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Lettres de la famille du compositeur

Lettres d’Adèle Berlioz-Suat I:
Lettres R96.260.02, R96.856.1 à 3, 2011.02.116 à 153

(Transcriptions littérales, dans l’ordre de l’inventaire)

Textes du fonds Chapot (R96.260.02, R96.856.1 à 3)
Textes du fond Reboul-Berlioz (2011.02.116 à 153)
II.   Transcriptions littérales, lettres 2011.02.154 à 196
III.  Transcriptions littérales, lettres 2011.02.197 à 265, 2011.02.298

Le texte corrigé des lettres d’Adèle Suat se trouve sur des pages séparées:
I.   1828-1841
II.  1842-1847
III. 1848-1858. Lettres de date incertaine

Texte = mots ou lettres de lecture incertaine
*** = mots ou lettres non déchiffrés
[...] = lacune dans le texte

Textes du fonds Chapot

R96.260.02 Vendredi 3 novembre 1854 (?) À son oncle Félix Marmion Texte corrigé

Texte cité CG IV p. 600 n. 1; annexe à la lettre CG no. 1806 de Berlioz à Adèle du 2 novembre 1854 (numéro d’inventaire R96.260.01). Une page, sans date ou signature. Adèle a dû écrire ce texte dès réception de la lettre de son frère, qu’elle envoyait à son oncle en lui demandant de la renvoyer, ce que Félix Marmion a sans doute fait pour les deux textes, d’où leur présence dans la collection Chapot.

    J’ai repondu de suite à mon frere que nous attendions Louis avec impatience et que nous présumions que vous étiez à Tournon. Soyez assez bon cher oncle pour me renvoyer cette lettre en me répondant.
    mille chôses à ma Tante et à Louise ; la santé de mon mari est toujours couci couci comme je vous l’ecrivais dimanche tristement.
    Les Pals vont bien ; il n’est pas probable que Louis aille les voir je n’ôserais l’y envoyer (pour cause

R96.856.1 Jeudi 30 octobre 1851 À son frère Hector Berlioz Texte corrigé

Quatre pages, pas d’adresse ou d’enveloppe. Les nombreuses ratures et l’absence de formule de salutation laissent supposer qu’il sagit d’un brouillon qui n’a pas été envoyé — d’où sans doute la présence de ce texte dans le fonds Chapot.

    Vienne 30 Octobre 1851

Mon mari était à Tournon avant hier Mon cher ami lorsque ta lettre m’est arrivée, à peine de retour une autre affaire importante l’appelle ailleurs aujourd’hui ; mais avant de monter en voiture il a hâte de calmer ton inquiétude et de te donner les explications précises que tu nous demandées
    Les six mille francs que tu reçus de notre père le 16 Mai 1841 furent fournis par mon mari à qui ils sont encore dus parce que mon notre pere loin d’avoir des capitaux disponibles avait lui même des dettes alors
    Ce n’etait point un Legs de notre mère comme tu le crois mais seulement une somme que tu aurais eu le droit de demander sur sa succession ; maintenant mon pere en a payé les interets à mon mari jusqu’a sa mort (au cinq pour cent et non point au six) et depuis cette époque les interets se sont accumulés et font mille francs de plus ce qui fait 7000, tu as pris en outre mille francs a Camille [p. 2] l’année derniere au mois d’octobre et mille francs à mon mari au mois de décembre 1850 ce qui fait en tout 9000 que tu dois ces 9000 font 450 francs d’intérets au cinq pour cent et non cinq cents comme te l’avait écrit mon mari par érreur parce qu’il croyait que Camille au lieu de mille francs t’avait envoyé l’année derniere deux mille francs au lieu d’un millier ce qui ne s’explique *** pour toi fait ton erreur c’est que tu ne te rends pas compte que les deux successions de notre pere et de notre mère ne font maintenant qu’un seul tout et que si tu n’avais rien retiré en capitaux jusqu’à présent ta part serait de trois mille francs dans les revenus actuels ; des quels par consequent il faut distraire les 450 f d’interets
    Tu dois te souvenir que notre pere te donnait 1500 francs par an pour te tenir lieu des revenus de notre mère ajoutés à ce qu’il pouvait te donner de lui même ; mais du moment que tu recus les 6000 f les 1500 se réduisirent à 1200 par an ; il en est [p. 3] de même aujourd’hui sur les trois mille francs que tu aurais il faudrais prendre les 450 f d’interets.
    Ces Messieurs ne se doutaient pas que tu ne l’eusses pas compris quand nous fimes nos arrangements provisoires à la mort de notre pere, dont tu as une copie ; mon mari depuis lors ne t’en a point parlé parce que il a vu que tu avais de grandes charges avec ton fils et ta femme et qu’il esperait qu’elles diminueraient et que plus tard tu parviendraîs à le liberer de ce surcroit de charges arriéreés
    L’administration de notre fortune ne peut pas être meilleure ce serait la dilapider que de vouloir vendre nos proprieteés dans ce moment ; on a profité de quelques bonnes occasions pour se défaire de certains immeubles dont le prix a servi à payer les dettes que notre père avait laissées mais si nous voulions à toute force vendre toutes nos prietées nous n’en trouverions pas la moitié de leur [p. 4] valeur tellement tout est déprecié dans les circonstances actuelles.
    pour conclure mon bon frère ces explications que nous avons taché de rendre les plus claires possible il est certain que ce qu’il y aurait de plus sage pour toi serait de prendre un peu moins sur tes revenus afin de laisser de quoi payer l’interet des 9000 f afin pour qu’il ne s’accumulassent pas ce qui est très important.
    Mais si cette année encore a cause de ce que te coutes ton fils tu ne pouvais le faire, il serait malgré cela préférable de ne pas vendre, et de temporiser que et de ne donner point tes biens a vil prix, ta position nous préoccupe tous beaucoup et nous ne négligerions rien pour la rendre meilleure crois le bien mon cher ami et rapportes-t-en a l’experience en affaires de tes deux beaux frères comme en leur affection

R96.856.2 Samedi 2 août 1856 Deux pages d’un journal ou mémoire Texte corrigé Image

Deux pages. Ce texte n’est pas une lettre, mais plutôt un journal rédigé par Adèle pour se souvenir d’une occasion qui l’avait particulièrement frappée. D’où sans doute la date indiquée au début du texte, mais sans indication de lieu, et la présence de ce texte dans la collection Chapot.

2 août 1856

     réunion dans notre chambre a Plombieres avec mon frere sa femme, Mmes Boutaud Maisonnolee, Chevrier, Porcher, Cuvillier Fleury ... Mr Vivier artiste de Paris très distingué et ami de mon frère a fait les honneurs de la soirée, il a joué des scènes comiques avec un esprit une verve a mourir de rire, il faisait parler son violon, imiter le chant des animaux, et jusqu’aux plaidoiries des avocats, il a chanté des romances délicieuses et très touchantes, il passait d’un genre à l’autre avec une facilité qui confondait, aussi les applaudissements étaient étourdissants
    La première scène a été celle du Cabinet de Lecture.
    la seconde la leçon de natation du Sergent, c’etait a se rouler par terre puis est venue celle du Monsieur qui manque le Bateau a vapeur et qui finit par être condamné a mort prevénu d’assassinat, rien n’est [p. 2] amusant malgré cette fin tragique que cette scène ... La romance du Muletier était ravissante de sentiments — celle du ruisseau également ...
    après le thé autre charge le Soldat en Afrique les rires redoublaient a un tel point que la foule s’arretait sous nos fenêtres, et que la police s’inquietait.
    Le Mendiant Espagnol a terminé la soirée, c’était le bouquet du feu d’artifice ... j’oubliais encore le musicien ambulant, et l’aveugle
    Enfin, tous le monde était ravi d’un talent pareil, cette soirée fera époque dans les souvenirs de tous ceux qui y ont assistés
    Je tiens a me rappeler les details afin que de ne rien en oublier

[le reste du texte est toujours de la main d’Adèle mais écrit d’un plume plus fine, et a peut-être été ajouté plus tard]

    Mr Vivier s’est fait entendre le Lundi suivant chez l’Empereur qui a fait des rires aussi fous que les nôtres, Mon frère y était et m’a raconte des details de cette soirée dont Sa Majesté faisait les honneurs comme un maitre de maison ordinaire avec une affabilité parfaite

R96.856.3 Mercredi 11 novembre 1857 À son frère Hector Berlioz Texte corrigé Image

Quatre pages, pas d’adresse ou d’enveloppe. Ce texte a tout l’air d’un brouillon qui n’a pas été posté (d’où sa présence dans la collection Chapot). Plusieurs mots, surtout à la première page, ont d’abord été soulignés puis le soulignage a ensuite été biffé [p. 1: profonde affection, facheuses, lui seul, ménageant toutes, éxigeances; p. 2: deviner]; nombreuses ratures à la troisième page, dont une bonne partie est d’une écriture différente et plus petite, sans doute celle de Marc Suat, mais avec quelques corrections de la main d’Adèle; l’écriture d’Adèle reprend à la 4ème page mais la lettre s’arrête court et ne conclut pas.

Vienne Mercredi 11 Novembre

    Mon bien Cher frere

La lettre que tu reponds à mon mari nous fait de la peine en nous prouvant que tu ne nous a pas bien compris, jamais nous n’avons douté de ta profonde affection pour ton fils, nous connaissons trop le fond de ton cœur pour cela ; nous avons craint seulement qu’au milieu des préoccupations de ton grand ouvrage et de la maladie de ta femme, Louis n’eut éprouvé des impréssions facheuses
    Je sais que le rôle de belle mère est très difficile ; que les enfants ont des préventions contre elles, et que celui du pere au milieu de ce conflit, est souvent le plus cruel !... cependant lui seul est appelé à servir de lien par tous les moyens en son pouvoir et en ménageant toutes les éxigeances
    La profonde tristesse que Louis a [p. 2] rapportée de Paris, m’avait donné à craindre qu’en raison de ton caractère un peu faible tu n’eusses pas assez pris d’initiative... ce que tu dis de la chambre à donner à Louis serait parfaitement sensé si ta femme était sa mère, mais mon cher frère ce sont là des nuances qu’il faut deviner.
    toutefois fois en raison des difficultes des logements à Paris nous avons peut être eu tort de te parler de cela sur tout après ta propôsition de lui en louer une près de chez toi... J’en reviens donc à te dire encore une fois que jamais je n’ai douté de ta tendresse pour ton fils cher frere et que nous avons été entrainés à t’écrire comme nous l’avons fait par sa tristesse et son découragement, ils étaient tels que nous en étions tous impressionnés, et que je n’en dormais plus un moment j’avais craint d’abord qu’il n’eut laissé un attachement a Paris, [les mots suivants ajoutés plus tard par Adèle mais d’une écriture plus petite] et ce n’est que plus tard que j’ai été rassurée sur ce point [p. 3] Mon mari n’a rien negligé pour le rappeler vigoureusement aux nécessités de sa position, et aux réalités de la vie ; nous savons très bien qu’il a souvent besoin d’être guidé en toutes chôses Si il faut bien [deux mots biffés] absolument arriver au but [le reste de la phrase est biffé et difficile à lire]
    [Le reste de cette page est semble-t-il rédigé par Adèle ou sous sa dictée, mais est écrit d’une main différente et plus fine que le reste de la lettre; cette écriture est celle de Marc Suat (voir les images de son écriture, et remarquer les — caractéristiques à la fin des lignes); plusieurs ratures de la main d’Adèle]
    c’est à notre invitation qu’il a écrit à M. Lecourt et à M. Morel, et je suis fachée de l’avoir engagé — a le faire au prémier [mot biffé] soit parcequ’il n’a pas répondu soit parceque cela t’a contrarié. quant à L’excellent M. Morel il lui a répondu une lettre en a recu hier une reponse très-affectueuse et explicative qui nous tranquillisa [de la main d’Adèle] et rassurante [de la main de Marc Suat] sur son embarquement qui parait certain dit-il est certain et avantageux ; — quoiqu’il n’ait pu nous [de la main d’Adèle] le [de la main de Marc Suat] renseigner sur les destinations du navire ni [de la main d’Adèle] dire quels [de la main de Marc Suat] seront Les appointements — Si non qu’ils seront satisfaisants d’après les habitudes de la maison Aquarone
    Louis s’arrêtera peu à Tournon où ta lettre lui sera parvenue à peu près en même temps que la n ce matin peu après la mienne en même tems que la mienne, et demain ou après demain il sera à Marseille et pourra de suite immédiatement s’occuper de sa nouvelle position, Marc lui — a fait Comprendre qu’il devait de suite voir ceux qui — lui ont valu son nouvel emploi s’occuper ensuite du capitaine et tacher de se le rendre favorable [p. 4] [le reste de la lettre est de la main d’Adèle] ne t’inquiete nullement de sa prolongation de sejour Mr Morel lui dit qu’il peut rester jusqu’a nouvel ordre avis, ou se rendre chez lui ce qui si cela lui convient mieux
    Hier matin avant son depart Louis m’a montré ta lettre a Mr Morel, il me semble que tu ne pouvais rien lui dire de mieux

Textes du fonds Reboul-Berlioz

2011.02.116 Samedi 29 mars 1828 À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz Texte corrigé Image

Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure de la première page à droite; pas de timbre postal.

s

    Grenoble le 29 Mars 1828

Vous dites dans votre charmante lettre ma chère Maman que vous croyez que la premiére lettre que je vous écrirai vous me trouverez tout-afait accoutumé helas s’est tout le contraire je suis plus ennuiée que jamais de toute manière je vois que je ne puis pas m’accoutu mer cela me tourmente par ce que je sais combien cela vous ferait plaisir a vous et [.] mon cher Papa d’un coté je m’ennuie horriblement toutes ses réflexions me tourmente tellement que je n’ai rien dormi cette nuit et que j’ai été agitée toute la nuit. Cependant je voudrais que vous fussiez contente de moi je trouve ma position très triste sans cesse combattue par les deux pensées je ne trouve de plaisir qu’a pleurer tant que j’en ai envie. Ecrivez je vous prie ma Chère Maman aussi tôt que vous aurez ma Lettre vous ne [p. 2] pouvez pas vous imaginer le plaisir que m’a fait la votre elle est si pleine d’expressions de bontè qu’elle m’a fait pleurer, et m’a donnè encore plus de regret d’être separée d’aussi bons parents. J’ai été très sensible aux tendre souvenir de Victorine et de Monique dite leur je Vous prie bien des chôses de ma part Adieu ma chère Maman je vous embrasse et attant avec la plus vive impatience votre lettre ne me la faite pas attendre je vous en prie je suis avec respect votre soumise fille

Adèle Berlioz

    Ah ! Si je retournais auprès de vous que je serais heureuse j’espère en votre bonté car je ne serai heureuse qu’alors. Venez me chercher je vous en prie

[p. 4] [adresse]

Madame
Madame Berlioz Née Marmion
A La Côte St André
Isère

2011.02.117 Jeudi 3 avril 1828 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: GRENOBLE, 3 avril 1828; anonyme (La Côte), 4 avril 1828

    Grenoble le 3 avril 1828

Je suis si fatiguée Ma chère Nancy aujourd’hui vous devez recevoir ma lettre qui contredit ce que mon oncle à écrit hier a Papa que cela n’etait rien mais aujourd’hui je suis beaucoup plus fatiguée que quand il a écrit d’abord voila trois ou quatre jours que j’ai toujours bien mal au cœur j’ai la tête qui me fait bien mal quand je marche et ce matin quand je me suis levée j’ai pris un étourdissement qui m’a retom forcé à retomber sur mon lit je ne dors pas ce qui est contre mon ordinaire je ne puis manger sans que ce la augmente beaucoup mon mal de cœur [p. 2] hier j’ai eu un peu de fiévre et je crois même que j’en ai aujourd’hui car j’ai beaucoup de frisson l’on nous a fait habiller de blanc et quoique je sors très chaudement j’ai toujours froid et j’ai été obligée de prendre un grand schal Adieu Ma chère Nancy je t’en conjure prie Papa de venir tout de suite ou bien envoyè moi Monique mais tout de suite
    Odile est ici avec moi sa mère a été très fatiguée et elle s’est mise hier des sensus. J’ai reçu hier la lettre de maman et de Victorine je ne puis plus écrire car je suis très fatiguée ah ne m’abandonné pas ne me laissè pas ici souffrante et au desespoir Adieu ta malheureuse sœur Adèle Berlioz

[p. 4] [adresse]

Mademoiselle
Mademoiselle Nancy Berlioz
A La Côte St André
Isère

2011.02.118 Jeudi 10 avril 1828 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; pas de timbre postal.

    Grenoble le 10 avril 1828.

    Tu me dis Ma Chère Nancy que tu crois que ta lettre me trouveras guerie trouveras de corps et d’esprit ma réponse va t’ettoner mais je ne puis te le cacher je ne suis guerie ni de l’un de l’autre Le jour que Monique est partie d’ici je fus extremement fatiguée, ah que je regrettais que cela ce fut trouvé le jour même de son depart si je l’avais sentie au près de moi me donnant des tendres soins ah que cela m’aurait soulagé, mais pour comble de malheur il faut encore pour augmenter mon ennui que je sois toujours souffrante je fais tous mes devoirs comme si je ne l’éttais pas du tout l’on esperait que cela me distrairait et que je ne penserait pas temp tant a mon mal et a mon chagrin mais l’on s’est trompé je suis toujours aussi chagrine et aussi fatiguée, j’éprouve toujours dans l’estomac et dans les épaules des douleurs qui sont même assez fortes, que je sois malade que je ne le sois pas je ne vois ni oncle, ni Tante ni cousins, ni cousines, Madame Apprin avait bien promis à Maman de venir me voir. Les Demoiselles Durosier, Mdme Vallet aussi je n’ai vu personne qu’il est triste d’être abandonné de tous ce qu’on aime le plus sur la terre de ses Parens en te racontant mes chagrins je suis obligée d’éssuyer mes larmes si je ne veus pas qu’elle mouilles mon papier ah montre moi ma Chère Nancy combien tu y prend part en m’écrivant bien souvent en me racontant un peu ce qui se passe a La Côte je ne lui voit rien de comparable aprésent que je ne l’habite plus [p. 2] Virgine passe ici prèsque toutes ses journées depuis que Monsieur Falque est parti avec Monseigneur mais je ne la vois pas plus souvent pour cela parce qu’elle se tient assez loin des classes.
    Monique m’a acheté ma robe bleue de costume Melle Payen lui avait promis de venir me l’aissayer Mardi elle n’est point venu j’y ais envoyé quelqu’un elle a répondu que je l’aurais bien surement pour Dimanche jour ou j’en ai besoin
    La cousine de ma tante Mademoiselle Molarique Montlatruc va s’en aller a la fin de ce mois sa mère doit venir avec Monsieur l’abbé qui Anglais qui vient pour prendre ma tante pour aller avec lui a Roanne. Je suis très faché de cela parce que comme j’avais vue cette demoiselle chez ma Tante je la connaissais elle est bien gentille elle cherche toujours tous ce qu’elle peut imaginer pour me distraire ; quand elle sera parti le temps me durera encore davantage il faut donc que tous se reunisse contre moi vraiment je suis bien a plaindre. Adieu Ma chère sœur j’ai les yeux si plein de larmes que je ni vois plu. embrasse pour moi Papa, Maman, Prosper, Monique, Julie, Françoise, Melle Bertrand, et m’a petite Nancy pour laqu’elle je brode un très joli col Adieu plein ta malheureuse sœur Adèle Berlioz

[de l’écriture de Louise]

    Soyez parfaitement tranquille, Mademoiselle, sur le compte de notre bonne petite Adèle ; sa santé est assez bonnes elle mange de bon appétit dort très bien travaille avec suite ; et commence à s’amuser. Le moyen le plus efficace pour l’accoutumer a été de ne pas avoir l’air de s’occuper de sa santé et [p. 3] de sa tristesse. Les douleurs dont elle se plaint ne sont rien, j’en ai parlé à Monsieur Berlioz qui m’a parfaitement rassurée. Encore quelques jours de patience et nous serons au bout de toutes nos peines ; et nous eprouverons de la part de cette bien chere enfant, de grandes consolations j’en ai la douce confiance

Louise

[p. 4] [adresse]

Mademoiselle
Mademoiselle Nancy Berlioz
A La Côte St André
Isère

2011.02.119 Mercredi 23 avril 1828 À l’aumonier Petit Texte corrigé Image

Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: GRENOBLE, 23 AVRI 1828; anonyme (La Côte), 24 AVRI (1828 presque illisible).

Grenoble le 23 Avril 1828.

    Monsieur

    Je prends la liberté de vous écrire pour vous prier d’aller aussi tôt que vous aurez reçu ma lettre chez mon Père et de faire tout votre possible pour le décider a me retirer d’ici et a me ramener auprès de lui. ah Monsieur qu’elle reconnaissance ne vous aurai-je pas toute de ma vie si vous parveniez a decider mes parens a venir me chercher ce n’est qu’alors que je me porterai bien et que je serais heureuse car depuis que je suis ici je souffre toujours voila deux jours que je sens que cela augmente beaucoup. Ah si Maman savait comme je souffre de corps et d’esprit oui elle retrouverait ses entrailles de mère qu’elle semble avoir perdu depuis pour moi depuis que je suis malheureuse ici [p. 2] je serais au désespoir si vous ne parvenez pas a decider Maman je vous en conjure a genoux faite tout ce qui dependra de vous si vous croyez qu’en vous adressant a Maman premiérement vous reussiriez mieux essayez enfin employez tous les moyens que votre sagesse poura vous suggerer je conte sur l’attachemen que vous nous portez a ma famille pour lui dire de ma part que j’ai fait tout mon possible pour m’accoutumer parceque je savais combien cela leur ferait plaisir mais cela m’est impossible absolument impossible que l’on ne crois point que c’est manque de bonne volonté ah je vous en prie dite leur bien le contraire. Non mon Papa et Maman se sont montré si bons a mon égard que je ne puis croire que me sachant toujours plus souffrante et plus malheureuse ils ne mettent un terme a mon desespoir ; taché je vous prie Monsieur de mettre ma sœur dans mes interets ah dite lui de ma part qu’elle ne sais pas ce que sait c’est que d’être malheureuse et d’être éloigné de sa famille mais elle n’en ait est jamais sorti et élle ne peut savoir les tourmens qu’on èprouve. je vous prie de ne donner connaissance de cette lettre a aucun étranger, repondez moi je vous prie et instruisez moi des sentimens de ma famille à ce sujet j’espère que vos instances auprès de Maman auront un bon résultat
    Je suis Monsieur avec le plus profond respect

Adèle Berlioz

[p. 4] [adresse]

Monsieur
Monsieur Petit aumonier au Couvent
de la Côte de la Visitation
A la Côte St André
Isère

2011.02.120 Vendredi 25 avril 1828 À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; texte très endommagé (déchirures et lacunes dans le texte) et impossible à restituer complètement, mais le sens ne fait pas de doute. Timbres postaux: GRENOBLE, 1 MAI 1828; anonyme (La Côte), 2 MAI 1828.

    Grenoble Le 25 Avril 1828

    Ma Chère Maman

    Je voudrais bien avoir quelque chôse de consolant a vous dire mais hélas je suis tout les jours plus malheureuse les réflections affreuses qui me poursuivent ne me laissent pas un pas un moment de repos ni le jour ni la nuit. je [......] dans quel état je vous met toutes les fois que je vou[.] écrit. non je ne puis le croir[e] si vous pouviez lire au [...] d[.] mon cœur ce qui si passe [.....] de com[....] a l’aspect des tourmens que [.....] je me dis à moi m[...] pourquoi est ce que je ne pourais [.. fa....] que les autres j[.....] je vois tout gaie autour de [.....] moi, tout le monde s’a[.....] et moi je n’ai que les larmes et les tourmens [.....] partage ainsi ce passe le printemps de la vie sans être heureux sans être [.....] vous dites que vos plus beau jour sont ceux que [..]on passe en pension je ne [p. 2] suis pas aperçu jusqu’a ce jour je sais seulement que le Roi me promettrait son royaume pour recommencer les six mortelles semaines que je viens de passer que le refuserait bien vite je ne suis pourtant pas plus accoutumé que le premier jour ah ! Maman je vous écrit a genoux et mes larmes troublent ma vue ne me laissez pas plus long-temps souffrir car vraiment je fais pitié hier Odile vint me voir avec Veronique qui beaucoup l’accompagnait cette pauvre fille se mit a pleurer elle me [.....] malheureuse qu’elle se mit a pleurer n’y au[....]il donc qu’elle qui fut sensible a mes tourmens [.....] cela ne peut s’appeler que comme cela Ma[.]an Ma chère très chère Maman je vous assure [.]ue j’ai fait tout mon possible pour m’accoutumer toutes les reflections les plus propres a me faire surmonter cela sont infructueuses je viens de faire mes Paques j’ai suplié Dieu de me faire la grace de m’accout[..]er impossible impossible mes forces m’aband[.....] moi par pitié une lettre qui me donne un pe[...]espérance en grace en grace ayez pitié des affreux tourmens que j’endure.
    Je n’ai pas vu Madame Faure du tout l’on vient de retirer sa niéce d’ici pour la mettre a Lyon dans les endroits ou l’on redressent [...] personnes bossues.
    J’ai comm[....] un peu a connaitre les notes de Musique c’est une chôse [..]sipide mais comme ici je ne trouve [p. 3] que des chôses comme cela mais pas des gens car tout le monde est on ne peu pas plus aimable mais je n’y trouve pas Maman je vous cherche toujours mais envain je ne rêve qu’a vous mais helas l’affreux reveil viens dissiper cette illusion si douce et la réflection que je suis éloignée de vous pour si long-temps m’accable Adieu ma très chère Maman ayez pitié de votre malheureuse et aimante

fille Adèle Berlioz

    P.S. Melle Payen vie[.....] costume, s’était bien tem[.....] Dimanche passé les autres les avaient toutes et moi j’étais [..] seule en couleur differente  j’embrasse bien Papa dite[.] lui qu’il a une fille qui est bien malheureuse je regrette [....] mon pauvre petit Prosper Monique Julie Melle Bertrand j’ecris a Victorine par la même occasion cela me fait un plaisir indicible de voir quelqu’un de la Côte ce pays que vous trouvez si triste je ne puis y penser que les larmes ne viennent aux yeux

[double adresse à la dernière page, à Madame Berlioz et à Monsieur Berlioz, mais l’une dans un sens et l’autre dans l’autre, séparées par un trait, et de deux écritures différentes, la première d’Adèle]

Madame
Madame Berlioz Née Marmion
A La Côte St André

Monsieur
Monsieur Berlioz Dr Medecin
A La Côte St André
[lacune] L’izere

2011.02.121 Jeudi 8 mai 1828 À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure au côté gauche de la troisième page. Pas de timbre postal : la lettre a été portée à la main.

Grenoble le 8 Mai 1828

    Que votre lettre m’a fait de mal Ma Chère Maman c’est tout au plus si j’ai le courage de vous écrire après une lettre si decourageante cependant comme Rose part demain je n’ose de peur de vous facher la laisser partir sans vous donner de mes nouvelles, ah que je suis donc a plaindre, mon Dieu mon Dieu mes parens m’abandonne il seule que je suis malheureuse que je suis tellement tourmenté que je n’ai pas un moment de repos. enfin Madame de Bourcet ma laissé sortir aujourd’hui pour n’avoir pas devant ses yeux ma malheureuse phisionomie je vous écrit de chez ma Tante helas tout ici me [p. 2] rapelle le souvenir d’une mère que j’adore et qui hélas parait vouloir oublier son Adèle oui son Adèle dont le seul souvenir de sa mère m’est au désespoir vous avez dit à ma Tante que la derniére que je vous avais écrite je m’étais creusé la tête pour la faire romanesque mais comment cette idée peut-elle vous être venu dans la tête non vous ne connaissez pas a ce qui parait mes sentimens à votre égard car dans cette lettre je ne vous disais que se que je pense mais il parait que vous voulez que je sois dissimuleé avec vous non vous aurez beau faire je vous le dis je vous repette je suis trop malheureuse je ne peut plus y tenir envoyez moi chercher autrement ces Dames seront obligeés de me rémmener elles mêmes je ne sais s’il faut conter sur ce que Rose m’a dit que mon père viendrait cette semaine mon cœur bat avec violence a mon père votre malheureuse fille n’eprouvez vous plus rien de tendre pour elle [p. 3] je ne puis le croire – a mes chers parens aimez moi mettez fin a mes chagrins
    Maman paraît fachée que je ne la remercie pas des brioches que vous avez eu la bonté de m’envoyer mon dieu j’en suis bien reconnaissante mais j’avais tant d’autres chôses par la tête que je n’y ai plus pensé
    Rôse m’attend pour aller voir Melle Nancy je la charge de vous dire ce que je [.]’ai pas le temps de vous dire j’attend [...] père ou après demain s’il ne peut pas venir envoyez Monique me chercher.
    Ma tante part a 9 heures du soir avec Odile et son oncle elles y resteront plus d’un mois Ma tante félicie vient de revenir de la campagne aussi si vous venez vous trouverez quelqu’un ah venez je ne peut plus prendre patience
    Votre respectueuse fille :

Adèle Berlioz

[p. 4] [adresse]

Madame
Madame Berlioz Née Marmion
A La Côte St André

2011.02.122 Jeudi 12 juillet 1832 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, adresse à la quatrième. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, (chiffre illisible) JUIL 1832; anonyme (Grenoble), 13 JUIL (année illisible).

    La Côte St André Jeudi

Je présume que ton pauvre mari t’a quitté hier Ma Chère Nancy, je partage bien toute la peine que ce voyage doit te faire, il faut convenir que votre Chère Tante n’est pas fort aimable, mais tu as sans doute déjà pris ton parti, ainsi il faut tacher de l’oublier ; je pense que tu es maintenant à Uriage je suis bien aise que tu y passe le temps de l’absence de famille, tu y auras beaucoup plus de distractions, et de toute maniére je te felicite de cet arrangement.
    Plains nous donc aussi ma bonne sœur, nous avons Mr Anglais depuis hier soir, mon père comme à l’ordinaire ne peut pas s’y résigner malgré qu’il n’ait presque pas mis les pieds au salon, il vient de me dire qu’il allait se coucher cela ne m’a pas beaucoup inquiété parce que tu sais que c’est son usage en pareil cas, d’ailleurs il a besoin de se remettre un peu de la frayeur qu’il a eut hier soir, un incendie horrible a éclaté au Chuzeau à côté de la ferme de Mme Pion [p. 2] comme tu sais qu’on crie souvent pour une poignée de paille qui brule, je ne me suis d’abord pas du tout éffrayée, au contraire, je pensais que les mines attrapées des gens qui allaient revenir en disant que tout était fini, m’amuseraient beaucoup ; Maman Mon Père et les filles y étaient courus, au bout d’une heure quand j’ai vu que personne ne revenait j’ai commencé à prendre peur, j’y suis allée, et je t’assure que j’étais bien loin de m’attendre à ce que je vis, trois maisons en flammes, plusieurs autres qui couraient les plus grands dangers une foule immense immense occupée à faire la chaine, et qui de temps en temps poussait des cris de terreur en voyant des poutres énormes tomber avec fracas, des murs menacant à chaque instant d’ecraser les gens occupés à éteindre le feu ; heureusement il n’y a péri personne, et a force de peine on est parvenu à concentrer l’incendie dans les trois maisons qu’il était impossible de sauver, et la grange de Mr Pion n’a point eu de mal, elle en a été quîtte pour la peur, mais elle en est presque malade [p. 3] Pour moi il faut que je te fasse ma confession mais je t’assure qu’apart la pitié que me faisait naturellement les victimes de cet évenement je trouvais ce spectacle magnifique, il faisait un très beau clair de lune, ces gerbes de feux qui retombaient au milieu de ces arbres bien droits, cette foule qui se ruait autour, ces cris, enfin tout cela réuni faisait un coup d’œil vraiment atrocement beau comme dirait Hector ; J’esperais un peu qu’il serait revenu cette nuit et je l’ai attendu envain, le temps me dure beaucoup qu’il revienne, toutes ces belles émotions ne me font pas prendre patience.
    Mme Scimian est de retour de Tournon, elle est dans le ravissement de toute cette famille Boutaud Louise a trouvé un appartement meublé comme celui d’une princesse absolument, son beau père lui remit 1000 fr le jour de son arrivée, en lui disant « Ma Chère fille plus vous en dépenserez plus je serai content de vous ; j’espère que voila qui est gentil, mais c’était fait pour elle aussi je suis sure que cela ne lui parait pas fort extraordinaire, elle est dans l’enchantement. j’ai appris tous les détails avec grand plaisir
    [p. 4] J’aurais encore un million de chôses à te dire mais ma pauvre mère est seule avec son aimable hôte, et tu sens qu’il est temps que je retourne lui aider un peu à soutenir une conversation qui a deja été vingt fois à l’agonie

[ici l’adresse, verticalement, occupe la majeure partie de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
A Grenoble

[en bas de la page, au-dessous de l’adresse]

    Adieu écris nous vite donne nous de bonnes nouvelles, c’est ce que tu peus faire de mieux
    Ton affectionnée sœur

A B

    Baises Hector pour moi si tu le vois

2011.02.123 Samedi 24 mai 1834 À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure au droit de la troisième page. Écriture assez hâtive et négligée. Timbres postaux: GRENOBLE, 24 MAI 1834; LA COTE-ST-ANDRÉ, 25 MAI 1834 (très peu lisible).

    Grenoble Samedy

    Je profite vite Ma Chère Maman d’un petit moment qui me reste avant diner pour vous écrire un mot ; je ne sais comment le temps passe ici, mais je n’ai pas eu une minute à moi, depuis ce matin, Mathilde, nous occupe une grande portion de la journée, elle est si gentille si jolie, qu’on ne s’en passe pas. hier nous avons couru toute l’après midi ; je suis allée d’abord chez Mon Oncle Victor que j’ai trouvé ainsi que ces dames, il m’a dit qu’il avait écrit à mon père, je pense qu’il lui a fait part de sa nouvelle mésaventure ; le Drac a emporté entiérement toutes les digues, et les plantations qui lui avaient coutés tant d’argent et de peines et vous jugé combien il a du être contrarié ; aussi tous ses malheurs coup sur coup l’ont vieillit étonnement ; et il est aussi changé que ma pauvre Tante, pour Odile elle avait [p. 2] un peu repris, mais l’inquiétude que son petit lui a donné, lui a fait perdre ce qu’elle avait gagné ; vraiment il est miraculeux que cet enfant existe, il a eu des accès de fievre pernicieuse si violents que trois fois, il est resté comme mort ; et sa pauvre mère était au désespoir enfin à présent, il va tout a fait bien.
    Je suis allée de là chez ma Tante Félicie que j’ai trouvé très bien ainsi que tout son monde ; puis chez Mme Vallet que je n’ai pas trouvée parce qu’elle court toujours ; mais j’ai vus Fanny qui tenait compagnie à Mademoiselle Victoire son ancienne institutrice, qui était venu passer deux jours avec elle, et qui m’a chargée de la rappeler à votre souvenir, elle nous a fait mille amitiés à Nancy et a moi, et nous venons de lui envoyer Mathilde quelle nous a demandé vivement : en sortant de là nous avons vu les Dames Mallein et les Demoiselles Lastellet, qui nous ont promis de venir ce soir nous prendre pour la promenade :
    Mme Buisson vient sort d’ici elle était dans toute sa parure, hier nous y étions [p. 3] allée, mais elle était à table, et nous prenions nos chapeaux pour y retourner lors quelle est entré
    Je ne pense pas Ma bonne Mère qu’il soit possible de m’en retourner avec elle ; Camille me charge de vous dire qu’il veut absolument que je tienne compagnie à sa femme pendant son absence, et que si je ne trouvais pas d’occasions pour m’en aller ; il m’accompagnerait jusqu’a Moiron, et que de cette maniere tout s’arrangerait très bien, et je me laisse dire tout cela
    Je suis si contente de mon métier de bonne et je me fais une si grande fête de not[..] séjour à Meylan que je n’ai pas le cou[....] de penser encore au retour ; mais ma chère Maman je suis à vos ordres ; Camille va bien à présent, demain après la messe il nous menera à Meylan ou il passera la journée avec nous, il doit partir à la fin de cette semaine seulement ; nous trouverons d’aimables voisines les Dames Fontanil elles sont venu aujourd’hui, et nous ont beaucoup engagés a les voir. Adieu Adieu Ma Chère Maman voila la troisième fois que je laisse ma lettre, on m’appelle Melle et Mme Teisseire viennent d’entrer et on prétend que c’est pour moi ; je dois vite
    [dans la marge de gauche, de haut en bas] J’embrasse mon père, mes compliments à Mme Pion
    Votre affectionnée fille Adèle

[p. 4] [adresse]

Madame
Madame Berlioz
A La Côte St André
Isère

2011.02.124 Vendredi 6 juin 1834 À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; texte endommagé, plusieurs déchirures qui laissent quelques lacunes dans le texte; écriture parfois peu lisible. Timbres postaux: GRENOBLE, 7 JUIN 1834; LA COTE-ST-ANDRÉ, 8 JUIN 1834.

    Meylan Vendredi

    J’ai reçu hier votre longue lettre Ma Chère Maman, j’ai été [....] désolée d’apprendre que mon silence vous avait donné de l’inquiétude pour ne pas m’exposer à de nouveaux reproches je me dépèche à vite vous répondre.
    Nous passons toujours notre temps très agréablement, tous les jours nous avons presque des visites, soit de grenoble, soit d’ici, hier Mr Henri Pal, est venu nous demander à diner ; le soir nous fîmes avec lui une immense promenade, pour lui montrer plusie[...] jolis habitations de nos environs ; il était venu également Mardi passé avec sa mère et sa sœur ; mais ces Dames ne vinrent que le soir de sorte que nous ne pûmes pas trop, leur faire admirer, les beautés de Meylan
    Mme Pal trouva sa petite fille bien portante, s’il elle était venue la veille elle n’aurait pu en dire autant ; dans la nuit du Dimanche au Lundi elle prit un violent accès de fièvre qui nous a fait passer deux jours dans l’inquiétude, Nancy écrivit [dans la marge de gauche, de haut en bas] Mme Buisson vous a-t-elle remis vos gants ? [p. 2] à mon oncle pour le prier de venir ; s’il allait à Mont-Fleuri ; il le promit à la Domestique mais lorsqu’elle fut de retour la petite n’avait plus de mal, en conséquence nous lui fîmes dire de ne pas se donner la peine de monter : Il parait que cette petite indisposition était occasionnée par deux grosses dents qui voulaient se faire joure ; enfin elle va à merveille maintenant ; c’est un Diable s’il en fut ; personne ne peut plus l’approcher que sa mère, et sa bonne ; pour moi je suis disgraciée irrévocablement depuis que j’ai refusé de lui passer un caprice par trop violent, depuis lors il n’est sorte, de priéres, de supplications [.]e promesses que je n’ai faites pour rentrer en grace impossible de la décider a venir avec moi ; et dès quelle m’appercoit elle me regarde avec son air malin et si je fais un pas pour l’approcher elle fait des cris épouvantables, puis quand je recule éffrayée de ses larmes, elle prend une physionomie si conquérante qu’elle nous fait mourir de rire ; Mon pauvre grand pere fait des exclamations d’étonnements ; et Bobos brochant sur le tout, en voulant essayer de rapprocher la Tante désolée, et la niéce endiablée [p. 3] avec des raisonnements si drôles, achève de completer la Tragie-Comédie ;
    Je suis bien aise d’apprendre Ma bonne Mère que vos vers à soie vont bien, ceux de mon grand pere sont bientôt fini, et jusqu’a présent paraissent réussir ; cependant il ne faut pas encore trop se féliciter ; ils ont tres mal réussis dans les environs, ce qui ne laisse pas de donner des craintes, la feuille n’est pas aussi belle qu’a l’ordinaire, mais cependant je la trouve superbe en comparaison de celle de la Cote.
    Nous mangeons ici force cerises, et fraises dont il y a en quantité, mais dont nous [..] nous lassons pas.
    Je vous remercie Chère Maman de [....] donner des nouvelles de Louise, je [....] fâchée qu’elle n’exécute pas son projet de voy[...] je voudrais bien la voir ailleur qu’à Pointiere.
    Je vous prie de vous informer si elle a reçu un paquet de Laine rouge que j’avais remis à Prud’homme pour le mettre dans la caisse de mon père ; depuis que je suis ici je n’en ai pas su nouvelle, et comme il y en a pour cinq francs je ne serais pas amusée qu’il fut perdu, ne manqué pas de me rassurer dans votre prochaine lettre.
    Adieu Ma Chère Maman ne vous fatigue[.] pas trop ainsi que mon père ; dites de ma [dans la marge de gauche, de haut en bas] part à à notre aimable voisine que je compte sur elle pour vous soigner un peu tous deux, et embrassé la de ma part ainsi que mon Père et Prosper
    Votre affectionnée fille Adèle

[p. 4] [adresse]

Madame
Madame Berlioz
Côte St André
Isère

2011.02.125 Mercredi 6 mai 1835 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé Image

Cinq pages en tout; un feuillet de quatre pages écrites, un page séparée avec la fin du texte et l’adresse d’un côté, blanc de l’autre. Écriture assez soignée, présentation aérée, de même que pour la lettre suivante qui utilise le même papier. Timbres postaux: CHATILLON-LES-DOMBES, 8 MAI 1835; GRENOBLE, 9 MAI 1835.

    L’Abergement le Mercedi 6 mai

J’ai bien du temps de libre ici, Ma Chère Nancy pour t’écrire de longues lettres ; ce sera plus qu’un plaisir pour moi, c’est un besoin ; depuis mon départ de Lyon il me prend par moment une tristesse affreuse de me sentir si loin de vous tous ; il me semble que je suis dans un pays perdu ; je passe mon temps d’une maniere tres calme ; et très uniforme cependant je ne m’ennuis pas le moins du monde, c’est absolument mon genre de vie de la Côte animé par la société d’une amie intime d’un commerce très agréable, et cela seul me suffit, nous travaillons beaucoup en babillant, nous avions tant de chôses à nous dire ? puis nous avons des livres intéréssants ; nous jouons avec les enfants, et cela me rappelle ma petite Mathilde après cela nous faisons tous les jours d’immenses promenades, le pays n’est pas très curieux à parcourir mais dans ce moment la campagne est toujours belle ; nous sommes presque habituellement seules Sophie et moi, ces Messieurs sont tous les jours dans les champs du reste j’aime autant et même mieux car ce sont [p. 2] des jeunes gens, si graves, si polis, si saints ; si parfaits en un mot, que je ne suis pas encore très à mon aise en leur présence, ce n’est pas que je les crois très redoutables car leur conversation est si simple que je puis bien me mettre à leur niveau ; mais c’est un genre qui m’engourdirait plutôt ; Sophie se trouve très heureuse dans le faît elle a tout les élemens d’un vrai bonheur son mari est bon ; attentionné, doux, bien élevé, riche beau garçon, jeune ; et bien je n’ose presque te l’avouer Ma Chère Nancy ? je ne voudrais pas d’un bonheur semblable ! .. c’est si calme, si fade, que c’est à en faire soulever le cœur, point d’éxaltation, rien, rien qui ranime, pas même la plus légère contradiction, c’est trop de perfection vraiment, j’aimerais presque encore mieux un aimable mauvais sujet ; ne me gronde pas bonne sœur de mon enfantillage, ce n’est qu’a toi seule que je dis de semblables folies ; mais je ne veux pas qu’elles me fassent oublier de te parler de mon charmant voyage sur le bateau à vapeur j’en suis encore dans le ravissement, ce sera un des souvenirs les plus agréables de ma vie ; le temps était à souhait, nous avons pu rester sur le pont presque tout le jour ; nous avions une immensité [p. 3] de compagnons de voyages de toutes espèces ; de beaux jeunes gens à moustaches ! de jolies et gracieuses jeunes femmes, et sur tout de ravissantes petites filles qui faisaient faire le peché d’envi ; puis mieux que tout cela encore deux Anglais ! comprends donc ma joie Nancy ? moi qui désirait depuis si long-temps d’en voir ; j’ai pu les écouter, les éxaminer à mon aise, ils chantaient, ils causaient avec chaleur, et leurs physionomies étaient si expréssives, leurs gestes si animés que je comprenait leur admiration pour le beau pays qui nous parcourions. Tu m’avais beaucoup vanté les rives de la Saone, elles ont encore surpassées mon attente ; j’étais si heureuse par moment qu’il me semblait réver, tout était enchantement pour moi ; ce que c’est que de n’être point blasée ! .........
Je te voudrais ici avec moi Chere et bonne sœur pour te faire apprécier davantage ton intérieur de famille (ta belle sœur à part bien entendu) figure toi une vieille belle mère de 88 ans bonne mais froide et sévere, et qui pour ma part, m’a horriblement intimidée ; à présent je ne la redoute presque plus, plus un beau père, grave et silencieux autant que possible [p. 4] un jeune veuf pour beau frère, qui est sombre, très convenablement, et qui ne s’occupe que de sa petite fille, tout cela réunis dans une maison de campagne isolée, et à côté de laquelle tu trouverais ton St Vincent un paradis terrestre ; presque jamais de visite autre que celle d’un bon et simple curé ; vois Chère amie et compare ? ........
    Demain s’il fait beau nous devons aller passer la journée à Bourg c’est très près d’ici, et Sophie est bien aise de me faire faire ce petit voyage moi j’en suis enchantée ! cette pauvre amie me répète à chaque instant combien elle est heureuse de m’avoir elle me comble de témoignages d’amitié ; elle se tourmente beaucoup dans la crainte que je ne m’ennuies, mais elle a tort tout a fait il n’en est rien.
    Adieu Ma Chère Nancy peut être trouveras tu les détails que je te donnes un peu longs, j’avais trop besoin de te mettre au courant de tout ce que je fais ; je pense que ma lettre te trouveras établie chez toi, notre pauvre mere doit se trouver bien tristement depuis ton départ, je lui ai écrit avant hier une grande lettre dans l’espoir de la [p. 5] distraire, pour toi j’aurais tant et tant de chôses à te conter que je ne puis me résigner à finir, cependant il faut garder quelque chôse à nous dire, adieu

[adresse au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

[au bas de la page, sous l’adresse]

Des amitiés par centaines à ton Camille, et à ma chère petites niéces des millions de baisers
    Tout à toi
        Ton affectionnée sœur

A B

2011.02.126 Jeudi 14 mai 1835 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Cinq pages en tout; un feuillet de quatre pages écrites, un page séparée avec la fin du texte et l’adresse d’un côté, blanc de l’autre. Timbres postaux: LYON, 15 MAI 1835; GRENOBLE, 16 MAI (1835) (année peu lisible).

    L’Abergement le 14 Mai Jeudi

Je suis bien reconnaissante de ta longue et aimable lettre Ma Chère Nancy, d’apres ce que tu me dis du trouble qui règne dans votre intérieur, je ne saurais assez te remercier d’avoir pu surmonté ton ennui, et ton irritation au point de me mettre au courant de tout ce qui m’interesse ; le mariage de ta cousine Louise m’a peu étonnée, mais comme toi je suis encore à comprendre comment elle est assez résignée pour aller habiter avec un vieux beau pere et sa sœur ; pour moi dont la position est bien différente de la sienne sous tous les rapports ; je crois que jamais je n’y aurais consenti, l’expérience de toutes les jeunes femmes à commencer par toi et à finir par Sophie, me prouve que c’est chôse fort ennuieuse, et très difficile à supporter même pour les meilleurs caractères ; aussi je prie Dieu de toute mon ame de n’être jamais mise à semblable épreuve, je ne suis pas assez parfaite ! conclusion !......
[p. 2] Depuis ma derniére lettre notre genre de vie c’est beaucoup animé, ces Messieurs se sont tout à fait apprivoisés avec moi, ils causent bien, et je vois maintenant qu’il ne leur manquait que la bonne volonté de montrer tous leurs moyens : les heures des repas sont toujours maintenant très agréables ; les grands parents et le vieux intendant parlent de leur cotés tres gravement ; mais nous, tout bas nous plaisentons à qui mieux mieux ; je vois les gens et les chôses sous un aspect beaucoup plus favorable que les prémiers jours, le pays est vraiment riant et tres varié, nous faisons toutes les apres midi de longues promenades, il y a dans les environs tout pleins de petites villes dans le genre de la Côte et même mieux ; ainsi les buts ne nous manquent pas, nous avons une Anesse sur laquelle nous montons alternativement de la sorte nous pouvons faire de plus longues courses ; ces Messieurs nous accompagnent, et se divertissent un peu à nous faire galoper pour juger de notre adresse ou plutôt de notre gaucherie ; Dimanche pour varier un peu ils cedèrent enfin aux instances de Sophie [p. 3] et se mirent à chanter chemin faisant, seuls et en partie de maniére à me faire grand plaisir, ils ont tous deux d’assez jolie voix, mais sur tout le mari de Sophie, aussi il fallait voir comme elle était contente de mon admiration ; les femmes aiment tant a fait ressortir leur mari, par tous pays elles sont de même je le vois bien ; l’autre jour nous avons fait de bons rires à ce sujet, sur la route de Bourg ; mais je te conterai tout cela plus tard ; que je te dises seulement que notre voyage fut on ne peut plus agréable, mais à part les promenades, et l’eglise de Brou ; le reste de la ville a peu répondu à l’idée que je m’en étais formée, je trouve que Grenoble est un second Paris en comparaison ; nous devons aller à Macon cette semaine l’on m’assure que cela vaut infiniment mieux, nous verrons ? pourvu que Mme Sabine ne s’arrange pas de maniére à trop brusquer mes plaisirs ; Sophie ne peut se resigner à cet arrangement elle voudrait absolument me garder aumoins six semaines, et se chargerais de me ramener ; mais malgré tout le desir que j’en aurais, je ne parlerai pas de cela [p. 4] à ma bonne mère je sens trop combien il est généreux de sa part de se passer de moi dans ce moment, son isolement m’attriste quand j’y songe Je compte beaucoup sur tes lettres et les miennes que je ne ménage pas, et sur la société de Mme Pion pour la distraire.
Pour moi je me trouve si bien ici que j’aurai de la peine à en partir ; Sophie ne cesse de me remercier de ma visite, elle prétend que de parler avec moi était un besoin impérieux pour elle, et que ses malaises ne venaient que de ses longs silences, aussi Dieu sait que nous ne ménageons pas le remède ; ces Messieurs s’amusent souvent à nous regarder parler de loin, et ne peuvent comprendre comment nous y tenons, ils nous contrarient toujours à ce sujet ; mais tout en riant avec eux nous n’en disons pas un mot de moins.
Je voudrais pouvoir te faire connaître et apprecier Sophie Ma Chère Nancy, je suis sure que tu l’aimerais aussi ; elle est si naive, si bonne, et avec cela à tant de raison, un jugement si parfait, que je suis toujours à l’admirer, je crois que ma visite me [p. 5] sera très utiles sous beaucoup de rapports, je remarque aussi avec plaisir, qu’elle a souvent les mêmes idées que toi sur beaucoup bien des sujets ; depuis son mariage elle s’est formée d’une maniére extraordinaire et c’est une femme parfaite si toute fois il y en a ?.......
Je ne puis me résigner à finir Chère Sœur, j’ai encore tant à dire ; mais l’heure du diner approche Sophie m’attend ; et veus même absolument que je te remercie particuliérement de sa part pour avoir bien voulue engager Maman à me laisser venir !.....
Adieu Chère et bonne Nancy, il y a des vis[.....]ujourd’hui, il ne faut pas que je me fasse attendre ; ne m’oublies pas aupres de mon cher frère Camille, je t’embrasse bien tendrement ainsi que Mathilde.
        Ton affectionnée sœur

A B

[adresse à la dernière page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

2011.02.127 Dimanche 24 mai 1835 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Six pages en tout, un feuillet de quatre pages écrites plus deux autres pages, adresse à la sixième. Timbres postaux: TOISSEY, 26 MAI 1835; GRENOBLE, 28 MAI 1835.

    L’Abergement le Dimanche 24 Mai

    J’attendais ta lettre avec grande impatience Chère Nancy, et je t’en remercie beaucoup bien malgré le ton un peu sevère que j’y ai trouvé à chaque ligne et qui m’as chagrineé beaucoup à la prémiere lecture ; puis en y réfléchissant je me suis convaincue que ton intention n’était pas de me gronder, et pourquoi le ferait tu en éffet chere sœur ? Je prolonge beaucoup mon séjour ici, c’est vrai, mais c’est d’après les offres réitereés de notre bonne mère que je n’ai pas cru mal faire en cèdant aux instances de Sophie ; et quoique tu en dises belle Dame je ne galoppe point à droite et à gauche la bride sur le cou ; de maniere à avoir de la peine à rentrer sous le joug maternel suivant tes propres expréssions ; je suis [p. 2] dans une famille aussi respectable et considérée que possible, tout le monde y a un ton très réservé, et tres convenable sous tous les rapports ; la vieille grand mère malgré ses 88 ans, n’est ni sourde, ni aveugle, ni impotente, bien loin de la et je réponds que c’est un Mentor qui en vaut bien d’autres ; quand aux Messieurs ce que je puis te dire de plus capable de te rassurer, c’est que depuis que je t’ai quitté je ne me suis pas trouvée une seule fois (entends tu bien ?) dans une position embarrassante pour une jeune personne, jamais un mot de trop, jamais ! ........ quand à ma conduite à moi je ne pense pas avoir rien à me reprocher sous aucun point et tu sais que je suis difficile à contenter ; je sais positivement que Mmes Gautier et Munet m’ont trouvés l’air bien élevée et surtout très réserveé !.. pour les hommes Sophie m’a avouée qu’ils m’avaient jugeé un [p. 3] peu froide au prémier abord, mais à part cela hem ! .... je te conterai puis les compliments je ne veus pas que tu en perdes un mot lis je te prie une portion de ma lettre à Camille j’ai peur que lui aussi ne se tourmente un peu de ce que je deviens ici, et je tiens singuliérement à vous rassurer tous deux ; dis lui que la Chinoise à fait de l’effet ici (Modestie à part ! on a déclaré à l’unanimité que coiffeé ainsi je n’avais que quinze ans ; du reste Sophie sagement ne m’en donne que 18 en dépit de notre conformité d’age que j’oublie de nier à chaque instant, et ce qui m’attire des reproches de sa part, cette bonne amie a une vanité extrème pour moi, et sait tres bien sans la moindre affectation faire ressortir ce que j’ai de passable ; je suis entre bonnes mains je te le repète, et malgré ma mauvaise tête je saurai profiter d’un aussi bon modèle ! ...
    [p. 4] A present parlons de mon voyage à Bourg Chère Nancy il faut que j’ai le cœur net de tous tes reproches, Maman m’en a fait beaucoup aussi à ce sujet, et Dieu sait que j’ai été horriblement triste de tout cela ? moi qui avait cru agir tres sagement en passant dans cette ville incognito ; je pensais qu’il vallait mieux ne pas aller tomber comme de la Lune dans la famille Golety ; expliquer avec qui, chez qui, et où j’etais ? j’étais si lasse des présentations, et des visages inconnus, que je conviens que la froideur ordinaire de Mme Rosanne n’était pas capable de m’encourager assez pour surmonter ma timidité ; puis je redoutais (puis qu’il faut tout dire la comparaison des deux sœurs cette idée là m’aurait rendue encore cent fois plus gauche et plus bête ; mais enfin j’aurais surmonté tout cela n’en doute pas je te prie, Chere sœur si je n’avais cru faire mieux que bien, et si je avais su que tu le désirais ainsi que nos Parents ; il y a de quoi me dégouter a jamais de mes prudences mal placées
    [p. 5] Voila ma confession faite sur tous les points il ne me reste plus qu’a faire des vœux pour qu’elle te trouve disposée à l’indulgence et à l’équité, c’est la derniere fois que tu recevras de mes nouvelles d’ici, nous partirons probablement samedi pour Lyon, Mme Pion n’y arrivant que Lundi il est à presumer que je ne serai à la Côte qu’a la fin de l’autre semaine, ainsi je te prie reponds moi chez Mr Gautier tu me fera grand plaisir de me dire si mes explications t’ont pleinement satisfaite
    La lettre de Mathilde m’a rendue fière et contente de son petit souvenir il me tarde bien de revoir cette chère petite en attendant je pouponne bien ici, et souvent je me trompe et j’appelle Mathilde pour Helène ou Melchior, ce sont aussi de beaux et gentils enfants que je me prends à aimer tout à fait, et dont je veux te parler longuement à mon retour ; mais qui sait quand je te verrais ? et pourtant j’aurai tant et tant de chôses à te conter ! ...
[p. 6] Adieu Ma Chère Nancy, Sophie trouve que je ne finis plus, et s’impatiente chaque fois que je bavarde si longuement avec toi. adieu adieu je t’embrasse tendrement ainsi que Camille et Mathilde     Ton affectionnée sœur     AB

[ici l’adresse au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

 [au bas de la page, sous l’adresse]

    P. S J’oubliais de te remercier de nous avoir découvert une cuisiniere vraiment j’en suis bien contente ; j’ai écrit hier à Maman, et je n’ai pas songée à l’en féliciter

2011.02.128 Lundi 6 septembre 1847 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; lettre écrite à la hâte, écriture négligée. Timbres postaux: VIENNE, 6 SEPT. (année illisible); VOREPPE, 7 SEPT. (18)47.

Vienne Lundi matin

    Je reçois en même temps Chere Sœur ta lettre et celle de mon Pere les impromptus ne me conviennent pas plus qu’a toi et je suis toute troublée de l’arrivée subite d’Hector
    Mon mari est parti Samedi il était de nouveau un peu souffrant et je le décidai à s’embarquer, depuis lors je me préoccupe sans relâche de son voyage, jusqu’a ce que j’ai de ses nouvelles ma pauvre tête sera bien à l’envers.
    J’espere en avoir demain
    Il a du prendre une longue route pour aller à Grenoble et Allevard par Lyon et le pont de Beauvoisin, l’essentiel et qu’il se trouve bien ; j’ai passé une nuit affreuse mille craintes me torturaient
    J’avais appris hier que Mme Faure avait pris un espèce de transport au cerveau [p. 2] et qu’elle avait été tres malade il y a huit jours à Arveulieu il avait fallu la seigner 3 fois dans la journée elle va bien mieux mais c’etait une suite de fiévre muqueuse comme Marc et ce rapprochement me fait mal, s’il allait faîre comme Mme Casimir en route et sans moi ? ...
    Je dois ecrire à mon pere que je ne veus pas me mettre en route avant d’avoir des nouvelles de mon mari
    après des indécisions sans fin je me decide a lui annoncer mon arrivée à la Côte pour Mercredi dans la nuit par la diligence
    J’ai une queue de lessive des tailleuses etc etc comme toi je ne puis tout laisser inachevé
    [p. 3] Joséphine va assez bien heureusement
    Adieu chere comme tu dis tout serait mieux si on s’annoncait d’avance pour tous
    a vendredi donc au rendez vous general

Ad

[p. 4] [adresse]

Madame
Madame Camille Pal
Voreppe
près Grenoble

2011.02.129 Samedi 13 janvier 1838 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages écrites, adresse à la quatrième; déchirure au côté droit de la troisième page. Texte de lecture difficile à cause de la pénétration de l’encre d’un côté de la page à l’autre. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, 13 (mois illisible) 1838; GRENOBLE, 14 JANV 1838.

    La Côte St André Samedi soir

    Tu as vraiment bien fait Chère Amie de ne pas te casser bras ou jambes en tombant, car je ne t’aurais pas pardonnée cette sottise dans ce moment surtout ; J’ai besoin de vous tous dispos, et satisfaits, c’est la seule pensée qui me repôse de mes tristes préoccupations
    Maman a été encore tres souffrante depuis ma derniere lettre, les douleurs dans le côté étaient revenues pire que jamais, hier soir elle ne pouvait faire un mouvement dans son lit sans crier, aujourd’hui elle sont beaucoup moins fortes, elle est calme et ne s’inquiète pas à notre grand soulagement ; je ne sais si je dois attribuer ce mieux aux sang sues qu’on a appliqués ce matin et qui saignent encore ?
    Il parait prouver maintenant [dans la marge de gauche, de haut en bas] Je vous embrasse bien tendrement Mille chôses tendres à Camille de ma part et à mon Cher Bijou Ton affectionnée AS [p. 2] que ma pauvre Mère a un rhumatisme aigu des moins violents il est vrai, mais comme aulieu de se porter sur un membre, il est dans [mot biffé] l’interieur, il sera je [mot biffé] le crains plus long et plus difficile à guérir, il faut donc s’armer plus que jamais de patience, et se trouver heureux encore d’être éxempt d’inquiétudes sur la gravité de la maladie
    pour tout le reste gràce a Dieu je me sens du courage, je ne veus pas absolument me laisser dominer par l’ennui, et quand je serais tentée de cela je songe vite aux gens plus malheureux que nous à Mme Scimieu par exemple qui depuis 17 jours ne peut faire un mouvement dans son lit a cause d’un dépôs de lait qu’elle a au bras et qui la fait souffrir le martyre en pensant à la position de cette malheureuse femme je rougis de me plaindre
    Les jours s’écoulent bien vite tous tristes qu’ils sont pour nous on a assez à faire d’un remède à l’autre, on [p. 3] arrive au soir sans avoir le temps de se retourner ; Monique jusqu’a présent à couchée dans la chambre de Maman mais c’est à mon tour maintenant, et j’ai déclaré que je voulais quelle se reposat, si cela se prolonge tout l’hiver il ne faut pas s’abimer tous à la fois, la force et la bonne volonté ne me manquent pas ainsi ne t’inquiètes pas de moi Chere S[....]
    Mon pere est plus résigné [...] sa santé est passable, Maman [...] plus calme, et sa force est étonnan[..] pour quelqu’un qui ne mange rien que quelques cueillerées de bouillons clair. depuis quinze jours, elle n’a pas de fievre maintenant cela me tranquillise beaucoup.
Tes lettres lui font grand plaisir cela la distrais un peu des ses maux je lui ai lu la relation de ton diner brillant, mais j’ai cru prudent de ne pas lire l’article du parterre [p. 4] Je te remercie des détails que tu me donnes sur les plaisirs de Grenoble, l’année prochaine qui sais si je ne prendrai pas ma revanche ? en attendant amuse toi pour deux, je compte sur une invitation du bal de Mme Simon, il me faut cette distraction ainsi fait toi belle chere sœur et vas y !

[ici l’adresse au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble

[au bas de la page, sous l’adresse]

    Adieu adieu je te dis les chôses telles quelles sont ainsi ne te tourmente pas hors de propos ; sois tranquille je ne voudrais pas t’abuser ce n’est pas mon système écris moi à ton aise aussi ; je prends mes précautions, dis ce que tu voudras [salutation terminée dans la marge gauche de la première page]

2011.02.130 Jeudi 18 janvier 1838 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé Image

Un feuillet de quatre pages écrites, adresse à la dernière. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, 18 (probablement) (mois et année illisibles); GRENOBLE, 19 JANV 1838.

    La Côte St André Jeudi soir

    Je t’ecris aussi au lendemain Ma Chère Nancy, mais il a peu de rapports avec celui d’un Bal, j’ai passé la nuit à faire mon bas, pres du lit de Maman
    J’étais si heureuse de l’entendre dormir quelques instants, de sentir mon pere et Monique se reposer un peu, que je ne sentais pas le moindre sommeil, le calme qui reignait autour de moi me faisait éprouver une jouissance indicible
    Maman me semble un peu mieux, les Angoisses Nerveuses ont été moins violentes le matin, car c’est toujours entre huit et neuf heures que la crise (je ne saurais appeler cela autrement) est plus violente ; grâce à un Lavement d’Opium elle est tres calme depuis plusieurs heures ; ces courts moments de trêve sont bien précieux pour nous tous on reprend courage, on en a besoin !! [p. 2] Cela m’attriste Chere Sœur de répondre à tes descriptions de fetes et de toilettes brillantes ; par des détails de maux et de remèdes ; depuis ma derniere lettre on applique encore ses sang-sues sur le terrible côté, puis apres des ventouses, et ensuite un large vessicatoire pardessus tout cela ; en esperait beaucoup de ce dernier pour attirer l’irritation à l’exterieur, mais il ne donne pas et la douleur est toujours de même à peu de chôses près ; Monsieur Buisson serait d’avis encore des sang-sues ; mon père d’un autre vessicatoire, et Maman est si lasse des essais inutiles qu’elle ne veut plus que le repos, et je conçois bien son découragement on en aurais à moins
    J’ai l’esprit si peniblement préoccupé Chere Sœur que j’avais oublié le fameux Bal, je m’étonnais beaucoup de son silence depuis Vendredi passé, Maman en était presque [p. 3] un peu irrité, de sorte que je ne savais trop que faire ce matin avec ta lettre j’avais peur que le récit des plaisirs ne fit un mauvais éffet dans sa disposition d’esprit ; Il n’en a rien été grâce à Dieu, elle s’est interressée plus que je n’osais l’esperer aux détails que tu nous donnes.
    Mon pere ne va pas mal, mais il est sourd d’une maniere désesperante du matin au soir il faut que je repète le moindre mot, que je serve d’échos au plus léger gemissement de notre pauvre mere encore le tout contie[..] des quiproquo. quand je suis enco[..] fatiguée j’ai toutes les peines du monde à retenir un mouvement d’irritation cela est souverainement injuste je le sais et je fais tous mes éfforts pour dissimuler ce que j’éprouve.
    adieu chere sœur adieu je prends mon mal en patience et j’espere toujours pour le lendemain, je crois qu’on finit par s’accoutumer a tout, il me semble je ne [p. 4] saurais plus avoir d’autres idées, adieu adieu je ne sais ce que je dis je rève debout
    Camille depuis un siecle ne me fais dire un mot d’amitié, Mathilde m’oublie ! mais pas toi j’en suis sure Chere Nancy

Tout a toi
AB

[ici l’adresse au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble

 [au bas de la page, sous l’adresse]

nos compliments bien empressés à Mme Augustin
    Les fameuses Lancettes pour Samedi si tu pouvais aussi me choisir quelques livres chez Marechal ce serait une charité

2011.02.131 Mardi 30 janvier 1838 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Cinq pages en tout, un feuillet de quatre pages écrites plus une feuille d’une page écrite avec adresse au verso. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, 30 JANV 1838; GRENOBLE, (jour et mois illisibles) 1838.

La Côte – Mardi

    Le Mieux se soutient !... il est sensible aujourd’hui même pour notre bonne mère félicitons nous donc Chere Sœur et prenons courage, nous marchons, et pour être moins rapide, notre marche en sera plus sure ; hier apres ton départ maman dormis quelques heures, l’après-midi fut moins tranquille, deux tentatives pour avaler de l’opium provoquèrent des éfforts violents, et des vomissements qui nous éffrayerent un peu ; mais plus tard elle prit du Bouillon qui lui redonna des forces, elle se leva sans éprouver de faiblesses, et resta deux heures sur son fauteuil, tout a fait bien à notre grande joie à tous elle m’ecouta long-temps lire avec plaisir, puis Mme Pion vint, elle prit part à notre conversation, comme une [p. 2] personne bien portante, je jouissais délicieusement et je regrettais que tu ne fus pas là Chere Nancy pour partager ma joie, la soirée fut excellente, j’esperais une aussi bonne nuit, mais elle n’a pas dormi du tout ce matin un lavement d’opium a encore occasionné le même effet qu’hier c’est étrange, mais à present il sera tous les jours moins necessaire, ainsi cela m’inquiéte peu, Maman vient de remplacer sa mauvaise nuit par un sommeil paisible de trois heures en se réveillant elle a prit une soupe un peu plus forte qu’a l’ordinaire qui ne la fatigue nullement, une petite dôse d’eau et de vin sucré, a bien réussi également, et depuis hier ce n’est pas la premiere ; mais nous irons bien prudemment sois tranquille 
    pendant que je t’écris Maman essaye de se rendormir, J’ai soussigné la poste et je puis à mon aise te communiquer mes bonnes nouvelles.
    [p. 3] Mon dieu que cela fait du bien de ne plus avoir de montagne sur l’estomac ! Je respire ; mes nerfs se détendent ; c’est bien temps ma chère il me semble que la mesure était comble et je remercie le ciel cent fois par minutes d’être enfin venu à notre secours ! ...
    Je ne puis te dire combien je suis contente de pouvoir t’ecrire sans combiner mes phrases, franchement sans arriere pensée te dire que Maman est mieux, décidement mieux qu’elle-même en convient, qu’elle ne se désole plus ; quelle commence à faire des projets pour manger 
    cependant en nous repondant, ne parle pas trop de tout ce que je te dis, il faut encore des ménagemens un mieux officiel impatienterait peut-être ? mais je suis satisfaite quand même !...
[p. 4] J’ai vu aujourd’hui sur le journal la décision sévère du Ministre de la Guerre au sujet du duel de Vesoul, le Chef d’escadron qui s’est battu est destitué, un des témoins condamné à un mois de prison et le second aux Arrets de rigueurs pendant quinze jours ainsi que le colonel !… c’est un peu fort pour ce dernier et je conçois son irritation on n’en aurait à moins ; si j’ai le temps je lui écrirai à ce pauvre oncle.
    Adieu Chere Sœur, soigne toi, tu dois avoir besoin de repos et de distraction apres ta campagne de la Côte, jouis sans arriere pensée du plaisir de te retrouver chez toi pres de ton bon Camille et de ta Mathilde, sors un peu je te l’ordonne et ne t’inquiétes plus de nous maintenant nous ne sommes pas si à plaindre, et tu as bien fait de partir je te le repète ; je jouis de te savoir [p. 5] plus agréablement qu’aupres de nous, cela me console de tout, j’aime mieux gémir seule qu’avec ceux que j’aime mais maintenant je ne gémirai plus j’espère ainsi soyons tous contents adieu adieu mille et mille amitiés à mon bon frère Camille j’ai eu beaucoup de remords de ne t’avoir chargé de rien de tendre pour lui mais j’étais si péniblement [..]sorbée que je suis pardonna[...] maintenant que j’ai l’esprit [..] le cœur plus contents ma prémiere pensée est pour mon bon frère, et ma Mathilde je vous embrasse tous bien tendrement.

Tout à toi
AB

[adresse au verso]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
à Grenoble

2011.02.132 Janvier-début février 1838 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Pas de timbre postal : la lettre n’a pas été postée, mais remise à la main.

    La Côte Lundi Soir

Je saisis avec empressement Chere Sœur toutes les occasions de te donner des nouvelles de notre bonne Mère, je serais bien heureuse si je pouvais enfin t’annoncer un Mieux positif, le moment n’est pas encore venu, et je ne puis que te répéter ma formule ordinaire depuis un mois, « c’est toujours de même » Il y a des gens qui penseraient que je ferais aussi bien de ne pas t’ecrire si souvent n’ayant rien de mieux à dire, mais moi je pense que tu préfères encore savoir à quoi t’en tenir jour par jour, de cette manière on s’inquiète moins s’il est possible.
    Maman a été passablement cette apres midi, elle est resté levée sans trop de fatigue une heure de plus qu’hier j’ai remarqué qu’il y a toujours [p. 2] alternativement un jour moins mauvais que l’autre les douleurs n’ont pas été aigues, les angoisses nerveuses moins fréquentes ; Monsieur Buisson a décidé d’accord avec mon père qu’il fallait cependant se décider demain à faire une nouvelle application de sang sues, et a frotter les piqures avec la terrible pommade Epipastique ; je frissonne au seul nom de ce remède, très éfficace il est vrai mais si douloureux !…..
    Je ne saurais t’en dire plus long Chere Sœur, je suis si asphixiée d’ennuis de froid, de sommeil qu’il me serait impossible de rien tirer de ma pauvre tête ; je suis incapable d’autre chôse que de chauffer des linges à Maman de gémir, et de foudroyer Mon bas c’est mon souffre douleur.
    Adieu adieu je vous embrasse tous bien tendrement

Ton affectionnée
AB

    Maman s’étonne de l’indifférence de mes oncles et tantes à son égard, est ce à torts ? [p. 3] Mr Charles Bert qui te remettra ma lettre pourra te parler plus en détails de l’état de Maman il l’a vue hier
    Mon père réclame encore ses Lancettes, et voudrait savoir si le cher Prud’homme est payé ?

[p. 4] [adresse]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble

2011.02.133 Dimanche 31 décembre 1837 (?) À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Six pages en tout; un feuillet de quatre pages plus une page séparée; une lacune vers le bas de la dernière page; pas d’adresse, d’enveloppe ou de timbre postal. Écriture assez hâtive et fatiguée.

La Côte St André, Dimanche

    Je t’envois enfin le fameux volant Ma Chere Nancy, il y a bien fallu toute ma tenacité pour le finir hier, j’avais travaillé toute la semaine avec ardeur, aussi les huit aunes que je m’étais imposées étaient terminées de bonne heure mais le peu que j’avais voulu faire broder m’a donné plus de peine que tout le reste, d’abord pour trouver des ouvrières, puis elles me manquaient de paroles ; me faisaient des bêtises malgré toutes mes précautions, enfin si tu n’es pas contente ce ne sera pas ma faute Chere Sœur j’ai fait de mon mieux pour tout.
    Je veux me débarrasser avant de parler d’autres chôses de l’article commissions La plus importante le Brochet tu peux y compter on le pêchera jeudi, il sera de dix à douze livres nous te l’enverrons par Dumont [dans la marge de gauche, de haut en bas] Pour le chapeau je n’ose rien promettre de positif [p. 2] avec une provision de Beurre frais, des fleurs, et une nape que Maman te (prêtera) le Gibier se trouvera aussi je pense on ne peut l’acheter d’avance et dans tous les cas nous t’avertirons à temps …… voilà
    Tes lettres nous font toujours grand plaisir Chere Amie, Maman s’interresse à tout ce que tu racontes de tes plaisirs, elle jouit de penser que toi aumoins tu passes quelques moments agréables pour nous tous les jours sont aussi tristes Maman est toujours de même, c’est désolant je ne vois pas de terme à cette maladie, elle n’a pas eu la force d’aller à la messe aujourd’hui, et se plaint maintenant d’une douleur de côté,
    son dégout pour les vivres continue mon pere s’en inquiète, il craint que que l’estomac s’accoutume trop à se reposer, et que Maman perde ses forces tu sais que ce n’est pas [mot biffé] sa crainte ordinairement, et cela m’étonne beaucoup [p. 3] Je suis ennuiée plus que je ne saurais dire et je finis l’année dans une triste disposition d’esprit, je me suis fait un long sermon avant de commencer ma lettre pour me décider à ne pas te faire de lamentations, je me permettrai seulement de te dire que les visites ennuieuses me tuent !…. Je croyais de ne pouvoir trouver un instant pour t’ecrire de l’une à l’autre c’est continuel et les moins agréables sont les [mot biffé] plus longues et presque habituelles, si cela dure encore quelques temps mes pauvres nerfs en seront victimes !.. conçois donc pas une minute de solitude et de liberté !….. Maman ne pouvant pas trop parler il faut que je m’extermine moi pour soutenir la conversation absolument et encore j’ai l’air enchanté cela fait plaisir à Maman trop heureuse ! [mot biffé] à chaque jour suffit sa peine je me couche tous les soirs rendue de corps et d’esprit ; patience égale.
    [p. 4] prudemment j’essaye de m’accoutumer à l’idée de point aller à Grenoble ce carnaval, je me surprends par ma résignation quelques fois ; il y a trois ou quatre ans une pareille perspective m’aurait mise au désespoir ! la belle chôse que de vieillir ! …. je prendrais mon parti Je de tout pourvu que tu te portes bien et que tu sois contente, cette pensée me repose délicieusement l’esprit, que te manquerais-t-il dans ce moment pour cela ?… ainsi donc pour souhait de bonne année je ne désire que rien ne change autour de toi … santé, repos, aisance, n’est-ce pas le bonheur avec un Camille et une Mathilde….. ? à propos de cette chere petite endiablée je lui envois un petit ménage tres complét, j’aurais voulu trouver mieux mais c’est peu facile ceci ce n’est donc qu’un petit souvenir de sa folle de Tante, qui la punirait bien ce soir de bon cœur en rugissant [p. 5] cependant Jeudi Mr Hypolyte m’invita avec mes fillettes vraiment je suis charmée de cette attention, il pleuvait, je m’ennuiais et cette diversion était précieuse Les dames Pion sont toujours absorbées dans leurs affaires, puis je t’avoue que j’ai perdu l’habitude des conversations malveillantes, des curiosités sur tout le monde et toutes chôses j’y trouve moins que du plaisir de l’irritation…
l’autre jour j’allai chez ces Dames un moment il ne fut question que de la douleur [..] Mme Jîmieu critiquée, comme [.....] sans pitié on savait tout [.....] ..
puis Mme Sab[… lacune …]ant sur tout on s’étonnait, on s’exclamait sur sa maniere de vivre après la Banqueroute de son mari, je ne trouvais rien à repondre mais je souffrais plus que je ne puis dire et n’y suis pas retourné depuis [p. 6] avec tout ce genre intolérable la belle Nancy devient laide et ne fait pas fureur à ce qu’il parait la République n’aide pas à trouver des maris ; Mr Monet attend toujours aussi que son Usine reprenne ses travaux, comme François son inaction l’irrite je les comprends, ma Tante doît s’agiter de l’avenir de ses enfants si fort compromis, la perspective de se faîre paysan à Muriannette est peu séduisante à mon avis, et je regrette doublement pour lui Melle Monet je n’ai pas su si le mariag[.…] se faisait cette saison et si [...] Assises étaient terminées Mme [..]yron étant à Rives je ne la [....]ai pas.
Adieu Chere Sœur l’idée de retourner chez moi me fait battre le cœur de joie mais quand je regarde notre pauvre pere il ne me reste plus que de la tristesse…. et du découragement je t’écrirai un mot avant de partir. J’embrasse Mathilde de moitié avec toi tendrement

A

2011.02.134 Vendredi 26 février 1841 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé Image

Un feuillet de quatre pages écrites, mais le texte s’arrête au bas de la dernière page et semble incomplet; pas de formule de salutation, de signature, d’adresse ou d’enveloppe. Écriture assez hâtive.

St Chamond Vendredi

    Merci ma Chere Sœur des détails que tu me donnes sur tes plaisirs et tes toilettes, cela nous rapproche il me semble ; à mon tour que je te raconte que j’ai passé tres gaiment mes derniers jours gras. mon voyage à St Etienne a été charmant, en dépit de la pluie battante qui nous y a accompagnés dimanche cela a été le dernier malencontre Mr Dumoret nous attendait avec sa voiture au chemin de fer, et pendant deux jours nous avons été comblés de toutes les attentions les plus aimables, la recherche de Mme Teisseire et de Mme Jourdan pâlisait devant celle de Mme Dumoret, il est impossible de rien désirer de plus confortable que cette maison ; la soirée de Lundi était excessivement nombreuse, et parfaitement bien la maitresse de la maison etait jolie comme un ange ; mais que je te divertisse un peu à mes dépends croirais tu ma Chère que pour danser la [p. 2] la second contredanse (comprends tu la seconde ? j’en ai été reduite à un criquet de clerc d’avoué envoyé par le maitre de la maison !….. oh humiliation… J’étais si outrée que je voulais refuser mais cependant la crainte de m’ennuier toute la soirée à faire tapisserie m’a décidé a subir mon triste debut pour me consoler je me rappelais alors mes succès d’autre fois du temps de dada et de mille autres je m’exagérais même mes vieux triomphes par pitié….. puis j’ai réflechis que je m’étais peut être trop modestement cachée dans un coin du salon ; alors j’ai fait un tour de salon avec un aplomb rare J’ai avancé mon fauteuil davantage en un mot je n’ai rien négligé de ce moment la tout est allé à merveille, ma toilette etait une des plus jolies, et mon mari m’assurait que je lui faisais beaucoup d’honneur… 
    Enfin cela n’empèche pas suffit !… [p. 3] à mon retour j’ai fait rire les dames aux larmes en leur racontant mes succès Mme Richard m’a avoué alors que pareille chose lui était arrivée à St Etienne l’année passée et comme elle est tres bien tres bien cela m’a consolée. Nous sommes revenus Mardi a midi à peine ai-je eu le temps d’embrasser Finette on nous attendait au second pour diner, Marguerite avait heureusement tous préparé pour le soir, ma réunion a été d’une gaité folle, je ne trouve pas dans mes souvenirs de jeune fille aucune occasion ou je me sois tant amusée.
    J’avais entendu dans l’apres midi des musiciens ambulans, l’idée me vint de les faire venir le soir, Marc toujours si empressé de me faire plaisir ne me laissat pas le temps d’en exprimer le desir que tout était arrangé ; il me gate ce pauvre ami j’en étais vraiment touchée plus que je ne puis dire. nous gardâmes bien notre secret : nous commencons une [p. 4] raisonnable partie de vingt un ; je ne me donnais à dessein aucune peine pour l’animer, lorsqu’a neuf heures les deux portes de mon salon s’ouvrent et mon orchestre improvisé est introduit au milieu des exclamations de surprise de tout le monde ; ils étaient trois réfugiés Italiens d’un talens rare l’un d eux chantait tres bien un autre l’accompagnait de la harpe ils nous jouèrent des contredanses délicieuses, les jeunes personnes étaient ravies du reste leur entrain fut contagieux comme c’etait tout a fait dans l’intimité ; il y avait beaucoup d’abandon ; nous avons dansé et galopé jusqu’a minuit, la musique était enlevante, nous ne touchions pas le parquet ; mon mari était d’une gaité comme je ne l’avais jamais vu, il dansait avec folie vraiment ma collation était charmante pendant que nous mangions les musiciens nous jouerent des morceaux délicieux, nous applaudissions à outrance [la fin de la lettre manque]

2011.02.135 Lundi 8 avril 1839 À son père Louis-Joseph Berlioz Texte corrigé

Une page écrite des deux côtés, mais le texte s’arrête au bas de la deuxième page et la suite manque; déchirure dans la marge de gauche de la première page. Le mot ‘Anjou’ au début de la lettre semble avoir été ajouté après coup par Adèle d’une écriture un peu plus petite.

Anjou Lundi soir 8 avril

    Etant resté un jour de plus ici mon cher papa, je craindrais que vous ne fussiez en peine si j’attendais notre arriveé à St Chamond pour vous donner de nos nouvelles.
    Je ne puis vous dire mon bon pere avec [.]uel aimable empressement nous avons été [..]cueillis par la famille Jourdan, on [.]ous attendait ; hier nous avons eu un grand déjeuner chez le pere, puis le soir un diner splendide ici chez son fils aîné ; c’est tout a fait une maison monté pour recevoir rien n’y manque, aussi mon Oncle se retrouve sur son terrain lui qui aime tant le confortable ; j’ai occupée sa chambre d’honneur, et la premiere place à table chôse qui me troublait un peu.
    Mais j’en jouissais de devoir toutes ces aimables distinctions à mon bon mari qui est traité comme l’enfant de la maison
    Nous partons demain matin, et nous arriverons à quatre heures à St Chamond [p. 2] je pense que Camille vous quitte aujourd’hui mon bon Pere et cette pensée m’attriste plus que je ne puis dire, quand je me vois entourée de tant d’affection votre isolement me trouble comme un remord
Le temps est si froid et si mauvai[.] depuis notre départ que je crains que vous n’ayez été privé de vos distraction[.] ordinaires, écrivez moi je vous prie pou[.] me rassurer bien vite, nous vous donnerons encore de nos nouvelles cette semaine soit de St Chamond soit de Lyon ou nous serons mercredi soir.
    Je suis horriblement pressée il y arrive du monde pour le diner, et mon excellent mari est à coté de moi qui me donne des distractions par les aimables douceurs qu’il me repète sans me lasser je l’aime déjà de toute mon ame ne riez pas mon bon Pere, je ne saurais faire autrement impossible.
    Je suis bien aise de vous dire que je fais honneur à mon mari il a reçu beaucoup de compliments hier sur mon compte, le fait est que [la fin de la lettre manque]

2011.02.136 Samedi 8 juin 1839 À son père Louis-Joseph Berlioz Texte corrigé Image

Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière; petite déchirure au côté droit de la troisième page. Timbres postaux: PARIS, (?) JUIN (année illisible); LA COTE-ST-ANDRÉ, 12 (JUIN) (année illisible).

Paris Samedi 8 Juin

    Votre lettre m’a fait de la peine, mon bon Père, vous paraissez triste, souffrant, l’influence du mauvais temps agissait aussi sur nous, je pourrais être de même aujourd’hui car ce ciel fond en eau depuis ce matin, je me console parfaitement d’être condamnée à rester chez moi ce soir, j’avais plusieurs lettres à écrire, puis je tiens beaucoup à me reposer un peu maintenant que j’ai à peu pres la douce certitude d’être enceinte !…. vous comprenez mon bon père combien mon mari et moi nous sommes heureux de cette bonne nouvelle ? et je me hate de vous la communiquer esperant aussi qu’elle vous sera agréable
     Je suis presque pas fatigueé mais Marc ne me laisse pas faire d’imprudence Soyez tranquille cher Papa, j’ai là un tendre surveillant, et je suis tres docile.
    Heureusement nous avions fait toutes les courses penibles en arrivant, avant que je pus me douter de ma grossesse, ainsi je pourrai achever de [p. 2] satisfaire ma curiosité sans danger.
    Nous nous voyons tous les jours avec Hector je ne puis vous dire mon pere toutes les aimables attentions qu’il a pour moi j’en suis émerveillée avec son état de préoccupation ordinaire ; il travaille beaucoup dans ce moment à une nouvelle Symphonie sur Roméo et Juliette il parait que cet un ouvrage immense et qu’il espere terminer avant l’hiver Sa femme espere beaucoup … du reste, ils sont calmes, heureux et tres unis .. Hector a pris les idées d’un pere de famille, il pense à l’avenir de son enfant, Henriette aussi a des gouts tres simples, s’occupe de son menage avec zèle et ne sort presque jamais demain nous devons aller ensemble a Versailles diner chez un ami d’Hector immensément riche et qui a eu l’obligeance de nous inviter ; je n’ose vous dire le plaisir que je me promets de cette journée cher Papa sans vous éffrayer de la chaleur avec laquelle je vous [p. 3] parle de mes impréssions ; je suis cependant tres calme habituellement mais lorsque je vous écris je m’anime au souvenir de tout ce que j’ai vu ; Paris est une ville de merveille capable de ranimer l’esprit le plus stupide ; je jouis encore plus qu’une autre parce que j’ai le cœur satisfait mais je ne me crois point à l’abris des tribulations de la vie, l’expérience a été trop douloureuse pour l’oublier.
    Mais cher Pere je ne vois pas la nécessité de gater mon present par des apprehensions, et des craintes ?..
    J’acheterai votre écuelle de mon mieux
    Louis parle tres souvent de son grand pere de la Côte et de sa bonne Monique qu’il voudrait bien connaitre dites cela à la pauvre fille elle sera heureuse d’être connue de ce cher enfant. Lundi nous dinons tous chez Alphonse il m’a fait l’accueil le plus empressé ainsi que sa [p. 4] femme qui est effrayante de laideur : … mais elle parait tres bonne !….
    Adieu cher papa je ne sais si vous pourriez me lire, je n’y vois plus, et je suis tres préssée, mes amities à Mme Pion et a Mme Veyron quand vous les verrez
    Nous serons probablement à la Côte avant la fin du mois et je m’en fais une fete

[adresse ici au milieu de la page]

Monsieur
Monsieur Berlioz
A La Côte St André
Isère

[au bas de la page sous l’adresse, écrit à l’envers]

    J’espere que nous vous ranimerons un peu par le recit de notre voyage
adieu encore bon pere mon mari et moi nous vous embrassons tendrement

votre affectionnée

A

2011.02.137 Mercredi 12 juin 1839 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Écriture assez hâtive. Timbres postaux: PARIS, 14? le reste pratiquement illisible; GRENOBLE, 17 JUIN 183*.

Paris 12 juin

Je voulais t’écrire Samedi Chere sœur en même temps qu’a mon Pere, mais cela me fut impossible ; depuis nous sommes allés à Versailles ou nous avons passé deux jours, à notre retour j’avais un diner chez Alphonse, ou se trouvaient Mr Al. Teisseire ; et Mr duchadeau Hector y vint avec nous sa femme était un peu souffrante et ne put y venir, nous étions allés ensemble dimanche à Versailles diner chez Mr Castner un ami d’Hector immensément riche, la réunion fut assez agréable il y avait plusieurs gens aimables de Paris entre autres Mr Tissot l’académicien dont (sans me vanter) j’ai fait la conquéte ?… ne sois pas jalouse si tu peux chere Nancy, 
je me repose un peu sur mes lauriers maintenant car je t’ecris [p. 2] de mon lit, la course de Versailles a été un peu trop forte. le parc est immense ; les galeries de tableaux plus encore ; j’ai voulu tout voir me persuadant que ma fatigue ne signifiait rien ; mais comme j’ai de bonnes raisons de croire que je suis au commencement d’une grossesse il faut que je repôse pour reparer ma petite imprudence, et je compte d’apres le conseil d’Alphonse rester encore demain tout le jour dans mon lit, du reste je m’y trouve à merveille ; mon bon mari est toujours à coté de moi, il m’entoure de tous les soins et de toute la tendresse possible, il ne se pardonne pas de m’avoir tant laissé courir à Versailles, mais dans notre innexpérience ; nous ne croyons pas être imprudents. Hector et sa femme passèrent hier la [p. 3] soirée dans ma chambre ; Louis vint aussi me distraire par son gentil babillage ; que ne puis-je avoir aussi mon bijou ma Mathilde ?…
J’ai fait ton emplettes de robes apres des indécisions ridicules comme à ma louable habitude celle de Mme Pochin est de 32 sols* couleur noisette avec une petite feuille verte et rouge, et pour toi apres une heure d’anxiétés j’en ai pris une de 36 sols fond blanc avec une petite rayure verte assez jolie ; je ne sais chere sœur si tu seras satisfaite ? Je n’en ai pris que 8 aunes chacune pensant qu’a des robes de ce prix là on ne pouvait trop mettre un volant cependant répond moi si tu en désire une, je puis encore les changer pour la pélerine j’en ai acheté une charmante tres bien brodée à 3.TT toute garnie si elle te conviens tu [p. 4] la garderas, je te laisserai le choix avec celle que je prendrai pour moi
J’ai acheté les mitaines de Mathilde 
adieu chere sœur Marc veut absolument que je finisse, il t’embrasse ainsi que moi bien tendrement

Tout à toi A S.

[adresse ici au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

[au bas de la page sous l’adresse]

    Ne t’inquiète pas de ma petite indisposition ce n’est absolument rien, je suis si heureuse d’être enceinte que rien ne me coute
    mes amitiés à Camille

2011.02.138 Dimanche 11 août 1839 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: ST CHAMOND, 11 AOUT 183*; LYON, 12 AOUT 1839; GRENOBLE, (?) AOUT 1839.

St Chamond Dimanche 11 Aoust

    J’ai reçu hier mon fameux canapé Chere Sœur, je me hâte d’en accuser la reception à Camille, en lui faisant de nouveau mes remerciements à ce sujet, je le prie de faire des reproches au tapissier seulement pour la maniere dont il l’avait emballé, à peine si les pieds étaient entourés de papier, le dossier n’en avait qu’un seul double, et comme tout le poid reposait dessus il a été assez fortement rongé, ce qui est grand dommage tu conviendras, j’espère cependant que l’ébéniste me l’arrangera avec un peu de cire qui mastiquera les trous ; du reste je suis enchanté de mon bel ouvrage, et je me suis vite dépechée à faire couper et faufiler l’enveloppe, pour m’en servir sans crainte de la ternir.
    J’esperais un peu une lettre de mon père, mais je n’ai encore eu de ses nouvelles que par toi, il parait que son accès de tristesse ne diminuera point et cela m’afflige beaucoup pourquoi faut-il donc avoir toujours quelques douloureuses pensées qui viennent troubler le bonheur le plus complét ?…..
    [p. 2] J’ai reçu depuis mon retour une lettre d’Hector, et une de sa bonne et excellente femme il me l’avait adresseé à la Côte, et je suis bien fachée de n’avoir pu te la montrer ; je ne pensais pas qu’Henriette put se tirer si bien d’une lettre en français, elle m’a fait un plaisir extrême.
    Comme elle me l’avait promis il parait qu’elle est allé faire une seconde visite à mon portrait avec Louis, Mademoiselle Zodalie aura été bien satisfaite ; Henriette me raconte qu’on avait envain cherché à tromper le petit en lui montrant plusieurs portraits, et qu’enfin l’ayant laissé chercher tout seul il a fini par découvrir le bon caché derriere un fauteuil, et que triomphant il s’etait mis à crier « voila ma Tante Adèle ! c’est elle ! c’est elle !……
    Sa mère avait été attendrie de sa joie en me reconnaissant, elle même avait été bien heureuse de me revoir encore ?… car Dieu seul sait ajoute-t-elle quand nous nous rencontrerons maintenant ?……
    D’apres ce que tu me dis chère sœur ta brillante réception aura eu lieu mardi passé, décidement le pere Apprin à pris une passion pour toi, prends garde [p. 3] méfie toi de lui, le petit frippon pourrait bien troubler ton repos, cela m’inquiete sérieusement, et comme je désire que tu conserves ton beau calme je te conseille de ne pas accepter tant de déjeuner nos parents seraient responsables alors de te négliger si fort sur ce chapitre ils ne savent pas à quoi ils t’exposent.
    Pour moi Ma chere je n’ai pas le temps de faire des conquêtes, les jou[.....] passent comme une heure ; je serais tenté[.] d[.] désirer comme Mme Arvet qu’elles en eusse[..] cinquante huit au lieu de vingt quatre pour pouvoir accomplir tous mes projets cette semaine je me suis un peu liberée des visites les plus urgentes, mais je suis encore loin d’étre sur mon courant il faudrait passer une vie à cela vraiment
    Mon mari est excéssivement occupé depuis notre retour, les affaires lui arrivent en foule ; ce qui nous fait grand plaisir à tous deux, je commence à flairer les cliens, et a les apprécier beaucoup.
    Nous sommes allés hier visiter un appartement en face de celui ou nous sommes je l’ai trouvé bien petit, mais si celui de l’original de Monsieur ne me convenait pas celui la pourra à la rigueur [p. 4] nous câser tous, comme il est tout neuf il serait tres gai, point éssentiel ; nous déciderons cette importante affaire dans quelques jours dans tous les cas j’ai maintenant la certitude d’être mieux logée cet hiver……

 [adresse ici au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Voreppe Rue Neuve
pres à Grenoble
Isère

[au bas de la page sous l’adresse, texte à l’envers]

    Adieu chere sœur je vais faire ma toilette — nous sommes invités ce soir à prendre des glaces à la maison de campagne de Mr Richard je vois avec plaisir que sa jeune femme désire beaucoup me voir souvent, comme elle est tres agréable je me réjouis des avances qu’elle me fait ; le député est de retour, sa maison est charmante ; nous sommes parfaitement accueillis, sa femme aime beaucoup à recevoir et tous les dimanches soir on y va, particulièrement. Ils avaient été tres aimables pour nous à Paris
adieu adieu chere sœur ma santé est excellentissime j’embrasse Camille et Mathilde AS.

2011.02.139 Dimanche 10 novembre 1839 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Deux pages écrites, adresse à la dernière page; le début de la lettre manque. Petite déchirure vers le bas de la marge de droite; déchirure plus bas au milieu de la page. Timbres postaux: ST CHAMOND, 10 NOV (année illisible); LYON 11 (?) NOV (année illisible); LA COTE-ST-ANDRÉ, 12 (?) NOV (année illisible).

[Le début de la lettre manque]

    Je travaille quand j’ai le temps à un petit trousseau ; j’ai fait des petits bonnets délicieux sans qu’il m’en coute rien ; des cravates de mon mari m’ont servis pour des collets, souviens que j’ai de l’j*d**stée chere sœur ? si tu voyais donc ma vieille capôte de satin blanc rajustée de ma façon ce serait bien autre chose ; je m’admire chaque fois que je la porte ; notre jeune modiste est à Lyon à son retour des emplettes je me déciderai cependant à me faire faire un chapeau d’hiver
J’ai trouvé ici parfaitement tout ce qu’il me fallait en toile pour drapeau ; Bazin piqué pour langes et jolis petites couvertures, dentelles etc etc
    Tout le monde a tant d’argent ici ? ….
    Je voudrais bien être à la mode du pays sous ce rapport, en attendant les affaires arrivent assez à mon mari, il est chargé de plusieurs ventes considérables, et comme on paye bien cela bouchera un peu les trous de cette ann[..] mémorable pour nous et nous commenceron[.] bientôt j’espere l’ère économique
    Nous serons parfaitement bien logés et meublés quand viendra tu chere sœur admirer tout ce[...] j’aurai une gentille petite chambre à t’offrir plus mon salon. Si tu veux, je ne pourrais la garder pour une meilleure occasion ?.. quand je me rappelle comme tu étais mal cela m’attriste …..
    Adieu Chere amie, j’espère que la dimension de ma lettre est convenable ; il faut bien savoir [p. 2] que tu n’as pas grand chôses à faire pour esperer faire lire avec interêt des détails aussi insignifiants il me semble que cela nous rapproche Chere sœur cette habitude de tout écrire est trop précieuse pour la perdre ; j’espère que tu es du même avis.
    Dis à Monique que sa niece se porte à merveille elle parait fort entrain du prochain déménagement, et plus encore de travailler au petit trousseau ; j’en suis toujours tres contente ; dis lui cela de ma part Julie comme toutes les vieilles domestiques parait tres empressée pour notre futur enfant, elle en sera folle je le vois et ne parlera peut être plus de nous quitter si vite…. adieu encore chere sœur j’embrasse tendrement mon Pere et Mathilde ; merci encore du fameux tapis
    Ton affectionnée sœur Adele

[adresse ici au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Chez Mr Berlioz
La Côte S André
Isère

[au bas de la page sous l’adresse]

    Mon mari rentre et veus que je te fasses ses amitiés ; j’espere que Camille sera partis, et nous reservons nos compliments

2011.02.140
et enveloppe
2011.02.141
Vendredi 20 décembre 1839 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé Image

Six pages en tout (un feuillet de quatre pages et une feuille séparée). Timbres postaux sur l’enveloppe: (recto) ST CHAMOND, 20 DEC (année illisible); (verso) LYON, 20 (DEC) **39; GRENOBLE, 22 DEC (année illisible). C’est la première enveloppe connue dans les lettres de la collection Reboul-Berlioz qui se trouvent au Musée Hector-Berlioz, mais l’utilisation d’enveloppes avait sans doute commencé plus tôt (cf. 2011.02.133).

St Chamond Vendredi le 20 décembre

    décidément Chere Nancy je veus t’écrires par le courrier de ce matin, depuis plusieurs jours j’en fais envain le projet, d’une chôse à l’autre je suis constamment dérangée, et je crains que tu ne me trouves un peu en retard sur tout apres ta dernière lettre si affectueuse et si détaillée comme je les aime tant, je t’en remercie bonne sœur et te prie de recommencer souvent ; plus habile que moi tu sais mieux sans doute suffire à tout ce que tu desires faire ; malgré les jours si courts je suis un peu comme Mme Arvet, en retard habituellement, je sais faire il est vrai beaucoup de choses à la fois
    Les éxercices de la mission que je veux suivre un peu aumoins à la fin m’absorbent, et m’agitent, il faut dit-on avoir assisté à cinq sermons pour gagner l’indulgence, malheureusement ils se font toujours à l’heure de notre déjeuner ou de notre diner, il faut que je me précipite, ou que j’y aille sans manger ce qui me fatigue beaucoup puis je crains horriblement la foule, la chaleur, Marc ne veut pas me laisser aller seule absolument, il faut donc ou qu’il m’accompagne ce qui l’ennuie beaucoup [..] que mes domestiques quittent ce qu’elles [p. 2] ont à faire pendant une heure et demie, et l’ouvrage de la maison en souffre ce que je crains plus que je ne puis dire, enfin cela finira le jour de Noël, et comme je ne me suis pas fatiguée du tout ces jours ci grâce à dieu je pourrai j’espère terminer mon affaire convenablement.
    J’ai eu une repasseuse, une lessive à compter et à mettre en ordre cette semaine, le tapissier est enfin venu de Lyon poser mon lit, je suis maintenant meublée comme une petite maitresse rien n’est frais coquet comme mes draperie renaissance avec des glands et des galons bleus et blancs assortie à mon meuble ma petite chambre fait l’admiration de tout le monde ; je ne me trouve pas digne de tant de jolie chôses mon mari prétend qu’il ne saurait trop me dédommager d’avoir été si mal jusqu’a present, mais cela est cause que je jouis davantage de tout.
    J’ai été veuve pendant deux jours cette semaine Marc a été obligé d’aller à Lyon pour une affaire assez importante, et qui lui rendra aumoins huit ou neuf cents francs ce qui vaut bien la peine de se deranger [..] qui [p. 3] nous iras à merveille, c’est le revenu d’un domaine, à propos de cela il a eu l’occasion de voir le notaire de ton mari Mr Pantin il lui a demandé s’il ne trouvait point d’acheteur pour les Houteaux, mais il parait qu’il a peu d’espoir à ce sujet.
    Marc est aussi allé chez Sophie comme tu peux le présumer, la première chôse qu’elle lui a demandée c’est si Pauline ne se marierait pas ?… elle était chargée de chercher une femme modèle pour un monsieur de sa connaissance du plus grand mérite, tres réligieux, tres aimable ayant 36 ou 40 ans et 500,000 TT de fortune heu ! que dites tu de cela Chere sœur !..
    Mais Mais un mais insurmontable pour notre chere cousine c’est qu’il faudrait aller habiter pendant cinq ans devine quelle ville ?… St Petersbourg ! ne saute tu pas d’horreur comme moi apres tant de belles chôses j’étais en colère … enfin ce Monsieur ne demande qu’une femme de mérite une femme unique, et Sophie m’ayant souvent entendu vanter Pauline comme une merveille en a eu tout de suite l’idée, mais je [p. 4] pense que sans me compromettre je puis repondre qu’il n’y faut pas penser.
    Le mariage de Mlle Rolland m’a fait grand plaisir Marc connait le Monsieur de vue et de réputation, il est en éffet tres bien, et tres riche Sa famille jouit d’une grande considération dans le pays, elle est tres Légitimiste, et a des manieres tout à fait aristocratiques cela ira avec Monsieur Ferrand… je désirerais avoir l’occasion de connaitre cette jeune femme nous serions assez voisine pour établir ensemble des relations agréables, on dit que les dames de Rives de Gier trouvent le séjour charmant ?… je vois d’ici ton étonnement mais c’est une fait chôse prouvée, la société y est tres agréable à ce qu’il parrait pour compenser le reste.
    Pour achever de te surprendre je te dirai chere sœur que j’ai eu hier une petite réunion de quinze personnes tres gentilles vraiment, pour notre coup d’essais nous ne nous en sommes pas trop mal tirés, tout le monde avait l’air enchanté. j’ai inauguré ton beau thé [p. 5] tout etait neuf depuis le salon jusqu’au panier de Boston … c’etait bien vraiment, mais cela te ferais pitié à toi grande dame à Lustre et à Lampes, et Camille hausserait les épaules, mais c’est egal je suis parfaitement satisfaite plaisanterie à part Chere Sœur jamais je ne me suis trouvée si heureuse j’aime à te le redire sure que cette rabâcherie ne peut que te faire plaisir.
    Il me semble que j’écrirais des volumes j’ai le cœur et la tête si pleins.
    Mon Pere quand donc iras-t-il te rejoindre ?.. je lui ai donné de mes nouvelles depuis peu, et j’ai écrit dimanche une grande lettre à Mme Veyron qui me répondra j’espère bientôt.
    Fais mes compliments sinceres à Mélanie sur la convalescence de son frère j’ai appris cette bonne nouvelle avec un grand plaisir… ne savez vous rien de Mme Burdet — dit Caffarel ?.. je parie pour des maux de cœur ?…. [p. 6] mille tendresses à Tété Son tapis m’a fait beaucoup d’honneur, je l’ai entouré d’une frange noire magnifique, et je suis tres fière de dire c’est l’ouvrage de ma charmante petite niece !..
    Je l’embrasse tendrement en attendant sa lettre prochainement … j’ai le projet d’y repondre sur du papier de dentelle rosé enfin tout ce que j’ai de plus magnifique, je ne garderai rien pour une meilleure occasion dis le lui ?..
    Camille doit continuer ses courses à St Vincent avec le temps doux et benin que nous avons ; s’il n’y est pas aujourd’hui je me permettrais de l’embrasser sans façon à son retour de l’audience, quand il se sera assuré « qu’il n’y a pas du monde ! tu pourras t’acquitter peut être de ma commission. à quand le grand diner ?..
    Adieu Chere Sœur ne me punis pas d’être resté trop long-temps sans t’écrire en faisant de même, mon mari te dit mille chôses affectueuses.
    Je t’embrasse tendrement

Tout à toi
A S

[enveloppe]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

2011.02.142 Printemps-été 1847 (?) À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Huit pages en tout (deux feuillets chacun de quatre pages). Pas d’adresse, d’enveloppe ou de timbres postaux.

    Vienne Jeudi matin

    Depuis jeudi dernier Chere Sœur ou j’ai reçu ta longue lettre je désire envain y répondre, je crains même que mon silence ne te préoccupe mais règle génèrale tu peus être sure en pareil cas qu’il est occasionné par des embarras, et des contrariétés, mais non par ma paresse.
    Madame Veyron m’était arrivée jeudi matin, pour repartir dimanche par une pluie épouvantable ; pendant son séjour ici je n’étais occupée qu’a la promener, et à faire ses commissions, elle en avait plusieurs la marchande de modes m’a fait faire bien des voyages chez elle pour obtenir chapeau et bonnets avant l’heure du départ du bateau, enfin j’en suis venue à bout à la satisfaction de Mme Veyron ; Samedi j’eus les Pal, et les Faure à passer la soirée avec elle ; ils allaient tous bien ton beau frère a une mine de Chanoine maintenant [p. 2] Dimanche en revenant d’embarquer Mme Veyron mouillée et crotteé à faire peur, j’eprouvais un besoin de repos extrême ; j’en jouis délicieusement toute l’apres midi au coin de mon feu ; le lendemain je prévoyais avoir une léssive à ranger, laquelle léssive avait été à la garde de dieu, complêtement abandonnée grace à mille contretemps enfin Lundi matin comme je me mettais à commencer mon ouvrage sî en retard, arrive pour m’achever la pauvre Séraphine ; qui voulait aller consulter à Lyon et sans ofrir ou demander de l’accompagner je vis bien que par pitié je devais le lui offrir, elle était persuadée qu’elle allait devenir paralytique, souffrant des douleurs atroces …. Je me décidai en cinq minutes, voyant que je ferais plaisir à Marc, nous partîmes à midi par le chemin de fer et je crois que ce voyage devrait me valoir les Indulgences vraiment, courir apres les Medecins n’est pas facile ; Mr Jensoul était en Italie pour arriver à parler à Mr Pétrequin le major de l’hopital [p. 3] j’ai eu mille difficultés à surmonter enfin apres avoir attendu une heure et demie sur un mauvais banc de pierre dans un vestibule glacé à voir passer tous les carabins qui nous regardaient sous le nez d’une maniére fort ennuieuse, nous sommes parvenus à parler au medecin dont j’ai été tres contente ; il n’est nullement Charlatan, vous écoute attentivement, et longuement sa consultation était tres courte tres précise et me sembla bonne. Si j’avais quelqu’un de malade chez moi (ce que dieu me préserve) j’îrais avec grande confiance consulter ce medecin ; il rassura beaucoup Séraphine sur sa crainte de devenir infirme c’etait l’éssentiel.
    Enfin grace à mon activité nous pûmes revenir pour le départ de midî en sortant de l’hopital ; ma pauvre malade me préoccupait bien péniblement je n’avaîs pu fermer l’œil à l’hôtel, le spectacle de la souffrance est pour moi pire que pour bien d’autres tu le sais Chere Sœur, tout le long [p. 4] de la route je crois que j’etais aussi mal à mon aise qu’elle ; en arrivant chez j’étais brisée ; je la fis coucher tres inquiète ; hier elle souffrait plus que jamais, au moment de repartir pour Beaurepaire je ne savais si je devais la retenir, c’était a craindre qu’elle ne put arriver jusqu’au bout, mais comme elle me disait qu’elle sentait que le lendemain elle se mettrait au lit pour ne plus s’en relever peut être juge de notre embarras !… je ne pouvais soutenir l’idée de la voir malade chez moi mourir peut être !… elle même à tout prix voulait partir !… enfin je me décidai à lui donner Claudine pour l’accompagner elles prirent le coupé pour elles seules, mais nous étions tourmentés plus que je ne puis le dire.
    Claudine vient de revenir ce matin, elle a supporté le voyage …. et je respire plus à mon aise.
    Mon Pere m’ecrivit hier par Bîlliat, une longue lettre assez étrange [p. 5] je lui avais envoyé la semaine derniere par une occasion et pensant lui faire plaisir un charmant petit bîllet que Louis m’avait repondu courrier par courrier, c’etait assez bien d’écriture de style et de sentiment surtout ! j’en avais pleuré d’attendrissement croirais tu ma Chere, que mon Pere a été tres vexé du desir que me témoignait Louis de lui écrire, et me fait des reproches de l’y avoir engagé (ce qui n’est pas) « c’est une peine pour l’enfant (m’écrit-il) plus grande encore pour moi, si je ne lui repond pas il en sera affligé si je lui repond cela me fatiguera et je ne sais que lui dire ! ….. 
    Il ajoute qu’il ne veut pas avoir cet enfant aux vacances prochaines que ce serait pour lui un tourment continuel et que la vie lui est beaucoup moins précieuse que la conservation de ses habitudes, que cet enfant bien loin d’être une distraction serait au contraire un sujet de sollicitudes, que d’ailleurs les frais du voyages seraient une dépense trop considérable pour ses finances [p. 6] aussi qu’on ne lui en parle plus ?..
    Je ne puis te dire chere sœur combien j’ai été peînée et surprise de la maniére dont mon pere s’exprime à ce sujet, ce pauvre enfant est donc predestiné a être repoussé par les êtres qui lui tienne de plus pres !..
    Sî notre pauvre mere vivait qu’elle différence !… hier soir je faisais de douloureuses reflexions sur tout cela….
    J’ai repondu à la hâte quelques lignes à mon pere pour le remercier du vin qu’il nous avait envoyé en quantité, et pour l’assurer que je n’avais nullement engagé Louis à lui écrire ; et que bien loin de là je l’en dissuaderais.
    J’ai pu savoir peu de chôses de la famille Flavart, la jeune fille aura quarante mille francs comptant ; — elle a 17 ans, elle est jolie ; bien élevée ; ses frères, et sœurs sont plus jeunes, c’est une famille tres honorable ; et qui fréquente la noblesse ; dis cela en attendant à Victor, et je tâcherai d’en savoir davantage quand j’aurai le [p. 7] temps de sortir pour voir les personnes qui sont à même de me renseigner je désîrerais beaucoup comme toi voir faire un joli mariage à notre bon cousin qui le mérite si bien Mlle Beranger comme tu dis lui conviendrait bien à cause de son parent le protecteur, mais je crois qu’on la trouverais trop jeune pour la marier encore ; du reste par Melle Nancy tu pourrais mieux savoir cela que moi, et le chiffre de la dot ? à propos de notre bonne vieille amie son manchon me fait chaud [mot biffé] ; fais lui mes plus tendres complîments à ta prémiere visite ; mille chôses à Méline également et à tous les gens qui veulent bien encore se souvenir de moi.
    Donne moi [mot biffé] donc aussi la bonne nouvelle que ton rhume te laisse enfin dormir, et sortir à son aise ; tu me préoccupais chere sœur, j’avais mal à ton gosier. quand au mien il se conduit à merveille cette année et malgré le froid que j’ai souffert à Lyon je n’ai point eu de ressentiment il me faut bien cette compensation à tant d’autres chôses ennuieuses.
    [p. 8] Mes cheres petites vont bien, mais la rougeole est dans la maison et je vîs dans la crainte, et le tremblement sî elles la prenaient ce serait un ennui extrème, il faudrait garder Josephine long-temps fermée, adieu la pension, et mon repos ; enfin je n’ôse me flatter d’y échapper je suis trop chanceuse.
    Je t’écris envers, et contre tout, entourée de masse de linges à compter et à fermer, etc etc mais je voulais absolument ne pas manquer le courrier de ce matin
    adieu tres Chère écris moi vite aussi et longuement comme tu sais si bien le faire ; mon mari te dis mille chôses amicales, comme je donne une poignèe de main au tien tout en t’embrassant tendrement de moitié avec Mathilde ; assez babiller l’heure me presse et bien d’autres chôses

toute à toi
AS

2011.02.143 Samedi 28 mars 1846 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Six pages en tout (un feuillet de quatre pages et une feuille séparée). Écriture assez négligée. Adresse à la dernière page. Timbres postaux: VIENNE, 28 MARS (année illisible); GRENOBLE, 29 MARS (année illisible).

    Vienne Samedi matin

    Tu m’attends de pied ferme à ce qu’il parait chere sœur, en t’etonnant peut être de mon silence prolongé, mais un voyage à St Chamond en a été la cause je n’avais point voulu t’ecrire en partant afin de ne point te tenir en peine une fois lancée je n’ai pas eu peur sur le chemin de fer, la force de l’habitude a repris le dessus ; j’etais attendue par Mr et Mme Cognet au débarcadère ; ma visite a paru leur faire tant de plaisir, leurs instances si affectueuses et si préssantes que je me suis laissée entrainer à rester avec eux plus que je n’en avais le projet. Madame Pottier donnait un grand dîner jeudi et se fachait de me voir partir avant, d’autant plus que nous devions revenir hier matin jusqu’a Givors ensemble ; j’ai donc cédée, et ma huitaine a été complête te dire Chere Sœur tout ce que j’ai fait dans ce laps de temps est incroyable ; les visites les diners soit à St Chamond soit à St Etienne ma tête était brisée, tant parler, [p. 2] tant manger, j’avais besoin de venir me reposer chez moi, il me tardait d’ailleurs de retrouver mon mari et mes cheres petites à qui mon absence paraissait triste
    Tu vois chere sœur que je ne perds point de temps pour t’écrire mes perégrinations
    ta belle sœur qui vint me voir en grande cérémonie hier un instant me dit avoir reçu une lettre de toi l’avant veille, j’etais bien aise d’avoir ainsi de tes nouvelles, elle parait tres empressée de faire un voyage à Grenoble et reconnaissante de ton invitation précise, elle craignait te déranger trop fort à ton retour de la Côte ; à propos de la Côte nous n’avons encore rien arreté pour notre départ, comme j’arrive il faut reprendre haleine avant de repartir, ma belle sœur m’écrit ce matin qu’elle viendra la semaine de la passion ce qui compliquera mes affaires ; puis les Paques, le commencement du printemps, mille chôses en arrieres.
    J’ai eu la contrariétée à St Chamond d’apprendre le mariage arreté du jeune veuf que je voulais donner à Mlle Eugenie [p. 3] j’en ai cherché querelle à sa belle sœur d’autant plus qu’elle le marie sans rime ni raison avec une jeune maîtresse de pension presque sans fortune et pour qui c’est un beau reve Si j’etais allé un mois plutôt à St Chamond j’aurais entrainé la balance ; et je ne puis te dire chere sœur combien j’ai été vexée
    le Monsieur arrivait de Montbrison et j’ai passé la journée avec lui il est tres bien, cela m’irritait il venait prendre en passant Mme Pottier sa belle sœur pour aller à Lyon faire des emplettes de noce ; voilà a quoi tient souvent l’avenir d’une jeune fille ; un retard, un mot en l’air peuvent décider de son sort heureux ou malheureux Je te dîrai que j’ai recommencé le carnaval à St Chamond n’est ce pas une horreur ? nous avons dansé à un diner de mariage ou je remplacais la jeune mariée malade sottement je suis même allée dimanche au spectacle ; il y a des Ecuyers tres forts et qui m’ont fait plaisir j’aime singulierement ce genre de representation ; Enfin tu vois chere sœur que cette année je mène une vie désordonnée s’il en fut, Mme Cognet [p. 4] était confondue de mon agitation et de ma gaîté, elle qui a un genre de vie d’hôpital continuel, si restreint si monotone ; elle prétendait que je ranimerais son mari toujours si triste, et m’en remerciais le fait est que je faisais des frais à m’épuiser pour leur être agréable et j’étais encouragée par mon succès complêt.
    Mon mari a beaucoup vu Mr Gagnon pendant mon absence ; il ne reve plus que sa veuve sérieusement, et je crois qu’elle l’accepterais bien vite. Son esprit n’est point trop supérieur ; elle est bonne, et gracieuse bien plus que spirituelle ; ensuite elle n’a pas vingt mille livres de rentes mais seulement la moitié à peine comme elle veut se remarier Mr Alfred lui convient je crois, pour vivre avec la mere il serait l’homme qu’il faudrait enfin qu’il s’arrange ; si je m’en mêlais je suis, si malencontreuse pour les mariages que je jouerais le rôle de la feé Guignon ; la famille Boissat révait je crois aussi un mariage pour la belle caroline et la famille se montre irritée contre le pauvre jeune homme qui se laisse attîrer à une autre amorce ; quel plaisir d’être un visage à contrat on se vous arrache ! c’est plaisant. [p. 5] pas un mot de tout mes commérages je te prie surtout à Mme Pochin chut….
J’ai écrit à mon Oncle il y a une quinzaine il ne m’a point repondu encore.
    Madame Boutaud au contraire a été tres prompte à la replique ; sa mère était repartie la veille pour Pointieres, elle y viendra plus tard apres nous laisser sa fillette enragée, et se prépare à un voyage aux bords du Rhin avec le jeune ménage Blanchet de Rives ; ils font bien de jouir de leur fortune à qui mieux mieux.
    Point de nouvelles d’Hector toujours je suis en arrière avec notre bon pere je lui écrirai demain.
    Mes cheres petites m’ont fait des caresses sans nombre à mon arrivée. Joséphine saura lire à Paques elle commence a peu pres …… elle est toujours enchantée de sa pension le jardin fait son bonheur, le voyage de la Côte est aussi bien souvent le sujet de conversation.
    Nancy est toujours plus Lutine tu les trouveras grandies, Joséphine prend un air grande fille qui m’étonne ; que dirai-je donc de Mathilde ; sa prémière communion doit être une immense préoccupation pour toi [p. 6] et je comprends que le sejour de ta belle sœur sera une complication dans cette circonstance ; elle regrette le depart pour Paris de Madame Holland avant son arrivée… adieu Chere le courrier du matin me presse ; j’ai fait la paresseuse pour me repôser de mes fatigues je suis brisée ; une bonne caresse à Mathilde
    Je vous embrasse tous en courant

Ton affectionnée sœur
AS

[adresse ici au milieu de la page

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble

2011.02.144 Entre mai 1845 et fin 1847 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Cinq pages en tout (un feuillet de quatre pages plus une feuille séparée écrite d’un seul côté). Écriture généralement lisible et assez régulière. Pas d’adresse ou d’enveloppe.

Vienne Samedi

    Voila trois matinées de suite Chere Sœur que je veus envain trouver le temps de t’écrire avant le courrier de midi (si sottement organisé) sans pouvoir y réussir, aussi cette apres midi, je me hâte de prendre au vol un moment de calme pour te le consacrer, tu ne dois guère en avoir non plus chere sœur les prémiers jours de ton arrivée à Grenoble tu dois avoir pas mal à faire, mais ton rhume t’aura forcé de rester chez toi afin de ne pas le prolonger et l’aggraver ; j’en étais en peine avec raison lors que tu partis d’ici, je trouvais le temps bien froid, et la voiture bien ouverte pour une personne mal disposée déjà ; aussi je t’approuve fort d’avoir pris un autre moyen plus convenable pour te transporter à ton domicile.
    Notre pauvre pere m’a écrit depuis ton départ une lettre bien triste comme toujours en pareille circonstance ayant une occasion pour la Côte Mardi j’en profitai pour causer un peu [p. 2] longuement avec lui, et éssayer de faire une petite diversion, mais sans grand espoir je l’avoue d’y réussir.
    J’aurai de ses nouvelles encore la semaine prochaine par Billiat ; le beau temps l’aura un peu distrait en lui permettant de rester beaucoup dehors, c’est précieux.
    Depuis toi Chere j’ai eu encore des tribulations domestiques sans nombre ; Claudine apres avoir changé quatre fois d’avis m’avait dit enfin qu’elle preferait s’en aller …. bien je fais venir celle que Mr Gattin m’avait adressé il est convenu que Claudine l’a mettra au courant de mon service pendant huit jours ; ce nouveau visage, et cette nouvelle éducation me mettait hors de moi ; Josephine pleurait nuit et jour de ce changement nouveau de bonne ne voulait pas aller à la pension dans la crainte que Claudine ne partit en son absence ; de là des scènes tres ennuieuses, j’offrais des gages plus fort, rien ne me semblait pire que de recommencer une autre épreuve [p. 3] Je m’y étais résignée cependant, Rose paraîssait tres intelligente, et surtout ravie d’être chez moi …… alors l’autre a pris le regret et est venu me demander en grace de la garder… grandes indécisions pour moi, Marc était à St Chamond je ne savais que faire ? enfin je cèdai à la crainte que Rose ne fut trop jeune et trop jolie j’aurais été sans cette tourmente à son sujet ; la difficulté était de la congédier, je dis à Claudine de se charger de la communication ; ce furent alors des larmes, des reproches, la cuisinière du curé qui est un personnage d’importance ici prenait fait et cause pour Rose et mal menait rudement Claudine qui s’arrachait les cheveux de desespoir, et moi au milieu de tout ce tapage Chere Sœur je ne puis te dire combien l’absence de mon mari m’était pénible ; il fallait pacifier, promettre ; chercher a placer Rose faire des visites chez le curé. enfin j’étais harrassée d’ennui [p. 4] et fatiguée de la crainte de sacrifier peut être une domestique active et adroite, ou la crainte d’une surveillance fatig trop inutile souvent ; puis Claudine me faisait des protestations si touchantes que j’étais attendrie en sa faveur enfin je verrai si je m’en repentirai. à ma place qu’aurais-tu fais ?
    Ce que tu m’écrivais de Louis m’avait attendri comme toi pour ce pauvre enfant délaissé ; et je lui ai écrit une longue lettre tres affectueuse qui j’espère lui fera plaisir en attendant la tienne.
    J’espère un peu que son père lui aura donné de ses nouvelles et qu’en nous répondant il nous tranquillisera à son sujet, tout cela est bien bien triste.
    Je n’ai vu ta belle sœur qu’une minute en courant depuis toi je n’ai pas eu le temps de sortir, j’ai des visites à faire en masse ; mais je renvois chaque jour pour une raison ou pour une autre ; Madame Casimir vint chez moi avant hier et m’appris que Mme Almiros sa nièce était accouchée à grand peine d’une fille [p. 5] la pauvre Madame Charmeil doit en être maintenant plus malade que sa fille trois jours de tortures pareilles ont du être au dessus de ses forces, Mme Casimir en était vraiment préoccupée affreusement contre son habitude.
    On doit attendre que Mme Almiros soit rétablie pour faire le mariage de sa belle sœur, avec Mr Bouvier le procureur du roi d’Embrun.
a propos de mariage mon mari n’a pu voir seule Mr Portier pour lui parler de notre projet pour Mlle Eugenie
peut être irai-je à St Chamond prochainement on m’y attend ; mais j’attendrai avant la visite de Madame Veyron bien entendu
    je compte sur toi chere sœur pour avoir de longs détails sur tous nos amis et connaissances et me rappeler affectueusement au souvenir de nos parents, donne moi bien vite des nouvelles de ton rhume
    adieu mille caresses à Mathilde mes amitiés à ton mari

Ton affectionnée sœur
AS

2011.02.145 Vendredi 3 avril 1840 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: ST CHAMOND, 4 AVRIL 1840; LYON, 4 AVRIL 1840; GRENOBLE, 6 (?) AVRIL 1840.

St Chamond Vendredi soir

    Je ne sais si je me trompe Chere Sœur mais il me semble qu’il y a un siecle que je ne t’ai pas écrit ? tu m’attends de pied ferme à ce qu’il parait, et il faut bien que je trouve une minute pour te provoquer et ce n’est pas chôse facile, je ne m’appartiens plus absolument depuis que ma garde est partie ma fille m’occupe du matin au soir, depuis quelques jours surtout elle a des accès de coliques terribles ce pauvre ange pleure à me fendre le cœur, puis quand elle est enfin un peu calmée je suis si lasse que je suis incapable de rien, Marguerite m’est bien précieuse, sans elle je ne m’en tirerais pas, elle est d’une adresse admirable pour langer ma petite et moi j’ai tant peur de lui faire mal que je suis gauche à m’exaspérer ses cris me font perdre la tête.
[p. 2] ce matin j’etais inquiéte nous avons envoyé chercher le medecin qui m’a complêtement rassurée, comme elle grossit beaucoup cela peut être la cause.    cette chere petite dort paisiblement à coté de moi, et je t’ecris sur mes genoux pour ne pas la perdre de vue.
    Ne vas pas croire pour cela chere sœur que je suis mere trop faible quand la pauvre enfant ne souffre pas Je suis tres calme ; et je me permet bien de la quitter quelques heures
    J’ai rendu toutes mes visites de couches déja et je trouve que c’est superbe.
    Il me tarde chere amie de savoir positivement vos projets pour la Côte et Paris, je voudrais bien te voir quelques jours avant ton départ mais d’un autre coté pour rester avec mon pere le plus possible en ton absence, il faudra me limiter [p. 3] et cela me parait difficile à concilier nous voila à paques tout a l’heure sans que j’y ai songée, je pense que quinze jours apres je me rendrai pres de vous d’apres tes premieres combinaisons Je prends mes arrangemens en consequence il y a pourtant pres de six mois que je ne vous ai vus !…
    Le voyage m’effraye avec ma petite par Lyon il faudrait passer une nuit et par Vienne changer trois fois de voiture !… je n’en dormirai p[..] de soucis je deviens pour cela la digne fille de notre pauvre mère tout les jours j’en suis plus convaincue
    Nous avons reçu hier quelques lignes d’Hector, il parle tres vaguement de son fameux projet, sa femme a été encore malade ; la derniere lettre de mon pere était assez rassurante, mais il y a déja quelques jours que je l’ai reçue et il me tarde que tu m’en donnes de rescentes [p. 4] le beau temps doit le ranimer un peu et ses réparations doivent l’occuper beaucoup
    Le mariage de Mr Hypolyte est-il fait ? Je l’ai appris avec étonnement et plaisir 
    adieu Chere Sœur il est tard et j’ai

[adresse ici au milieu de la page]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

[au bas de la page sous l’adresse]

un besoin extrème de mon lit apres une laborieuse journée J’embrasse tendrement Camille et Mathilde, mon mari te dis mille chôses affectueuses
    adieu adieu écris moi toi qui a le temps

Tout à toi A

2011.02.146 Dimanche 28 juin 1840 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Cinq pages en tout (un feuillet de quatre pages, plus une feuille écrite d’un côté [petite déchirure vers le bas de la marge de droite], avec l’adresse à la dernière page). Timbres postaux: ST CHAMOND, 28 JUIN 1840; LYON, 29 JUIN (18)40; GRENOBLE, 30 JUIN 1840.

St Chamond Dimanche 28 Juin

    J’attends depuis plusieurs jours de tes nouvelles Chere Sœur, je t’avais écris à Voreppe, aussi tôt apres ton départ de la Côte ; j’esperais donc que ta solitude te permettrai de m’envoyer une longue lettre, ordinairement Chere Nancy tu es d’une exactitude charmante, pourquoi perdre une si bonne habitude ? Si le courrier de ce soir m’attrappe encore comme celui de midi je commencerai à être inquiéte, j’ai reçu il est vrai une lettre de mon pere mais qui ne me disait rien ni de lui ni de vous, ainsi je ne sais donc rien et je prends le parti de t’en demander raison chere sœur, tout en gardant ma Finette que je croyais bien endormie, et qui ouvre ses grands yeux en jargonant, cette chere petite commence a savoir s’amuser seule dans son berceau ; je veus l’accoutumer a y prendre patience souvent si faire se peut ! –
    [p. 2] J’ai eu de grandes occupations cette semaine mon ancienne cuisiniere est partie, cela m’a fait de la peine, l’attachement de cette brave Julie pour la famille de mon mari était extreme ; elle avait d’ailleurs d’excellentes qualités, et je suis sure que je la regretterai plus d’une fois. Ma veuve est installée, elle ne fais pas mal la cuisine je crois, mais je ne puis trop savoir encore à quoi m’en tenir sur son compte et il y a trop peu de temps d’aprendre ; conserve précieusement ta Françoise chere sœur tu ne pourrais trouver de pareille et c’est une ennuieuse chôse que ces changemens de domestiques.
    Une autre importante affaire que je fais aujourd’hui, c’est de mettre sa première robe à Josephine ! te souviens-tu chere Nancy du grand jour ou nous en mîmes une à Mathilde ? j’etais aussi entrain si ce n’est plus que pour ma fille [p. 3] cependant j’ai tenu beaucoup à la faire moi-même, et comme je ne fais plus rien depuis long-temps c’est un tour de force le fait est que ma fille m’occupe et m’absorbe nuit et jour, j’en suis folle à lier, mais pas plus que son pere, nous nous la disputons souvent elle est si gracieuse, si sage, si rose si blanche etc etc etc je ne sais ou je m’arreterais chere sœur dans l’ enumeration de toutes ses rares qualités. J’interromps ma lettre a chaque ligne pour l’admirer jouant avec un plumeau d’une manière remarquable pour son age que ma chere titi ne rie pas des enthousiasmes de sa Tante dis lui que pour elle c’etait pis encore ? j’ai acheté des amours de petites bottines tricotés pour completer sa toilette avec sa robe rose, je sens que sa cousine donne son opinion sur sa mère, elle qui a un gout si difficile [p. 4] tout est en sens dessus dessous ici pour la procession, deja dimanche c’etait magnifique ; le fait est que comme les ceremonies de ce genre sont tout a fait dans l’esprit du pays, et qu’on a beaucoup d’argent on fait des chôses charmantes, d’une fraicheur et d’un luxe extreme ; es tu allée admirer les reposoir de Voreppe ce matin ? que fais tu sous tes frais ombrages ? n’est tu point allé à Grenoble encore ? es tu sans des nouvelles d’Hector, de mon Oncle ? je n’ai pas signe de vie d’eux depuis des siecles, allons écris moi donc chere sœur, et dis moi vite que rien de sérieux n’est cause de ton silence toi qui n’est pas nourrice, et qui n’a pas de cuisiniere à initier a tes habitude n’as tu pas le temps d’ecrire ? puis Mathilde ne pourrais-t-elle pas la remplacer beintôt ?… Si elle n’y prend garde finette lui passera devant dis lui cela de ma part en l’embrassant
[p. 5] Je voudrais pouvoir remplir encore une page blanche chere sœur, mais malgré tout ce que je [mot biffé] j’aurais à te dire, il faut que je finisse finette perd patience et veut se lever J’ai permis à sa bonne d’aller à Vepres avec philippe, et maintenant on sonne à chaque instant, et je ne puis suffîre à écrire, repondre, et bercer adieu donc chere sœur comprends ma position du moment, et imite mon empréssement a t’ecrire en dépit de tout, fais je te prie [..]s amitiés à Camille, si tu vois Pauline ne m’oublie pas aupres d’[....]
    finette embrasse Tante Nancy et cousine Mathilde de moitié avec moi et avec toute l’affection possible

adieu encore chere sœur
AS

    Avez vous eu mardi dernier une horrible tempète comme ici ?, je me suis cru à ma derniere heure, la foudre est tombée, tout pres de chez nous, mais heureusement n’a pas fait de mal ; j’ai eu une peur abominable

[p. 6] [adresse]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

2011.02.147 Dimanche 8 novembre 1840 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé Image

Un feuillet de quatre pages, mais la fin de la lettre manque avec la page d’adresse. Écriture assez hâtive.

St Chamond Dimanche 8 novembre

    J’attendais de vos nouvelles avec une vive impatience Ma Chere Nancy, bien que les rivieres de la Côte ne soient pas à redouter, je craignais quelques désastres pour les propriétés de mon pere ; je n’entends parler que de sinistres, depuis tant de jours que je vais finir par m’y accoutumer.
    L’eau à fait ici assez de mal, plusieurs maisons, et fabriques sont écroulées, notre petite riviere du Gier était effrayante a voir les rues ont été plusieurs fois presque navigables dans certains quartiers, mais qu’est ce que cela aupres de Lyon ?… le chemin de fer est interrompu ; pour plusieurs mois peut être, à notre grande contrariété, cela paralyse tout pour St Chamond, pour moi je ne puis me consoler de ne plus esperer la visite de Louise à cause de cela, car je n’admettrais point. sa raison de n’oser venir seule dans les vagons [dans la marge de gauche, verticalement de haut en bas, même écriture mais plume moins fine que le reste de la lettre; conclusion sans doute du texte de la dernière page qui manque] n’aye point été invité aux soirées, cela devait te fendre le cœur ma jolie titi aurais si bien figurée [p. 2] en prenant la prémiere voiture, toujours tres bien composée ; il n’y a rien a redouter, témoigne lui je te prie tous mes regrets, je présume d’ailleurs que Louise attendra afin de ne pas être obligée de faire des emplettes en bateaux, tous les magasins étant fermés dans la rue St dominique et sur le quai de Saône sur tout, il me semble qu’il y aurait de la folie à faire le voyage dans ce moment.
    Nous avons depuis hier soir Mr Duffeuillant fils, il m’a donné des nouvelles d’Hector tres détaillées, sont festival a assez bien réussi ; la salle de l’Opera était pleine remplie par la plus brillante société, il y a eu de bruyans applaudissemens à certains passages, puis un seul coup de sifflet qui a fait sangloter la pauvre Henriette ; il n’a pas su nous dire quel avait été le résultat sonnant ; mais la fatigue avait été horrible pour Hector, il l’avait laissé encore tout brisé, et moulu.
    Comme je ne presume pas qu’il ait encore écrit à la Côte je me hate de vous [p. 3] communiquer mes rescentes nouvelles ; il était aussi sur le point de se decider a aller à Lille pour donner un autre Festival, mais comme il avait reçu des propositions à ce sujet il voudrait prudemment régler l’article argent avant de prendre un partis définitif.
    Voila Chere amie ou il en est maintenant Mr Duffeuillant est venu expres de Paris pour passer quatre ou cinq jours avec nous, il y retournera pour assister à la cerémonie de la translation de Napoleon, puis reprendra ses courses vagabondes il compte passer son hiver en Espagne comme il a beaucoup vu nécessairement nous avons beaucoup à le questionner ; mon mari est vraiment heureux de sa visite et lui sait un gré infini d’être venu de si loin à notre seule intention, c’est une preuve d’amitié tres grande, je l’ai accueillie avec tout l’empressement possible son affection pour mon Marc et pour Hector suffirait pour le faire bienvenir pour moi en toutes occasions, puis cet un excellent jeune homme malgré ses bisarreries.
    [p. 4] La relation brillante que tu me fais de vos bals m’a fort interresseé, j’ai appris avec grand plaisir que tu t’y étais bien amusée ; les distractions sont si rares par le temps qui court qu’on les appreciera d’autant mieux.
    ta lettre m’a fait vraiment du bien mon pere est en bonne santé, tout disposé à passer son hiver à Grenoble
    mais c’est charmant toutes ces bonnes nouvelles, pour riposter je te dirai que la coqueluche de ma Finette est presque finie, jamais elle n’a été si rose, si grosse, et si diable elle a repris ses gentilles bonnes graces qui faisaient ma joie et mon orgueil
    Les nuits sont meilleures aussi puis dans la journées elle reste des heures entieres assises sur mon tapis s’amusant paisiblement pendant que je travaille ; aussi maintenant je me porte à merveille je me trouve engraissée, et bonne mine [la fin de la lettre manque]

2011.02.148
[enveloppe
2011.02.149]
Mercredi 2 décembre 1840 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages avec l’adresse à la dernière page. L’enveloppe 2011.02.149 (a) doit appartenir à une autre lettre, puisque cette lettre comporte l’adresse à la dernière page avec timbres postaux (b) l’enveloppe est adressée à La Côte alors que cette lettre est adressée à Grenoble (c) l’enveloppe a été utilisée (traces de timbre) mais ne comporte pas de timbre postal et n’a sans doute pas été mise à la poste. Timbres postaux de la lettre 2011.02.148: ST CHAMOND, 2 (DEC.) (1840); LYON, 3 DEC. (18)40; GRENOBLE, 4 DEC. (1840).

St Chamond Mercredi 2 decembre

    Je t’adresse ma lettre à Grenoble chere sœur, et j’aime à me flatter qu’elle t’y trouveras installée depuis deux jours aumoins.
    Je ne puis te dire la peine que j’ai éprouvé en lisant la tienne dimanche soir, je me disposais a aller passer la soirée chez les dames Ardaillon ; mais je n’en eu plus le courage J’avais le cœur serré des tristes détails que tu me donnais au sujet de notre pere ta position devait être bien cruelle chere sœur, personne plus que moi ne saurait le comprendre et le plaindre ; nous devions cependant un peu nous attendre à la conduite de mon pere ; tous les ans c’est la même indecision douloureuse, mais en dépit de l’experience passé on veut esperer mieux, on en a tant besoin !….
    Je lui écrirai aujourd’hui pour faire une diversion d’une seconde a ses tristes pensées, le beau soleil que nous avons depuis hier sera j’espere plus puissant que toutes les lettres ; Mathilde lui fera [p. 2] peut être encore un plus grand vide que toi cette Chere petite est probablement enchanté de se retrouver à Grenoble ; remercie la je te prie de ses charmantes pantoufles ; elles iront à merveille avec une gentille paire de bas à jour qu’une vieille demoiselle de mes amies a eu l’attention de me tricotter.
    Si tu avais trouvé une occasion pour Vienne ou même Lyon je les aurais facilement fait prendre.
    La mort de la pauvre Mme Golety m’a fait beaucoup de peine, Mme Félicie a du passer de bien cruels moments quand on en a comme nous la si douloureuse experience on partage sincèrement de pareils chagrins ! Si ta belle sœur avait été à Vienne j’aurais éprouvé le besoin de lui écrire à cette occasion crois-tu son retour prochain ?….
    J’avais appris par Louise la banqueroute Simon, quelque étendue que soit la réputation merveilleuse de ces dames, elle est complétement ignorée dans département de la Loire. Louise me parlait aussi d’un projet de mariage pour Mlle Meline à Paris, comme tu ne m’en dis rien [p. 3] je pense que rien n’est decidé ; je serais bien enchantée d’apprendre cette bonne nouvelle
    Mademoiselle Nancy sera enchantée de ton retour [mot biffé] ; je jouis de la savoir installée paisiblement à la ville pour tout l’hiver fais lui donc une visite de ma part je t’en prie et dis lui tout ce que tu pourras imaginer de plus affectueux pour moi, il y a un siecle que je ne lui ai pas écrit, mais ma Finette m’occupe tellement puis toutes mes habitudes de vie lui sont si étrangère maintenant, que je craindrais de ne pouvoir guère l’interresser.
    gronde pauline de ma part sérieus[.....] elle ne merite plus que je surmonte ma paresse en sa faveur, mes reproches fait embrasse là pour moi quand même ! ..
    Les Michal sont-ils donc toujours au même point ?.. parle moi de tous nos amis et parents tu me feras grand plaisir chere sœur.
    Ma Finette est toujours plus gentille elle se porte a ravir, la coqueluche est complétement passée grace à Dieu, aussi les nuits sont moins pénibles, a part la derniere ou il a fallu la tenir jusqu’a une heure en rentrant hier soir a onze heure la croyant profondement endormie, elle jouait comme une petite folle
    [p. 4] Mon mari est a allé à St Etienne aujourd’hui pour ses affaires, je vais profiter de son absence pour écrire à vous tous, j’ai mes jours de lettres mes jours de visites, et mes jours de congé,

[ici l’adresse, verticalement au centre]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble

[au bas de la page sous l’adresse]

Mr Duffeuillant n’etait que quatre jours ici, je lui avais remis une lettre pour Henriette a son départ il m’avait promis quelques détails sur eux, mais il n’a point encore ecrit.
adieu Chere Sœur mes compliments à Camille je pense que comme à sa louable habitude il t’aura apporté des merveilles de Lyon, adieu encore toute à toi

2011.02.150 Dimanche 13 décembre 1840 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: ST.CHAMOND, 13 (DEC.) (année illisible); LYON, 14 (DEC.) (année illisible); GRENOBLE, 15 DEC. (année illisible).

St Chamond Dimanche 13 décembre

J’ai attendu plusieurs jours avant de te répondre Chere sœur, j’avais besoin d’être plus calme ; certain passage de ta derniere lettre m’avait affecté et surpris bien douloureusement, je t’avoue que je me croyais bien plutôt en droit deta d’adresser de semblables reproches que d’en recevoir, depuis l’époque de mon mariage votre conduite a été une énigme pour moi
    Vous seul m’avez méconnue, repoussée d’une maniére si étrange, qu’il me semblerait que vous me pardonnez point d’être heureuse, et d’aimer mon mari comme il le merite, en dépit de tout ce que vous avez pu faire ! ..
    Mais ne revenons pas sur le passé chère Sœur, je sens mon cœur bondir à certains souvenirs, laisse moi oublier, et pour cela croire que votre cœur n’y était pour rien, mais que votre jugement seul avait été étrangement égaré
    Je ne comprends pas pourquoi ton mari m’adresse des hommages respectueux [p. 2] il me semble que j’ai toujours été la même à son égard, si par hasard il en a été autrement c’est bien certainement sa faute et non la mienne ! ……
    Qui pourrais dire chere sœur s’il était possible de pousser plus loin que moi l’affection et le devouement exalté, pour toi et tout ce qui t’appartenais ?..
    Je n’ai point oublié non plus toutes les preuves d’amitié que vous me prodiguiez jusqu’a l’époque, ou j’ai cru à mon tour pouvoir vous initier à ma vie nouvelles, à mon amour, à mon bonheur, et vous m’avez repoussé avec un dédain une froideur que j’etais loin d’attendre.
    Votre conduite a été une des plus amères déceptions de ma vie, mais j’étais trop fiere pour vous en demander l’explication, ou pour m’en plaindre.
    Mon cher Marc pourrait te dire toutes les larmes que j’ai versé à ce sujet, j’aurais peut être oublié ce que c’etait que le chagrin sans cela.
    J’esperais toujours que vous reviendriez a moi
    [p. 3] Maintenant Ma Chere je ne sais plus que croire ? le temps apprend beaucoup de chôses !…; il me serait bien doux de penser qu’il ne m’apportera que des consolations à ce sujet, et qu’un jour enfin nous serons tous unis de cœur comme je le desire, et j’ôse le dire comme je n’ai jamais cessé de le meriter.
    J’ai appris la maladie de notre bonne cousine Pauline avec la peine la plus vive, j’espere cependant que son état n’est point aussi alarmant que tu parais le croire.
    Mon pere m’a ecrit dimanche dernier il ne paraissait pas trop [mot caché par la cire] je ne presume pas qu’il soit encore disposé a partir pour Grenoble.
    Adieu Chere Sœur adieu Camille embrassons nous comme autrefois, avec la plus vive et la plus sincère affection, et oublions tous tout ce qui pourrait avoir alteré nos sentimens réciproques

Toute a toi
A Suat

[p. 4] [adresse]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

2011.02.151 Jeudi 17 décembre 1840 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Cinq pages en tout; un feuillet de quatre pages plus une page écrite d’un côté, adresse de l’autre. Timbres postaux: ST CHAMOND, 17 DEC. (année illisible); GRENOBLE, 20 DEC. 1840.

St Chamond Jeudi

    Tu as bien raison Ma bien Chere Sœur assez de récriminations, et d’explications comme cela de grace n’y revenons plus cela nous fait trop de mal à toutes deux, et comme tu le dis oublions tout, et aimons nous toujours ; c’est ce qui ne me sera certe pas plus difficile qu’a toi si tu le veux franchement comme je l’espère Le facteur m’a remis ta lettre hier soir au moment ou j’arrivais de Lyon à moitié gelée j’y étais allée la veille par un temps tres supportable, j’avais plusieurs commissions à faire, et surtout plusieurs personnes à voir Sophie en prémiére ligne, mais j’ai pu en jouir à peine quelques heures la noce de son frere qui avait été retardée malencontreusement pour moi, avait eu lieu la veille, et l’absorbait complètement, enfin elle m’a un peu promis de venir le jour de ma Loterie pour me dédommager ; je pense que j’aurai beaucoup de monde ; Mme Richard (Mlle Boissat) me prétera j’espere son piano droit dont la dimension s’accordera tres bien avec la petitesse de mon salon, j’aurai une demoiselle de Lyon amie des dames Roche qui est d’une force [p. 2] aussi remarquable que sa complaisance, puis les demoiselles Ardaillon ; ainsi j’aurai avec un ou deux Messieurs un orchestre assez bon ; on vient de m’interrompre pour me remettre trois Lots délicieux un gentil métier a tapisserie en citronnier ouvrage d’un vieux Monsieur, puis des chiffonniéres, et des Brettelles brodées en soie d’un gout parfait, c’est à qui me témoignera le plus d’empressement. J’espere que nous nous amuserons, que ne peus tu ma bien Chere venir m’aider a faire mes honneurs ; ma gentille niece titi m’aurait été bien nécèssaire pour tirer les billets, elle m’aurait fait beaucoup d’honneur surtout à présent quelle apprend la grammaire !. et la Géographie !…. ce doit être un prodige en tout point, je suis bien aise de savoir que cette chere petite que j’aime tout comme ma fille aimée, fait de rapides progrès ; il me semble que j’aurai aussi un peu le droit d’en être fiere, n’avons nous pas appris ensemble les capitales de l’Europe ?  ……
    J’aurais prochainement une occasion pour Vienne pour apporter les fameuses pantoufles [p. 3] ma Finette aime déja beaucoup les jolies chôses, il fallait la voir hier admirer le chapeau que je lui apportais de Lyon en peluche grise avec une petite plume de la même nuance ; elle n’etait pas difficile de la trouver à son gré car il est charmant, cette chere enfant m’occupe exclusivement pourvu quelle aye ce qui lui faut peu m’importe ma toilette Je n’ai rien acheté cet hiver absolument c’est plutôt fait ………
    Je suis heureuse d’apprendre que mon pere ne va pas mal, je bénis de grand cœur le Blottoir, dont la construction utile ou non l’occupe et le distrait, le froid atroce que nous avons depuis deux jours le déterminera peut être a aller vous joindre.
    Je te remercie de me donner de bonnes nouvelles de notre chere cousine Pauline je charge Mathilde de lui faire une visite en mon nom, j’espère quelle accepte ma commission avec plaisir.
    Hector et sa famille ne vont pas mal Mr Duffeuillant en donne des nouvelles aujourd’hui en écrivant à mon mari, il parait que le concert a été peu nombreux notre pauvre frere choisis mal ses moments
    la ceremonie Napoléonienne absorbait tout le monde
    [p. 4] Finette veut absolument m’empecher de continuer ma lettre ; je ne sais comment resister a ses agaceries, je te remercie du desir que tu me temoignes de t’initier à ses petits progrès, le fait est qu’elle gracieuse à croquer, mon mari en est fou nous nous la disputons souvent, elle trône sur la table tous les jours à déjeuner et à diner, mangeant de tout avec nous et faisant mille petites singeries que nous admirons [mot biffé] avec enthousiasme ! …
    elle commence à marcher pas mal en lui mettant une serviette sous les bras comme nous faisions à Mathilde s’il t’en souviens ?. mais avant le printemps je n’espère pas qu’elle coure seule.
    Tu comptes donc ouvrir tes salons au mois de janvier, je te souhaite autant de succès que l’année passée ton amabilité en est garant.
    Mme Veyron ne m’ecris pas plus qu’a toi, je suis navrée d’apprendre que la pauvre Mme Prost retourne à Gillonay le malheur se cramponne à cette femme sans relache, elle me fait une pitié indicible ! …..
    [p. 5] Adieu Ma bien Chere Sœur adieu mon cher frere Camille ; je vous embrasse tous deux avec la tendresse la plus parfaite
    Mon mari vous fait ses compliments affectueux un bon baiser à Mathilde.
    Ne m’oublie pas aupres de Mlle Clapier et des personnes qui voudront bien se souvenir de moi Mme Pochin par éxemple. J’avais écris à Mme Felicie
    adieu encore aime moi comme je t’aime, t’aimerai et comme je t’ai toujours toujours aimée ; et je n’aurai rien [déchirure]

Toute à toi
Adèle Suat

    Comprends tu que j’ai oublié de te dire que Josephine a une dent dessous depuis dix jours ? ……

[adresse au verso]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

2011.02.152 Jeudi 25 février 1841 À son père Louis-Joseph Berlioz Texte corrigé

Un feuillet de quatre pages avec l’adresse à la dernière. Timbres postaux: SAINT-CHAMOND, 25 (mois illisible) 1841; LYON, 25 FEVR. (?) (année illisible).

St Chamond Jeudi

    Je serais désolée mon bon pere de déranger le moins du monde vos projets, je comprends tres bien que vous en changiez suivant la disposition de votre santé ; le temps redevenant triste et froid c’est un motif de plus pour vous décider à partir pour Grenoble Samedi ; j’irai vous voir alors à votre retour, et quand vous le desirerez je trouverai bien moyen de m’arranger je l’espère ; dans ce moment je suis dans les ennuis de cuisiniere nous avons donné son congé à la notre ce matin c’est une langue d’enfer il me sera difficile peut être d’en avoir une autre maintenant elle fait une réputation affreuse à Marguerite, et ce sont des scènes habituelles chaque jour cela me rend à plaindre ; une dame de ma connaissance m’en avait indiqué une du Bourg-Argentat, les renseignemens que j’avais pris me convenaient [p. 2] cette fille avait fait le voyage pour me parler ma diablesse de cuisiniere a dit que je n’y étais pas pendant trois jours de suite, et maintenant il faut que j’ecrive à cette fille pour lui faire mes conditions et l’engager sans la voir : Marguerite pretend qu’elle ne doit pas rester ici apres tout ce que l’autre a dit d’elle ce sont des larmes de part et d’autres qui m’ennuie plus que je ne puis dire ce qui n’empèche pas cher pere que nous n’ayons tres gaiment fini le carnaval Lundi la soirée de St Etienne a été tres brillante, il y a un luxe effréné dans la maison ou nous étions, on nous y a reçu avec un empressement recherchés, rien n’avait été négligé pour me faire passer ces deux jours agréablement Mme Dumoret est une tres jolie femme et remarquable aussi par son esprit et la distinction de ses maniéres, elle me fait toutes les avances possibles.
    Mardi ma soirée finale a été d’une gaîté folle, c’était tout a fait [p. 3] nos intimes, j’avais procuré une surprise a ces dames ; j’avais entendu dans la journées des musiciens Italiens, la bonne inspirations m’est venue de les faire venir le soir nous faire danser J’ai donc bien gardé mon secret, et a neuf heures et au beau milieu d’une partie de vingt et un tout a coup les portes de mon salon se sont ouvertes et mon orchestre inconnu a preludé au milieu des exclamations de surprises les jeunes personnes étaient ravies nous nous sommes mis a danser tou[.] comme des fous, la musique étaient si agréable que nous ne touchions pas terre, et jusqu’a une heure du matin nous nous sommes amusés avec un entrainement, tres rare ; pendant le souper les musiciens ont joués et chantés délicieusement en s’accompagnant de la harpe, c’etait charmant d’a propos les pauvres artistes ambulans étaient aussi enchantés de leur avantures, ils ont bien bu bien mangé, et fait une recettes comme cela ne leur arrive pas souvent [p. 4] enfin nous nous sommes bien amusés, jamais je n’avais vu mon mari si entrain, il dansait comme un écolier, nous rivalisions tous de jeunesse ; finette s’en mèlait aussi, elle était trop drole ; elle sera bien comme sa mere cette chere petite.

[adresse ici au milieu de la page]

Monsieur
Monsieur Berlioz
A La Côte St André
Isère

[au bas de la page sous l’adresse]

    J’ai peur que la poste ne parte et je finis vite mon bon pere.
    Je vous embrasse bien tendrement

Votre affectionnée fille
Adèle

2011.02.153 Mardi 12 ou mercredi 13 janvier 1841 À sa sœur Nancy Berlioz-Pal Texte corrigé

Un feuillet de trois pages écrites, adresse à la quatrième; papier identique à celui des lettres 2011.02.134 et 2011.02.152 de la même époque. Timbres postaux: SAINT-CHAMOND, 13 JANV. 1841; LYON, 14 JANV. 1841; GRENOBLE, 13 JANV. 1841 (le 13 semble bien lisible, mais ne s’accorde évidemment pas avec les deux autres timbres!). Écriture assez hâtive.

St Chamond Mercredi 12 janvier

    decidément ma Chere Nancy nous devenons si absorbées l’une et l’autre que ce n’est pas sans peine que nous parvenons à continuer notre correspondance avec la même éxactitude, depuis trois jours je fais envain le projet de t’ecrire hier j’avais un grand diner de deux heures et une petite soirée de sorte que je n’ai pas eu une minute à moi, je suis rentré à minuit truffée c’est le mot quel dinér !…. saumon, chevreuil, pâté de foie, dinde truffé etc etc etc enfin j’avais un brillant appétit à dépenser heureusement.
    J’ai trouvé en rentrant une longue lettre de Pauline qui m’a fait bien plaisir, elle me donnait de bonnes nouvelles de mon pere et de ta soirée, il parait chôse incroyable qu’il avait hésité s’il irait au salon ?..
Je ne puis te dire Chere amie combien je jouis de savoir ce bon pere tranquillement aupres de toi j’espere que cet hiver se passera mieux que celui de l’année derniere ; mon projet est d’aller le voir à la Côte les premiers jours du Carème, pour peu qu’il prolonge son séjour [p. 2] à Grenoble il se trouvera peu seul, les jours seront plus longs à cette époque, la saison moins rigoureuse ; je pourrai emmener finette et parconsequent rester plus long-temps aupres de notre bon pere ; nous faisions ce plan hier avec Marc ; si rien de nouveau ne survient je l’éxecuterai, ton habitude étant de venir à Paques à la Côte nous ne ferions pas ainsi double emploi ce qu’il ne faut pas
    Ma lettre t’arrivera probablement demain au moment ou tu t’habilleras pour ta soirée à propos j’adopte les manches plâtes es tu à la hauteur depuis long-temps ?.. Mathilde a de brillant succès a ce que m’apprend la renommée ; j’ai reçu les pantoufles elles sont charmantes.
    Madame Félicie m’a repondu la semaine derniere, elle est bien profondement triste crois tu que Mr Henri ait quelques chances pour obtenir la place de Mr Blachette ? ou Mr Burdet ?… je souhaite que toutes ces ambitions soient satisfaites. c’est encore plus sur de n’en point avoir
    Il y a un siecle que je n’ai point de nouvelles de mon Oncle tiens moi au courant.
    Je te prie de me rappeler bien tendrement [p. 3] au souvenir de Mlle Nancy et de Pauline je fais sérieusement le projet de leur ecrire sous peu pour repondre à Mme Pion j’ai été interrompu si souvent que je croyais ne pas en finir
    Finette va bien elle est endiableé et veut toujours être a terre maintenant ce qui fatigue beaucoup, elle annonce être aussi gourmande qu’une charmante jeune personne que Mathilde connait intimement, pour des confitures ou du café finette fait tout ce qu’on veut, c’est le môteur de sa premiere éducation, sans cela elle n’appr[..d...] aucune petites gentillesse.
    Adieu ma Chere Sœur ecris moi donc de longues relations de tes brillantes reunions
    je trouve que Camille a tres fort raison d’étendre tes invitations, il ne t’en coutera ni plus d’argent, ni plus d’embarras il n’y a que le premier pas qui coute.
    J’embrasse bien tendrement mon pere Mathilde lui fera une visite de ma part dans sa chambre pour faire ma commission mes amitiés à Camille je te prie mon souvenir à Monique

ton affectionnée sœur
Adele Suat

[adresse au verso]

Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère

Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997; pages Lettres de la famille du compositeur créées le 11 décembre 2014, mises à jour le 1er avril 2015. Révision le 1er décembre 2023.

© Musée Hector-Berlioz pour le texte et les images des lettres
© Michel Austin et Monir Tayeb pour le commentaire et la présentation

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