiter une volée de canards ! La mise en scène m’a paru convenable au premier tableau et les exercices de natation des filles du Rhin ne manquaient pas de grâce. Je n’ai pas de peine à croire qu’à Bayreuth, ainsi que le faisait remarquer mon voisin de stalle, les changements se font d’une façon plus poétique et plus séduisante, et que l’arc-en-ciel de la fin est d’un badigeonnage moins violent, mais enfin il faut reconnaître que la régie de Covent-Garden a fait de son mieux et que les détails témoignaient de soins exceptionnels. […]

Le Ménestrel 10/7/1898, p. 221: [L’Anneau du Nibelung à Covent Garden] […] Dans une lettre rendue publique, le kapellmeister Mottl, qui a dirigé la Tétralogie, a jugé bon de faire l’éloge du public qui assistait aux représentations disant qu’il avait été profondément impressionné par l’attitude déférente et recueillie de ce public, par l’enthousiasme qu’il a manifesté à la fin des actes et surtout par son consentement à se présenter au théâtre à des heures inaccoutumées. M. Mottl s’est attendri durant cinquante lignes sur le spectacle de toute une population changeant ses habitudes pour rendre hommage au génie, puis s’exaltant de plus en plus, il ajoute que « les spectateurs ont été comme le cours d’eau sur lequel notre vaisseau a glissé, soutenu par les vagues de leur enthousiasme et poussé par la brise de leur bienveillance... » Cet élan de lyrisme aquatique ne pourra manquer d’être agréable au public anglais, mais je doute fort que cela le détermine à recommencer l’an prochain les séances de recueillement et de vénération muette qu’il s’est imposées cet été, — oserai-je ajouter si : stoïquement. […]

Le Ménestrel 24/7/1898, p. 240: — On est en train de reconstruire, profitant des vacances, le théâtre grand-ducal de Carlsruhe. La scène surtout sera agrandie et pourvue de toutes les installations modernes. Elle aura une profondeur totale de 28 mètres et la force hydraulique aura une pression de 20 atmosphères. La réouverture du théâtre aura lieu vers le 15 septembre ; on jouera les Maîtres-Chanteurs sous la direction de M. Félix Mottl.

Le Ménestrel 21/8/1898, p. 270: — On annonce de Carlsruhe que M. Félix Mottl jouera prochainement sous sa direction, un nouvel opéra intitulé Fantasio, paroles et musique de Miss Esthel [sic] Smyth. Le livret est tiré de la pièce d’Alfred de Musset.
    — D’autre part, M. Félix Mottl fera jouer en septembre prochain, les Troyens et Béatrice et Bénedict. Avis aux admirateurs de Berlioz.

Le Ménestrel 11/9/1898, p. 293: — C’est vendredi dernier qu’ont commencé, à Carlsruhe, les représentations organisées par M. Félix Mottl à l’occasion de la complète restauration du Théâtre Grand-Ducal. Voici la liste des œuvres qui seront jouées, avec la date de leurs représentations : les Maîtres Chanteurs, le 9 septembre ; Lobetanz (de Thuille), le 11 ; l’Or du Rhin, le 14 ; la Valkyrie, le 16 ; Siegfried, le 18 ; le Crépuscule des Dieux, le 20 ; la Flûte enchantée, le 25 ; Béatrice et Bénédict, le 27 ; la Prise de Troie, le 1er octobre ; les Troyens à Carthage, le 2 ; la Légende de sainte Elisabeth (de Liszt), le 6 ; Tristan et Isolde, le 9 ; Orphée, le 11 ; Lobetanz, le 13, et les Maîtres Chanteurs, le 16. On voit que l’admiration bien connue de M. Mottl pour Berlioz n’est pas simplement platonique, et que dans cette courte série de représentations il trouve moyen de placer trois ouvrages du maître, parmi lesquels la Prise de Troie, que le public français, grâce à notre heureuse organisation théâtrale, n’est pas encore admis à connaître, alors qu’elle se joue couramment en Allemagne. Ajoutons que nous ne connaissons guère de théâtre à Paris capable, comme celui de Carlsruhe, d’offrir aux spectateurs quatorze ouvrages différents dans une série de quinze représentations données en l’espace de cinq semaines. Et quels ouvrages !

Le Ménestrel 23/10/1898, p. 342: Les deux ouvrages de Berlioz : Béatrice et Bénédict et les Troyens, que M. Félix Mottl avait compris dans la série de représentations modèles qu’il vient de donner au théâtre grand-ducal de Carlsruhe, ont produit un grand effet. Béatrice et Bénédict, particulièrement, qui était encore peu connu en Allemagne, a causé au public une véritable surprise. On sait que l’ouvrage avait été conçu par Berlioz sous forme d’opéra-comique, c’est-à-dire avec dialogue parlé. M. Mottl a jugé bon de traduire ce dialogue en récitatifs, et il a écrit ces récitatifs lui-même avec une habileté telle qu’ils se fondent complètement avec l’œuvre et semblent de la même main. Les rôles principaux étaient tenus par Mme Mottl, qui s’est montrée charmante, Mlle Friedlein et M. Rosenberg. La Prise de Troie et les Troyens ont été donnés le 1er et le 2 octobre avec un succès complet. Dans la première, c’est Mme Mottl qui faisait Cassandre, où elle s’est surpassée en se montrant pathétique et touchante au possible. Dans les Troyens, Didon était représentée par Mme Mailhac, Enée par M. Gerrhauser, et Anna par Mlle Friedlein.

Le Ménestrel 20/11/1898, p. 374: [Bruxelles] La deuxième matinée des concerts Ysaÿe, dirigée par M. Mottl, dimanche dernier [13 novembre], a été superbe. Mme Mottl a chanté de façon exquise des lieder de Schubert ; MM. Ysaÿe et Van Houte ont joué remarquablement le concerto de Mozart pour deux violons, et ce dernier, seul, l’Harold en Italie de Berlioz ; exécution orchestrale admirable, particulièrement de l’ouverture d’Obéron.

1899

Le Ménestrel 19/2/1899, p. 61: 
    — Le théâtre grand-ducal de Carlsruhe, que dirige avec tant de talent M. Félix Mottl, le très habile chef d’orchestre, devient de plus en plus un théâtre international. On se rappelle que c’est à Carlsruhe qu’a été jouée pour la première fois la Gwendoline du regretté Chabrier, puis le Drac de MM. Hillemacher ; c’est à Carlsruhe que l’Apollonide de M. Franz Servais a fait tout récemment son apparition ; enfin, voici qu’on annonce que M. Mottl vient de recevoir, pour être jouée à Carlsruhe, un nouvel ouvrage d’un compositeur français, le Roi Arthus, drame lyrique encore inédit de M. Ernest Chausson.
    — Les deux théâtres de la cour du duché de Bade à Mannheim et à Carlsruhe ont inauguré un système ingénieux d’échanger leur répertoire. Dernièrement la troupe de Carlsruhe a joué les Troyens, de Berlioz, à Mannheim, où cette œuvre était inconnue, et la troupe de cette ville a joué pour la première fois Lakmé à Carlsruhe. Grand succès pour l’une et l’autre de ces œuvres françaises. Ajoutons que les amateurs de Mannheim ont donné à cette occasion une belle preuve de dilettantisme. Ils ont applaudi dans l’après-midi la Prise de Troie et dans la soirée les Troyens à Carthage. Richard Wagner n’aurait jamais osé demander sept heures de présence aux pèlerins de Bayreuth !

Arthur Pougin, Le Ménestrel 26/2/1899, p. 69: — Le Concert Colonne, au Nouveau-Théâtre, que les circonstances avaient obligé de remettre du jeudi au vendredi [24 février], était dirigé par M. Félix Mottl, et le plaisir que nous avions de voir à l’œuvre l’excellent chef d’orchestre était doublé de la jouissance artistique que nous a procurée sa femme, dont le talent bien connu de cantatrice ne s’est jamais produit d’une façon plus heureuse. La séance s’ouvrait par un concerto de Jean-Sébastien Bach pour deux flûtes et violon, orchestré par M. Mottl, et qui a valu un succès très mérité à MM. Cantié, Balleron et Jacques Thibaud, dont l’exécution est au-dessus de tout éloge. Puis Mme Mottl est venue chanter à la file toute une série de lieder, qui ont été pour elle l’occasion d’une interminable ovation : Violette, de Mozart, Marmotte, de Beethoven, Rose sauvage et la Truite, de Schubert. Accompagnée magistralement au piano par son mari, elle a apporté dans la diction de ces petites pièces, qui sont de véritables joyaux, un sentiment, une grâce, un charme, et surtout un style vraiment incomparables. C’était un enchantement pour les oreilles délicates qu’une telle interprétation, si simple, si naturelle, si élégante à la fois et si exquise. Aussi le public, absolument charmé et visiblement ému, a remercié la cantatrice par tant de rappels et de si vigoureux applaudissements qu’à son tour elle est venue le remercier avec une cinquième chanson qui n’était point sur le programme et qui lui a valu une nouvelle fête. Dans la seconde partie, MM. Mottl et Raoul Pugno sont venus nous faire entendre un des poèmes de Liszt pour deux pianos, Festklænge. Hélas ! quelle étonnante merveille d’exécution de la part de deux virtuoses, pour une œuvre qu’on peut qualifier d’insupportable et dont la vulgarité semble être le caractère dominant ! Quelque admiration que j’aie pour le génie de Liszt, quelque respect et quelque sympathie que j’éprouve pour ce grand et noble cœur, si plein de bonté et de charité, je ne saurais taire la fâcheuse impression que produit une semblable musique. Mme Mottl a chanté ensuite, avec son grand style, la prière de Geneviève, de Schumann, qui lui a attiré de nouveaux applaudissements, et le concert s’est terminé par une exécution merveilleuse de la Siegfried-Idyll de Wagner, merveilleusement dirigée par M. Mottl.

A. Boutarel, Ménestrel 5/3/1899, p. 77: Voici une interprétation de la symphonie en ut mineur qui déroute un peu nos habitudes et qui n’est pourtant ni médiocre, ni banale. M. Félix Mottl cherche évidemment à donner au premier morceau un caractère imposant que son rythme semble, de prime abord, exclure. A-t-il tort ? Je n’ose le croire, et je dirais volontiers qu’une opinion absolue me paraît ici imprudente, car le vrai mouvement de Beethoven est inconnu, et d’autres que M. Mottl, M. Weingartner, par exemple et même M. Hans Richter, ont visé à obtenir un résultat analogue en élargissant tel ou tel passage sans étendre cependant le ralentissement sur le tout. N’oublions pas le mot du maître lui-même : « C’est ainsi que le Destin frappe à notre porte ». Si d’ailleurs M. Mottl se trompe, ce n’est pas sans grandeur. De toute sa personne se dégage une idée de force : il reste étranger à toute affectation, à toute mièvrerie ; sa manière de rendre les œuvres reste conforme à la logique de son caractère et parfaitement d’accord avec son tempérament. L’andante et le finale de la symphonie ont rallié tous les suffrages par l’ampleur des sonorités, l’art des gradations dynamiques et la puissance des effets de masse. Le début de l’ouverture du Freischütz a fait admirablement ressortir la beauté poétique du langage instrumental, et la péroraison s’est épanouie avec une vigueur d’autant plus saisissante que le mouvement retenu excluait toute vulgarité. A ce concert a eu lieu la première audition à Paris d’une sorte d’oraison funèbre écrite par Wagner sur des motifs d’Euryanthe pour la translation à Dresde des cendres de Weber, en 1844. L’œuvre est rêveuse, triste et désolée, sans effets violents car, Weber étant mort depuis près de vingt ans lorsqu’eut lieu la cérémonie funèbre, l’expression des regrets ne devait pas se manifester avec les vivacités de la première heure. Mme Henriette Mottl a captivé la salle entière par la grâce de son chant. Elle a dit l’air du Freischütz, deux mélodies de Wagner et la prière de Tannhäuser. C’était délicieux, et tout a été rendu avec tant d’âme que l’auditoire a été sous le charme. Mme Mottl possède un talent exquis, auquel sa ferveur d’artiste ajoute un irrésistible attrait. Une exécution superbe de l’ouverture de Benvenuto Cellini a terminé cette belle séance.

Le Ménestrel 14/5/1899, p. 158: — L’Opéra de Covent-Garden, sous la direction de M. Grau, a ouvert sa saison par une brillante représentation de Lohengrin dirigée par M. Félix Mottl. Mme Mottl a débuté dans le rôle d’Elsa et M. Jean de Reszké dans celui du chevalier au cygne. Le théâtre a été l’objet de modifications assez importantes et heureuses ; l’installation de la lumière électrique est surtout une amélioration sensible. L’ancien rideau a disparu pour faire place à une somptueuse draperie de velours ronge qui s’ouvre par le milieu, comme à Bayreuth. Avant la première représentation de la saison a eu lieu une vieille cérémonie. Les artistes, entourant un buste de la reine Victoria, ont chanté l’hymne national, dont l’exécution était dirigée par M. Mancinelli. Question de « protocole ». M. Mottl, qui est directeur général de musique à la cour de Bade et, en cette qualité, assimilé aux fonctionnaires de cette cour, s’était abstenu de prendre part à cette manifestation en l’honneur d’une souveraine étrangère et avait, pour un instant, cédé le bâton à son confrère italien.

Le Ménestrel 8/10/1899, p. 326: — Le prince-régent de Bavière a autorisé la construction d’un nouveau théâtre à Munich selon le modèle de celui de Bayreuth. Ce théâtre aura 1.500 places disposées en forme d’amphithéâtre, comme à Bayreuth. Il jouera non seulement les œuvres de Richard Wagner, mais aussi le drame classique. Ce nouveau théâtre doit être inauguré en octobre 1901. Il y sera donné quarante représentations populaires par an, les dimanches et jours fériés, à des prix fort modestes. Pour l’été on y préparera des cycles wagnériens à l’usage des nombreux étrangers qui traversent Munich.

Le Ménestrel 31/12/1899, p. 419: [extrait de la nécrologie de l’éminent chef d’orchestre belge Joseph Dupont (1838-1899)] Le Ménestrel a annoncé dimanche dernier la perte douloureuse, considérable, que l’art musical belge vient de faire par la mort de Joseph Dupont. Mais ce n’est pas la Belgique seulement que frappe cette mort : c’est l’art musical de tous les pays et, particulièrement, l’art musical français, auquel Dupont rendit d’inappréciables services. Depuis l’année 1872, où il fut nommé successivement premier chef d’orchestre au théâtre de la Monnaie, à l’Association des artistes-musiciens, etc., pour succéder l’année suivante à Ad. Samuel et à Henri Vieuxtemps comme directeur des Concerts populaires, il fut l’initiateur, en Belgique, des grandes œuvres de l’école française, comme il le fut bientôt après aussi des grandes œuvres wagnériennes, avec un esprit d’éclectisme intelligent et généreux qui lui faisait admirer et aimer le beau dans ses manifestations les plus diverses. […] Une des plus grandes preuves de sa modestie, de son désintéressement artistique et de l’élévation de ses idées, nous est donné par ce fait que c’est lui qui, le premier en Europe, eut l’idée de faire appel aux chefs d’orchestre les plus célèbres de l’étranger, à Hans Richter, à Mottl, à Lévy, à Strauss, à Saint-Saëns, à Rimsky-Korsakoff ; et jamais il ne crut trouver ombrage à cette rivalité qu’il avait lui-même appelée. […]

1900

Le Ménestrel 25/3/1900, p. 94: — Le théâtre grand-ducal de Carlsruhe vient de jouer avec beaucoup de succès un divertissement inédit intitulé Pan au bosquet, scénario de M. Bierbaum, musique de M. Félix Mottl. Une valse charmante trahit les origines viennoises du compositeur.

Le Ménestrel 8/4/1900, p. 110: [Bruxelles] […] D’autre part, un programme exclusivement consacré à Wagner, avec Mme Mottl, plusieurs solistes du théâtre de Bayreuth et M. Mottl conduisant le tout, vous voyez d’ici le succès ! Les solistes, Mlle Friedlein, MM. Perron et Gruning, étaient cependant fort médiocres ; mais Mme Mottl a semblé l’âme même de la musique et M. Mottl son esprit... Si bien que la sublime et enthousiaste scène finale du 3e acte de Siegfried a soulevé des transports surhumains auxquels il eût été bien difficile de résister.

H. Barbedette, Ménestrel 25/11/1900, p. 373: Le dernier concert dirigé par M. Félix Mottl avait attiré une affluence considérable. Le programme était des plus attrayants. L’éloge de M. Mottl, comme chef d’orchestre, n’est plus à faire : tout le monde sait avec quelle sûreté, avec quelle autorité il conduit. — Au début, l’admirable ouverture d’Euryanthe, de Weber, dite avec un entrain merveilleux, puis trois lieder avec orchestre, qui ont été dits par Mme Henriette Mottl ; l’instrumentation de Marguerite au rouet (Schubert) est de Liszt, celle de la Sérénade (Schubert) et de la Berceuse (Mozart), de M. Mottl. Le talent de Mme Mottl s’est beaucoup développé depuis sa dernière audition à Paris, la voix est étendue, bien timbrée, admirablement juste, elle a dramatisé, d’une façon remarquable, la Marguerite au rouet, dit avec une douceur mélancolique la Sérénade du soir. — La Berceuse a été bissée ; mais je doute encore que cette œuvre soit bien de Mozart ; s’il en est ainsi, Mozart pâlissait devant Schubert. Harold en Italie, de Berlioz, n’avait pas été entendu à Paris depuis de longues années. C’est un poème descriptif en quatre parties. Harold assiste successivement à une scène de mélancolie, à une procession de Pèlerins, à une sérénade rustique, et à une orgie de brigands. Harold, c’est l’alto solo, M. Monteux, qui a vraiment bien du talent et qui a été justement applaudi. Quant à l’œuvre, elle est inégale ; l’introduction du premier tableau est superbe ; la marche des Pèlerins est de toute beauté ; la sérénade est agréable à entendre ; mais l’orgie de brigands n’est que bruyante. Somme toute, l’œuvre est intéressante et a été bien accueillie. — Les Préludes, 3e poème symphonique de Liszt, d’une orchestration un peu massive, sont d’un beau caractère. C’est peut-être le meilleur des 14 poèmes symphoniques du maître hongrois et celui qu’on joue le plus souvent. — Après une audition de la belle Marche en si mineur de Schubert, très bien orchestrée par le même Liszt, M. Mottl a terminé le concert par la Mort d’Yseult de Wagner. C’était une fin un peu lugubre pour cet intéressant concert ; — mais Mme Mottl meurt si gentiment !

1901

Le Ménestrel 16/6/1901, p. 191: — Le 37e festival de l’Association générale des musiciens allemands, qui vient d’avoir lieu à Heidelberg et dont nous avons déjà parlé, a été clôturé à Carlsruhe, où M. Félix Mottl avait invité ses confrères pour jouer à leur intention Béatrice et Bénédict, de Berlioz, et son propre ballet Pan au bosquet. Les musiciens allemands ont vivement applaudi l’œuvre de Berlioz, qui a eu un succès beaucoup plus grand que jadis, on 1862, lors de sa première représentation à Baden-Baden. Dans son ravissant ballet, Pan au bosquet, M. Mottl a rompu avec les usages modernes du ballet en attribuant le rôle d’Aphrodite à Mme Mottl, l’artiste bien connue. Le rôle ne comporte aucune danse ; il est seulement mimé. Mme Mottl a donc pu représenter la déesse de la beauté avec un succès considérable. Inutile d’ajouter que M. Mottl, qui conduisait en personne, a été fêté comme compositeur et comme chef d’orchestre.

Le Ménestrel 25/8/1901, p. 270: 

L’INAUGURATION DU THEATRE WAGNÉRIEN DE MUNICH

Munich, 22 août     

Le Théâtre du Prince-Régent, ainsi qu’on appelle officiellement le théâtre wagnérien de notre ville, ce théâtre que l’infortuné Louis II avait voulu construire selon les idées de son musicien favori et les plans du célèbre architecte Semper, s’élève finalement, après plus de trente ans d’attente, sur la hauteur-est de Munich, désignée dès le principe pour son emplacement. La nouvelle avenue du Prince-Régent, destinée à devenir la plus belle rue de Munich, sa via triumphalis, conduit du centre de la ville au théâtre ; les quelques terrains inoccupés, en bordure de cette avenue, seront bien vite couverts de constructions superbes ; l’inauguration du nouveau théâtre y contribuera pour beaucoup.
L’architecte, M. Max Littmann, auquel était dévolue la tâche de réaliser les idées de Wagner et de Semper, s’est montré à la hauteur de l’œuvre. Si le nouveau théâtre ne séduit pas précisément par sa façade, l’intérieur en est un vrai chef-d’œuvre. La salle, plus vaste que celle de Bayreuth, ne contient cependant qu’un millier de fauteuils disposés en forme d’amphithéâtre et fort commodes. Les loges, réservées surtout à la famille royale, ne comportent même pas autant de places que la fameuse « galerie des princes » de Bayreuth. La décoration de la salle est simple et sobre, l’éclairage doux, et pourtant presque aussi puissant que la lumière du jour, et l’acoustique ne laissant rien à désirer. De « l’abîme mystique », ainsi que Wagner a nommé la fosse de l’orchestre invisible, les voix des instruments montent avec une puissance et une fusion admirables. La scène est la plus vaste et la mieux outillée de tous les théâtres existants ; notre théâtre de la cour, salle et scène, pourrait y être placé tout entier sans la couvrir entièrement. M. Lautenschlaeger, le machiniste en chef, a de nouveau prouvé sa grande capacité ; cette scène est le digne couronnement de sa brillante carrière. […]

R. T.     

1902

A. Boutarel, Le Ménestrel 2/3/1902, p. 70-1: Concerts Colonne. — C’est M. Félix Mottl qui dirige, c’est Mme Henriette Mottl qui chante. Elle est charmante avec sa robe rose, son collier de perles et ses airs d’enfant ravi de se sentir applaudi par un auditoire sympathique. Elle a chanté une scène dramatique de Liszt, Jeanne d’Arc au bûcher. C’est plutôt romance dramatique qu’il faudrait dire, car la forme est bien celle des morceaux de caractère sentimental qui exprimaient en couplets, vers 1840, les peines et les amours des héros, des héroïnes, des reines et des troubadours. L’ouvrage de Liszt n’a pas une importance capitale dans son œuvre ; il est très sincèrement écrit, il a des élans qui vont doucement à l’âme, mais la forme est celle de l’époque ; ici Liszt n’est pas novateur. A remarquer aussi que les vers sont d’Alexandre Damas père, et n’en valent pas mieux pour cela. Mme Mottl était gentille à ravir en disant avec âme et conviction : Et pourtant j’ai sauvé la France ! On l’a beaucoup fêtée, surtout après la grande scène de Gunlœd, l’opéra inachevé de Peter Cornélius. La musique a de la chaleur, du style, de l’éclat ; malheureusement le fragment reste peu compréhensible, n’ayant pas été chanté en français. On a beau faire et beau dire, la première condition pour apprécier la musique c’est de comprendre les paroles. On n’écoute pas une scène d’opéra uniquement pour la beauté du son, comme on écoute un solo de violoncelle ou de clarinette. Voire même un solo de violon quand c’est M. Oliveira qui tient l’archet. Ce jeune artiste a exécuté d’une manière tout à fait remarquable le concerto n° 3 de Saint-Saëns, qui est d’une grande richesse et d’un grand charme au point de vue mélodique ; d’ailleurs admirablement écrit, ce qui n’a rien que de très naturel et de très attendu quand il s’agit du maître français dont l’habileté de facture ne laisse jamais rien à désirer. — M. Mottl a dirigé un « concerto » pour orchestre de Haendel ; c’est une œuvre puissante, mais qui conserve une certaine raideur. Nous sommes loin de l’aisance absolue, de la simplicité, de la grâce et de l’émotion qui se retrouvent dans les œuvres de Bach analogues à celles-ci. En somme, l’appellation « concerto » est impropre d’après notre terminologie moderne ; on devrait plutôt employer le mot « suite ». Le célèbre chef d’orchestre a rendu d’une façon vraiment supérieure l’ouverture d’Egmont, la Bourrée fantasque de Chabrier, et l’ouverture du Vaisseau fantôme. C’est un véritable artiste. Esprit très éclectique, très ouvert, il a contribué à répandre en Allemagne bien des œuvres françaises et a défendu vaillamment celles qui avaient besoin de l’être.

Le Ménestrel 30/3/1902, p. 102: — M. Félix Mottl, l’excellent capellmeister, vient, paraît-il, de tirer d’un des opéras les plus oubliés de Grétry, Céphale et Procris, les éléments d’une suite d’orchestre charmante qui fait en ce moment le tour des concerts allemands. Céphale et Procris, représenté à l’Opéra le 2 mai 1775, après avoir été joué d’abord à Versailles devant la cour, fut l’un des ouvrages les moins heureux de Grétry, car il n’obtint à son apparition que douze représentations. Il fut repris, il est vrai, deux ans après, le 23 mai 1777, et fut joué encore vingt-six fois, mais ensuite il n’en fut plus jamais question. Il avait cependant pour interprètes les meilleurs artistes de l’Opéra, c’est-à-dire L’Arrivée et Le Gros, Mlle Levasseur, Mme L’Arrivée et Mlle Beaumesnil.

Le Ménestrel 26/10/1902, p. 342: [Bruxelles] Le comité du monument Joseph Dupont s’est réuni pour arrêter la date et le programme du concert plusieurs fois annoncé et remis. Cette solennité aura lieu, décidément, au théâtre de la Monnaie, le dimanche 9 novembre, avec répétition générale le 8. La direction en sera confiée à Félix Mottl — qui, malgré l’obligation de conduire une première à Carlsruhe le 7, a tenu à rendre son hommage à Dupont, — et à Sylvain Dupuis. Notre grand pianiste Arthur De Greef accomplira, lui aussi, des prodiges pour remplir la promesse de collaborer à cette fête : jouant à Bristol le 6, il arrivera à Bruxelles le 7, et repartira le dimanche, après le concert, pour jouer à Manchester le 10. Qu’on dise après cela qu’il n’y a pas de dévouement et de confraternité chez la plupart des artistes ! Van Dyck, retenu à l’Opéra de Paris, Mme Mottl, qui chante pour la première fois Iphigénie à Carlsruhe le vendredi 7, n’ont pu donner suite à leur intention de s’associer à cette grande manifestation d’art. Mais Mme Litvinne, avec sa bonne grâce coutumière, s’est empressée de promettre son précieux concours.

Léon Schlesinger, Le Ménestrel 16/11/1902, p. 365: De notre correspondant de Belgique (12 novembre). — La reprise de Tristan et Isolde, à la Monnaie, a obtenu le succès que méritaient les soins apportés par la direction à remettre sur pied cette œuvre de si grande beauté et de si difficile digestion. Les deux interprètes principaux de la distribution d’il y a deux ans, Mme Litvinne et M. Dalmorès, sont restés les meilleurs de la distribution d’aujourd’hui. Tout l’ensemble de l’interprétation est d’ailleurs d’une intelligente compréhension, bien supérieur à ce qu’il fut il y a quelques années, lors des premières représentations, et l’éducation wagnérienne fait décidément de grands pas!
Un homme a, du reste, contribué beaucoup à obtenir ce résultat à Bruxelles : c’est M. Mottl, qui, à maintes reprises, y vint donner en quelque sorte la « note » juste, prêcher par son exemple, à la tête de nos orchestres, les bonnes traditions, imprimer à nos interprétations, parfois un peu timides, une impulsion plus vivante, et dégager l’esprit même de Wagner des hésitations et des brouillards. Aussi, le public bruxellois l’a-t-il vu avec reconnaissance revenir parmi nous, dimanche dernier, en une circonstance solennelle, pour prendre part à la séance que les Concerts populaires avaient organisée au profit du monument à élever à Joseph Dupont. La collaboration de M. Mottl a été significative ; elle marquait bien la sympathie qui lia à cet artiste de si grand talent cet autre artiste aimé et regretté, dont il s’agissait d’honorer la mémoire. Et elle a aidé largement au succès du concert, dont la direction se partageait fraternellement entre le célèbre Kapellmeister de Carlsruhe et le vaillant M. Dupuis. A ce succès n’a pas moins contribué le concours de Mme Litvinne, qui a chanté des lieder accompagnés au piano par M. Mottl, et celui de M. Arthur De Greef, le séduisant pianiste, qui, plus séduisant que jamais, a joué d’étourdissante façon le délicieux concerto de Grieg et un autre concerto, abracadabrant et plus connu, de Liszt. Il y avait malheureusement peu de monde. On n’en pouvait moins attendre de l’ingratitude du public.

1903

Le Ménestrel 17/5/1903, p. 157:
— Le comité des fêtes pour l’inauguration du monument de Richard Wagner à Berlin vient de recevoir de M. Hans Richter une lettre dans laquelle cet artiste déclare ne pas pouvoir s’associer au programme des dites fêtes. « On se propose d’organiser un concert historique et un congrès de l’histoire de la musique. Tous ceux qui ont eu le bonheur d’être en relations avec le maitre savent quelle mauvaise opinion il avait d’entreprises pareilles et avec quelle violence il les attaquait ou s’en moquait comme antiartistiques. On peut être d’un avis différent, mais on ne devrait pas cependant organiser de telles manifestations pour fêter Richard Wagner. Sa gloire ne repose ni sur l’histoire ni sur la science musicale. Elle est vivante au cœur de la nation. Pour cela, une fête en son honneur doit prendre un caractère éminemment populaire. On ne peut d’ailleurs réellement fêter le maître que par des représentations aussi correctes que possible de ses œuvres et de celles des maîtres qui sont ses égaux. »
— Après M. Hans Richter, le comité du monument de Richard Wagner a reçu un nouveau manifeste de la part de M. Félix Mottl qui décline l’honneur de conduire un des concerts et demande sa radiation de la liste des membres du comité. M. Mottl invoque les mêmes motifs que M. Richter et conclut ainsi : « L’amour, le respect et la reconnaissance pour nos grands hommes, sont trois choses qui doivent rester sacrées ! Ce sont ces trois sentiments que je veux durant toute ma vie conserver pour ce théâtre de Bayreuth, ce grand et inimitable monument que le maître s’est érigé lui-même pour notre félicité. » — Que de mal pour contenter Wagner et ses apôtres !

Le Ménestrel 5/7/1903, p. 214: M. Félix Mottl vient de signer un traité avec un imprésario américain pour une tournée de concerts en Amérique, du 15 octobre 1903 au 15 mai 1904. Il touchera une somme globale de 125.000 francs. L’entreprise devait durer cinq ans, mais le grand-duc de Bade n’a pas voulu donner à M. Mottl de congé pour les autres années. On ne sait pas encore qui remplacera M. Mottl à Carlsruhe pendant son absence.

Le Ménestrel 11/10/1903, p. 325: — M. Félix Mottl est sur le point de partir pour New-York. Il doit aujourd’hui même diriger pour la dernière fois les Maîtres Chanteurs au théâtre de Carlsruhe. Il était attaché depuis plus de vingt ans à ce théâtre, dont il éleva très haut le niveau artistique, s’appuyant pour cela très largement sur le répertoire français. On considère ce départ comme définitif. Mme Henriette Mottl fait partie du personnel du théâtre de Carlsruhe jusqu’au 1er janvier 1904.

Le Ménestrel 25/10/1903, p. 342-3: — M. Félix Mottl vient de faire ses adieux à Carlsruhe, après avoir dirigé dimanche dernier, dans l’église du Christ, un grand concert dans lequel il a fait exécuter uniquement des œuvres de Jean-Sébastien Bach. M. Mottl, qui s’embarque pour New-York, où il va présider aux représentations de Parsifal [inexact], quitte Carlsruhe après avoir dirigé le théâtre grand-ducal durant vingt-deux années, au cours desquelles il a conduit 313 représentations d’œuvres de Wagner ; savoir : Lohengrin, 55 ; Tannhäuser, 46 ; les Maîtres Chanteurs, 45 ; le Vaisseau fantôme, 43 ; la Valkyrie, 39 ; le Crépuscule des Dieux, 29 ; Siegfried, 23 ; l’Or du Rhin, 18 ; Tristan et Yseult, 15, et Rienzi, 5.

Le Ménestrel 8/11/1903, p. 358: — Dans la soirée du 3 novembre dernier, les journaux de Munich ont reçu la communication suivante :
    L’intendance de la musique de la Cour et l’intendance du théâtre de la Cour ont conclu un traité avec le directeur général de la musique Félix Mottl, aux termes duquel le célèbre chef d’orchestre est engagé définitivement à Munich. Cet arrangement a reçu, le 3 novembre, le très haut assentiment de son altesse royale le Prince régent. Par suite du contrat, le directeur général de la musique Mottl entrera en fonctions l’année prochaine et prendra part, comme premier chef d’orchestre, dès la saison d’été de 1904, aux représentations de fête en l’honneur de Richard Wagner, au théâtre du Prince Régent.
    M. Félix Mottl est né à Bas Saint-Veit, près de Vienne, le 29 août 1856. Il a écrit quelques œuvres dramatiques : Agnès Bernauer (Weimar 1880), Ramin, Prince et chanteur, opéras ; un intermède, Eberstein (Carlsruhe, 1881) ; un quatuor à cordes (1898) ; des Lieder, etc. ; mais c’est comme chef d’orchestre qu’il s’est acquis une réputation considérable, et si la place qu’il vient d’obtenir est pour lui un beau couronnement de carrière, l’approbation unanime qui accueille sa nomination constitue un témoignage spontané dont il a le droit de se montrer non moins fier que du choix si honorable dont il a été l’objet. M. Mottl est fort connu en France, où il a dirigé les orchestres Colonne et Lamoureux, notamment en 1894, 1897, 1898. Au mois de novembre 1893, il organisa au théâtre de Carlsruhe un « cycle dramatique Berlioz » et fit entendre en une semaine, Benvenuto Cellini, les Troyens à Carthage, la Prise de Troie et Béatrice et Bénédict. Ce fut une véritable « fête française ». Chacun sait quelle part l’éminent chef d’orchestre a prise depuis 1876 aux représentations wagnériennes de Bayreuth, mais son éclectisme et son esprit d’initiative l’ont préservé de tout exclusivisme ; il affirmait volontiers son admiration pour Léo Delibes pendant ses fréquentes visites à Paris, et cette admiration se traduisit par des actes. Lorsque mourut Herman Zumpe, le prince régent avait promis que sa succession serait donnée à un chef d’orchestre « de tout premier rang ». On voit qu’il a tenu parole... royalement.

1904

Le Ménestrel 10/1/1904, p. 14: — En partant pour l’Amérique il y a quelques mois, M. Félix Mottl avait affirmé sa résolution très arrêtée de rester entièrement étranger à toute participation, sous quelque forme que ce soit, aux études et aux représentations de Parsifal à New-York. Il attache un certain prix à ce que l’on sache bien que sa tâche au Théâtre métropolitain fut toujours strictement limitée à la direction d’autres ouvrages que celui dont Wagner avait voulu réserver le monopole à Bayreuth. Cela ressort d’ailleurs d’une correspondance privée qui remonte au 21 décembre, veille de la répétition générale de Parsifal. Il y est dit expressément que M. Félix Mottl s’est tenu à l’écart de toute répétition de Parsifal, même des moins importantes, et qu’il ne dirigera aucune représentation de l’œuvre pendant toute la durée de son séjour en Amérique. En présence d’affirmations aussi nettes, il ne semble pas possible de conserver le moindre doute, malgré l’opinion contraire qui avait pris une certaine consistance en Allemagne. Le sympathique chef d’orchestre doit quitter New-York vers la fin du mois d’avril prochain.

Léon Schlesinger, Le Ménestrel 22/5/1904, p. 166: [Bruxelles] La représentation extraordinaire de la Valkyrie, avec M. Mottl, M. Ernest Van Dyck, Mme Marcy et les artistes habituels de la Monnaie, a tenu toutes ses promesses. Elle a été très brillante et a obtenu un succès enthousiaste. Sous la direction du chef magicien, l’œuvre nous est apparue avec une intensité de vie et de coloris qu’elle n’avait jamais eue encore, si bien exécutée qu’elle eût été cependant, en temps ordinaire. Il eût été difficile de rêver une interprétation instrumentale et dramatique plus complète, plus chaleureuse, avec un orchestre transfiguré, vibrant et lumineux, avec un Siegmund comme M. Van Dyck, réalisant la pensée du rôle par les plus rares qualités de composition, d’accent et d’expression, et avec une Sieglinde comme Mme Paquot-d’Assy, qui a transporté d’admiration M. Mottl lui-même. Au deuxième et au troisième actes, l’intérêt de curiosité se reportait surtout sur Mme Marcy, notre concitoyenne, qui débuta il y a quelques années à la Monnaie dans les rôles de princesse d’opéra et qu’on a revue avec d’autant plus de plaisir que la timide jeune femme d’alors, l’imposante et touchante Valkyrie d’aujourd’hui, est devenue, sans avoir rien perdu du charme ancien de sa voix au timbre délicieux, une très réelle et très belle artiste. A côté d’elle enfin, M. Albers a été le superbe Wotan qu’il est toujours. Et les autres ont complété un ensemble d’une homogénéité et d’une tenue remarquables. Il y a eu, à la fin de chaque acte, d’innombrables rappels et des ovations auxquelles M. Mottl, traîné sur la scène, a été naturellement mêlé.
    Le lendemain, le triomphant capellmeister dirigeait le concert — extraordinaire aussi — organisé par la direction de la Monnaie, avec le concours de Mme Mottl. Programme contrastant avec la représentation de la veille par son calme, sa délicatesse, sa couleur uniformément tranquille et reposante : du Weber, du Schubert, du Beethoven (la symphonie pastorale) et, en fait de Wagner, les douceurs de la Siegfried-Idyll et des Poèmes ; programme manifestement composé pour encadrer, en s’harmonisant avec elle, la voix estompée et fuyante de Mme Mottl, mimant, plus encore qu’elle ne les a chantées, les jolies choses rêveuses si délicieusement accompagnées par son mari. Le succès fut tranquille et doux, comme tout le reste, et l’exécution instrumentale d’ailleurs absolument exquise.

Le Ménestrel 19/6/1904, p. 197: — A l’occasion des fêtes qui viennent d’avoir lieu à Weimar en l’honneur de Peter Cornélius, et que l’on a fait coïncider à dessein avec l’année 1904 qui marque le 80e anniversaire de la naissance du musicien-poète et le 30e de sa mort, ses deux opéras, le Barbier de Bagdad et le Cid, ont été représentés en conservant religieusement l’orchestration primitive. Or, Peter Cornélius, qui avait une tournure d’esprit très originale et une certaine érudition qui lui permettait d’écrire en latin des lettres à ses amis, ne possédait pas à fond les secrets de l’écriture musicale et orchestrait assez médiocrement. Liszt, qui avait pris, en 1858, l’initiative de faire entendre le Barbier de Bagdad à Weimar et qui ne recula devant rien pour assurer à l’œuvre le succès qu’elle méritait, n’avait pas été sans s’apercevoir des côtés faibles qui devaient au bout de peu de temps refroidir le public à son égard. Il arriva en effet bien vite que d’excellents chefs d’orchestre jugèrent des remaniements indispensables. M. Félix Mottl se résigna au bout d’un certain temps à retoucher l’instrumentation du Barbier de Bagdad, et Hermann Levi fit de même pour le Cid. C’est d’après les versions de ces artistes distingués que les théâtres allemands avaient pris l’habitude de représenter les deux ouvrages. A Weimar, on a jugé à propos d’en revenir à la partition d’origine. Etant données les circonstances, nul n’a songé à blâmer ce respect peut-être excessif ; mais on est loin de donner tort à M. Félix Mottl et à Hermann Levi. On trouve au contraire qu’ils ont rendu à Peter Cornélius un affectueux service (Liebesdienst), et on les a loués plutôt d’avoir accompli avec discrétion un travail que Liszt, si plein de tact en ces sortes de choses, avait jugé nécessaire.

Le Ménestrel 25/9/1904, p. 310: — Nous extrayons les lignes suivantes d’un article qui a été publié tout récemment dans le journal de Vienne Neuer Wiener Tageblatt, par M. Félix Mottl : « Il ne se produit guère, dans les questions musicales, de fâcheux malentendus, il ne surgit guère de confusions regrettables, dont la cause ne puisse être attribuée à l’emploi peu judicieux des mots « classique » et « moderne ». Ces deux mots sont toujours opposés l’un à l’autre sans discernement... Le mot « moderne » renferme, à ce qu’il me semble, quelque chose d’entièrement étranger à l’art. Un chapeau de dame, un costume, des frisures, des vues sur cartes postales, cent autres choses analogues peuvent être modernes, c’est-à-dire soumises aux caprices de la mode. Il va de soi que demain ou après-demain, une autre mode surviendra et pourra faire oublier la précédente. Je sais bien que souvent le mot « moderne » est employé et compris dans le sens de « progressif ». C’est une acception entièrement fausse. Quoique Bach avec ses harmonies d’une puissance inouïe, Mozart avec la sûreté prodigieuse de sa caractéristique musicale (Chérubin, le Commandeur), Beethoven, avec la profondeur infinie de son pouvoir dans le domaine de l’expression, enfin Wagner, mettant, en pleine connaissance de cause, la musique au service du drame, représentent, aujourd’hui par leurs œuvres, les véritables bases de l’évolution de l’art... il ne viendra pourtant à personne l’idée de donner — même en se reportant à l’époque — la qualification de « modernes » à leurs ouvrages. Haendel fut pendant un temps « moderne » à Londres ; la musique d’Antigone et d’Œdipe de Mendelssohn est le fruit de cette erreur qui consistait à vouloir moderniser Sophocle... Pendant que tant de parties des oratorios de Haendel sont encore magnifiquement vivantes, pendant que les ouvertures romantiques de Mendelssohn nous réjouissent encore pour longtemps, ce qui, dans Haendel (les opéras) et dans Mendelssohn, était « moderne », s’est flétri et s’est desséché comme une plante privée de racines... Le temps des coteries et de l’exclusivisme est passé... Nous devons avoir enfin appris à reconnaître que, dans notre grand art musical, si l’on consent à l’envisager sous un rapport élevé, il n’existe point de passé, il n’y a pas non plus d’avenir ; il reste seulement le présent beau et noble, le présent dans lequel tout ce qui est grand, vrai, éternellement vivant s’unit comme dans une pacifique étreinte... »

1905

Le Ménestrel 6/8/1905, p. 253: — C’est demain, 7 août, que commenceront à Munich, pour se prolonger jusqu’au 21 septembre, les représentations de fête en l’honneur de Mozart et de Wagner. […] M. Félix Mottl dirigera les opéras de Mozart, deux séries des Nibelungen (du 9 au 13 août et du 5 au 9 septembre), trois fois Tristan et Isolde (16, 28 août et 2 septembre) et deux fois le Vaisseau fantôme (15 et 30 août).

Le Ménestrel 1/10/1905, p. 317: — Le prince-régent de Bavière vient de faire remettre à M. Félix Mottl la croix de troisième classe de l’ordre de Saint-Michel, pour le mérite.

1906

Le Ménestrel 8/4/1906, p. 110: — On sait que M. Félix Mottl prépare en ce moment à Munich d’abord le festival Mozart, qu’il dirigera au théâtre de la Résidence les 2, 6, 8, 10, 12 et 14 août, ensuite le festival Wagner, qu’il dirigera au Théâtre du Prince-Régent, et qui ne comprendra pas moins de seize représentations, du 13 août au 7 septembre. On écrit de Munich à ce sujet à un de nos confrères : « L’année sera dure pour M. Mottl : Directeur de la musique et chef d’orchestre à l’Opéra et à la Résidence, il est encore directeur de l’Académie de musique, où il dirige cet hiver dix concerts ; il active en ce moment sa série de six concerts à la Philharmonique de Vienne ; il a dirigé l’été dernier le festival Mozart à Salzbourg, conduit Tristan à Bayreuth, les deux cycles et les Maîtres Chanteurs au Prince-Régent et le festival Mozart à la Résidence. Et presque chaque soir il conduit à Munich. C’est ainsi que dimanche dernier il dirigeait à l’Opéra une œuvre nouvelle, les Quatre Lourdauds, opéra bouffe inspiré par une pièce de Goldoni, mise en musique par M. Wolf Ferrari ; le lendemain Cosi fan tutte à la Résidence ; le surlendemain Aida à l’Opéra. M. Mottl va tâcher de trouver cinq jours de répit en août ou en mai pour venir à Bruxelles diriger, si tout s’arrange, deux représentations extraordinaires à la Monnaie. — Cela me fera, disait-il, deux jours de repos... en chemin de fer. »

Le Ménestrel 5/8/1906, p. 242: — Les fêtes en l’honneur de Mozart ont commencé jeudi dernier au Théâtre de la Résidence, à Munich. Nous rappelons que les dates des représentations ont été arrêtées ainsi qu’il suit : Don Juan, 2 et 8 août, les Noces de Figaro, 4 et 10 août, Cosi fan tutte, 6 et 12 août. C’est M. Félix Mottl qui dirige l’orchestre pour ce Cycle-Mozart.

1907

Le Ménestrel 18/5/1907, p. 158: [Bruxelles] […] Après la clôture ordinaire, nous avons eu les représentations — en allemand, nous aussi ! — dont je vous avais parlé : Tristan et Isolde, dirigé par M. Mottl avec quelques-uns des principaux artistes de Bayreuth, Dresde et Berlin. Ces deux représentations ont eu un succès considérable. La meilleure part en revient à M. Mottl et à l’orchestre, qui, sous la direction de l’illustre kapellmeister, a été superbe. Peut-être vous rappelez-vous qu’il y a dix ans, déjà, M. Mottl était venu diriger à Bruxelles deux représentations de Tristan, dans des conditions à peu près identiques, et qui furent fort belles. […] Entre les deux représentations, M. Mottl a dirigé un concert symphonique dont le programme, composé de la huitième symphonie de Beethoven et de fragments de Parsifal, a été exécuté merveilleusement.
MM. Kufferath et Guidé ont profité du séjour de M. Mottl à Bruxelles pour lui demander — et obtenir de lui — qu’il vînt préparer et diriger, en 1913 (on ne saurait s’y prendre trop tôt!) les premières représentations en français de Parsifal. L’accord est, dès à présent, formel, et si le Ciel n’y met pas obstacle, cela va sans dire, le projet se réalisera. […]

Le Ménestrel 1/6/1907, p. 174-5: […] L’intendant général, baron de Speidel, était accusé d’avoir abaissé le niveau des spectacles en confiant des rôles importants à des actrices d’un talent inférieur, simplement parce qu’elles étaient dans ses bonnes grâces ; le directeur général de la musique, M. Félix Mottl, et sa femme étaient incriminés comme ayant transgressé les règlements en donnant des leçons rétribuées à des artistes des théâtres de la Cour ; on reprochait au régisseur principal, M. Albert Heine, des façons grossières et beaucoup d’arbitraire dans ses décisions, etc., etc. Dès l’apparition des articles qui les attaquaient dans leur honorabilité, MM. de Speidel, Félix Mottl et Albert Heine demandèrent la constitution d’un conseil de discipline auquel serait confié la tâche d’examiner leur conduite et de se prononcer après enquête. […] — Pendant le cours des débats, on avait craint que M. Félix Mottl ne donnât sa démission de directeur général de la musique. Le bruit courut même que des propositions lui avaient été faites pour aller à New-York en remplacement de M. Conried. Mais le brillant chef d’orchestre sort plutôt grandi de l’épreuve. La première fois qu’il parut à la tête de l’orchestre au théâtre de la Cour, après le procès, le public tout entier se leva comme un seul homme et une acclamation formidable retentit de toutes parts mêlant aux cris de « vive Mottl ! » cette phrase constamment répétée : « Ne partez pas ! » Après une assez longue attente, M. Mottl put enfin commencer la représentation du Vaisseau fantôme, mais, à la fin du dernier acte, la tempête d’applaudissements s’éleva de nouveau, plus violente encore que la première fois et le même cri, la même prière, se distinguait toujours dans le bruit : « Ne partez pas ! ne partez pas ! » L’artiste, très ému, se laissa entraîner par ses amis, et, se tournant vers l’assistance qui devint un instant silencieuse, il dit : « Oui, je resterai parmi vous. » Les dames agitèrent leurs mouchoirs et les bravos reprirent pendant que la salle se vidait peu à peu. […]

Le Ménestrel 8/6/1907, p. 182: Depuis que M. Gustave Mahler a donné sa démission de directeur de l’Opéra de Vienne, le choix de son successeur est devenu une question passionnante pour les cercles artistiques et les dilettantes viennois. Parmi les candidatures éventuelles que l’on s’est plu à discuter sans que la plupart aient même été posées, on peut citer celles de M. Schalk, chef d’orchestre de l’Opéra de Vienne, de M. Félix Weingartner, aussitôt désavouée, de M. Carl Muck, revenu depuis peu d’Amérique mais désireux d’y retourner pour diriger de nouveau, pendant la saison prochaine, les concerts symphoniques de Boston, de M. Raoul Mader, de l’Opéra de Budapest, etc. Mais actuellement toutes les probabilités sont eu faveur de M. Félix Mottl. On sait quelles ovations ont salué cet excellent artiste lorsqu’il a reparu au pupitre de 1’Opéra de Munich après le retentissant procès dont nous avons rendu compte samedi dernier : chacun put croire alors qu’il oublierait les ennuis de ce long procès et ne songerait point à quitter Munich et à continuer ailleurs son active carrière. Il est avéré aujourd’hui que des négociations sont pendantes entre le prince de Montenuovo, intendant supérieur des théâtres de la Cour, à Vienne, et M. Félix Mottl. On croit que ces négociations, tenues d’abord secrètes sont sur le point d’aboutir. M. Mottl, il est vrai, avait contracté un engagement à vie avec l’intendance des théâtres de Munich, s’étant réservé seulement le droit de reprendre sa liberté d’action à partir de l’année 1910, mais, le 1er juin dernier, il a présenté une requête à M. de Speidel, demandant à être autorisé à remettre sa démission. On comprend que, dans ces conditions, et étant données les circonstances que peut faire valoir M. Mottl pour désirer quitter Munich, il sera difficile de ne pas le laisser partir. On a conservé toutefois, jusqu’à ces derniers jours, un très faible espoir que les démarches pressantes qui ont été tentées pour retenir l’éminent chef d’orchestre pourraient finalement réussir.

Le Ménestrel 15/6/1907, p. 188: — Par une lettre autographe, datée du 7 juin, le Prince-Régent de Bavière a refusé d’autoriser M. Félix Mottl à présenter sa démission de directeur général de la musique à Munich. La lettre, adressée à l’intendant général, M. de Speidel, renferme le passage suivant : « Je sais être d’accord avec toute la population aimant les arts de ce pays, si, pour reconnaître de la façon la plus chaleureuse et la plus remplie de gratitude les services artistiques de notre directeur général de la musique, je refuse de recevoir la démission qui m’est offerte. Je vous prie de porter ma décision à la connaissance de M. Mottl, et en même temps de l’informer que je suis prêt à tenir compte des vœux qu’il pourra formuler au sujet de la situation qu’il occupe ici, et que d’autre part, je ne doute point, qu’ayant égard à ma détermination, il ne s’empresse de renoncer à renouveler sa demande d’être autorisé à présenter sa démission. » Le résultat de cette lettre ne pouvait guère être douteux. M. Félix Mottl paraît s’être laissé fléchir sans autre résistance. M. de Speidel est allé à Budapest pour conférer de cette affaire avec le prince de Montenuovo, intendant supérieur des Théàtres de Vienne, et lui demander de renoncer à se prévaloir des négociations entamées précédemment, ce qui a été obtenu sans difficultés. De retour à Munich, M. de Speidel a conféré longuement avec M. Félix Mottl et il paraît certain maintenant que Munich ne perdra pas son directeur général de la musique. Alors, qui sera nommé directeur de l’Opéra Impérial de Vienne ?

Le Ménestrel 15/6/1907, p. 190: (Festival d’Alsace-Lorraine) […] Cette sobriété dans la direction, toute reposante et toute confiante pour le public, nous l’avons admirée à nouveau chez Edouard Colonne et chez Félix Mottl. C’était un pur régal de jouir d’œuvres de puissant caractère, aussi calmement et aussi sûrement et clairement analysées par les maîtres Colonne et Mottl. Aussi le succès de M. Colonne, ainsi que celui de M. Mottl, ont-ils été retentissants à ce festival, où Fritz Steinbach, qui est, lui aussi, un grand maître dans l’art de diriger, n’a, malgré la rectitude de ses analyses, su que convaincre à un degré moindre. […] Plusieurs autres rappels ont également marqué la dernière soirée du festival. Ils visaient d’abord Félix Mottl, puis Ernest Münch, le très artistique collaborateur de ces festivités musicales — qui nous ont valu, entre autres, une audition modèle de la Damnation de Faust, conduite par Colonne — ainsi que M. Görter, chef d’orchestre du théâtre municipal, qui, avec M. Münch, avait tenu les répétitions. […]

Le Ménestrel 22/6/1907, p. 198: — Le Prince-Régent de Bavière a reçu en audience le 15 juin M. Félix Mottl et lui a remis personnellement les insignes de l’ordre du mérite de Saint-Michel, 2e classe avec étoile. L’incident Mottl a ainsi reçu sa solution. Ces derniers mots font partie de la relation officielle. Il est donc bien décidé que M. Mottl gardera ses fonctions. La distinction dont il vient d’être l’objet lui a été accordée sans doute en reconnaissance pour ses services artistiques passés, mais le moment choisi lui donne une tout autre signification. C’est bien plus encore un témoignage de gratitude immédiat pour le fonctionnaire qui vient de renoncer à la haute situation qui lui était offerte. Il semble avoir été entendu d’ailleurs que les attributions de M. Mottl seront étendues et qu’il trouvera, en restant à Munich, un poste équivalent comme influence à celui qu’il aurait occupé en prenant la succession de M. Mahler à Vienne. Il serait directeur de l’opéra dans les trois théâtres de la Cour, de la Résidence et du Prince-Régent. Quant au remplacement de M. Mahler à Vienne, on pense en ce moment qu’il n’y sera point procédé avant quelques mois. Le répertoire de l’Opéra est assuré pour août et septembre, et M. Mahler a déclaré qu’il conserverait ses fonctions jusqu’à la nomination de son successeur.

Le Ménestrel 6/7/1907, p. 214: De Munich : par décret du 27 juin 1907, le Prince-Régent vient de conférer à M. Félix Mottl le titre de directeur royal de l’Opéra de la Cour, avec rang de conseiller privé de la Cour. M. Mottl, qui n’était jusqu’à présent que directeur général de musique, restera hiérarchiquement subordonné à l’intendant général des théâtres de la Cour, mais il aura la direction artistique exclusive de l’Opéra de la Cour. En rompant ses pourparlers pour le poste de directeur de l’Opéra de la Cour de Vienne, M. Mottl avait déclaré qu’il ne consentirait à rester à Munich qu’à la condition qu’il eût les mains plus libres. Le Prince-Régent a compris son désir et lui a donné une indépendance pour ainsi dire absolue.

Raymond Bouyer, Le Ménestrel 28/12/1907, p. 412

1908

Le Ménestrel 11/1/1908, p. 13:Don Quichotte, l’ingénieux gentilhomme de la Manche, tel est le titre d’une « tragi-comédie musicale en trois actes, d’après Michel de Cervantes Saavedra », paroles de M. Georges Fuchs, musique de M. Antoine Beer-Walbrunn, qui a été représentée pour la première fois, le 1er janvier dernier, au théâtre de la Cour, à Munich. La soirée a été très brillante et les applaudissements du public ont été de plus on plus nourris d’acte en acte. M. Félix Mottl, « qui sait donner vie et couleur à tout ce qu’il touche », a mis en relief avec éclat toutes les qualités de l’ouvrage et en a assuré le succès. […]

Raymond Bouyer, Le Ménestrel 7/3/1908, p. 76: — Concerts-Lamoureux. — Festival Wagner-Mottl, du jeudi soir 27 février, — Au rebours des premiers festivals du jeudi soir qui, faute d’auditeurs, cessèrent promptement, cette séance avait attiré toutes les élégances du Tout-Paris mélomane. Sous un déluge, une noire mêlée dans la rue boueuse où les autos aveuglants interceptent les tramways en panne ; et, dans la blanche bonbonnière Gaveau, les décolletés les plus emperlés parfument les habits noirs à revers de soie : on est venu moins pour Wagner que pour Mottl, que dis-je ? pour Wagner dirigé par Mottl... En effet, ce fut très beau. Sans préalables répétitions, après une simple lecture ininterrompue des sept numéros wagnériens du programme, on était d’accord, le général était sûr de ses nouvelles troupes ; et quel superbe orchestre aussitôt qu’il retrouve un chef ! L’absence péniblement prolongée de l’excellent musicien Camille Chevillard nous a valu, cet hiver, « une exposition internationale universelle » de Kapellmeister de toute provenance et d’inégale autorité. Jeudi soir, le geste autoritaire et toujours noblement animé de l’Allemand Félix Mottl a galvanisé soudain cette admirable armée sonore en nous faisant revivre, pendant deux trop brèves heures de belle fièvre, les plus beaux instants français des Camille Chevillard et des Charles Lamoureux : ne serait-ce pas son meilleur éloge? Ouvertures et préludes ont défilé, rajeunis, comme si nous venions de les découvrir : cela, c’est le privilège de la beauté. De la vibrante ouverture du Vaisseau-Fantôme au prélude austère de Parsifal, de 1842 à 1882, quarante ans d’évolution despotique et de génie ! Le pur prélude de Lohengrin, entre tous, fut un moment souverain, dont le lent crescendo, lentement déroulé, nous versa la splendeur du ciel... Au milieu de cette carrière orchestrale, qui fut elle-même un crescendo sans pareil, se placent les quatre poèmes vocaux que Richard Wagner appelait des « esquisses pour Tristan » : le premier, Der Engel, présage la mort d’Isolde ; le second, Im Triebhaus, est bâti sur les thèmes du douloureux prélude du troisième acte, avec les tierces espacées comme la solitude et que le prélude webérien du troisième acte d’Euryanthe avait entrevues ; le troisième, Schmerzen, a l’accent héroïque de l’entrée de Tristan, parente du thème de l’Epée (ces trois poèmes orchestrés par Mottl) ; le quatrième, Traume, orchestré par Wagner en personne, est connu : voici, déjà, les intervalles de l’hymne à la Nuit, avec leur « physionomie » d’extase morbide... Précédés de la dramatique ballade de Senta, ces quatre poèmes furent bien dits par Mme F. Kaschowska, qui termina la séance en chantant la mort d’Isolde avec plus de conviction que de voix. Wagner avait raison d’écrire : « On ne refait pas Tristan et Isolde. » En revivant cette musique furieuse et pâmée, on sent ce qui manque aux plus parnassiens de ses imitateurs : l’amour de Mathilde Wesendonck, la solitude angoissée des nuits de Venise et, d’abord, le génie.

Le Ménestrel 16/5/1908, p. 158: — A l’occasion de la quarante-quatrième réunion de l’Association générale des musiciens allemands, qui aura lieu cette année à Munich, au commencement de juin, des représentations de fête seront données au théâtre du Prince-Régent. On jouera le 1er, le 3 et le 5 juin : Moloch de M. Max Schillings, Ilsebill de M. Frédéric Klose, et les Troyens de Berlioz. Cette dernière œuvre sera donnée telle que l’écrivit Berlioz, c’est-à-dire que l’on entendra, en une seule soirée, la Prise de Troie, divisée en deux actes, dont le premier doit durer cinquante-deux minutes et le second vingt-deux, et les Troyens à Carthage, répartis en trois actes, avec des durées respectives de quarante, quarante-sept et quarante-cinq minutes. L’ensemble formera donc un total de deux cent six minutes et devra durer, sans les entr’actes, trois heures et vingt-six minutes. C’est M. Félix Mottl qui dirigera les représentations. […]

Le Ménestrel 13/6/1908, p. 189: — De Munich : Les fêtes du congrès des musiciens viennent de prendre fin avec une superbe représentation des Troyens d’Hector Berlioz, qui a eu lieu au Prinz-Regententheater, sous la direction de M. Félix Mottl, et qui n’a pas duré moins de sept heures. L’interprétation, avec Mlle Matzenauer en Cassandre, Mlle Fassbender en Didon, MM. Bender, Lohofing, Brodersen, Buysson, etc., a été de tout premier ordre. Les chœurs, puissants et bien stylés, ont également eu leur part d’applaudissements. Quant à M. Mottl, et à son orchestre, la salle, bondée jusqu’à la dernière place, lui a fait des ovations enthousiastes.

Le Ménestrel 22/8/1908, p. 270: — Voici les programmes des concerts que donnera en 1908-1909 l’Académie musicale de Munich, sous la direction do M. Félix Mottl : 13 novembre : Concerto brandebourgeois de Bach ; Sheherazade, de Rimsky-Korsakow ; Symphonie on ut mineur, de Beethoven ; 27 novembre : Ouverture d’Anacréon, de Cherubini ; Husitska, de Dvorak ; Symphonie no. 6, de Bruckner ; 11 décembre, séance consacrée à Berlioz : Ouverture du Corsaire ; Cléopâtre, cantate ; Marche funèbre pour la dernière scène d’Hamlet ; Symphonie funèbre et triomphale ; 25 décembre : Ouverture, de Boehe ; Chants de la cloche, de Schillings ; Symphonie héroïque, de Beethoven ; 8 janvier : Symphonie de Haydn ; Prélude à l’après-midi d’un faune, de Debussy ; l’Apprenti sorcier, de Dukas ; Symphonie no. 2, de Beethoven ; 26 février : Symphonie en la de Mendelssohn ; Concerto pour piano, de Delius ; Épisodes du Faust de Lenau, de Liszt ; 10 mars : Symphonie on si bémol, de Mozart ; Ouverture tragique, de Brahms ; Souvenirs d’Italie, de Richard Strauss ; 20 mars : Concerto pour instruments à cordes, de Haendel ; Variations sur un thème jovial, de Max Reger ; Symphonie no. 8, de Beethoven. Deux auditions supplémentaires auront lieu le jour de la Toussaint [1er novembre] et le dimanche des Rameaux [4 avril 1909]. Les deux ouvrages exécutés seront la Damnation de Faust, de Berlioz, et les Saisons, de Haydn.

Le Ménestrel 12/9/1908, p. 294: — L’intendance générale des théâtres royaux de Munich vient de faire connaître les ouvrages qui seront donnés comme nouveautés, ou repris dans le cours de la saison 1908-1909. A l’Opéra, voici quel est le programme actuellement arrêté : Au commencement d’octobre viendra Pelléas et Mélisande, de M. Debussy, et, à la fin, Die Widerspenstige de M. Goetz. Vers décembre on donnera Sonnenwendglut, de M. Schilling-Ziemssen, Donna Diana, de M. Reznicek, et Orphée, de Gluck. Après le 1er janvier paraîtront en scène Brambilla, de M. W. Braunfels, Elektra, de M. Richard Strauss, Iphigénie en Tauride, de Gluck. En dehors de ces œuvres, on montera, selon les besoins, les opéras suivants : Béatrice et Bénédict, la Prise de Troie et les Troyens, de Berlioz, Djamileh, de Bizet, Elisabeth, de Liszt, Bonsoir, Monsieur Pantalon, de Grisar, la Fiancée vendue, de Smetana, le Templier et la Juive, de Marschner, Ilsebill, de Klose, le Barbier de Bagdad, de Peter Cornelius, Don Quichotte, de M. Beer-Walbrunn, Titus et la Flûte enchantée, de Mozart, le Barbier de Séville, de Rossini, l’Elisir d’amore, de Donizetti, Moloch, de M. Max Schillings, Lischen et Fritzchen, d’Offenbach, etc.

Le Ménestrel 3/10/1908, p. 317:  
— A l’occasion des fêtes annuelles qui ont lieu à Munich au retour de la saison d’octobre, une représentation du Barbier de Séville de Rossini a été donnée dimanche dernier en gala au Théâtre-National de la Cour et a soulevé un indescriptible enthousiasme. La salle était remplie jusqu’aux combles par un public un peu spécial, venu des alentours uniquement pour se réjouir, et plus prompt que tout autre à vibrer au contact d’une œuvre bien vivante interprétée par des artistes de premier ordre. M. Mottl, très habile, comme on le sait, à faire manœuvrer en scène les personnages, a dirigé admirablement l’ensemble. […]
— L’association des professeurs de chant de Munich se prépare à donner de grandes auditions d’œuvres chorales. Afin de se mettre en haleine, elle prépare pour le 21 décembre prochain une soirée Richard Strauss dans laquelle de nombreux chœurs écrits à un nombre inusité de parties seront exécutés sous la conduite du compositeur. Viendra ensuite, le 18 mars 1909, à l’occasion du quarantième anniversaire de la mort de Berlioz (il mourut le 8 mars 1869), la Messe des morts du maître français. On donnera aussi la Damnation de Faust, le Requiem pour chœur d’hommes de Liszt et la Missa solemnis de Beethoven. Les Saisons de Haydn ont été réservées pour le jour des Rameaux.

1909

Le Ménestrel 9/1/1909, p. 13: — La question des coupures est à l’ordre du jour en Allemagne. A l’occasion de celles que M. Félix Weingartner a introduites dans les œuvres de Wagner dirigées par lui à l’Opéra de Vienne, le journal Die Zeit a demandé à un certain nombre de compositeurs ou chefs d’orchestre connus de vouloir bien formuler leur opinion à ce sujet. Les réponses ont été fort nombreuses ; nous les résumerons en quelques lignes. Se sont prononcés nettement contre les coupures : MM. Hans Richter, Conrad Ansorge, Engelbert Humperdinck, Wilhelm Kienzl et Félix Mottl. Ce dernier a justifié ainsi sa manière de voir : « La question de savoir si les œuvres de Wagner doivent être l’objet de coupures ou bien représentées dans leur intégralité me paraît un pur enfantillage. Je n’ai jamais entendu dire que l’on ait eu la pensée de couper, par exemple, la barbe au Moïse de Michel-Ange ; je tiens cette conception pour un vandalisme artistique ; mais ce vandalisme peut être excusé dans les petits théâtres et en général dans tous ceux où manquent les moyens matériels pour des exécutions complètes. Je regrette infiniment que le directeur de l’Opéra de Vienne, que j’apprécie plus que je ne saurais dire, comme artiste, comme homme et comme ami, ait mis en pratique, dans l’exercice de ses fonctions, une aussi malencontreuse idée. » […]

Le Ménestrel 13/3/1909, p. 86: — Deux festivals d’orchestre sous la direction de Félix Mottl, le célèbre chef d’orchestre allemand, sont annoncés à la salle Gaveau pour les 17 et 20 mars, à neuf heures du soir. Le premier concert sera consacré à Wagner, dont Félix Mottl est le grand interprète. Pour le second concert, Mlle Borgo, de l’Opéra, a été engagée pour chanter l’air d’Alceste et le finale du 3e acte du Crépuscule des dieux.

Le Ménestrel 24/7/1909, p. 238: — M. Félix Mottl vient de diriger pour la première fois un opéra à Berlin : Tristan et Isolde. A ce propos, un journal berlinois publie une profession de foi musicale, peu ou pas connue, que M. Félix Mottl a adressée il y a quelques années à un biographe de Johann Strauss, et dans laquelle il se déclare l’adversaire résolu de certaines extravagances de compositeurs modernes. « Personnellement, y dit-il, j’ai porté dans mon cœur, depuis ma plus tendre jeunesse, une profonde et ardente vénération pour Johann Strauss. Viennois moi-même, sa langue musicale est ma langue maternelle : je trouve son rythme délicieux, sa mélodie ravissante. Je préfère mille fois une seule valse de Strauss aux œuvres ultra-savantes de nos « modernes classiques », parce que pour moi la musique est un art qui doit parler à mon sentiment et qui n’a rien à voir avec la raison, le calcul et les mathématiques. Une inspiration musicale ne peut jamais être remplacée par une subtilité de contrepoint, si habile qu’elle soit, et si Strauss a encore des inspirations, en notre période musicale si pauvre en inspirations depuis la mort de Richard Wagner, cela prouve qu’il est un maître qui a été touché par le coup d’aile du génie. »

Le Ménestrel 14/8/1909, p. 261: — Dans l’Illustrierte Zeitung de Leipzig, M. Arthur Smolian rapporte quelques propos surpris par lui pendant ses rencontres soit avec les wagnériens, soit avec leurs adversaires. Il raconte qu’après les premières années qui suivirent la mort de Wagner, quelques cercles de Bayreuth s’avisèrent de critiquer, comme « trop israélites », les interprétations que donnait de Parsifal l’excellent chef d’orchestre Hermann Levi. C’était pourtant à ce dernier que Wagner avait confié la direction de son œuvre à l’origine, en 1882, et il s’était remarquablement acquitté de cette tâche plusieurs années de suite. Quoi qu’il en soit, au cours des fêtes de 1889, M. Félix Mottl, ayant eu à diriger l’œuvre, se conforma au goût de Mme Cosima Wagner et prit des mouvements « extrêmement larges ». Pendant l’entr’acte d’une répétition, MM. Smolian et Hermann Levi se promenaient devant le péristyle du théâtre lorsque M. Mottl passa près d’eux : « Comme c’est beau ce que tu as fait, mon cher Félix ! » dit Levi en manière de salut. « Je ne fais pourtant rien que toi-même n’aies fait avant moi », répondit M. Mottl. Là-dessus, Levi conclut avec quelque ironie : « Bon, bon ! Nous connaissons cela. Tu rends pourtant toute cette musique d’une façon beaucoup plus chrétienne que moi. » […]

Le Ménestrel 28/8/1909, p. 277-8: — M. Félix Mottl et les Walkyries. — A l’une des plus récentes représentations de la Walkyrie de Wagner au théâtre du Prince-Régent de Munich, un peu avant que le rideau de scène s’ouvrit sur le troisième acte, les actrices chargées de représenter les filles de l’air s’étaient rassemblées au complet attendant le moment de commencer leurs cris et leurs évolutions. Tout à coup, l’un des hommes chargés du service intérieur du théâtre accourut auprès des jeunes femmes et glissa dans la main de chacune d’elles un joli billet sous coquette enveloppe ; c’était une communication de la part de M. Félix Mottl. Sur chaque lettre on lisait :
    Chères Walkyries !
    Songez, vous toutes, que Zeppelin est dans nos murs, là, dehors à deux pas de nous ! Je lui ai dit que son appareil le plus perfectioiné ne semble plus qu’une caisse pesante et lourde si l’on compare ses mouvements dans l’air à la merveilleuse vélocité des vôtres, et que vos chevauchées à travers l’espace et le bel éclat de vos voix produisent un spectacle d’harmonie complète qu’il ne saurait réaliser avec son véhicule aérien. Je lui ai assuré, en outre, que vous articulez très clairement et que vous ne manquez jamais d’arriver à l’heure ponctuelle aux endroits où l’on vous attend. Zeppelin va vous voir et vous entendre, ne me faites pas mentir, je vous prie.
    Avec un cordial Hojotohoh,
    Votre père,
        FÉLIX MOTTL.
L’arrivée de l’aéronaute Zeppelin n’était réellement qu’une invention de M. Félix Mottl qui s’était avisé, par cette plaisanterie, de stimuler le zèle de ses Walkyries. Le résultat fut excellent, dit-on ; les jolies amazones germaniques firent vibrer avec un éclat plein de fraîcheur leur brillant Hojotohoh, voulant par là, elles, reines de l’air, saluer tout spécialement le nouveau dominateur qui s’est rendu maître de leur élément favori.

1910

Le Ménestrel 26/3/1910, p. 102: — Dimanche dernier, jour des Rameaux, l’Académie musicale de Munich a donné, sous la direction de M. Félix Mottl, une superbe audition de l’oratorio de Liszt, Christus. Cette belle œuvre fut écrite à différentes époques, en 1856, 1863, 1865 et 1866. […]

Le Ménestrel 23/7/1910, p. 237: — Sous les auspices de la Société française des Amis de la musique, un festival de musique française en trois grandes journées sera donné du 18 au 20 septembre prochain, à l’exposition de Munich. MM. Saint-Saëns, Gabriel Fauré, Charles-Marie Widor et Paul Dukas y assisteront et conduiront leurs œuvres. Le samedi 17 septembre, réception par la municipalité des hôtes français ; le soir, représentation de gala au théâtre du Prince-Régent : Béatrice et Bénédict de Berlioz, sous la direction de M. Félix Mottl. […] Mercredi-soir 21, on donnera en représentation de gala au théâtre du Prince-Régent Benvenuto Cellini de Berlioz, sous la direction de M. Félix Mottl ; jeudi 22, excursion au lac de Starnberg ; le soir, représentation d’un opéra de Wagner. En suite de la difficulté de faire chanter les choristes allemands en langue française, ce programme subira vraisemblablement quelques modifications.

Le Ménestrel 20/8/1910, p. 270: — Les journaux allemands annoncent le divorce de M. Félix Mottl et de sa femme, née Henriette Standthartner.

Le Ménestrel 24/9/1910, p. 309: — Le prince-régent de Bavière vient de signer les arrêtés conférant des distinctions à un certain nombre d’artistes, à l’occasion des fêtes musicales de Munich. M. Félix Mottl a reçu le titre de conseiller privé, Mme Zdenka Fassbender celui de chanteuse de la chambre royale. […]

A. Boutarel, Le Ménéstrel 5/11/1910, p. 357: […] Comme toute œuvre musicale d’un charme archaïque et d’une ingéniosité démodée, les symphonies de Haydn ont impérieusement besoin d’une interprétation non seulement irréprochable comme ensemble, ce qui a été obtenu dimanche dernier, mais encore d’une ténuité, d’une finesse extrêmes, ce qui a paru manquer. C’est en se faisant discret, petit même, que l’orchestre moderne parvient, dans de pareils ouvrages, à donner l’impression de transparence et de limpidité sans laquelle nous ne pouvons plus les apprécier. Ce qui était naturel avec les instrumentistes et la façon de jouer d’autrefois doit être créé artificiellement aujourd’hui. C’est grâce à ce talent de reconstitution spécial que M. Mottl doit le succès de ses interprétations d’œuvres de Mozart et que M. Nikisch a fait triompher à Paris même la symphonie en sol, no. 13, de Haydn ; c’était le 24 mai 1901, au Cirque d’hiver. Si l’on veut faire entendre des symphonies antérieures à celles de Beethoven sans leur nuire, il faut obtenir une beauté de son et des coloris très variés dans une atténuation extrême de la force d’émission. […]

1911

Le Ménéstrel 10/6/1911, p. 181: Les directeurs de l’Opéra ont reçu une dépêche de M. Mottl leur annonçant qu’une indisposition grave le mettait dans l’impossibilité de venir diriger la Tétralogie, son médecin lui ayant interdit tout déplacement. En conséquence, MM. Messager et Broussan ont immédiatement offert la direction du premier cycle à M. Félix Weingartner, qui leur a aussitôt télégraphié son acceptation, dans les termes les plus flatteurs et les plus cordiaux. C’est donc l’illustre kapellmeister, le triomphateur du récent festival Beethoven au Châtelet, qui apportera son concours éclatant à cette première série. Rappelons que le second cycle sera dirigé par un autre illustre chef d’orchestre, M. Arthur Nikisch.

Le Ménestrel 17/6/1911, p. 191: — On annonce de Munich que le célèbre kapellmeister M. Félix Mottl épousera au mois de juillet prochain Mlle Zenta [Zdenka] Fassbender, la cantatrice bien connue. Mlle Fassbender continuera après son mariage à faire partie de la troupe de l’Opéra de la Cour.

Le Ménestrel 1/7/1911, p. 204-5: Il y a eu hier huit jours, M. Félix Mottl, qui dirigeait au Théâtre-National de la Cour, à Munich, une représentation de Tristan et Isolde, fut pris de spasmes violents du cœur pendant la première scène et dut immédiatement quitter le pupitre. M. Frédéric Cortolezzis qui se trouvait parmi les spectateurs continua la direction jusqu’à la fin de l’acte, et céda la place à M. Fischer pour les deux derniers actes. M. Félix Mottl avait été conduit, dans un état alarmant, jusqu’à la chambre d’attente réservée au chef d’orchestre. Grâce aux soins immédiats qui lui furent prodigués, il se remit assez pour gagner à pied la porte du théâtre et rentrer chez lui en voiture. Dès le matin du jour suivant, des médecins appelés en consultation décidèrent que le malade devait être transporté dans une maison de santé. Il est à noter que ce transport dans un établissement pourvu des plus éminents spécialistes est dans les habitudes allemandes pour toutes sortes de maladies graves, et permet au malade d’être souvent soigné d’une façon plus éclairée qu’il ne pourrait l’être chez lui. M. Mottl désirant avoir à ses côtés sa fiancée, Mlle Zdenka Fassbender, témoigna le désir que leur mariage fût immédiatement célébré ; ce désir fut réalisé presque aussitôt, en effet, dans les conditions que l’on nomme in extremis, expression qui, dans la circonstance reste par bonheur impropre, puisque l’état du grand artiste est loin d’être désespéré. Toutefois, la crise n’est pas encore conjurée, et si les espérances d’une amélioration demeurent sérieuses, il n’en reste pas moins vrai que tout est à craindre pour le moment et que les inquiétudes de l’entourage sont très justifiées. Il est inutile d’ajouter que M. Félix Mottl est entouré de toutes les sympathies ; à Munich, dans les milieux artistiques particulièrement, mais dans tous les autres aussi, ces sympathies se sont affirmées de la manière la plus flatteuse et la plus cordiale.

Amédée Boutarel, Le Ménestrel 8/7/1911, p. 216:

    Au moment où tous les espoirs d’amélioration dans l’état de Félix Mottl redevenaient permis, la fatale nouvelle est arrivée lundi dernier. Dans l’après-midi de dimanche, Mme Zdenka Fassbender, qui, depuis le 28 juin, porte le nom de Mottl, et n’avait plus quitté son mari ni jour ni nuit, fut sollicitée par lui de s’éloigner pour faire une courte promenade et aller en même temps jeter un coup d’œil au domicile privé qu’il avait quitté lors de son transport à la maison de santé de la ville, sur les bords de l’Isar. L’état de Mottl paraissait si satisfaisant que Mme Fassbender consentit à s’éloigner. Lorsqu’elle revint, tout était fini ; Mottl venait d’expirer entre 4 h. 26 m. et 4 h. 30 m., ayant à ses côtés son fils, son médecin et son secrétaire. Il avait cru à sa guérison ; il faisait des rêves d’avenir. Ayant réalisé le projet qu’il avait le plus à cœur, son mariage avec la cantatrice Zdenka Fassbender, de treize ans moins âgée que lui, il voulait entreprendre avec elle un court voyage au midi et revenir passer le reste de l’été à Feldafing, sur le lac de Starnberg, afin de pouvoir, de là, se rendre à Munich, pour diriger le cycle Mozart et les œuvres de Wagner. Inutile de dire que les médecins ne partageaient en rien son optimisme. Assurément ils croyaient la guérison possible, mais une guérison toute relative et précaire qui n’aurait jamais permis à l’artiste de reprendre ses occupations et de diriger un orchestre. L’origine constatée de la maladie remonte à trois années environ, et, dès cette époque, on avait prescrit à Mottl un repos que sa belle et puissante énergie lui fit trop dédaigner. L’hiver dernier, pendant un voyage en Russie, il fut atteint de l’influenza, dut rentrer en hâte et s’aliter. Il reprit ses occupations avant complet rétablissement et eut à subir, à l’occasion de ses fiançailles, des vexations lâches et basses, de la part de l’entourage de sa première femme. Le matin même du jour où il dirigea le prélude et le début de la première scène de Tristan et Isolde, et ne put achever la représentation, de graves contrariétés de ce genre l’avaient fort affecté. Il eut du moins la consolation de voir son fils à son chevet pendant sa maladie et d’expirer entre ses bras.

    Félix Mottl est né près de Vienne, le 29 août 1856, au lieu nommé St. Veit. Il fit ses études musicales au Conservatoire de Vienne. En 1876, il était répétiteur-adjoint au Théâtre-Wagner à Bayreuth. En 1879, il dirigeait l’orchestre de l’Opéra-Comique de Vienne.

    Deux ans plus tard il acceptait les fonctions de maître de chapelle de la Cour à Carlsruhe et les conserva jusqu’en 1904. C’est là qu’il fit représenter nombre d’œuvres françaises, notamment Noé, de Bizet et Halévy, Gwendoline, de Chabrier, Benvenuto Cellini, Béatrice et Bénédict, la Prise de Troie et les Troyens à Carthage, de Berlioz, et nombre d’autres. Il donnait ces deux derniers ouvrages en deux soirées consécutives, afin de rester fidèle aux intentions de Berlioz, tout au moins dans la mesure du possible. En novembre 1893, il affirma plus nettement encore son culte pour l’art français en organisant une « Semaine Berlioz » tant d’œuvres dramatiques que de symphonies du maître. Les personnes qui ont pu pénétrer dans l’intimité de Mottl ont vu, dans un angle de son salon, les bustes de Beethoven et de Wagner, et, entre les deux, un moulage mortuaire des traits de Berlioz, reposant sur des couronnes de laurier. Mottl est venu bien des fois diriger les grands concerts du dimanche à Paris. Sa première visite, croyons-nous, fut celle du 18 mars 1894. Il fit entendre au Chàtelet un programme mi-partie composé d’œuvres de Berlioz et d’œuvres de Wagner. C’est en 1904 que Mottl quitta Carlsruhe pour Munich. Il continua dans cette dernière ville à manifester ses prédilections pour les œuvres françaises, en même temps qu’il s’efforçait de réaliser, pour celles-ci, comme pour celles de Mozart et de Wagner, des interprétations particulièrement irréprochables. Tout dernièrement, en mars de cette année, Manon, de Massenet fut, grâce à lui, acclamée à Munich. En 1907, Mottl, en butte à des tracas domestiques et jugeant, avec trop de scrupules, que sa situation deviendrait difficile à Munich, avait demandé au Prince régent de lui permettre d’accepter les offres qu’on lui faisait pour l’Opéra de Vienne. Le prince refusa en termes tels que Mottl ne songea plus à partir. On lui donna une entière liberté d’action, avec le titre de directeur royal de l’Opéra de la Cour et le rang de conseiller intime. Mottl a composé les opéras Agnès Bernauer (1880), Ramin et Prince et Chanteur, un intermède, Eberstein, et quelques autres ouvrages de moindre étendue. Jeudi dernier, la dépouille mortelle du chef d’orchestre si sympathique à la France a été transportée à Ulm pour y être incinérée.

Le Ménestrel 15/7/1911, p. 222: 
— De Munich : Félix Mottl, dont les revenus, pendant ces dernières années, s’élevaient à 75.000 francs, ne laisse aucune fortune. Lui-même était l’homme le plus économe qu’on puisse trouver ; mais les procès qu’il eut à soutenir contre les créanciers de sa première femme lui ont coûté plusieurs centaines de mille francs. Ses héritiers sont son fils Wolfgang, issu de son premier mariage, et sa veuve Mme Zdenka Fassbender, la cantatrice bien connue de l’Opéra de la Cour de Munich, qu’il a épousée il y a quinze jours à peine. Avant de mourir, Félix Mottl a eu la satisfaction d’obtenir de l’intendance générale de la Cour la promesse qu’une pension de 7.500 francs serait servie à Mme Fassbender et que son fils recevrait une allocation de 2.250 francs jusqu’à sa majorité.
— Mottl ténor d’opérette. Un chanteur a raconté dans les lignes suivantes que nous traduisons un petit incident de la jeunesse de Félix Mottl : « C’était en l’année 1878. Mottl était alors engagé, ainsi que moi-même, au Ring-Theater de Vienne, direction Völkel-Strampfer. On donnait une opérette dont j’ai oublié le titre, mais ce détail ne fait rien à la chose. Ainsi donc, on devait jouer un certain soir cette opérette, mais très peu de temps avant l’heure du lever du rideau, le ténor s’excusa disant ne pouvoir chanter. Jusque-là, rien de bien nouveau, nil novi sub sole, mais ce qui survint ensuite ne se voit pas tous les jours. Mottl, que ses fonctions appelaient à diriger, confia ce soin au premier violon, revêtit le costume du « souverain de l’ut aigu », c’est-à-dire du ténor, et joua et chanta tout le rôle (c’était celui d’un maître d’école) avec des façons très humoristiques, bien qu’il n’eût pas eu le temps de faire le moindre essai de répétition. La représentation s’acheva sans qu’aucun accroc soit venu la troubler ». Le narrateur insiste sur l’exactitude absolue du fait qu’il raconte, et ne manque pas de faire remarquer que, si la chose n’a en elle-même aucune importance, elle est cependant caractéristique en ce sens qu’elle montre, chez Mottl, une extrême facilité d’assimilation, une rapidité de décision pour ainsi dire impulsive, et aussi une conscience très nette de ce qu’il lui était possible de faire pour éviter les conséquences d’une défection imprévue. A ce point de vue, le « saut de l’orchestre à la scène » de Félix Mottl, effectué avec virtuosité, ne manque pas d’être amusant et original.

Lettre d’Ernest van Dyck à Robert Brussel, 19 juillet [Delage p. 62-3] :

    […] Pourquoi Mottl a-t-il quitté Carlsruhe où il était son seul maître et seigneur, où avec des moyens restreints il nous donna des exécutions inoubliables de toutes les œuvres de Wagner, de Berlioz, et des œuvres sincères et nobles des jeunes d’alors comme la Gwendoline, le Roi malgré lui et cette Apollonide de Leconte de l’Isle et de Franz Servais qui n’a même jamais été jouée en Belgique, sa patrie. [Note: van Dyck avait épousé la sœur de Franz Servais]
    A Munich Mottl devint un fonctionnaire. L’intendance y exploita sa celébrité et l’on affichait Tristan à tour de bras. II devait en mourir. En 1906 il avait dirigé pour la dernière fois Tristan à Bayreuth. Tristan venait de mourir et le Roi Marke arrivait lorsqu’un court circuit éteignit l’électricité ; pendant trois mortelles minutes les musiciens de l’orchestre jouèrent « par cœur », et Félix von Krauss (Marke) chanta dans les ténèbres, sans se troubler. Après la représentation Mottl remonta livide de l’orchestre : c’est de Tristan que je mourrai, dit-il, je suis superstitieux.
    Malade, épuisé, on le força à Munich de conduire Tristan le 17 juin [le 21 juin]. Il s’évanouit au pupitre. Trois jours après il n’était plus... [Mottl est mort le 2 juillet]
    Et voilà. C’est une perte immense. […]

Le Ménestrel 29/7/1911, p. 236: — Les anecdotes sur Félix Mottl ne sont pas près de tarir ; il y en a de toutes sortes et de toute qualité. En voici une qu’a racontée l’une des artistes qui ont chanté à Carlsruhe sous la direction du sympathique chef d’orchestre. « C’était, dit-elle, à la répétition d’un concert où l’on devait exécuter un long fragment de Parsifal. La répétition commença ; les solistes prirent leurs places sur le podium ; le ténor seul manquait. Les personnes présentes, et elles étaient nombreuses, se passaient la nouvelle que le titulaire du rôle de Parsifal avait télégraphié pour s’excuser de n’avoir pu arriver. Néanmoins, tout marchait à souhait sous la direction de Mottl, et, à la grande surprise du public, quand vint, pour le ténor, le moment de chanter, sa partie fut superbement dite et nul ne s’aperçut d’abord d’où venaient les sons. Mottl s’était simplement substitué au chanteur sans interrompre sa direction. Il s’acquitta de sa tâche improvisée avec une si belle compréhension de l’ensemble que bien des assistants purent dire à la sortie qu’ils avaient rarement éprouvé une aussi complète jouissance musicale.

The Musical Times, 1/8/1911, p. 528

Obituary

    The death of FELIX MOTTL, which occurred at Munich on July 2, has removed, in the fulness of his activities, one of the world’s great conductors. He first became known to fame as conductor of the Vienna Richard Wagner Verein, a post which he owed to a distinguished career at the Conservatorium. In 1876, at the age of twenty, he came under the favourable notice of Wagner, and was appointed stage-conductor at Bayreuth during the first performances of ‘Der Ring.’ Wagner was so strongly impressed with Mottl’s ability that in 1879 he earnestly recommended him to Angelo Neumann of the Leipsic Theatre as an assistant-conductor to Nikisch and Seidl. In 1881 he was appointed conductor of the Grand-Ducal Opera House at Carlsruhe, and from that time till 1903 he carried on his duties with such conspicuous success that he earned European fame for himself and raised Carlsruhe into a musical centre of importance. His chief energies were naturally devoted to the works of Wagner, but he also displayed a strong predilection for those of Berlioz, all of whose operas he produced. In 1886 he conducted ‘Tristan and Isolde’ at Bayreuth. He also held important posts at Berlin and Munich, where he was director of the Academy and conductor of the Mozart cycles at the Residenz Theatre. His first visit to London occurred in 1894, when he conducted a series of Wagner concerts. In 1898 he conducted three cycles of the ‘Ring’ at Covent Garden. Mottl devoted some time to composition, and his opera ‘Agnes Bernauer’ met with considerable success. His other works include the operas ‘Ramin’ and ‘Fürst und Sänger,’ a Festspiel ‘Eberstein’ and the Tanzspiel ‘ Pan im Busch.’

    With reference to the conflicting statements made as to whether the late Herr Mottl had any share in the first production of ‘Parsifal’ at New York, we have received the following letter from Mr. Sidney L. Loeb :

    ‘ DEAR MR. LOEB, — It is an absolute fact that Mottl had nothing whatever to do either with the preparation or with the conducting of a performance of “ Parsifal ” at New York. The staging was under the late Lautenschläger, the mise-en-scène under Anton Fuchs, both from Munich, and the musical direction was entirely in my hands.

‘ Yours very truly,

‘ ALFRED HERTZ. ’

    It is stated that the deceased musician bequeathed his fine library, also autographs by Haydn and Beethoven, to the city of Vienna. Autographs by Hummel are bequeathed to that composer’s native city.

Le Ménestrel 5/8/1911, p. 246: — Le jeune Félix Mottl chez Liszt, à Weimar. — M. Ernest de Wolzogen a publié dans la Gazette de Francfort le souvenir suivant sur Félix Mottl. « Je me souviens de la première apparition de Mottl dans le cercle de Liszt, à Weimar, comme si c’était d’hier. Cela remonte pourtant à 1880. L’amie éprouvée de Liszt, la baronne Meyendorff, avait entrepris, pendant un après-midi musical dans sa propre maison, de présenter au vieux maître le jeune artiste viennois alors âgé de vingt-quatre ans. C’était un garçon agréable, bien mis et même élégant. Il fit bonne impression dans les salons de la ville de Weimar, l’Athènes sur l’Ilm comme on disait. Au milieu des nombreux musiciens qui s’y pressaient, constituant, avec les amateurs et les personnages pourvus des dons de la fortune, une société très mêlée dans le meilleur sens du mot, Mottl se distinguait par ses bonnes manières et par l’aisance avec laquelle il évoluait dans ce monde spécial. Liszt laissa tomber un regard bienveillant sur le jeune homme et lui indiqua en souriant qu’on attendait de lui qu’il se mît au piano pour accompagner un concerto de violon que le virtuose Kömpel devait exécuter (si je ne me trompe, c’était un concerto du violoniste Dvorschak, alors tout à fait inconnu). Il y avait sur le piano, non pas une réduction gravée de la partie d’orchestre, mais la partition même, sous forme de manuscrit. Mottl ne s’inquiéta aucunement de cela ; il se mit à l’œuvre sans hésitation et arriva glorieusement à la fin de sa tâche difficile, avec la sûreté d’un maître de chapelle aguerri par de longues années d’exercice. Liszt considéra cette expérience comme suffisante pour témoigner en faveur de Mottl que la carrière musicale était bien celle qui lui convenait. Il s’avança vers le pianiste, se pencha par-dessus son épaule et lui dit avec la bonhomie qui lui était familière : « C’est fort bien, mon jeune ami, mais il faut que nous accomplissions ensemble un nouvel exploit ». En achevant ces mots, il jeta sur le piano une marche militaire de Schubert que lui-même avait transcrite à quatre mains, et s’attribua la partie élevée. Le jeune Félix Mottl devint rouge de joie en se voyant l’objet de la part de Liszt d’une distinction considérée comme extrêmement flatteuse, mais il ne s’en troubla pas le moins du monde. Tous les deux exécutèrent le morceau avec une puissance rythmique, une plénitude de sonorité, une bravoure et un entrain qui suggéraient la pensée qu’avec de tels accents une armée pouvait être conduite superbement à la victoire. Le vieux maître faisait sonner les trompettes sur le haut du clavier ; le jeune disciple, un large sourire épanoui sur son visage rayonnant de fierté, dessinait en larges accords et en attaques retentissantes les sons nobles et grandioses des trombones et des tubas, sans oublier d’imiter les roulements des timbales et les éclatantes entrées de la batterie. Je n’ai jamais dans ma vie entendu interpréter avec autant de magnificence cette géniale musique ». Mottl était alors âgé de vingt-quatre ans ; il savait par cœur nombre de partitions compliquées, parmi lesquelles on aime à citer la tétralogie des Nibelungen en entier. Ceux qui ont entendu Mottl jouer des heures entières au piano de longs fragments de cet ouvrage, dont il chantait ou indiquait toutes les parties vocales, savent que dans ce que l’on a raconté de lui sous ce rapport il n’y a guère d’exagération.

Le Ménestrel 12/8/1911, p. 253-4 [Note: la traduction du Ménestrel a été complétée et en partie corrigée d’après le texte allemand original cité par Haas, p. 269-70]
— Paroles de Félix Mottl sur Mozart, prononcées à Salzbourg, pendant les fêtes d’été de 1904 : « Puisque je vais avoir l’honneur de diriger l’orchestre philharmonique aussi à Vienne, c’est pour moi un heureux présage d’inaugurer mon activité avec la philharmonie sous le signe du plus grand génie musical qui ait jamais existé. La musique de Mozart est pour nous autres musiciens ce qu’il y a de plus sacré que nous puissions concevoir. Je n’ai jamais compris que l’on ait toujours à la bouche, lorsqu’il s’agit de Mozart, les mots de sérénité ou de beauté, que l’on emploie alors dans un sens restrictif. On semble croire en s’exprimant ainsi que Mozart n’a jamais effleuré que la superficialité des choses. Il fut pourtant l’un des hommes les plus profonds et les plus pénétrants qui aient vécu à aucune époque. Il existe un sentiment de mélancolie dans la sérénité, une manière de mêler la douleur à la joie, qui nous élèvent au-dessus de nous-mêmes, à des hauteurs que, seuls, les plus divins parmi les hommes peuvent entrevoir et exprimer à nous autres pauvres mortels grâce à leur art. Mozart se tient constamment à de telles hauteurs. Nous ne devons pas seulement, lorsqu’il s’agit de lui, parler de sérénité, de beauté musicale pure, mais il faut employer des qualificatifs plus forts, les mots de beauté grandiose, céleste, insaisissable, ne sont pas de trop quand nous voulons nous faire une idée de son génie. […] Aujourd’hui, il y a dans la musique tant de choses modernistes, fausses, haïssables, horribles, que l’on ose nommer des marques de progrès, qu’il semble heureux celui qui peut tranquillement regagner ses pénates et vivre avec les anciens dieux. Mozart doit être compté parmi les plus hardis novateurs et les musiciens les plus épris de progrès qui aient jamais vu le jour, car il a appris aux instruments de l’orchestre à parler et leur a donné une âme : bref, c’est grâce à Mozart que d’une certaine manière la musique a été découverte pour la première fois. — En ces temps où tant d’inventeurs pullulent, nous devrions remercier Dieu de nous avoir donné cette homme divin. […] ».

Le Ménestrel 9/9/1911, p. 285: — Mme Zdenka Mottl-Fassbender vient de faire sa rentrée au théâtre du Prince Régent de Munich, dans le rôle de Brünnhilde de la Walkyrie. La cantatrice, qui reparaissait sur la scène plus tôt qu’elle ne l’eût souhaité après les jours profondément tristes qui ont suivi son deuil, a paru très émue d’abord, et c’est d’une voix un peu tremblante qu’elle a chanté la scène pathétique du second acte avec Siegmund ; mais une artiste de cette valeur sait rapidement se ressaisir, et l’ensemble de la représentation, avec M. Van Rooy, M. Ernest Kraus et Mme Berta Morena, est resté parfaitement beau. La scène des adieux de Wotan à la Walkyrie se prêtait à quelques vagues allusions, et la pensée de Mottl a passé par instants sur l’auditoire. C’est M. Franz Fischer qui a dirigé l’orchestre.

Le Ménestrel 30/9/1911, p. 310: — Le secrétaire particulier de Félix Mottl, M. Willy Krienitz, prépare une biographie du célèbre kapellmeister mort récemment, dans laquelle figureront de nombreuses lettres des plus intéressantes de Richard Wagner, Liszt, Bruckner (Mottl a été l’élève de Bruckner), Hans de Bülow, Hugo Wolf, Nietzsche et Conrad-Ferdinand Meyer.

1912

Le Ménestrel 3/2/1912, p. 37: 
— La fête funèbre commémorative à la mémoire de Félix Mottl, qui a eu lieu récemment à Munich, a laissé un bénéfice net de 12.500 francs. Une somme égale de 12.300 autres francs a été de plus donnée par un généreux inconnu à la fondation Mottl qui, possédant déjà une réserve, se trouve avoir en caisse tout près de 40.000 francs. !
— Un buste de Félix Mottl, du professeur C.-A. Bermann, vient d’être placé dans la salle de l’Odéon de Munich.

Le Ménestrel 30/3/1912, p. 101: — Un buste de Félix Mottl vient d’être exposé à Munich par un sculpteur de cette ville, M. Hans Hemmersdorfer. Il est très réussi, dit-on, et d’une ressemblance parfaite. C’est un des meilleurs souvenirs que l’on ait fixé et que l’on puisse conserver du grand artiste que fut Félix Mottl.

Le Ménestrel 25/5/1912, p. 165: — Le comité de la fondation Félix Mottl vient d’envoyer sa circulaire d’adhésion aux amis et admirateurs du grand et regretté chef d’orchestre, dans le but de recueillir un capital important dont les intérêts constitueront un prix d’encouragement qui sera offert chaque année à l’élève le plus digne et le plus méritant de l’Académie de musique à Munich. Cette fondation est tout à fait conforme aux intentions du maître disparu, qui encouragea et soutint de si grand cœur les jeunes artistes au début de leur carrière. Pour que tous ceux qui ont aimé, honoré et admiré Mottl puissent prendre part à cette œuvre, les dons les plus modestes sont acceptés avec reconnaissance et sont à envoyer à M. Willy Krienitz, Mauerkircherstrasse, 161, Munich. Les plus hautes personnalités princières et artistiques de l’Allemagne et de l’Autriche ont tenu à figurer parmi le comité. Dans la présidence d’honneur on remarque S. M. le roi de Bulgarie, le prince Louis-Ferdinand de Bavière, le prince Max de Bade, le prince héritier de Saxe Meiningen, la princesse Charlotte de Prusse, etc. La princesse Rupprecht de Bavière a pris l’œuvre sous son protectorat.

Le Ménestrel 6/7/1912, p. 214: — Mardi dernier [2 juillet], les musiciens de l’orchestre de la Cour, à Munich, sont allés porter une couronne sur la tombe dans laquelle ont été déposées les cendres de Félix Mottl après l’incinération du corps qui a été faite, comme on le sait, à Ulm. C’était le premier anniversaire de la mort du grand artiste, qui fut l’un des plus dévoués partisans de l’art français en Allemagne, ce qui ne l’empêchait pas d’être un wagnérien fervent, mais toujours éclairé.

Le Ménestrel 12/10/1912, p. 325: — Le catalogue de la bibliothèque de Félix Mottl vient d’être dressé ; les ouvrages qui la composaient sont en vente à Leipzig. Parmi les partitions, il se trouve un grand nombre d’opéras français, particulièrement d’Auber, Berlioz, Bizet, Boieldieu, Chabrier, Gluck, Gounod, Grétry, Halévy, Lalo, Piccinni, Rameau, Spontini, etc. Les œuvres symphoniques ou lyriques comprennent le répertoire entier des classiques et beaucoup de morceaux modernes de compositeurs français. Les Impressions d’Italie de M. Gustave Charpentier figurent avec cette dédicace, « A Félix Mottl, en souvenir des profondes émotions d’art que je lui dois ». Le Roy d’Ys porte aussi une dédicace autographe. L’on pourrait s’étonner que certaines œuvres de grande valeur et de grande notoriété que Mottl a dû posséder manquent au catalogue ; mais il faut tenir compte de ce fait que l’on met en vente aujourd’hui seulement les volumes que la famille n’a pas conservés. D’ailleurs, très peu de ces derniers peuvent intéresser les bibliophiles comme éditions rares ; Mottl aimait les choses belles et fut artiste dans la plus noble acception du mot, mais il n’était pas homme à consacrer son temps à des recherches minutieuses qui eussent été incompatibles avec les exigences journalières d’une carrière particulièrement active et remplie comme le fut toujours la sienne. S’il aimait à posséder les chefs-d’œuvre de la musique et de la littérature, c’était pour s’en servir, et non pour en contempler l’extérieur, édition ou reliure, en connaisseur, comme une curiosité. Son large esprit restait rebelle à une spécialisation de ce genre et c’est pour cela qu’il fut peut-être le plus initiateur de tous les chefs d’orchestre de théâtre et n’hésita jamais à faire représenter l’ouvrage qui lui paraissait génial ou simplement bon. Ce qu’il fit à Carlsruhe, particulièrement pour le grand art français, avant d’aller à Munich, est resté dans toutes les mémoires.

1913

Le Ménestrel 11/1/1913, p. 14: — M. Bruno Walter a voulu que la prise de possession de ses nouvelles fonctions à Munich fût un souvenir à la mémoire de Félix Mottl. Le premier ouvrage qu’il a dirigé a été Tristan et Isolde que Mottl conduisait la dernière fois qu’il parut en public. Prochainement, M. Walter fera une reprise des Troyens de Berlioz qui furent, pendant toute la durée de la longue carrière de Mottl, une de ses œuvres de prédilection.

Le Ménestrel 6/12/1913, p. 389: — La ville de Munich vient de rendre hommage à deux de ses grands chefs d’orchestre, Hermann Levi et Félix Mottl, en donnant à une rue le nom de chacun d’eux. Hermann Levi a dirigé la première représentation de Parsifal, à Bayreuth, le 26 juillet 1882. Félix Mottl a été, en même temps qu’un chef d’orchestre wagnérien de premier ordre, un ardent propagateur des chefs-d’œuvre de l’école française en Allemagne. Tous les deux ont dirigé des concerts à Paris.

1914

Le Ménestrel 7/3/1914, p. 78: — On vient de publier à Leipzig les partitions chant et piano d’œuvres de Wagner ayant appartenu à Félix Mottl et couvertes par lui d’annotations de toute nature qui représentent bien les intentions de Wagner, car Mottl avait assisté à toutes les répétitions de l’Anneau du Nibelung en 1876, et à celles de Parsifal en 1882. Pour Tristan et Isolde, les annotations s’arrêtent après le premier acte, car Mottl fut arrêté dans son travail par la maladie dont il est mort. Coïncidence curieuse, la dernière œuvre que l’éminent chef d’orchestre a dirigée fut précisément Tristan et Isolde, et c’est pendant le premier acte que le bâton de mesure lui tomba des mains. En 1876, Mottl n’était âgé que de vingt ans. C’est en 1886 qu’il dirigea pour la première fois à Bayreuth, faisant ses débuts au théâtre des fêtes dans Tristan et Isolde et Parsifal. Ce fut pour lui une consécration, car il n’y eut qu’une voix pour reconnaître hautement sa grande valeur technique et la superbe intellectualité de ses interprétations.

Le Ménestrel 18/7/1914, p. 230: — De Vienne : La veuve du célèbre kapellmeister Félix Mottl, Mme Henriette Standhartner, ancienne cantatrice des théâtres de la Cour de Carlsruhe et de Cobourg, se trouve à peu près dans la misère. Dans un appel au public, où elle cherche à attirer l’attention sur son sort immérité, Mme Mottl explique que, depuis le mois de janvier dernier, elle cherche à donner des leçons de chant et de diction, mais qu’elle n’a pas trouvé un seul élève. « Tout ce qui me reste, écrit-elle, se réduit à une rente mensuelle de 123 francs, et tout ce que je voudrais atteindre par mon appel au public c’est de pouvoir, à partir de la saison prochaine, gagner modestement ma vie comme professeur de chant. »

Site Hector Berlioz crée par Monir Tayeb et Michel Austin le 18 juillet 1997;
Page Berlioz: Pionniers et Partisans créée le 15 mars 2012; cette page créée le 11 décembre 2013.

© Michel Austin et Monir Tayeb. Tous droits de reproduction réservés.

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