(Textes corrigés, en ordre chronologique)
Liste chronologique des lettres de Marc Suat
Liste chronologique des lettres de Joséphine Suat-Chapot
Liste chronologique des lettres de Nancy Suat-de Colonjon
Lettres de Marc Suat
Lettres de Joséphine Suat-Chapot
Lettres de Nancy Suat-de Colonjon
La transcription littérale des lettres de la famille Suat se trouve sur une page séparée
Les lettres d’Adèle Suat se trouvent sur des pages séparées (transcriptions littérales, et textes corrigés)
2011.02.310 | Mardi 19 février 1856 | À son beau-frère Camille Pal | Transcription littérale | — |
Sur le procès Pion voir 2011.02.224.
Vienne ce 19 février 1856
Mon cher beau-frère
Je viens de recevoir les sept cents francs que vous m’avez adre[ssés pou]r le compte d’Hector en un mandat tiré à votre ordre par votre receveur général sur notre receveur particulier et que vous m’avez endossé valeur en compte.
Vous êtes complètement dans l’erreur en supposant que c’est par légèreté qu’il a été parlé du jugement Pion dans la sommation notifée à Paris, c’est au contraire avec réflexion et parce qu’il n’en pouvait être autrement que la chose a été faite ainsi, et je suis surpris que vous ne l’ayez pas compris.
Les réparations à faire sont indivises, M. Paret ne pouvait y mettre la main seul ; elles forment un tout qui ne peut être fractionné entre les intéressés que par un accord spécial ;
dès lors la nécessité de lui faire savoir comment et avec qui il doit faire ce travail puisque la déclaration ne le lui a pas dit. Vraiment quand vous supposez autrement vous n’y avez pas réfléchi, surtout en qualifiant de frustratoire la sommation qui n’a pas le moindre caractère d’un acte de cette nature, et qui a été une formalité nécessaire en face du mauvais v[ouloir] de M. Paret af[in] de suppléer à la lacune qui s’est glissée dans la déclaration.
Le notaire aurait dû faire autrement ; il n’y avait pas l’ombre d’opportunité à faire deux actes, il suffisait de dire dans la vente même que comme condition M. Paret demeurait tenu de la moitié des réparations à faire et qu’il les ferait de conformité à l’esprit du jugement intervenu entre nous et M. Pion et de concert avec les personnes qui y devaient concourir.
Nous étions parfaitement en droit de lui imposer cette clause, parce que les dégradations venaient soit du défaut de réparations, soit de force majeure, le tout postérieurement à notre vente privée.
Si le notaire l’eût compris en ce sens (comme je l’avais indiqué) nous n’aurions pas eu les tiraillements que nous éprouvons avec M. Paret et probablement tout serait réparé depuis longtemps. Nous aurions de plus évité les frais et l’ennui de la sommation q[ui (si] j’en crois votre lettre et que M. Paret soit prêt à remplir ses engagements) a été plus persuasive que toutes les belles paroles que vous et moi avons pu dépenser pour cela.
En définitive je suis bien aise d’être instruit sur le point où vous avez mis cette affaire, que vous n’avez pu traiter sans vous être entendu avec moi, ne vous en ayant point donné le mandat ; j’ignorais votre voyage à la Côte, d’ailleurs je préfère faire mes affaires moi-même.
Adieu, mon cher beau-frère, mille amitiés à Mathilde et à
son mari.
Tout à vous
Suat
R.S.V.P.
Roche m’a remboursé 6f. 45 pour impôts de 1855 ; mais j’ai moi-même payé cette somme au percepteur ; si vous l’aviez payée aussi (ce dont je doute, et il y a probablement erreur de votre part), il y aurait double emploi et matière à restitution. J’ai fait un état fort exact des impôts de 1855, et si vous me faites connaître la somme que vous avez payée je pourrai à un centime près vous édifier soit de l’exactitude soit de l’erreur commise.
[de la main de Camille Pal]
Répondu le 21 février 1856.
M.
Je viens répondre à la dernière lettre que vous m’avez adressée qui doit faire cesser toute relation d’affaires entre nous.
Je n’ai pris aucun engagement avec M. Paret soit en votre nom soit au nom d’Hector, vous pouvez donc traiter cette affaire ainsi et comme vous le jugerez convenable.
J’ai l’honneur, M. de vous saluer.
R96.857.1 | Dimanche 8 novembre 1857 | À son beau-frère Hector Berlioz | Transcription littérale | Image |
CG VIII, no. 2259bis; voir le brouillon de la lettre d’Adèle du 11 novembre (R96.856.3). — Sur les Suat et Louis Berlioz voir 2011.02.136.
Vienne ce 8 novembre 1857
Mon cher Hector,
Nous venons de recevoir votre lettre par laquelle vous semblez être inquiet de votre fils ; il est ici encore jusqu’à demain ou après demain ; nous avons retardé les uns et les autres de vous écrire parce que nous attendons une réponse de M. Lecourt auquel Louis d’après notre conseil a écrit il y a huit jours pour le prier de lui donner des renseignements précis sur les conditions de son embarquement, le nom de son capitaine et l’époque présumée du départ ; et pas un mot de réponse n’est encore arrivé, ce qui l’inquiète et le surprend comme nous. En conséquence il va d’abord à Tournon où il est attendu par son oncle, et de là il filera sur Marseille sans plus attendre les renseignements demandés à M. Lecourt ; pour plus de précaution encore il a écrit hier à M. Morel qu’il suppose de retour des eaux.
Louis est revenu triste de son séjour à Paris, Adèle s’en inquiétait et elle a cru comprendre qu’il était peu à l’aise chez vous, il croit que votre femme supporte difficilement sa présence sans pour cela qu’il se plaigne de ses procédés. Évidemment, mon cher Hector, votre fils doit être le bienvenu chez vous, il y est à sa place et votre rôle est de l’y maintenir ; je vous dirai même que ma femme s’étonne qu’il n’ait pas son lit chez vous. Je serais
désolé de vous fatiguer à ce sujet mais sous l’inspiration de votre sœur je n’ai pu résister à vous dire ce qui précède ; comme tous les parents vous êtes appelé à avoir des sollicitudes sur votre fils.
Ma femme vient de mettre en ordre tous ses effets avec beaucoup de soins ; elle présume qu’il pourra se suffire avec le peu d’argent qu’il a, s’il ne séjourne pas à Marseille, à peu de chose près ; mais évidemment s’il est retenu chez M. Morel il faudra bien payer la pension à ce dernier, si excellent pour lui, et des procédés duquel il est du reste fort reconnaissant.
Adieu, mon cher beau-frère, nous espérons votre sœur et moi que votre femme est rétablie de son indisposition qui au dire de Louis n’a pas été sans gravité ; écrivez-nous plus longuement et donnez-nous de bonnes nouvelles de vos santés à tous deux.
Nos compliments affectueux et ceux de votre fils à votre femme, nous vous embrassons tous
Suat M
R96.857.2 | Samedi 10 septembre 1859 | À sa femme Adèle Suat | Transcription littérale | Image |
Sur le voyage d’Adèle et Joséphine Suat en août-septembre 1859 à Dieppe puis à Paris où elles verront Berlioz, voir aussi la lettre de Nancy et Marc Suat (R96.858.5), celle d’Ernest Caffarel (R96.862.1), et celles de Berlioz à Adèle (CG no. 2395, 26 août, de Bade) et à Pauline Viardot (CG nos. 2396, 8 septembre, de Paris et 2402, 13 septembre: ‘Ma sœur et ma nièce sont parties ce matin, et ma femme les a accompagnés à Fontainebleau où elles resteront deux jours’).
Vienne ce 10 septembre 1859
Les nouvelles que tu me donnes sur ton frère, chère amie, me font bien de la peine ; je pense toutefois comme te l’a dit sa femme que rien n’est inquiétant dans son état ; chez lui comme chez ton père le système nerveux est très developpé et probablement il sera ainsi le reste de ses jours, avec des alternatives meilleures lorsque rien ne le surexcitera ; déjà lorsque nous le vîmes à Vienne je le trouvai ainsi, moins fortement sans doute ; mais je vis bien qu’il y avait des moments où sa sensibilité prenait des proportions très fortes. Dis-lui de ma part tout ce que ton cœur saura trouver de plus affectueux.
Puisque j’en suis sur ton frère ; sache donc de sa femme si je puis leur envoyer le vin très prochainement ; je ne serais pas fâché d’avoir la place qu’il occupe pour le vin nouveau et les vendanges ne tarderont pas ; les deux tonneaux seront prêts d’ici à huitaine et je pourrai les envoyer à partir de cette époque ; mais bien entendu je pourrai m’arranger autrement s’ils n’ont pas la place suffisante à leur cave.
Sache aussi ce qu’il font des vieux tonneaux ; s’il y avait moyen de me les adresser, je n’en serais pas fâché, ils sont quelquefois difficiles à trouver, et il y aurait économie, les quatre tonneaux que je leur aurai expédiés m’ont coûté à Vienne 32 francs ; s’ils n’en tirent aucun parti autant vaudrait me les adresser par le chemin de fer – de domicile à domicile. Je pense que cela ne coûterait qu’une somme de six ou huit francs. Mais il faut pour cela avoir soin en les soutirant de les boucher de manière à ce que l’air n’y puisse pénétrer par aucune ouverture ; s’ils étaient gâtés la spéculation serait mauvaise ; il serait bon de les sentir avant de les envoyer.
Ta lettre m’a fait plaisir en m’apprenant
que vous aviez bien employé votre temps, Joséphine et toi ; que notre
fille admirait tout et qu’elle s’enthousiasmait des belles choses que Paris et les environs possèdent ; continuez, profitez bien de votre temps, que Joséphine prenne des notes pour son service à elle ; et qu’elle puisse en toute circonstance se remémorier son voyage, il est assez complet et il est fâcheux que de telles choses soient faites pour des buses comme j’en connais qui n’ont plaisir [à] rien ; Dieu merci ce n’est votre cas ni de l’une ni de l’autre.
C’est une idée excellente de vous arrêter à Fontainebleau ; je crois que pour bien faire il vous faut partir à six heures trente de la gare de Paris afin d’être à huit à Fontainebleau. En prenant quelque chose en partant ou avec vous, vous pourrez avant déjeuner et jusqu’à onze heures visiter les jardins, puis déjeuner, et après voir le Château ce qui vous prendra jusqu’à deux heures environ ; le reste de la journée pourrait être employé à la forêt que vous visiteriez en voiture jusqu’à dîner, et après vous coucheriez à Fontainebleau pour en repartir le lendemain matin à 7 heures ½ environ. De cette facon vous arriveriez à Dijon de bonne heure et y coucheriez ; on y arrive vers 4 heures de l’après-midi ; vous auriez encore le temps de vous y promener ; et le lendemain matin vous pourriez y voir le Palais des États, si curieux, les églises etc. et en repartiriez à midi pour arriver ici
à 9 heures du soir.
Écris-moi un mot avant de partir ; si tu adoptes cet arrangement, il suffirait de me faire connaître le jour de votre départ ; vous arriverez le surlendemain ; je ne suis guère d’avis que vous preniez les 3es : il ne faut pas trop se fatiguer ;
si toutefois vous essayez ne manquez pas à la première station de changer, en prenant pour supplément les secondes si vous êtes fatiguées ou mal entourées dans les 3es.
Léonie Couturière est accouchée d’une fille ; elle a beaucoup souffert, sa pauvre mère pleurait à chaudes larmes, l’excellente femme ! tu auras fait sans doute sa commission à Mme Chauliaguet.
Le sac est arrivé ; les filles ont lavé tout ce qui y était ; nos domestiques ont bien fait tout ce qu’elles ont pu pendant ton absence.
Je pense que vous coucherez à Vienne si vous arrivez le soir d’après l’itinéraire que j’ai tracé ; mais dès le matin le lendemain vous partiriez pour la campagne à moins que votre retour ait lieu le samedi.
J’écrirai à ton oncle mais je ne pense pas qu’il y ait urgence.
Adieu, chère femme, je t’embrasse du plus profond de mon cœur et Joséphine avec toi
(signature)
R96.857.3 | Vendredi 7 novembre 1862 | À son beau-frère Hector Berlioz | Transcription littérale | — |
Lettre reproduite dans CG VIII no. 2668bis; voir aussi la lettre de Louis Berlioz à son père du 4 novembre, CG VIII no. 2667bis. — Sur Alexis Ber(t)chtold voir CG VIII index p. 733. — Sur Ernest Caffarel voir R96.862.1.
Vienne 7 novembre 1862
Bien cher Hector,
Je prends vivement part à vos sollicitudes, à vos peines et voudrais bien pouvoir en alléger le fardeau et vous aider [à] en faire disparaître les causes ; mais plus j’y réfléchis, plus je me trouve impuissant à cela. J’ai particulièrement vu avec peine que vous ayez refusé l’invitation de l’Empereur ; il n’aurait pas fallu ce me semble pour quelques centaines de francs que j’aurais pu vous adresser courrier par courrier vous priver d’un moyen de faire qu’on se rappelle de vous dans l’occasion.
Il est malheureusement trop tard sans doute pour revenir, et il faut se résigner comme dans tous les faits accomplis.
Les sommes que j’ai eues à employer pour Louis ne sont pas très importantes. La première était de 160 f. ; elle fut appliquée par ma bonne Adèle à compléter son vestiaire au moment où il partit pour Bombay la seconde fois. À son départ par les soins de votre sœur il était parfaitement monté.
La seconde a servi à lui acheter des draps que je lui envoyai à Marseille peu après sa nomination de Capitaine au Long-Cours ; il me demanda des draps voulant, m’écrivait-il, avoir un appartement meublé dont le prix serait moins coûteux. Cette seconde somme était de 162. f.
J’ai reçu une lettre de lui qui m’est arrivée en même temps que la vôtre ; il me demande combien il a à me restituer pour ces avances, et je ne puis lui répondre autre chose qu’à vous, qu’il ne m’est rien dû, ces dépenses ayant été imputées dans mon compte avec vous.
Il me dit qu’il compte avoir un emploi d’ici
au 1er décembre, et je n’ai pas besoin de vous dire combien je l’encourage dans ma réponse à tenir cette belle promesse ; lui ajoutant que je forme le désir qu’elle ne soit pas trop inférieure à celle qu’il a perdue par sa faute ; car je le crois comme vous, il n’eût pas perdu cette position si avantageuse, si enviée, s’il n’eût fait quelqu’acte intempestif, en vue de se dispenser d’un service qu’il n’aime pas.
Il me demande une réponse chez M. Berchtold, rue de l’Empereur 20, et je vous donne cette adresse pour le cas où il vous conviendrait de la connaître.
Je me souviens de ce Monsieur qui nous plut assez à ma pauvre Adèle et à moi ; il me semble qu’il n’a pas été étranger à la nomination de Louis dans les Messageries (il était alors employé chez M. Rothschild). Votre fils l’aime beaucoup, il est peut-être le seul qui puisse avoir quelqu’autorité sur son esprit. Serait-il impossible d’avoir une entrevue avec lui sans que Louis s’en doutât, et de causer avec lui du moyen de lui trouver une nouvelle position, et des causes qui lui ont fait perdre celle qu’on lui avait obtenue. Si vous jugiez convenable de suivre cette idée, il faudrait faire tenir un billet à M. Berchtold chez M. Rothschild, en le priant de passer chez vous à l’insu de votre fils, que vous désireriez avoir avec lui un entretien à son sujet ; cela flatterait M. Berchtold et l’encouragerait à rendre un nouveau et bien signalé service à Louis.
Si vous écriviez au domicile de M. Berchtold la lettre pourrait être vue par Louis qui reconnaîtrait votre écriture, et vous arriveriez à l’effet contraire.
Je me souviens que peu après la réception de Louis comme Capitaine au Long Cours, Ernest Caffarel, qui lui avait été d’un grand secours pour l’amener au travail, soit par les conseils, soit par l’exemple, me dit : Louis devrait profiter de l’occasion ; l’État demande des Capitaines aux Long-Cours pour prendre du service dans la marine impériale, et il n’y a pas pour Louis de meilleure carrière que celle-là ; j’étais parfaitement de cet avis, votre oncle encore plus ; et je voulus vous en dire un mot ; mais à peine eus-je prononcé le mot de marine impériale, que vous m’arrêtâtes, entraîné par votre tendresse pour votre fils.
Probablement alors que même vous eussiez été du même avis que nous, ce projet aurait avorté, Louis ayant toujours manifesté une grande répulsion pour le service militaire ; mais aujourd’hui en face d’une situation extrêmement grave, il pourrait au contraire se faire qu’il subît cette nécessité ; si toutefois aujourd’hui comme alors, il y a encore une porte ouverte dans la marine de l’État pour les officiers de la marine marchande. D’ailleurs ce serait un moyen de mettre votre fils au pied du mur, car il ne peut y avoir pour lui aucune autre carrière que celle de l’une ou de l’autre marine.
La marine militaire ne présente pas plus de dangers que la carrière militaire sur terre : les hommes qui périssent par le fait de leur profession dans cette dernière, sont certainement plus nombreux proportionnellement que dans l’autre ; la marine marchande elle-même a certains périls qui n’existent pas ou qui sont moins grands dans la marine de l’État.
Je vous livre ces réflexions, à vous de juger. Mais il me semble que la planche de salut est dans les mains de l’ami de votre fils ; ce sera certainement lui qui aura le plus d’empire sur son esprit, et qui peut-être matériellement pourra lui procurer un emploi ;
une démarche de votre part le touchera et peut-être ……
Adieu mon bon ami, je vous embrasse du meilleur de mon cœur
Suat
Je n’ai pas besoin de vous le demander ; tenez-nous au courant de ce qui se passera. Mes filles vous embrassent tendrement.
Nos compliments bien empressés à votre belle-mère.
2011.02.311 | Mercredi 17 octobre 1855 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Sur Monique Nety voir 2011.02.309. — Une lettre de Berlioz à Adèle du 30 septembre 1855 (CG no. 2029) annonce une lettre à Marc Suat sur des questions de revenus qui semble perdue. Sur les finances de Berlioz et l’aide qu’il reçut dans leur gestion par ses deux beau-frères (Marc Suat et Camille Pal), voir cette page.
Vienne mercredi [17 octobre 1855]
Ma chère Mathilde,
Nous sommes arrivées depuis lundi dernier et nous avons fait un bon voyage ; maman était très lasse ; nous avions pris le courrier et non la diligence comme en allant, pour être sûres d’avoir des places, car maman aurait été très contrariée
de rester un jour de plus à la Côte dans cette grande maison, qui est si
triste maintenant. Monique seule pourrait nous y ramener, mais elle est bien
souffrante depuis quelque temps. Elle ne dit à personne quand elle souffre,
elle se soigne seule et ne veut ou plutôt ne peut pas venir à Vienne comme les hivers précédents. Nous avons été très peinées de la voir en cet état.
Madame Laroche a été très bonne pour nous, elle nous a bien demandé de tes
nouvelles ; nous y avons dîné samedi et le dimanche nous sommes allées à St Etienne chez Madame Lacroix où nous avons trouvé les demoiselles Hippolyte que nous aurions été bien contrariées de ne pas voir. La journée s’est passée agréablement. Nous avons eu de bonnes vacances cette année et grâce à toi surtout, chère Mathilde, qui as été si bonne pour nous et qui nous as tant gâtées à St Vincent. Mais il y a toujours le revers de la médaille : mon père était seul ici et il ne trouvait
pas les vacances bien agréables ; aussi il est bien heureux de notre
retour. Tout le monde commence à revenir à Vienne, la Toussaint approche et
bientôt les devoirs vont recommencer. Nous n’avons pas encore vu les dames Dutriac, elles sont à Lyon, ou du moins elles étaient, car on les attendait hier. Mon père y a dîné l’autre jour avec mon oncle Marmion, le jour de son passage ; ils ont vu Mr Couturier ; ils en sont enchantés tous les deux. Léonie est aussi contente que possible, et je désire, ma chère Mathilde, que tu le sois autant qu’elle. Elle a déjà reçu plusieurs cadeaux que nous te raconterons quand nous les aurons vus. La noce est renvoyée au 29 ce qui ne fâche pas maman ; elle ne sera pas obligée de se presser pour faire sa course à Lyon ; elle est un peu souffrante depuis son retour ; ce n’est, je crois qu’un petit refroidissement qui passera bien vite, je l’espère. Elle a écrit cependant à Guarnier pour ta commission de toile, et moi, ma chère, j’ai cherché pour toi des lettres et des écussons, les plus jolis et les moins longs que j’ai pu trouver. Je les envoie dans ma lettre et je te recommande surtout mon petit papillon qui ne serait ni difficile ni long à faire, et qui serait joli et original. Le petit : Mathilde ne serait pas laid non plus. Maman pense que pour les lettres qui n’ont pas de p tu pourrais les remplacer par un second m.
Nous sommes allées au Chuzeau, la Billiat n’avait rien de nouveau à te dire ; nous avons vu ta vigne qui est assez jolie ; les nôtres sont superbes ; les vendanges sont fixées au 22.
Mon père ayant reçu une lettre de mon oncle Hector qui lui demande des détails précis sur ses revenus de cette année ne pourra lui répondre, maman ne s’étant pas rappelé de ce que ton père lui avait dit sur Murianette, sans avoir une note que ton père aurait la bonté de lui envoyer pour lui dire combien ont coûté les réparations de la maison fermière, si les transports qu’a faits le fermier en diminution de son bail se retrouveront sur la vente des bois ; si ton père pense que le fermier puisse payer toute sa ferme sans diminution et quand elle sera échue, combien il y aura d’impôts à prélever. Le fermier a dit à maman que l’orage avait cassé l’autre jour 12 ou 14 arbres dont il allait faire du charbon, que le même orage lui avait jeté à terre beaucoup de châtaignes qui seront perdues parce qu’elles n’étaient pas mûres ; le fermier compte avoir 3 charges de vin de plus que l’année
passée, c’est dire que la récolte est très lourde. Il est bien entendu que maman n’a rien dit au fermier pour les arbres, ne sachant pas ce qu’il y avait à faire et laissant ce soin-là à ton père puisqu’il a eu l’obligeance de se charger de cette administration. Voilà une longue pancarte de recommandations, chère Mathilde, à la suite de laquelle je te dis adieu et je t’embrasse de tout mon cœur en te disant à bientôt, les premiers jours de novembre comme tu nous l’a promis. JS
PS L’averse de l’autre jour a encore fait du
dégât au pré Rançonnier.
Monique te remercie du panier de fruits que tu lui as
envoyé.
2011.02.326 | Décembre 1857 (?) | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Camille, fils de Mathilde et Jules Masclet, était né le 20 septembre 1856.
Ma chère Mathilde,
Nous envoyons à Camille une petite robe que nous lui avons brodée ; nous espérons qu’elle lui ira bien, mais dans tous les cas comme elle n’est que faufilée, il te sera facile d’y faire les corrections voulues. Cette petite robe est un modèle de Paris, nous en avons vu beaucoup dans ce genre qui nous avaient paru jolies. Nous t’envoyons également le patron et un aperçu du dessin d’une veste de zouave qui doit compléter le costume ; essaye-le à Camille et quand tu y auras fait les modifications nécessaires, renvoie-le nous afin que nous puissions la broder de suite sur du piqué pareil à la robe. Nous avons essayé la robe et la veste à un petit garçon de trois ans, et les mesures étaient bonnes. Nous aurions bien du plaisir, ma chère Mathilde, à revoir ton petit Camille si joli et si gentil. Il doit avoir grandi et s’être fortifié depuis qu’il est venue à Coupe-Jarrets. Embrasse le pour ses cousines Joséphine et Nancy.
Nous avons eu dernièrement des nouvelles de nos cousines
Burdet ; je dois répondre à Laure dans quelques jours ; elles
allaient toutes bien.
Adieu, chère Mathilde, comme ceci n’est qu’une lettre d’envoi, je la finis là. Je t’embrasse et te fais ainsi que Nancy mille bons souhaits pour l’année prochaine. Maman t’écrira bientôt. N’oublie pas, je te prie, quand tu nous répondras si tu as reçu le carton, de nous donner des nouvelles de la cousine Victor, nous n’en savons aucune.
Ton affectionnée
Joséphine.
2011.02.313 | Mercredi 3 septembre 1862 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
‘Estressin, campagne peu éloignée de la ville, où ils [la famille Suat] vont passer trois ou quatre mois tous les étés’ (Berlioz, Mémoires, Voyage en Dauphiné). — Le ‘nouveau succès de Berlioz’ dont il est question vers la fin de la lettre fait allusion aux premières représentations de Béatrice et Bénédict à Bade le 9 et 11 août 1862. — Les Troyens allaient être représentés (dans une version tronquée) au Théâtre-Lyrique en novembre et décembre. — Sur le séjour de Louis Berlioz à Grenoble voir la lettre de Berlioz à Odile Burdet du 25 août (CG no. 2647).
Estressin. 3 septembre (18)62.
Chère Mathilde,
Ta dernière lettre remonte si loin, que nous sommes impatientes d’avoir de tes nouvelles et de savoir comment tes petits enfants ont supporté les fortes chaleurs. Cette période de l’année est toujours à redouter, toujours pénible à traverser et les jeunes mamans ne l’aiment guères. Enfin, je suppose que tout le monde va bien autour de toi ; ce matin, nous avons su indirectement de tes nouvelles : nos cousines nous écrivent qu’elles t’ont rencontrée ; ce renseignement n’était pas inutile, car j’ignorais quelle région que tu habites dans le moment, et j’hésitais à t’écrire ; on doit te réclamer à St Vincent, te désirer à Crémieux ; mais il est vrai que tu satisfais
rarement les désirs de ceux qui attendent ta visite ; nous, par exemple, serions en droit de nous plaindre de l’inexactitude de tes promesses, nous espérions tant vous voir au printemps, nous y comptions si bien ! Il faudra bientôt nous dédommager, chère Mathilde, en allant faire vos vendanges, ou en revenant.
Nous n’avons eu que déceptions cette année, au sujet des visites, et j’ai grande envie de t’accuser de nous avoir porté malheur en commençant à nous manquer de parole la première. Nos cousines Burdet n’ont pu venir, les obstacles se sont accumulés autour d’elles, les vers-à-soie, la maladie d’Auguste, la mort de ma tante, les examens d’Albert, et que sais-je encore. La mort de notre pauvre tante Victor a été plus prompte qu’on ne s’y attendait, on était tellement accoutumé à la voir malade et épuisée, mais vraiment on ne peut regretter la vie pour elle, vie de souffrances continuelles, vie de tristesse et d’isolement. Ma cousine cependant a eu, je crois, beaucoup de chagrin, tu connais son bon cœur et son dévouement à sa famille.
Nous croyions ma tante Marmion de retour à Tournon depuis le 16 août ; elle nous avait écrit son projet de repartir à cette époque. Sa saison a été très malheureuse au début, tu sais sans doute qu’une indisposition l’avait empêchée de prendre ses bains ; aussi je suppose qu’elle aura voulu remplacer le temps perdu et prolonger son séjour pour suivre un traitement à peu près complet. Nous avons su cela, toujours par mes cousines qui ont rencontré mon oncle et ma tante samedi, au moment où ils allaient repartir pour Tournon. Tu as dû les voir à leur passage, chère Mathilde, c’est une bonne et sûre occasion, car on n’obtient pas facilement une visite de ma tante.
Tu veux sans doute que je te parle de nous et de nos
occupations ? Notre été s’est passé si paisiblement que je n’ai aucun incident à te raconter, sauf le voyage de mon père à Plombières. Nous l’avons décidé non sans peine à y aller ; les eaux lui ont fait du bien cette année et la distraction a contribué aux bons résultats de son voyage ; mon père aime beaucoup Plombières, il s’y plaît toujours, surtout quand il y trouve des connaissances agréables. Pendant son absence, nous comptions les jours, nous gémissions de la chaleur et nous recevions de bonnes lettres de Plombières pour nous faire prendre patience. Nous n’avons pas quitté Estressin où nous nous trouvons à merveille, nous promenons beaucoup, il y a des sites charmants autour de nous, le pays est vraiment fort joli. Ce matin, j’ai fait avec Nancy une grande course sur la montagne, d’où on a une vue splendide. Enfin, chère Mathilde, tu sais que je me plais à la campagne et tu comprends que je regretterai en la quittant notre champêtre et modeste campement. La pensée de retourner à Vienne ne me sourit nullement, aussi nous resterons ici jusqu’à ce que le froid nous fasse déloger, c’est-à-dire, je pense, jusqu’à la Toussaint. Il est vrai que nous ne sommes point dans une
solitude complète, nous avons quelques voisins, plus même qu’à la ville.
Les journaux t’ont appris sans doute le nouveau succès de mon oncle Hector ? Succès de bon augure, je l’espère, pour l’avenir des Troyens. Mon pauvre oncle avait bien besoin de cela pour se remettre un peu de ses récents chagrins. Tu sais aussi que Louis a passé plusieurs semaines à Grenoble avant d’aller à Paris. Il paraît qu’il a pris un caprice à ton sujet, chère Mathilde (tu n’ignores pas que cela lui arrive encore, c’est un véritable enfant que notre cousin Louis). Mes cousines Burdet n’ont pas pu le décider à aller te voir. J’ai été peinée en apprenant cela, je pense que tu n’as pas été satisfaite du procédé ; mais, je te le répète, c’est un fâcheux caprice, une boutade à laquelle il ne faut pas attacher trop d’importance, les caprices passent. Adieu, chère Mathilde, je te quitte pour reprendre mon métier à tapisserie, nous avons commencé de broder quelques meubles et nous travaillons avec ardeur. Nancy se joint à moi pour t’embrasser bien tendrement ainsi que tes enfants.
Nos amitiés, je te prie et celles de mon père, à ton mari,
Ton affectionnée
J
J’attends bientôt ta réponse, adieu encore.
Le dernier malheur de cette pauvre Emy
Babinet ne t’a-t-il pas vivement impressionné ? Quant à moi cela m’a beaucoup peiné ; je comprends combien elle doit être triste et
malheureuse.
2011.02.314 | Lundi 3 août ou jeudi 3 septembre 1863 (?) | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Rappelons qu’il est fort possible que cette lettre fasse suite à la lettre 2011.02.316 du 29 août 1863. — Sur les séjours d’automne de Mathilde chez sa belle-mère à Crémieux voir la lettre 2011.02.319.
Estressin 3 août (18)63.
Bien chère Mathilde,
Je ne veux pas tarder davantage à te donner des nouvelles de notre intéressante malade puisque tu as la bonté de t’en préoccuper. Le mieux se soutient, il progresse quoique lentement à mon gré. Nancy n’a plus de fièvre, elle ne souffre pas ou peu, elle se lève une grande partie de la journée. Le médecin ne vient la voir que rarement, et enfin elle commence à manger dans les proportions d’un moineau ou d’un colibri. Tout cela est satisfaisant sans doute, chère Mathilde, ce sont de bonnes nouvelles ; mais, malgré tout, je me tourmente, j’ai peur que cet état languissant ne reste habituel, comme il l’était avant cette espèce de crise, et que les malaises que Nancy avait depuis trois ans ne reparaissent, ou plutôt ne continuent. Le médecin n’a pas voulu nous assurer le contraire. Enfin, il faut encore remercier Dieu que la maladie n’ait pas eu la gravité qu’on pourrait redouter au début.
Ta bonne lettre m’a bien fait pleurer de douces larmes, chère Mathilde ; je suis si sevrée de témoignages d’affection et de sympathie et j’ai le cœur tellement oppressé par tant de choses, qu’une preuve d’amitié vraie ne me laisse pas insensible. Maintenant où j’en aurais un besoin plus immense que jamais, c’est alors qu’elles deviennent plus rares ; l’isolement est bien grand autour de moi, mon père et ma sœur absorbés par leurs soucis respectifs, sont las du reste de me voir souffrir, je pèse sur leur existence d’une manière désolante, je le sens, je le vois même. Et puis, il n’y a rien de plus terrible que d’être témoin constant
d’un malheur sans soulagement, sans espérance possibles ; alors, il faut chercher à ne pas voir, à ne pas entendre ; c’est ce qu’ils font. Mais, chère Mathilde, pour moi qui ne puis pas fuir la douleur à volonté, pour moi qu’elle poursuit sans relâche et en augmentant toujours de violence, pour moi qui suis atteinte jusqu’au fond du cœur, la vie est une chose bien cruelle. La résignation, dernière ressource, semble bien difficile, et Dieu ne l’accorde pas malgré les instantes prières ; il faut lutter, travailler sans cesse et souvent pour n’obtenir que de nouveaux tourments. Enfin ce martyre finira un jour, et en attendant, chère Mathilde, je te remercie de ton souvenir affectueux.
J’espère que l’indisposition de Camille commence à se dissiper et que cette longue période de fraîcheur amenée par la pluie chassera ses malaises, inévitables après un pareil été. — Te voilà au
moment de partir pour Crémieux, pour tout l’automne je suppose, c’est ta plus longue absence pendant l’année. Si au moins nous pouvions espérer une petite visite à Estressin avant ton retour à Grenoble ! combien cela nous ferait plaisir, puisque nous ne devons pas aller te voir nous-mêmes !
Adieu, chère Mathilde, nous t’embrassons mille fois ainsi que tes charmants petits personnages.
Nos amitiés à ton mari,
Toute à toi.
J.
2011.02.316 | Samedi 29 août 1863 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Voir la lettre 2011.02.314 et son commentaire chronologique.
Estressin 29 août (18)63.
Bien chère Mathilde,
Je voulais te remercier bien vite des charmantes photographies de tes gentils enfants, qui nous ont fait grand plaisir. Camille a posé à merveille, il a un air d’importance très drôle par son sérieux, et ta petite fille a une bonne mine intimidée qui ne manque pas d’attrait. Elle est devenue un vrai personnage depuis que nous ne l’avons pas vue. A présent il nous faut ta photographie, il y a une place qui l’attend dans l’album, ainsi que celle de ton mari ; ne tarde donc pas, je te prie, à nous envoyer la famille au complet.
Je t’aurais répondu plus tôt, chère Mathilde, mais si tu savais quelles vicissitudes nous avons eues depuis notre retour des eaux ! D’abord notre saison à Néris a été très tourmentée, j’ai souffert d’une manière horrible pendant tout mon traitement ; à notre arrivée ici, c’était plus horrible encore, il s’y joignait les émotions du retour, ce qui me bouleverse toujours, et des crises plus fortes. Mais ce n’est pas tout. Tu sais que depuis trois ans Nancy se plaint de malaises impossibles à chasser ; il y a une huitaine de jours elle gémissait davantage, enfin vendredi matin, en se levant, elle s’est trouvée mal, puis une forte fièvre s’est déclarée, et elle garde le lit encore. La fièvre a beaucoup diminué aujourd’hui, le pouls est presque à l’état ordinaire, mais nous avons eu de grandes inquiétudes ; nous craignions une maladie grave, le médecin parlait tout bas de fièvre typhoïde, il ne voulait pas se prononcer. Grâce à Dieu, j’espère que tout danger est passé maintenant et que nous en serons quittes pour des alarmes et des soins. Si au moins ce pouvait être une crise favorable qui lui rendît une santé parfaite, combien nous la bénirions, mais c’est peu probable, nous avons trop de malheur pour que rien tourne à bien chez nous ; ma pauvre Nancy s’attend à retrouver son petit fardeau de misères. Nous avons heureusement un très bon médecin de Lyon qui se trouve par hasard à Estressin où il soigne, chez sa belle-mère, sa femme malade ; c’est le gendre de Mr Faugier, et le major de la charité de Lyon. Une absence de notre médecin a permis de lui faire infidélité ; puis à la campagne, les choses auraient été plus compliquées, s’il avait fallu recourir à Vienne. Mr Berne prétend que le séjour à
Estressin aidera Nancy à se remettre plus vite et a empêché la maladie de
devenir grave. — Nous ne sommes ici que depuis une semaine, les premiers jours après notre arrivée, nous les avons passés à Vienne à cause des fêtes et des grandes chaleurs. Estressin devenu fournaise n’était plus abordable, et impossible pour mon père qui fait la course à pied chaque matin et chaque soir.
Tu veux sans doute savoir, chère Mathilde, comment s’est passé notre temps à Néris. Eh ! bien, ce pays qu’on nous dépeignait sous un jour si affreux, n’est pas aussi triste qu’on veut bien le dire, et sans mes grandes souffrances je m’y serais vraiment plue ; il y a peu de plaisirs, peu de monde, peu de mouvement, presque pas de jolies promenades, mais on y trouve une société choisie et agréable ; à notre hôtel surtout, nous avions des ressources en ce genre ; j’espère que nous pourrons continuer quelques-unes des relations faites à Néris avec des personnes de Lyon, et un jeune ménage de Vienne que nous ne connaissions pas. Mais, chère Mathilde, tu ne saurais t’imaginer dans quel état de tristesse, d’inquiétude et de souffrances, je suis rentrée à Vienne ! Loin d’être une réaction comme cela arrive quelquefois, le mal augmente dans des proportions effrayantes, ces jours-ci, je ne sais plus où j’en suis. Voilà ma dernière et unique ressource épuisée ; je comptais peu, j’en conviens, sur un très brillant résultat. Cependant, les eaux de Néris font de fréquents miracles, elles ont une action souveraine sur les nerfs ; le médecin me citait chaque jour des guérisons étonnantes, il m’assurait la mienne, avec une persistance inouie, ses prophéties merveilleuses m’ont porté malheur, je crois. Maintenant je me désole doublement. Qu’essayer, à quoi recourir ? et le souvenir de l’hiver dernier, les tortures du présent sont de mauvais présages. La résignation sans espérance est plus difficile qu’on ne croit à pratiquer, chère Mathilde ; mais, à chacun sa destinée, rien ne l’arrête, il faut la subir avec un cœur brisé et soumis, jusqu'au bout. Si tu apprends que je suis morte ou folle ou quelque chose d’extraordinaire enfin, ne t’étonne pas ; une seule devrait te surprendre, ce serait la nouvelle de mon bonheur.
Mais, chère Mathilde, je m’oublie, je t’attriste en causant autant de mes chagrins ; pardon de me laisser aller ainsi, tu es une si bonne cousine que je cède, sans m’en douter, à l’influence de ton amitié. Parlons d’autre chose n’est-ce pas ? D’abord j’ai à t’expliquer (ce que tu as sans doute deviné), je veux dire notre manque de parole à mes cousines Burdet. Notre visite leur avait été promise aux vacances de Pâques, ces pauvres amies attendaient l’automne avec grande impatience, et pendant ce temps-là mon père réfléchit qu’il serait inconvenant d’aller à Claix sans lui à cause d’Auguste... Nous avons donc donné je ne sais quels prétextes, ce qui nous a fort ennuyées, je t’assure, nous craignions de fâcher nos cousines ; enfin, il y a complication de tous côtés pour nous. De plus, nous serons privées du plaisir de te voir, chère Mathilde, ce qui augmente bien nos regrets. — Comment ma cousine t’a-t-elle raconté tout cela ? a-t-elle eu l’air de se douter du motif de notre refus d’aller à Claix ? je te prierais de nous le dire.
Nous avons vu hier ma tante Marmion ; tu vas t’en étonner, mais tu sauras qu’elle n’a pas fait son voyage d’Allevard, à la grande contrariété de mon oncle qui attendait cela comme une distraction. Ma tante allait à Lyon et s’arrêtait au passage pour nous voir pendant quelques heures, elle ne savait pas Nancy malade. Je lui ai montré les photographies de tes enfants, je te préviens qu’elle en réclamera à son tour.
Adieu, chère Mathilde, ma tête et ma main gribouillent
après cette longue lettre. J’ai appris avec grand plaisir que tes enfants n’ont pas souffert des grandes chaleurs, je pense que vous allez tous bien, plus heureux que nous, et que nous trouverons quelque moyen pour te revoir sans attendre un temps indéfini, mais pour Claix, il est plus que probable que nous n’y retournerons pas ces vacances.
Adieu encore, Nancy se joint à moi pour t’embrasser
tendrement ainsi que tes mimis..
Mon père te fait ses amitiés, et nous envoyons les nôtres
collectives à ton mari.
Ta cousine qui t’aime.
J.S.
Victoire envoie un bonjour à Henriette et elle la prie de dire à ses parents que sa sœur et elle vont bien.
Nous avons vu souvent à Néris le cousin François qui a
été d’une amabilité incomparable. C’est un homme charmant ; il a promis de nous faire une visite à son retour d’Allevard, j’aime à croire qu’il tiendra parole.
Nous avons visité sa belle manufacture, il est dans son
établissement comme un véritable petit roi.
2011.02.317 | Jeudi 10 décembre 1863 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Le projet de mariage dont il est question dans cette lettre concernait Nancy Suat (voir les lettres de Berlioz aux Suat du 26 et 29 novembre et du 24 décembre 1863, CG nos. 2806, 2807, 2815). Joséphine Suat ne devait se marier qu’en septembre 1867 (voir 2011.02.333), et Nancy en janvier 1870.
Vienne 10 décembre (18)63.
Chère Mathilde,
Je sais que tu t’intéresses vivement à la question qui nous a longtemps préoccupé, et je viens t’annoncer que toutes les alternatives sont terminées : le mariage est rompu par suite des impressions fâcheuses que ce projet produisait sur Nancy, et qu’elle n’a pu vaincre. Je te remercie de toute l’affection que tu nous a témoignée dans cette nouvelle circonstance.
Mon père qui t’embrasse de tout son cœur ainsi que ton mari, et qui a été profondément contrarié du résultat de cette affaire, me charge de te dire qu’il est allé avec Mr Girard, il y a environ trois semaines, goûter le vin de Côte-Batie de la récolte de 1861,
tout-à-fait en première qualité. Le vin venait d’être soutiré, et malgré cela il lui a paru excellent, si bien que Mr Girard en a
arrêté une demi-pièce (219 à 220 litres environ) ; avant-hier, on l’a goûté de nouveau et il a semblé exquis, bien supérieur à ce qu’il était la première fois ; il vaut celui de 1858, dont mon père, qui en a une très petite provision, est enchanté. Si ton mari en veut une demi-pièce, elle pourra lui être expédiée en tonneau double fût ; prix 200 fr. comptant et il y aurait en sus les frais de la double enveloppe. Si au contraire, il n’en voulait qu’un quart, mon père pourrait le lui procurer en partageant avec lui, mais à raison du port, de l’emballage et de l’entrée qu’il faudrait payer à Vienne, cela serait beaucoup plus coûteux.
Mon père pense qu’il n’y a pas à hésiter, et qu’il vaut mieux en prendre une demi-pièce. Ton mari aura la bonté de faire connaître bien vite sa décision à ce sujet, le vin devant être livré un de ces jours.
Adieu, chère Mathilde, j’aime à penser que tes enfants vont toujours à merveille. Je les embrasse ainsi que toi bien tendrement, de moitié avec Nancy.
Ta cousine qui t’aime
J.S.
Mon père part ce matin pour la Côte, des affaires l’ont empêché d’y aller plus tôt.
2011.02.319 | Jeudi 12 octobre 1865 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Vienne 12 octobre (18)65.
Chère Mathilde,
Pourquoi donc nos lettres commencent-elles toujours par des reproches ou par des excuses ? Est-ce une fatalité ? Cette fois, je t’enverrai les uns et les autres, ce qui, je crois, égalisera les positions. — Il y a longtemps en effet que nous n’avons reçu de tes nouvelles, et nous aurions été moins patientes à attendre une lettre de toi, si nous n’en n’avions su indirectement par les cousins et cousines. Je suppose que tu es encore à Crémieux car tes habitudes sont régulières comme le soleil, et les brouillards de novembre te font seuls rentrer.
Nous regrettons que ces longs séjours chez ta belle-mère
nous privent chaque année du plaisir de te revoir, nos voyages se rencontrent bien mal. — Mais il faudra que tu nous dédommages ; cette année nous
réclamons avec instances une visite. Rien n’est plus facile, tes enfants sont maintenant de petits personnages très capables de faire le voyage au long cours de Grenoble à Vienne, et les études de Camille ne sont pas encore tellement sérieuses qu’il ne puisse les interrompre une semaine au moins. Ainsi, chère Mathilde, pas de prétextes, je t’en prie, nous n’y croirions pas. Au commencement de décembre, nous t’attendrons, avant les grands froids. Novembre est le mois des installations, des arrangements, et puis nous irons je pense à Tournon à cette époque. — C’est entendu , n’est-ce pas ? Tu ne voudrais pas être la seule à nous refuser une visite. Tous les autres cousins grenoblois nous ont promis la leur, les Berlioz au printemps, et les Burdet cet hiver. — Tu sais sans doute que nous sommes allées passer quelques jours à Claix ; le carré n’y tenait plus d’impatience de se revoir, après un an de séparation, et des voyages d’outre-mer à raconter. Mais, ces jours de réunion passent trop vite, et au départ, on déplore toujours de ne pas habiter la même ville. Nous avons passé notre temps d’une manière très paisible ; nous avons fait une course à St Georges, où nous avons parlé beaucoup de toi (le cousin Victor te porte chaleureusement dans son cœur) ; par malheur, nous n’avons pu jouir de ses enfants qui avaient la rougeole.
Nous voilà revenues au calme de Vienne, qui est encore bien désert. Mme Savoye est revenue pourtant ; avant son
arrivée, nous pouvions nous croire dans le Sahara.
La santé de mon père a été excellente tout l’été,
nous en étions bien heureuses ; ce bien-être semble se gâter depuis
quelques jours, et cela nous fait peur.
J’ai reçu ce matin des nouvelles de ma tante Marmion, qui sera à Anjou jusqu’à la fin du mois, et qui ne gémit pas trop sur sa santé actuelle. Mon oncle fait sa tournée dauphinoise habituelle, avec fêtes, dîners, etc.
Mon pauvre oncle Hector n’est pas si triomphant : sa dernière lettre disait qu’il avait toujours de violentes douleurs. Cet état de souffrance nous afflige et nous inquiète.
Adieu, chère Mathilde, Nancy m’appelle pour aller
déjeuner, aussi je me hâte de t’embrasser de tout mon cœur ainsi que tes enfants sans oublier ton mari.
Ta cousine affectionnée
J.S.
2011.02.320 | Mercredi 19 décembre 1866 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | Image |
Sur le concert de Berlioz à Vienne (Autriche) le 16 décembre 1866, voir la page sur Vienne. Berlioz avait écrit à Joséphine et Nancy Suat le soir même du concert pour leur annoncer son succès (CG no. 3195; R96.438); sa lettre a dû arriver peu après celle-ci.
Vienne 19 décembre (18)66.
Chère Mathilde,
Je ne veux pas laisser repartir ta tante sans la charger de te porter nos souvenirs et tous nos vœux pour 1867, pour toi et les tiens ; vœux nombreux et sincères, tu ne saurais en douter. Une année qui commence inspire toujours des souhaits pour ceux qu’on aime ; mais en même temps cette perspective d’avenir amène des réflexions sérieuses et une certaine sollicitude pour l’inconnu qui se présente. Je suppose que tes enfants, qui n’ont pas de préoccupations de cet ordre-là, voient venir le jour de l’an avec joie. Nous aimerions bien à pouvoir les embrasser et nous amuser avec eux plus souvent. Si Camille nous faisait l’honneur de nous écrire, nous serions très enchantées ; demande-le lui de notre part. Chère cousine, tu n’abuses pas de la correspondance, et je te prie de donner à tes enfants de meilleures habitudes.
Notre existence continue à être des plus insignifiantes ; enfin, je ne saurais rien te raconter d‘intéressant. Nous voyons peu de monde, nous faisons toujours à peu près la même chose. Nos leçons de chant, de loin en loin, forment notre principale distraction. Tous les lundis, nous allons travailler pour les pauvres chez les sœurs de St Vincent avec quelques dames et jeunes filles ; voilà ce qui constitue nos petits plaisirs.
L’hiver s’annonce devoir être très calme, on ne parle d’aucune réunion en projet. Nous n’en sommes pas désolées ; quand on sort peu, on perd l’envie de s’amuser. Du reste, mon père est si souvent souffrant, que nous ne pourrions pas être très mondaines. Il vient de passer une mauvaise semaine. Aujourd’hui il va mieux, mais sa santé nous donne des continuelles sollicitudes.
Nous avons eu dernièrement au passage nos cousins Michal,
qui ne nous ont donné que quelques heures. Nous avions chargé notre cousine Mélanie de te faire nos amitiés. Louise est à Grenoble, et je suppose que tu
la vois pendant ses petits séjours. Sa maternité doit l’absorber d’avance ; la pensée de la retrouver mère de famille nous étonne et nous paraît encore incroyable.
Sais-tu que notre oncle Hector est en Autriche, et que
dimanche passé il a donné à Vienne un grand concert ? Nous attendons
avec impatience des nouvelles de ses succès.
Nos oncles Marmion sont à Nice, où après beaucoup de
recherches ils sont parvenus à s’installer dans un joli logement, dans le plus beau quartier de la ville, rue Gioffredo no 10. Ma tante
tousse moins depuis qu’elle a quitté Tournon.
Adieu, chère Mathilde, je termine en t’embrassant de la part de nous tous, ainsi que ton mari et tes enfants.
Toute à toi
J Suat
2011.02.322 | Mercredi 6 mai 1868 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | Image |
Rappelons que le mariage de Joséphine Suat et Auguste Chapot avait eu lieu le 10 septembre 1867 (2011.02.333). Henri Chapot, premier fils de Joséphine et Auguste Chapot, est né le 6 novembre 1870; l’enfant annoncé par Joséphine dans cette lettre de 1868 n’aurait donc pas survécu. On remarquera que dans sa lettre de mars 1869 (2011.02.324) Joséphine ne fait aucune allusion à un enfant qui lui serait né dans les mois précédents. — Sur les chutes de Berlioz en mars 1868 voir la page sur Berlioz et Nice. — Entre autres lettres de Berlioz traitant de ces événements on en connaît deux à Nancy Suat de la fin mars 1868 (CG nos. 3349 et 3351) et une à Joséphine Chapot du 23 avril (CG no. 3355); ces trois lettres se trouvent au Musée Hector-Berlioz (R96.461 à 463). — Berlioz avait aussi donné un récit détaillé de ses chutes à Camille Pal le 28 mars (CG no. 3350). — Mathilde Masclet écrivit à Berlioz qui lui répondit le 8 avril (CG no. 3353).
Soissons 6 mai 1868.
Chère Mathilde,
Je ne saurais te dire depuis combien de temps je forme le projet de t’écrire, et toujours il se présente un obstacle pour m’obliger à renvoyer ce plaisir. D’abord, à mon arrivée, tous les détails de l’installation m’ont absorbée ; puis des difficultés de domestiques ; enfin, ceci est la plus grande raison de mon silence, depuis deux mois et demi je suis très souffrante, et incapable souvent de rien faire. J’ai commencé à être malade le jour même de mon entrée dans notre appartement et depuis lors, avec des périodes plus ou moins douloureuses, je n’ai pas cessé d’être gémissante. Tu voudras donc bien, chère Mathilde, me pardonner, et me le prouver en me donnant bientôt de tes nouvelles et de celles de tes enfants. — Voilà l’hiver passé, les émigrants ordinaires de chaque été songent à retrouver leurs jardins et leurs champs. Je suppose que tes projets ont leur programme habituel, et qu’après un premier séjour à St Vincent, tu iras t’installer pour un mois à Crémieux, et qu’alors Camille [Masclet] ralentira un peu son ardeur pour le travail. Ses études sont déjà assez sérieuses et un repos relatif doit être favorable à sa santé. Quant à la jeune Marie [Masclet], elle est sans doute enchantée de jouir de plus de liberté.
Je te parle de mes misères, chère Mathilde, et je ne t’ai pas dit encore que malgré tout ce qu’elles ont de pénible, elles me rendent heureuse par l’espoir qu’elles me donnent : la perspective d’un bébé attendu vers la Toussaint prochaine. Pour m’aider à prendre patience et courage dans les heures où je souffre beaucoup, je songe à la joie que me promet ce futur poupon désiré. Je commence à penser à son petit trousseau dont Nancy s’occupe déjà. Cela nous distrait dans nos moments de solitude respective, et il nous semble que cette communauté de pensées nous réunit un peu. Nous ne sommes point encore habituées à vivre séparées l’une de l’autre, je ne sais même, si nous y parviendrons jamais.
Ma chère Nancy me manque sans cesse, c’est le point noir à mon bonheur, et je crois qu’elle aussi supporte avec peine son isolement à Vienne. Enfin, bientôt nous allons nous retrouver tous les quatre réunis pour quelque temps : j’attends mon père et Nancy dans une quinzaine de jours, et j’espère aller un peu mieux à cette époque afin de jouir de leur visite plus complètement et de rendre leur séjour plus agréable. J’ai un gentil et commode logement ; seulement je déplore qu’il ne soit pas assez grand pour nous permettre d’avoir deux chambres à donner. Je pense que mon père ne sera pas trop contrarié de prendre un lit dans l’hôtel voisin ; j’attends une réponse à ce sujet.
Je te parlais en commençant, chère Mathilde, de mes embarras de domestiques, ils ont été assez prolongés ; enfin j’ai pu trouver une bonne, cuisinière encore assez novice et que je tâche de former peu à peu avec mes très faibles connaissances.
Tu as sans doute appris le surcroît de souffrances de mon
pauvre oncle Hector, occasionné par des chutes dans son voyage à Nice et à
Monaco. Ces accidents nous inquiétaient, et Auguste est allé le voir à Paris.
On le soumet toujours à un régime sévère, il ne sort pas, d’après les
ordres du nouveau médecin qui le soigne ; il était en convalescence
lorsqu’il a eu une rechute. Il va mieux maintenant, à ce qu’il nous a écrit, après nous avoir laissé trois semaines sans nouvelles.
Je n’ai pas de lettre de ma tante Marmion, qui je suppose pourtant revenue d’Hyères. Mon oncle désire toujours le retour.
Tu dois voir souvent ma cousine Burdet dans les loisirs que lui laisse sa triste solitude. Elle fait bien quelques visites à ses filles, qui viennent les lui rendre. Mais ce n’est plus la même chose.
Adieu, chère Mathilde, sois indulgente si je ne t’écris pas très exactement, et ne tarde pas, je te prie, à me répondre. Je t’embrasse tendrement ainsi que tes enfants. Mon mari me charge de le rappeler à ton souvenir et à celui du cousin Jules. — J’ai eu ce matin des nouvelles de mes belles-sœurs qui partent pour la campagne après-demain. L’une d’elles est un peu souffrante, ce qui ne sera rien, j’espère. Adieu encore et toute à toi
JC
2011.02.324 | Samedi 13 mars 1869 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | Image |
Berlioz est mort le 8 mars 1868 à son domicile parisien au no. 4 rue de Calais à midi et demi. Son fidèle domestique et son mari (Pierre-Guillaume Schumann), sa belle-mère Madame Martin et ses amis Ernest Reyer et Madame Charton-Demeur étaient à son chevet pendant ses dernières heures. Le service funèbre eut lieu à l’Église de la Trinité (11 mars) et il fut enterré au Cimetière Montmartre où ses deux épouses avaient déjà été inhumées. Berlioz avait rédigé son testament le 29 juillet 1867, dans lequel il instituait ses trois nièces, Mathilde Pal-Masclet, Joséphine Suat-Chapot et Nancy Suat ses légataires universelles. Marc Suat mourut le 1er décembre 1869.
Soissons 13 mars (18)69.
Ma chère Mathilde,
Je t’aurais écrit plus tot si j’avais eu le temps et le courage de le faire. J’ai eu tant de secousses depuis quelques semaines, j’ai fait tant de voyages pénibles, que je suis toute souffrante et ébranlée.
Tu attends sans doute que je te donne quelques détails sur
les derniers instants de notre pauvre oncle bien regretté. Nous avons au moins la consolation de penser que sa fin a été calme et qu’il s’est éteint sans grande souffrance. On lui a donné l’Extrême-Onction
assez à temps, je veux l’espérer, pour qu’il ait eu un éclair de foi vive encore et suffisante. Des amis l’entouraient ; nous n’étions pas encore arrivés. D’après nos recommendations, on voulait nous prévenir aussitôt que le danger a paru pressant ; mais le bureau télégraphique se fermant le dimanche de meilleure heure, il a fallu attendre au lendemain pour nous envoyer une dépêche ; aussi sommes-nous arrivés quatre heures trop tard, à notre grand regret. — J’ai bien dit adieu à notre cher oncle au nom de toute la famille, et mon mari a rempli auprès de lui les derniers devoirs. Il a été admirablement soigné par sa belle-mère, sa domestique et le mari de cette dernière ; tous ses amis étaient unanimes pour le dire.
Je ne te raconte pas la cérémonie, tu as dû, comme moi, en
lire les détails dans les journaux. Il a été inhumé au cimetière Montmartre, dans un caveau de famille où reposent déjà ses deux femmes. — Je ne te parle pas non plus de ses dispositions testamentaires. C’est Mr Edouard Alexandre qui nous les a fait connaître sommairement, et qui t’a écrit, sur notre demande. Le notaire a dû depuis compléter ses premiers renseignements. Les deux lettres t’ont été adressées rue Villars, où se trouve ton nouveau logement ; cependant, comme il n’est arrivé de vous à Paris aucune réponse, je me demande si vous y êtes déjà installés.
Je sais que Nancy t’a donné récemment des nouvelles de mon père et t’a parlé de nos inquiétudes à son sujet. Le mieux survenu pendant notre séjour à Vienne n’a pas progressé, comme nous l’espérions, et les bulletins que m’envoie Nancy ne sont pas très satisfaisants. Nous souhaitons ardemment le beau temps, la chaleur, qui
seraient, je crois, un bon remède pour notre malade. On n’a pas osé encore lui apprendre la mort de mon oncle.
Adieu, chère Mathilde, je termine car je suis très lasse ce soir, et je t’embrasse bien tendrement ainsi que tes enfants. Nos amitiés à ton mari, je te prie.
Ta bien affectionnée
J. Chapot
P.S. Voici, si vous ne l’avez déjà, l’adresse du notaire : Mr Gatîne, rue Ste Anne 51, Paris.
Nous sommes chaque jour dans l’attente d’un ordre de départ pour Laon, par suite, pour mon mari, d’un changement de bataillon. Mais jusqu’à nouvel avis, écrivez-nous à Soissons.
2011.02.327 | Vendredi 8 août 1856 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | Image |
Sur le séjour d’Adèle à Plombières en juillet-août 1856 et sa rencontre avec son frère Hector, voir son mémoire du 2 août (R96.856.2). Voir aussi la page sur Berlioz et Bade.
Vienne août vendredi 1856
Ma chère cousine
Je viens de recevoir une lettre de Maman qui se plaint de ce que tu ne lui donnes plus signe de vie ; et elle serait inquiète de toi, si elle ne savait de tes nouvelles
par mon oncle Marmion, aussi elle m’a chargé de te faire ses reproches, et de te dire qu’elle ne partira que le 15. Elle s’amuse toujours beaucoup, tu as su sans doute que mon oncle Hector était à Plombières, il en est reparti mardi, maman était bien heureuse de pouvoir le voir pendant 15 jours, aussi elle ne le quittait presque pas ; elle le voit si rarement. Madame Boutaud part aussi dimanche. Marthe [Boutaud] était bien heureuse, elle est allée au bal donné par l’empereur, ce qui l’a émerveillée.
Tu as reçu la visite de mon oncle et de ma tante Marmion,
nous les avons vus à leur passage ; ma tante était enchantée de St Vincent, elle avait été bien heureuse aussi de te voir, elle nous a raconté qu’elle avait vu nos cousines Burdet, qui lui ont beaucoup plu.
Pendant l’absence de maman nous nous émancipons je t’assure, toutes ces dames nous font sortir. Nous attendons le 16 avec grande impatience, c’est qu’il y a un grand mois que maman est partie. Mais aussi nous aurons le bonheur de les voir arriver bien portants, car les eaux leur ont fait beaucoup de bien à tous deux.
Les prix ne sont pas encore donnés ; nous
pensons que ce sera du 25 au 26. Aujourd’hui et tous ces jours-ci, nous sommes en compositions comme tu le penses.
Et toi, chère cousine que fais-tu, vraiment on dirait que
nous sommes separées par le monde entier, car tu ne nous écris jamais. Mais je t’en prie réponds-moi, ainsi qu’à maman, cela nous fera bien plaisir de savoir ce que tu deviens.
Adieu, chère Mathilde, je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que Joséphine. Quant à ton mari je n’ose peut-être pas, cependant comme il est ton mari et que je t’aime bien, je l’embrasse tout de même, malgré qu[’il y] ait fort peu de temps que je le connaisse.
Adieu encore chère Mathilde.
Ta cousine qui t’aime
Nancy
J’avais oublié de te dire que mon oncle Hector avait été invité par l’empereur, il y est allé, Sa Majesté a été très gracieuse pour lui et lui a parlé deux fois.
Il est parti pour Bade où il compte donner des concerts.
R96.858.8 | Fin novembre 1858 (?) | À sa mère Adèle Suat | Transcription littérale | — |
Sur la série de lettres de Nancy Suat concernant la période de novembre à décembre 1858 et sur les autres lettres qui s’y rapportent, voir la page sur la chronologie.
Tournon jeudi matin.
Mon oncle vient de recevoir ta lettre, chère Maman, et ma tante sort de ma chambre, où elle est entrée pour m’apporter des nouvelles. Toujours la même chose ! Que ce mot est terrible, mon Dieu c’est désespérant ; pauvre Joséphine, pauvre maman ; cependant il paraît qu’elle n’a pas été plus souffrante depuis la dernière lettre que tu m’as écrites qui m’avait tant peiné, car tu me disais qu’elle avait été encore plus fatiguée qu’à l’ordinaire si c’est possible. L’absence de papa a été bien malencontreuse, et il a dû vous en coûter beaucoup de le laisser partir, quand on est si malade et si triste on a besoin d’être tous réunis ; toi surtout, chère maman, toi qui es toujours, toujours là, il est de toute nécessité que tu aies papa pour t’aider un peu ; et puis Joséphine est plus tranquille quand elle sent que vous êtes tous près d’elle. Moi je voudrais bien pouvoir aussi lui donner mes soins et toutes mes caresses, je voudrais prendre tous ses maux et les porter à sa place ; mais je ne puis que penser à elle et à vous. cher papa et chère maman.
Madame Boutaud a retardé son voyage à Lyon jusqu’à lundi prochain ; son projet est toujours de s’arrêter à Vienne pour te voir. Je dîne et je déjeune bien souvent chez elle, et je passe presque toutes mes journées avec Marthe, qui est d’une bonté pour moi dont tu ne peux pas te faire une idée.
Lundi dernier nous avons eu notre petite réunion chez ma tante ; nous étions sept, il y avait les deux demoiselles Molière, les grandes amies de Marthe ; elles sont très bien, puis Melle
Descote et Melles Taste et Ferrand ; ma tante nous a donné un très bon goûter dont nous faisions les honneurs, Marthe et moi ; Marthe a découpé deux poulets avec une dextérité admirable, Joséphine malgré son grand talent n’aurait pas mieux fait.
Quand est-ce qu’elle voudra, cette bien chère sœur, se laisser distraire et amuser ? Espérons que ce moment si, si désiré ne se fera peut-être pas trop attendre, et que bientôt nous aurons le bonheur de la voir redevenir la Joséphine d’autrefois, gaie et bien portante ; mais il ne faut pas parler de cela, je vais la faire pleurer, je me tais bien vite sur ce sujet.
J’ai écrit hier à Marie et aujourd’hui
ou demain j’écrirai à Céline.
Ce soir je vais dîner chez Mme Césarine. Tu auras la bonté, chère maman, de m’envoyer par Mme Boutaud 1 ou 2 chemises, des bas, des pantalons, des camisoles et tous les cols et toutes les manches qui restent encore à Vienne. Si tu m’envoies
ma robe tu me feras expliquer comment tu veux la faire faire ; la tailleuse de ces dames est une bonne faiseuse.
Adieu, adieu chère maman, je t’embrasse ainsi que Joséphine, ma chère Joséphine et papa de toutes les forces de mon âme.
P.S. J’étudie mon piano tous les jours.
Mes compliments bien empressés à la bonne Mme Savoye.
Le départ de mon oncle n’est pas encore fixé.
R96.858.7 | Fin novembre 1858 (?) | À sa mère Adèle Suat | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8. Sur Eugénie Blachier voir sa lettre du 23 novembre 1858, R96.865.
Tournon samedi.
Je t’écris, chère maman, pour te dire que madame Boutaud, au lieu de partir lundi, partira demain à 1 heure de Tain, et arrivera à Vienne à trois heures à peu près ; elle dînera avec vous et repartira le soir, afin d’être lundi de bonne heure à Lyon.
Je veux espérer que sa visite fera un peu plaisir à Joséphine, qu’elle la distraira ; que je serais contente si ces dames, à leur retour, me disaient qu’elle va un peu mieux ! Toi maman, la courte apparition de la si bonne madame Louise [Boutaud] te fera peut-être du bien ; car tu as besoin, dans cette triste circonstance, de l’intérêt et de l’affection de tes amies.
Hier je suis allée avec ma tante voir Mme
Blachier, mais elle n’y était pas ; de là alors nous sommes allées chez Mme Descot, cette demoiselle qui était chez ma tante l’autre jour ; elle est très adroite et fait fort bien le filet ; elle nous a montré une garniture de mouchoir qu’elle avait faite au filet avec du fil excessivement fin, c’était très joli et imitait la guipure.
Le départ de ma tante n’est pas du tout fixé ; je crois cependant qu’elle se décidera pour Hyères ; mon oncle a
un peu repris ses fatigues d’autrefois, et ma tante tousse ; outre cela, elle a un petit bobo au doigt puis un clou sur la poitrine, de
sorte qu’elle se tourmente ; néanmoins, je suis sûre que Joséphine
voudrait bien changer sa maudite fièvre contre tous ces petits maux. Pauvre sœur ! Il vaudrait encore mieux ne rien changer et n’avoir plus la fièvre.
Adieu, adieu chère maman, chère Joséphine, je vous envoie ainsi qu’à papa toutes les caresses de mon cœur.
J’avais oublié l’autre jour de te dire de mettre dans le paquet que tu m’enverras : des mouchoirs de poche,
des bonnets de nuit, une paire de manches, un tricot, et une tournure et une jupe gommée, puis mes semelles fourrées que j’avais oubliées. Voilà beaucoup de choses et je crains que cela ne fasse un bien gros paquet ; mais madame Boutaud ne s’en chargera qu’à son retour et tu auras la bonté de l’envoyer à la gare le jour où elle passera.
J’aurais bien envie, chère maman, de prendre des leçons d’accompagnement de Mr Marel, le professeur de
Marthe qui enseigne très bien ; si tu juges convenable de me le permettre, tu me le feras dire par Mme Boutaud.
Adieu encore, c’est l’heure de déjeuner ; je vous embrasse encore mille et mille fois.
Nancy Suat.
J’ai écrit hier à Céline de mon mieux ; toutes les recommendations ont été suivies.
Si le temps n’est pas très sûr madame Boutaud partira tout de même, mais s’il pleut à torrents tu conçois facilement
qu’elle ne s’embarquera pas.
Je décachète ma lettre pour accuser réception du sac ; tu as bien pensé à tout, chère maman, et je te remercie de tout mon cœur. Joséphine est toujours aussi triste, mon Dieu que je la plains ! Ta robe est très jolie et me plaît beaucoup ; je la ferai faire bien comme tu me le dis, afin qu’elle soit bien comme celle de Joséphine,
R96.858.11 | Fin novembre 1858 (?) | À sa sœur Joséphine Suat | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8.
Tournon dimanche.
Ma bien chère Joséphine
La bonne lettre de maman m’a un peu rassurée, et j’ai été bien heureuse d’apprendre que vendredi tu avais moins souffert ; cela était de toute justice, tu avais assez payé ton tribut jeudi.
Mon Dieu que cette fièvre est donc terrible, pauvre petite sœur ! Mais écoute, quand tu seras guérie tu prendras ta revanche et alors nous serons tous bien heureux.
Ma tante me soigne et me dorlote ; on fait du feu dans ma chambre, et c’est là que je reçois Marthe qui passe ses journées avec moi ; hier j’ai dîné chez sa mère et aujourd’hui j’y ai déjeuné, ce soir je suis invitée chez Mme Bergeron ! Ma tante voulait avoir cet après-midi une réunion de jeunes filles, mais ces demoiselles étaient toutes invitées chez une autre personne, de sorte que le goûter a été renvoyé à demain ; il doit y avoir une petite loterie où il y a de forts jolis lots, dont un t’est destiné. Pourquoi n’est tu pas là chère, chère sœur pour prendre ta part de ces petites distractions, mais le mauvais temps ne dure pas toujours, et les beaux jours reviendront peut-être bientôt ! alors je n’irai plus sans toi et mon plaisir sera centuplé.
Madame Boutaud a toujours le projet de partir mercredi, mais ma tante ne veut pas qu’elle m’emmène ; elle veut me garder jusqu’à son départ pour le midi et après me laisser à Madame Boutaud, ce qui est de toute impossibilité, car enfin je ne peux pas passer ma vie toujours loin de vous ; mais je ne peux pas faire entendre raison à ma tante sur ce sujet, et il faudrait je crois l’autorité de maman pour la décider.
Adieu, ma chère sœur, je te quitte pour rejoindre Marthe pour aller à Vêpres, où je prierai de tout mon cœur pour toi ; je vais mettre mon beau châle, que tout le monde trouve bien joli, et on prétend que je ressemble à une dame ; tu comprends combien je suis flattée, j’espère bien que tu as mis le tien aujourd’hui et que de ton côté tu veux aussi essayer de jouer la dame.
Allons, je plaisante ; ai-je tort ? Dieu veuille que non.
Adieu encore, j’embrasse papa et maman mille et mille fois et toi je t’étouffe de baisers.
Ta sœur
Nancy
R96.858.6 | Début décembre 1858 (?) | À sa sœur Joséphine Suat | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8.
Tournon jeudi.
Ma bien chère Joséphine
Monsieur Genin vient de faire sa visite à ma tante et il m’a remis le petit paquet de maman, qui me dit que tu vas un tout petit peu mieux ; Dieu veuille que cela ait continué ! Le jour du passage de Mme Boutaud tu n’as pas non plus été par trop souffrante, de sorte que tu as pu jouir un peu du plaisir de voir ces dames. Mr Genin m’a raconté que dimanche il était allé voir maman et qu’il t’avait trouvé en grande toilette assise au coin du feu ; il te trouve aussi grasse qu’autrefois, et dire qu’avec cette apparence tu souffres si
affreusement.
Madame Boutaud ne revient que ce soir ; je ne me suis pas ennuyée pendant l’absence de Marthe, j’avais mon ouvrage et le piano ; puis j’allais me promener, un jour avec Mmes
Frachon et Sauvet, un autre jour avec Mmes Bergeron ; hier je suis allée à Chaise avec Mme Xavier, nous avons visité l’église, les rues. Aujourd’hui devine ce que je suis allé voir ? Une ménagerie. Il y avait des lions, des tigres, des panthères, des hyènes, des ours blancs, deux beaux pélicans, tout blancs avec un grand grand bec, puis de jolis perroquets roses, blancs, rouges, charmants, et enfin des singes, qui attiraient beaucoup de curieux ; le fait est qu’ils étaient fort amusants, avec toutes leurs grimaces, ils avaient des figures d’hommes véritablement.
Es-tu allée te promener aujourd’hui ? Il fait bien beau, tu as dû profiter du soleil, car il y a longtemps qu’on ne l’avait vu. Je voudrais bien être avec toi, chère petite sœur, et tâcher de te distraire, de t’occuper ; que je serais heureuse si je te voyais sourire ; que je donnerais de choses pour cela.
J’espère que maman va bien, qu’elle se soigne et ne se tourmente pas trop ; je la remercie bien de ses jolies cravates qui me font grand plaisir. J’imagine que tu en as aussi et que tu les
portes ; ah mademoiselle, on vous donne de jolies choses et vous ne voulez pas les mettre ; le petit col de ma tante est bien joli, n’est-ce pas ; elle m’a donné le mien aujourd’hui, il n’est pas tout à fait de même que le tien, mais il est bien joli dans son genre.
Je parle toilette et bêtises ; je t’ennuie
peut-être, pauvre amie, je voudrais te distraire un moment, mais si tu es triste et souffrante je ne remplis peut-être pas mon but, mais je veux espérer que si ; je veux croire que ma lettre te fera plaisir et que tu recevras bien les millions de baisers que je t’envoie ; chère sœur réponds-moi : oui.
Adieu je t’embrasse et je t’aime plus que je ne puis le dire. Mille caresses à papa et à maman.
Nancy.
Je renvoie par Mr Genin la crinoline de maman. Mes tailles de dessous vont bien, cependant si les autres ne sont pas faites on pourra les tenir un peu plus étroites en bas et plus larges en haut.
J’ai pris hier ma première leçon d’accompagnement ; je crois que cela me fera du bien pour la mesure.
Adieu je n’y vois plus, les petites Bergeron sont là qui babillent, qui bougent, de sorte que ma lettre doit en souffrir beaucoup ; mais tu es indulgente, et pourvu que je le dise que je t’aime bien tendrement, c’est tout ce que tu veux, n’est-ce pas.
Bien des choses à Victoire et à Marie ; mes compliments à Mme Savoye et a Mme Lucien, et mes
amitiés à Léonie et Caroline.
R96.858.10 | Jeudi 9 décembre 1858 (?) | À sa mère Adèle Suat | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8. La lettre de Félix Marmion annoncée à la fin de la lettre est sans doute la lettre R96.859.10.
Jeudi matin.
Chère maman,
Je veux espérer que le proverbe : point de nouvelles, bonnes nouvelles, a raison, et que Joséphine continue toujours à aller pas trop mal ; je ne me permets pas d’espérer qu’elle va mieux ; ses promenades à cheval l’amusent-elle un peu ? Je la vois d’ici galopant fièrement sur la grande route, et toi pauvre maman la suivant modestement sur tes jambes.
Tu me demandais dans ta lettre quand était fixé le départ de mon oncle ; eh bien personne ne le sait, car ma pauvre tante est pour le moment dans son lit ; tu sais qu’elle avait un clou ces jours passés, elle l’a encore et outre cela une telle irritation de la peau qu’elle lui donne des démangeaisons affreuses, qui sont arrivées peu à Peu de la poitrine jusqu’aux yeux ; elle prend des grands bains tous les soirs pour calmer un peu ses nerfs qui sont bien agacés, car elle se tourmente comme tu peux t’en faire une idée ; cependant ce n’est rien du tout, et son médecin l’a priée d’avoir la bonté de ne pas se tourmenter ; tu comprends, chère maman, que le voyage est renvoyé ; il devait s’effectuer lundi passé, mon oncle avait écrit à Marseille à Mr Morel pour retenir des places pour la diligence d’Hyères ; il a été obligé de contremander les places ; il est bien un peu contrarié de cela ; mais à quelque chose malheur est bon, dit-il, et si ma femme est encore souffrante pour quelque temps, au lieu d’aller à Hyères, nous irons quand elle sera rétablie passer deux ou trois mois à Marseille simplement, ce qui m’arrange très bien. Adèle et Joséphine se décideront peut-être à faire ce voyage ?
Madame Veyron est arrivée depuis lundi ; elle ne va pas mal, et elle a le projet, quand les jours seront plus longs, de venir te faire une petite visite à Vienne. Madame Louise [Boutaud] a un dîner de famille aujourd’hui ; hier je suis allée avec elle et Marthe faire des visites, nous avons commencé par les dames de Landersset, que nous avons trouvées, son fils y était aussi et il nous a montré de très jolies peintures, des vues de la Suisse, des portraits etc. ; il a un beau talent et beaucoup de dispositions, sa sœur aussi, car l’année passée elle a fait le portrait de Marthe et il est très ressemblant ; de là nous sommes allées chez Mmes Descot et Ferrand, que j’avais vues chez ma tante ; Mme Ferrand est de Grenoble et parente ou du moins alliée à ma tante Auguste. À propos de Grenoble, j’avais oublié de te dire que j’avais reçu une lettre de Marie qui me disait que sa mère avait dû t’écrire.
Adieu, chère maman, à bientôt je l’espère, car il serait bien triste pour nous d’être séparées pendant les fêtes de Noël et du jour de l’an. J’envoie à Joséphine un million de caresses, et à papa et a toi chère maman je donne tout mon cœur.
Nancy
P.S. Je n’aurai pas assez d’argent pour donner des étrennes aux filles, payer ma robe et mes leçons.
J’ai écrit une lettre bien affectueuse à Louise Bichat.
Je reçois la lettre de papa à l’instant, Joséphine est à peu près toujours de même. Mon Dieu qu’il faut de la patience.
Mon oncle écrira demain.
R96.858.12 | Lundi 13 et mardi 14 décembre 1858 | À sa mère Adèle Suat (avec Thérèse Marmion) | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8.
[De la main de Thérèse Marmion]
Lundi [13 décembre 1858]
Je vais toujours mieux, ma chère Adèle, mais je ne partirai pas avant mardi prochain ; je continue de prendre mes grands bains, remèdes insupportables à raison des précautions qu’il faut prendre pour éviter le froid ; jeudi je cesserai ce remède incommode ; tâchez de venir Vendredi avec Joséphine pour être témoin dimanche des débuts de votre fille, ce nouveau genre de distraction intéressera votre malade et nous serons tous bien heureux de vous recevoir ; répondez-nous donc promptement et donnez-nous une réponse favorable ; il ne faut pas que cet arrangement nous prive du plaisir de voir votre mari, mais dites-le lui bien, et surtout renoncez l’un et l’autre à nous enlever notre petite Nancy ; il faut qu’elle passe son carnaval à Tournon : je trouve très heureux que Joséphine continue ses courses à cheval, je suis persuadée que cet exercice amènera sa guérison complète ; je vous l’assure pour le mois d’avril ou le mois de mai ; de retour du midi à cette époque, vous venez nous voir, et je donne une belle soirée ; allons, ma chère Adèle, du courage et de la patience, et venez un peu vous retremper au milieu de nous.
[De la main de Nancy Suat]
Ma chère maman
La lettre d’hier de ma tante t’a peut-être bien contrariée ; je n’étais pas chez elle quand elle t’a répondu. Il y a bien longtemps en effet que je suis loin de vous ; mais ma tante t’a expliqué probablement que nous devions jouer une petite comédie et que si je m’en allais avant, je la ferais manquer, ce qui contrarierait beaucoup madame Boutaud et Marthe qui est très entrain. Que je serais heureuse si tu te décidais à venir ce jour-là avec ma chère Joséphine pour assister à mes débuts ; vous m’emmèneriez après, car je n’aurais plus de raisons pour rester à Tournon, et j’en aurais beaucoup qui m’attireraient vers Vienne, car j’espère bien être de retour au milieu de vous pour les fêtes de
Noël et du jour de l’an.
Joséphine se permet le plaisir d’amazone qui l’amuse un peu à ce qu’il paraît, ce qui est déjà beaucoup, et moi je vais m’essayer sur la scène ; j’ai un joli rôle bien long, Marthe est une anglaise, vieille, chargée et la mère de mon futur mari, qui sera probablement monsieur de Landersset ou Mr Gallongeon ; mais rassure-toi, chère maman, il ne me fait point de déclaration car il a toutes les peines du mondes à baragouiner deux ou trois mots à demi français ; Melle Molière est une petite ouvrière bien dégagée et très amusante, Mlle Noémie Blachier devient ma vénérable grand-mère et enfin Mlle Landersset est portière. Que j’aurai de choses à vous raconter !…
Hier nous avons diné chez Mme Camille Bergeron, et demain soir il y a une réunion assez nombreuse chez madame Deville où je suis invitée ; je te dirai que je trouve ma robe grise bien simplette, mais ma tante Marmion ne me comprend pas et prétend que je suis très convenable comme cela ; je m’en rapporte à elle, n’est-ce pas, chère Maman !
Il est l’heure de la promenade de notre pauvre et chère petite malade ; bravera-t-elle aujourd’hui bravement le
brouillard et le froid ? Je m’imagine que oui et je vais la suivre en imagination (on peut aller aussi vite qu’à cheval) sur la route de Marseille ou de Goudrière, et c’est là que je vais lui envoyer un million de baisers, qu’elle recevra sans pleurer je l’espère.
Adieu, chère maman, je t’aime de toutes mes forces.
Je te quitte pour étudier mon piano, car je vais prendre aujourd’hui ma leçon d’accompagnement que j’aime beaucoup ; Mr Marel est un excellent professeur.
Nancy
R96.858.9 | Jeudi 16 décembre 1858 | À sa mère Adèle Suat (avec Thérèse Marmion) | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8. La lettre de Louise Boutaud dont Thérèse Marmion fait mention est R96.863.5.
Tournon jeudi matin [16 décembre 1858].
Chère Maman
J’ai reçu ton paquet avant-hier soir bien à temps ; je l’attendais avec impatience, il ne manquait rien, et jusqu’à ma chère Joséphine qui avait voulu m’envoyer ses épingles ; pauvre sœur, malgré ses maux et sa tristesse, elle pense à moi, elle s’occupe de mes plaisirs. Que je voudrais donc que ce soit des siens ! Mais son tour viendra comme tu le disais, chère maman, et alors elle prendra sa revanche.
La soirée de Mr Deville était plutôt une réunion qu’une soirée, c’est-à-dire qu’il y avait la famille et quelques personnes étrangères ; on n’a pas dansé heureusement à cause de Mme Deville la mère, on a joué très gravement à la comète (un nouveau jeu qui ressemble un peu au nain jaune), puis au lancenet, et on s’est retiré à 11 heures ; j’avais mis ma robe lilas avec le fichu de même, je me suis félicitée de l’avoir, car toutes ces dames avaient des robes un peu claires.
Nous sommes très occupées toujours de notre petite comédie ; tous les jours nous avons une répétition, et j’espère que cela en ira pas trop mal, je ferai de mon mieux, chère maman, pour te faire honneur ainsi qu’à madame Boutaud ; j’ai un rôle sentimental assez difficile mais à force de repétitions je parviendrai à faire bien peut-être, notre projet est toujours de la jouer dimanche ; je suis une petite ouvrière fleuriste réduite là par des revers de fortune, ma toilette alors sera très simple, on doit me prêter une petite robe claire, puis je mettrai mon fichu à la paysanne, celui qui n’a pas de rubans ; et un bonnet un peu gentil sur la tête. Marthe aura une toilette beaucoup plus compliquée ; ma tante a découvert une vieille robe grise avec deux volants en biais festonnés, avec un vieux mantelet, puis elle aura un chapeau délicieux, un chapeau démesurément grand garni de bleu, avec un voile vert, ce qui sera tout à fait anglaise, puis un boa ; un éventail, des gants, un ridicule etc. etc. toutes ces demoiselles auront aussi chacune une toilette assez drôle.
Je ne sais si tous ces détails amusent ou attristent Joséphine ; je voudrais bien la distraire, et puisque malheureusement
tu ne te décides pas à venir, je voudrais au moins tout t’expliquer.
Hier j’ai dîné chez Melle Noémie Blachier avec Marthe, les demoiselles Molière et une jeune personne qui est chez Melle Deville ; aujourd’hui je suis invitée à goûter chez Mme Eugénie Blachier. Tu vois, chère maman, combien j’ai de distractions ; c’est bien triste de penser que ma pauvre sœur
souffre et gémit, pendant que je suis invitée et gâtée par tout le monde.
Ses courses à cheval l’ont donc fatiguée ? C’est doublement affligeant, puisque cela la distrairait un peu ; mais peut-être que quand elle se sera reposée quelques jours, elle pourra les reprendre, en mettant un intervalle, en allant moins loin ; elle pourrait essayer.
Adieu, chère maman ; je te quitte, il faut que je finisse de m’habiller et que j’aille ensuite chez Marthe pour la
répétition ; ma tante veut aussi t’écrire.
Adieu, mille baisers à Joséphine
Nancy
Je te remercie de ma jolie palatine, elle est charmante et m’a fait bien plaisir l’autre jour ; je l’avais gardée pour entrer au salon.
Il est inutile je crois que je fasse terminer les enveloppes de corset que tu m’as envoyées, j’en ai encore de
propres.
Ma robe marron est un peu rongée en effet, [je] pourrai y coudre une tresse, comme à celle de Joséphine, mais je n’aurai peut-être pas le temps ; avec cette comédie la journée passe vite, cependant j’étudie toujours mon piano et longuement ; les morceaux que tu m’as envoyés me semblent jolis.
Adieu
[De la main de Thérèse Marmion]
En m’éveillant, ma chère Adèle, je me suis aperçue que j’avais un commencement de clou sous le bras ; voilà donc mon départ renvoyé pour 8 jours au moins ; j’espère bien que vous renoncerez au projet d’envoyer chercher Nancy ; Louise [Boutaud] qui ne se doutait pas de l’ajournement de mon voyage vous a écrit ce matin pour vous faire comprendre la nécessité de nous laisser encore notre chère petite. Laissez-vous donc toucher, ma chère amie, vous nous rendez tous heureux et franchement dans l’intérêt de votre chère enfant ce sacrifice est nécessaire. Adieu, ma chère amie, courage et patience ; n’abandonnez pas les promenades à cheval, c’est un moyen puissant ; le beau soleil d’aujourd’hui la déterminera à sortir, je l’espère ; nous attendons des nouvelles impatiemment, toujours dans l’espoir qu’elles seront meilleures, et toujours de nouvelles déceptions. Adieu.
Il faut que vous sachiez que votre fille a été trouvée
charmante à la soirée de Mme Deville ; heureusement nous
eûmes l’idée d’envoyer chercher la robe à 7 heures du soir, car sans cette précaution on ne l’aurait apporté que le lendemain.
R96.858.1 | Lundi 20 décembre 1858 | À son père Marc Suat | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8.
20 décembre 1858 Tournon lundi matin
Cher papa,
C’est à toi que j’écris pour répondre à ta lettre, qui m’avait fait bien de la peine ; car tu me disais que Joséphine était toujours aussi souffrante et qu’on avait encore essayé vainement des sangsues et un vésicatoire. Pauvre sœur ! Que de remèdes, et surtout que de maux ; si au moins on pouvait les partager. Maman doit être à bout de forces et de courage ; il me tarde bien de l’embrasser, de la revoir ainsi que Joséphine et toi cher papa ; j’espère que ce sera cette semaine, car il y a déjà bien longtemps que je suis loin de vous.
Hier a été un jour de grandes émotions, nous avons joué notre fameuse comédie, qui a excité des applaudissements frénétiques auxquels nous n’avions pas [pu] nous attendre ; elle a bien réussi en effet, les costumes étaient charmants et nous ne nous sommes pas trop intimidées ; le public était pourtant nombreux et imposant ; il
y avait d’abord toute la famille, puis les parents des acteurs ;
la famille Deville, Goleti etc, ce qui faisait beaucoup de monde. On avait mis des paravents dans le salon pour former la scène, et à huit heures on a
commencé ; Mlle Marel a joué une ouverture, puis on a lu le
programme qui avait été composé par monsieur Camille Bergeron et qui était
fort drôle ; après quoi j’ai paru sur le théâtre toute seule, pour réciter un monologue, qui me faisait beaucoup de souci je t’assure ; la pièce a duré vingt minutes à peu près et nous nous sommes retirées au milieu des applaudissements ; on a même rappelé les acteurs et nous sommes venus alors faire un salut au public, qui avait été si indulgent. Puis nous sommes allées changer de costume, ce qui a encore été assez long, car ces demoiselles avaient de la poudre, des perruques et même du rouge, on avait voulu nous en mettre. Quand les toilettes ont été terminées on a sauté, moi je n’ai dansé ni polkas ni valses, comme maman avait paru le désirer. Je me suis permis les quadrilles avec le galop et l’avocat de paille.
Tu vois cher papa que je me suis bien amusée et qu’il est bien temps maintenant de revenir vous trouver, car enfin je ne veux pas être plus longtemps dans les plaisirs, quand ma pauvre sœur est si souffrante. Pourquoi n’était-elle pas hier au milieu de nous ? Mais son tour viendra et alors elle dansera comme quatre pour remplacer ; quand ce bienheureux temps arrivera-t-il ? ah espérons que ce sera
bientôt.
Je pense qu’on pourrait venir me chercher demain ou après-demain ; si tu n’avais pas le temps Victoire viendrait, mais j’aimerais bien mieux que ce soit toi, cher papa, dix mille fois mieux.
Il me reste 31 francs et 14 sous ; là-dessus il faut payer la façon de ma robe (qui va très bien), puis les leçons et enfin les étrennes.
Ma tante va bien ; elle avait pris un bouton pour un clou, heureusement elle en a été quitte pour la peur ; je ne sais pas quand est fixé le jour de son départ, mais mon oncle doit joindre une page à ma lettre et probablement il parlera de cela.
Adieu, cher père, je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que maman et Joséphine.
Nancy Suat.
Mes compliments à Madame Savoye ; il me tarde de voir Henri, je le trouverai bien changé, je suis sûre qu’il ne me reconnaîtra pas.
Mes amitiés aux Demoiselles Rémond.
Bien des choses à Victoire et à Marie.
R96.858.2 | Vendredi 24 décembre 1858 | À sa mère Adèle Suat | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8. et la lettre de Mme Boutaud du lendemain (R96.863.3). — Sur Melle Bressac et ses démêlés avec la justice voir la lettre d’Adèle du 29 décembre, 2011.02.260 avec son commentaire.
Tournon vendredi. 24 décembre 1858
J’ai reçu seulement ta lettre ce matin, chère Maman, je l’attendais déjà depuis deux ou trois jours et j’étais étonnée de n’avoir encore eu point de nouvelles.
J’ai été heureuse d’apprendre que Mlle Bressac avait dit la même chose que les autres médecins ; cela
tranquillise toujours papa et toi, mais je suis sûre que Joséphine n’a pas foi dans sa parole, cependant cela doit lui prouver qu’elle n’a pas une maladie inconnue comme elle se le figure, puisqu’ils ont tous dit de même.
Madame Boutaud et Marthe sont bien bonnes et bien affectueuses ; ce soir je dois aller à la messe de minuit avec
Marthe, et sa mère a le projet de faire faire mon lit aujourd’hui, afin qu’à mon retour de la Messe je couche chez elle ; mais nous avons réfléchi avec ma tante, puisqu’elle ne part (ma tante) que lundi matin [27 décembre] et que papa doit venir me chercher après les fêtes, il ne vaudrait peut-être pas la peine de faire une installation chez Madame Boutaud pour deux ou trois nuits seulement ; après le départ de ma tante, Marie viendrait coucher dans la chambre de Sophie et alors je n’aurais pas peur ; cet arrangement paraît assez raisonnable ; j’en parlerai ce soir à Mme Louise [Boutaud] et je verrai ce qu’elle dira.
Ma tante est toujours disposée à partir lundi ; je ne sais si elle trouvera plus de chaleur à Hyères qu’ici, car aujourd’hui je t’écris la fenêtre ouverte ; mais j’ai peur que ce beau soleil et ce vent du midi si chaud ne nous amènent la pluie, ce qui serait bien ennuyeux ; Joséphine ne pourrait plus [se] promener, car j’espère qu’elle n’a pas abandonné ses promenades à pied, qui ont le mérite de faire passer une heure. Il me tarde bien de la revoir, cette pauvre malade, et toi aussi chère Maman ; j’espère que tu te soignes, que tu ne te fatigues pas inutilement et surtout que tu ne te tourmentes pas trop ; je sais bien que quand on voit Joséphine si souffrante, malgré soi on est porté à s’inquiéter, mais puisque tous les médecins s’accordent à dire que ce n’est pas dangereux, mais que c’est long ! Il faut au moins apprécier cette pensée qui est si nécessaire pour donner des forces et du courage dont tu as si besoin,
chère maman. Ayons confiance en la neuvaine des Stes Claire. Si leurs prières et les nôtres ne sont pas exaucées tout de suite espérons que ce sera bientôt. Qui sait peut-être qu’au moment où on n’y
pensera le moins elle se remettra complètement ; ces dames parlent du
printemps, des bains de mer et de l’hydrothérapie ; tous ces moyens seront-ils inutiles comme les autres ? Non, non il faudra bien que cette terrible fièvre cède une fois, voilà bien assez longtemps qu’elle résiste à tous les efforts.
On vient de m’apporter la note de ma robe marron qui se monte à 11,15 ; je la ferai payer tout de suite. Dans ta prochaine lettre je voudrais bien, chère Maman, que tu me dises ce qu’il faudra
donner aux domestiques ; Sophie et Marie sont très complaisantes et m’ont lavé et repassé plusieurs fois des manches des cols et plusieurs autres objets.
Adieu, chère Maman, je passe loin de vous pour la première fois la fête de Noël, mais j’espère bien pouvoir vous embrasser le premier jour de l’an.
En attendant je t’envoie tout mon cœur
Nancy
Je vais prendre ma leçon.
R96.858.3 | Mercredi 29 décembre 1858 | À sa mère Adèle Suat | Transcription littérale | Image |
Voir R96.858.8. Voir aussi les lettres d’Adèle Suat (2011.02.260), de Louise Boutaud (R96.863.5), de Félix Marmion (R96.859.8) et de Thérèse Marmion (R96.860.2).
Tournon mercredi 29 décembre 1858.
Je t’écris de chez madame Boutaud, chère Maman, j’y suis installée depuis dimanche soir, ma tante est partie lundi matin, malgré ses yeux qui étaient encore un peu enflés, mais le grand air lui fait du bien, et le médecin lui avait conseillé de partir, alors elle s’est décidée.
Mon oncle et ma tante doivent passer un jour ou deux à Marseille, de sorte qu’ils auront le temps de s’informer de ce médecin magnétiseur que tu as envie d’aller consulter ; Joséphine
en a-t-elle le désir ?
Pauvre amie, on comprend qu’elle n’ait plus confiance qu’en Dieu et le temps ; quand on parle du temps et qu’il y a 9 grands mois qu’elle souffre, il semble que cette guérison devrait bientôt arriver ; espérons que 1859 nous sera plus favorable que 1858 ; il faut avoir confiance en cette année nouvelle, bénissons-la à l’avance si elle doit voir bientôt le rétablissement complet de notre si chère malade ?
Je me suis informée du jour de la rentrée des collégiens ; c’est lundi, de sorte que ce sera probablement lundi ou mardi que je vous embrasserai ; d’ici là je vous enverrai bien des
baisers et bien des souhaits de bonne année, puisque je ne pourrai pas comme les autres années venir vous surprendre, cher papa et chère maman, et disputer à ma pauvre Joséphine le plaisir de vous embrasser la première dans
votre lit ; du moins je penserai bien à vous et mon cœur ira vous trouver bien souvent.
Tu me disais, chère Maman, que tu ne me donnais point d’étrennes cette année ; mais j’espère bien que mon châle et ma victoria, sans parler de ma montre, sont de fameux cadeaux ; ma
victoria me fait un très grand plaisir, c’est si commode et si chaud. Mr Rémond n’oubliera pas son album, j’en suis sûre. Pourvu qu’il soit aussi bien choisi que celui de l’année passée ; je te charge, chère maman, de présenter mes souhaits de bonne année à ces demoiselles, ainsi qu’aux demoiselles Molière si tu les vois.
Hier j’ai reçu une lettre bien affectueuse de Céline, qui m’exprime tous les regrets qu’elle a eu de ne
m’avoir pas vue à son passage ici ; je l’ai bien regretté aussi, car j’aurais été bien heureuse de voir cette chère Céline, mais il paraît qu’elle n’a pas eu le temps.
J’avais oublié de te dire où je couchais, chère Maman ; eh bien on m’a donné une jolie petite chambre, avec une tapisserie comme Joséphine en désirera bientôt une pour notre
chambre ; elle donne dans l’anti-chambre et est tout près de celle de madame Veyron et en face des domestiques, de sorte que je n’ai pas peur du tout, du reste je suis devenue brave maintenant. Je n’empêche pas Marthe de faire ses devoirs, j’assiste aussi à ses leçons de littérature et d’histoire d’Angleterre ; elle prend dans ce moment sa leçon de piano, moi j’ai la mienne cet après-midi.
Adieu chère Maman, adieu papa, adieu Joséphine, je vous envoie mille baisers pour l’année prochaine.
Nancy
Bien des choses aux filles, je leur souhaite aussi de tout mon cœur une bonne année.
Mes compliments et mes souhaits à Mr et Mme Savoye, un gros baiser à Henri. Mme Savoye sera bien heureuse de voir George.
Je n’oublie pas non plus le bon père Marchand et Mme Dutriac et Mme Lucien.
R96.858.4 | Vendredi 31 décembre 1858 | À sa mère Adèle Suat | Transcription littérale | — |
Voir R96.858.8 et la lettre précédente.
Tournon 31 décembre 1858.
Chère Maman
Je t’écris à la hâte, car je vais faire des visites avec Mme Boutaud à toutes ces dames, et des visites de remerciements puisqu’on a eu la bonté de penser à moi ; je t’écris sur une table qui est encombrée de boîtes, de carnets etc. ; Mme Fanny m’a envoyé une boîte de dragées, sa belle-fille Mme Caroline qui est ici, une corbeille de fruits confits, Mme Sauzet une jolie boîte de chocolats fins, Mme Emma une de dragées, Mme Boutaud une autre boîte aussi et enfin les dames Bergeron chacune un carnet ; je suis bien reconnaissante de la bonté de toutes ces dames, et j’espère que les bonbons ne sont pas défendus à ma chère Joséphine, qui partagera avec moi toutes ces générosités.
Mais parlons vite de Marthe ; c’est très
embarrassant, mais je vote pour le bracelet d’ambre, c’est ce qui nous fera le plus d’honneur ; je n’en suis pas d’avis du verre d’eau, ni de la coupe ; quant au livre de messe, elle en a un très beau qu’on lui avait donné pour sa première communion ; elle a de tout véritablement ; le bracelet sera peut-être plus cher que le reste, mais au moins cela représente le prix. Enfin, chère Maman, tu feras pour le mieux, j’en suis sûre.
Tu n’oublieras pas de m’envoyer de l’argent ; j’ai donné 5 f à Sophie le jour de son départ, j’en donnerai autant à Marie ; quant aux domestiques de Mme Boutaud je ferai comme tu me le dis ; il n’y ni garçon, ni cuisinière, c’est une femme de ménage qui vient tous les jours faire la cuisine ; je ne sais pas s’il faudrait lui donner ; puis Mme Boutaud a sa femme de chambre et Mme Veyron la sienne qui s’occupent toutes deux de moi. Explique-moi je te prie chère maman
tout cela très en détail.
J’ai payé la couturière et aujourd’hui
j’ai fait demander la petite note de Mr Marel.
Adieu, bonne année, mille millions de baisers à Joséphine, à papa et à toi chère maman.
A bientôt
Nancy
R96.858.5 | Mardi 13 septembre 1859 | À sa mère Adèle Suat (avec Marc Suat) | Transcription littérale | Image |
Sur le voyage d’Adèle et Joséphine Suat à Paris en septembre 1859 voir ci-dessus R96.857.2.
Vienne mardi [13 septembre 1859]
Malgré les courses, les fatigues et les agitations de Paris, tu as encore trouvé le temps de nous écrire plusieurs fois, chère maman, pour nous donner quelques détails sur votre vie de Paris ; d’après tes lettres il paraît que vous avez déjà vu beaucoup de belles choses, que Joséphine a admiré avec enthousiasme et plaisir malgré ses maudites fatigues qui n’ont pas voulu la quitter.
Après cette vie si agitée, si tourmentée, chère maman, tu apprécieras vraiment j’en suis sûre la paisible tranquillité de Coupe-Jarrets ; tu y trouveras des raisins et des figues excellentes qui te feront plaisir. Joséphine sera obligée de prendre la pioche et l’arrosoir, car le parterre a grand besoin de ses soins entendus et les
réclame.
Nous ne nous y sommes pas installés ; nous y allons seulement passer la journée de temps en temps de sorte que nous varions nos plaisirs.
Dimanche nous avons dîné papa et moi chez Mme Marchand, qui a chez elle dans ce moment la famille Ainé ; Mlle Noémie a été fort gracieuse et très aimable ; hier nous sommes allés tous ensemble à Chasse ; Mme Dutriac, malgré la grossesse si avancée de Léonie, nous avait engagé à y aller passer la journée ; cette pauvre femme est vraiment toujours trop bonne, elle n’avait pas besoin de cet embarras dans ce moment ; du reste Léonie va fort bien et n’a pas maigrie je t’assure ; Mme Dutriac est un peu moins triste, cependant l’arrivée de la famille Ainé qu’elle n’avait pas vue depuis la mort du pauvre Mr Marchand lui a rappelé de douloureux souvenirs. Elle a beaucoup causé de toi avec papa et elle espère bien avoir le plaisir de te voir à ton retour.
Mme Guillermet est venue savoir de tes nouvelles l’autre jour ; elle te croyait arrivée depuis longtemps.
Adieu, chère maman, papa réclame deux pages ; je t’embrasse mille et mille fois ainsi que ma chère Joséphine.
J’espère que vous parlez un peu de moi à mon oncle Hector que je n’ai pas vu depuis si longtemps ; dis-lui de ma part
qu’il faut absolument qu’il vienne bientôt nous voir à Vienne papa et moi.
Adieu encore
Nancy
[De la main de Marc Suat]
Chère femme, je viens ajouter quelques lignes à celles de Nancy pour te dire avant tout que nous allons bien l’un et l’autre. Il me tarde infiniment de savoir ton frère arrivé ; il te donnera de l’agrément dont tu as bien besoin pour te remettre un peu de ta fatigue si longue auprès de notre pauvre malade. Tu me diras les détails de son concert et tout ce qui se passera entre vous. Tâchez de savoir exactement ce que je devrai faire pour son vin ; il est devenu très cher, mais ce n’est pas une raison pour ne pas lui adresser tout ce qu’il voudra ; seulement j’aurais
besoin de savoir combien sa cave peut contenir de tonneaux de la dimension
de ceux que je lui ai envoyés.
Ne manquez pas de voir Mme Chauliaguet et de lui dire que depuis plus d’un mois Mme Dutriac remet de lui écrire parce que sa fille fait attendre son poupon ; elle est énorme, cela ne peut tarder beaucoup ; il y a bientôt six semaines qu’on attend chaque jour l’événement ; ils s’étaient trompés dans leurs calculs. Nous avons passé une bonne journée à Chasse hier et en sommes revenus à 9 heures du soir. J’ai trouvé Mme Dutriac vieillie, la pauvre femme.
Je ne sais si je dois te conseiller de venir par Orléans ; je remarque par le livret des chemins de fer que tu aurais à changer de voiture plusieurs fois, ce qui est un inconvénient pour les personnes et pour les effets ; tu aurais une demi-journée à Orléans où vous pourriez vous reposer, mais d’Orléans à Vienne il y a loin et avec les retards vous seriez 14 heures à faire ce trajet, du matin à 8 heures 35 au soir à 19 heures. Le plaisir de voir Orléans peut-il compenser l’embarras que tu aurais et une quarantaine de francs de plus de dépense ; il me semble plus naturel de les consacrer à passer une journée ou deux de plus à Paris. D’ailleurs, en partant de Paris à 6 heures du matin vous arriveriez à Dijon à midi et pourriez y coucher pour en repartir le lendemain à midi et 22 et arriver ici à 9 heures du soir. Vous auriez moins d’embarras, moins de fatigues, la période de temps passée en voiture étant moindre, et moins de sollicitudes n’y ayant pas de changement de voiture.
Si non pour vous arrêter à Dijon où vous auriez deux demi-journées au lieu d’une. Adieu.
2011.02.329 | Mardi 30 décembre 1862 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Vienne 30 décembre (18)62.
Ma chère Mathilde
Voici bientôt le moment de réaliser ta promesse. Les nombreux devoirs du jour de l’an accomplis, tu voudras bien te souvenir de nous et aussi nous embrasser à notre tour .. Mon père à son retour de Grenoble nous avait dit combien ton mari s’était montré terrible à notre égard. C’est un père trop modèle qui ne veut pas être bon cousin. Pourquoi aussi ne pas nous amener les enfants ? Papa nous a donné un vif désir de les voir en nous parlant de toutes leurs petites gentillesses ; Camille et sa sœur seraient je t’assure bien soignés et ce voyage ne leur ferait certainement pas de mal. Chère Mathilde, sois moins inexorable que le cousin Jules et plaide toi-même notre cause auprès de lui … Enfin si vous persistez à ne pas venir tous, amène-nous au moins Camille, il n’aura pas besoin de sa bonne et il [est] assez grand pour faire seul avec toi un voyage d’aussi long cours …
Nous avons reçu ce matin une lettre de mes cousines Burdet ; elles nous disent que tu es bien bonne et bien affectueuse avec elles .. Elles ont grand besoin en effet de témoignages d’amitié ; notre pauvre cousine Adèle surtout est profondément atteinte, la mort d’Albert sera un chagrin toujours vivant pour elle .. Je ne sais si leur nouvel appartement est plus ou moins agréable que celui de la place Ste Claire .. Ce doit être loin de tout et bien solitaire, surtout en
comparaison de l’animation de la place ..
Les prédications du pére Félix sont finies ; tu as
dû les suivre avec grand intérêt, c’est si rare d’entendre de bons orateurs dans nos petites villes .. Vienne n’a pas eu cette bonne fortune ; tout est calme, et même assez triste par suite de plusieurs morts ; nous aurons grand besoin, chère Mathilde, de quelques bons jours passés avec toi, ta visite nous fera à tous du bien, ce sera d’un heureux augure pour la nouvelle année. Puisque je parle de nouvel an je t’envoie à cette occasion tous nos bons souhaits pour toi et tous les tiens ..
Adieu, chère amie, ou plutôt à bientôt, je t’embrasse mille fois.
Ta cousine affectionnée
Nancy
Mon père me charge de prier ton mari de retirer le montant de l’effet qui est inséré dans ma lettre, et de lui en faire tenir le montant par la poste en un billet de banque de cinq cents francs et par lettre chargée avec valeur déclarée.
Mon père pense que mon cousin Jules connaît la manière dont cela se pratique : la lettre et le billet doivent être sous enveloppe, cachetée avec de la cire à trois ou cinq endroits et au-dessus de l’adresse il faut écrire en toutes lettres le montant de la somme. Comme cette commission est pour une autre personne que lui papa joint le montant de l’affranchissement en timbres-poste .. Autre recommandation ; tous les cachets doivent porter la même empreinte ..
Mon père remercie d’avance ton mari de tout l’embarras de cette commission ..
Adieu encore, chère Mathilde, Joséphine se joint à moi une seconde fois pour t’embrasser ainsi que tes deux petits enfants.
2011.02.331 | Vendredi 30 décembre 1864 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | — |
Sur la nomination de Louis Berlioz comme capitaine, voir la lettre de Berlioz à Mathilde Masclet du 10 novembre 1854 (CG no. 2930): ‘Je te préviens que tu auras désormais à parler à Louis avec un certain respect, il est Capitaine provisoire du vaisseau La Louisiane, et il sera Capitaine définitif à son retour en Europe. Il a dû arriver au Mexique aujourd’hui. C’est un voyage qu’il fait au moins deux fois par an, il passe ensuite deux mois à St Nazaire mauvais petit port de France où son navire doit stationner, et quinze jours à Paris chez moi.’ Mathilde était donc déjà au courant. Voir aussi les lettres CG nos. 2935, 2944, 2949, toutes de décembre 1864.
Vienne 30 décembre 1864.
Tu dois nous trouver sottement paresseuses, chère Mathilde, et je vois bien qu’il faut encore ajouter cette amende honorable à toutes celles de l’année : donc c’est un pardon à demander, et tu l’accorderas facilement.
Ayant attendu si longtemps de répondre à ta lettre, j’aurai au moins l’avantage de te donner de meilleures nouvelles de la santé de mon père, qui a été enrhumé et bien assez souffrant. Depuis deux ou trois jours il commence à se trouver mieux et à reprendre un meilleur appétit. Il aura payé son tribut à l’hiver, et avec une foule de petits soins il pourra peut-être être bientôt dans son état normal.
Que fais-tu de tes deux charmants lutins ? L’approche du jour de l’an prépare bien des joies, bien des émotions, que tu partages en bonne mère de famille ; la petite Marie doit en prendre sa part vivement, car elle est presque une raisonnable personne à présent.
Nous vivons, comme toi dans notre petit coin, sans voir
beaucoup de monde. Les relations se perdent, se dispersent et il est assez
difficile aux jeunes filles d’en créér de nouvelles, je suis du reste grand amateur de solitude ; nous voyons cependant, assez intimement, une
charmante jeune femme, depuis peu de temps à Vienne. Son mari Mr
Moiret a été nommé substitut au commencement de l’été ; c’est le frère de notre voisine madame Savoye, ce qui a établi des relations assez suivies entre nous ; c’est une aimable et bienveillante personne ; elle a, auprès d’elle, dans ce moment, et pour tout l’hiver, sa mère et sa sœur, ce qui forme un petit noyau ; puis le voisinage de madame Savoye que nous voyons tous les jours forme à peu près notre intimité. Léonie Genin, Mme Dutriac et sa fille en font encore partie. Mme Dutriac a été bien éprouvée depuis quelque temps, aussi ces dames étaient-elles assez découragées. Une foule d’ennuyeuses affaires compliquant encore le tout. Tout le monde a sa part de soucis et de chagrins.
Nous avons eu des nouvelles de mon oncle Hector, Louis est
revenu de son fameux voyage ; je ne sais si tu avais appris ses exploits, à la suite desquels il a été nommé capitaine. Joséphine lui écrit dans ce moment à St Nazaire.
Ma tante Marmion tousse toujours énormément et se porte
bien en dehors de cette vilaine toux, qui l’inquiète et la prive de toutes espèces de distractions. Nous ne l’avons pas vue depuis un temps immémorial ; notre petite visite du commencement de l’hiver n’ayant pas pu s’exécuter, justement à cause d’un rhume plus sérieux, qui la condamnait à une foule de soins et à un silence presque complet.
Vois-tu de temps en temps nos cousines Burdet ? Elles
vivent bien retirées à présent.
Grenoble a une physionomie assez calme cette année, nous
disait-on ; la mort de Mme de Fontenoy ne l’animera pas, et va sans doute anéantir beaucoup de projets de fêtes.
Quant à notre modeste Vienne, tout fait présager un carnaval peu brillant, des deuils, des départs et une foule de circonstances annoncent qu’il ne ressemblera pas à celui de l’an passé, qui était il est vrai exceptionnel.
Mardi, nous étions pourtant invitées à la sous-préfecture,
mais pour une foule de raisons nous n’avions pas profité de cette
invitation ; on [n’]est jamais empressé d’aller à la première réunion qui est toujours assez froide ; l’année passée nous l’avions expérimenté, et papa eût-il été bien portant, nous n’aurions pas eu envie de recommencer ..
Il paraît, en effet, que ces dames étaient si peu nombreuses qu’elles ont été réduites à faire le jeu du ferret, c’est naïf ..
Adieu, chère Mathilde, nous t’embrassons tous les trois une fois de plus à l’occasion de la nouvelle année. Un gros baiser à Camille et à Marie. Bien des amitiés à ton mari.
Ta cousine
Nancy
2011.02.333 | Vendredi 23 août 1867 | À sa cousine Mathilde Pal-Masclet | Transcription littérale | Image |
Berlioz, qui avait pris les eaux de Néris en août 1867, n’avait d’abord pas voulu assister au mariage de sa nièce (CG no. 3267, 6 août 1867, à Marc Suat: ‘Avec les habitudes de province un mariage est pour moi une chose odieuse, horrible et je ne saurais en être témoin’), mais pour finir il s’y décida (CG no. 3271, 5 septembre, à son oncle Félix Marmion, de Vienne: ‘Je suis dans mon lit comme presque toujours, je souffre comme un misérable de ma névralgie que les eaux de Néris n’ont pu combattre sans danger au dire du médecin. Et voilà que Suat et ses filles m’ont retenu à Vienne pour assister au mariage. J’ai vu que je leur aurais fait de la peine en retournant à Paris, et je suis resté. Pourtant quelle société que la mienne ! ces pauvres enfants restent les trois quarts du temps à travailler auprès de mon lit, je ne puis pas même les accompagner à la promenade le soir’). — Sur le voyage de noces des jeunes mariés à Chamonix on se rappellera qu’Adèle Suat avec fait un séjour mémorable en juillet 1844 à Aix-les-Bains avec excursion à Chamonix (2011.02.183 et 2011.02.184).
Vienne 23 août (18)67.
Aujourd’hui, chère Mathilde, je puis te donner les derniers renseignements et t’indiquer définitivement la date du grand jour .. Une lettre du commandant, reçue hier, nous annonçant que les permissions étaient enfin arrivées, nous a permis d’arrêter le jour ; ce sera le mardi 10 septembre.
Nous pensons que tous les Grenoblois arriveront la veille,
lundi, par le train qui est ici à 3 heures 10 de l’après-midi ; j’ignore à quelle heure il part de Grenoble, tu auras la bonté de t’en informer.
Puisque nous avons le regret de ne pouvoir donner de l’hospitalité à personne, les chambres seront retenues à l’hôtel en face de nous et après quelques instants de repos on viendra dîner à la maison sans façon et uniquement en famille ; le soir on signerait le contrat, puis on s’entendrait pour le lendemain. Nous pensons dans tous les cas mettre le dîner de noce à 9 heures, car il est très probable que les mariés partiront le jour même dans la soirée, pour Chamonix.
Je te préviens en passant, chère Mathilde, qu’il ne faut pas t’inquièter de la coiffeuse, pour le 10 il y en a une de retenue ..
Chère Mathilde, comme nous sommes très occupées par mille
détails et par la présence de mon oncle, toujours aussi souffrant, tu nous
permettras de ne pas t’écrire de nouveau, et tu auras la bonté de regarder tous ces renseignements comme positifs, sauf obstacles imprévus. — Pour les chambres à l’hôtel, dis-nous aussi, le plus tôt que tu le pourras, si deux vous suffiront avec vos enfants, car nous comptons tout à fait sur eux.
Je pense, chère Mathilde, que tu as donné la réponse de
mon père, au sujet de la sérieuse affaire dont on t’avait parlé. Je te
prierais de nous dire dans ta lettre où tout cela en est, mais surtout je te
demande, avec grande instance de garder le secret le plus complet sur cette
ébauche de projet vis-à-vis de tout le monde et même de mon oncle et ma tante
Marmion et de mes cousines.
Adieu chère Mathilde, je te quitte à la hâte, à bientôt.
Nous t’embrassons tous, mon oncle Hector en tête.
Ta cousine
Nancy
R96.858.13 | Vendredi 1er mars 1878 | À Auguste Chapot (?) | Transcription littérale | — |
Le destinataire de cette lettre n’est pas connu, mais en fait ne peut-être qu’Auguste Chapot, le mari de Joséphine, sœur de Nancy: Nancy ne dirait pas ‘vous’ en adressant sa sœur, et Henri Chapot, fils d’Auguste et Joséphine né le 6 novembre 1870, est trop jeune à cette date.
Gilbert [de Colonjon] me charge de vous dire qu’il a profité de son séjour à Paris pour prendre quelques renseignements sur l’état de la succession artistique de notre oncle Berlioz. Il a pu constater tout d’abord qu’il y a à cet endroit une complète confusion, et que tout serait à faire pour débrouiller une situation d’autant plus compliquée que nous n’avons ni doubles, ni nomenclature des traités faits par notre oncle de son vivant avec ses éditeurs, tant en France, qu’à l’étranger. Il paraît certain par exemple que la partition de Béatrice et Bénédict n’a point été vendue et on a fait à Gilbert des offres à ce sujet. Rien n’indique qu’il n’en soit pas de même pour d’autres œuvres. Nous avons probablement quelques réclamations à faire ou au moins à tenter envers un éditeur allemand. Tout est à cet égard dans l’abandon le plus complet. Il s’est ainsi trouvé qu’une petite agence de billets d’auteurs nous devait, depuis la mort de notre oncle 1847 frs. qui auraient été retenus indéfiniment à défaut de réclamation et que mon mari a fait verser à la caisse centrale à votre disposition. A une autre fois des renseignements plus complets.
Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997; pages Lettres de la famille du compositeur créées le 11 décembre 2014, mises à jour le 1er avril 2015. Révision le 1er décembre 2023.
© Musée Hector-Berlioz pour le texte et les images des lettres
© Michel Austin et Monir Tayeb pour le commentaire et la présentation
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