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La Salle Favart, située rue Favart, et la compagnie de l’Opéra-Comique eurent chacune pendant des années une histoire séparée avant de se réunir à partir de 1840. Au cours de sa longue histoire la Salle Favart a connu trois états différents. La première Salle Favart, bâtie en 1781-1783 pour abriter la Comédie Italienne, fut inaugurée en 1783. Par la suite elle fut rebaptisée Théâtre Royal Italien (appelé aussi Théâtre Italien tout court). Incendiée en 1838, la première Salle Favart fut reconstruite immédiatement et ouvrit ses portes à nouveau en 1840 (deuxième Salle Favart). Détruite une nouvelle fois par le feu en 1887, le théâtre fut reconstruit une fois de plus entre 1894 et 1898, mais sur un plan différent du précedent (troisième Salle Favart, la salle actuelle).
De son côté la compagnie de l’Opéra-Comique eut d’abord pour domicile la Salle Feydeau de 1801 à 1829. La Salle Feydeau, située rue Feydeau à environ 200 mètres de la Salle Favart, fut construite en 1789 mais disparut en 1833 du fait de la construction de la rue de la Bourse. L’Opéra-Comique quitta la Salle Feydeau avant même sa disparition, s’installa pour une brève période à la Salle Ventadour (1829-1832), puis pour quelques années au Théâtre des Nouveautés. Finalement elle établit domicile en 1840 à la Salle Favart fraîchement reconstruite, et cette fois de manière définitive. À partir de cette date Opéra-Comique et Salle Favart sont en pratique synonymes, tout comme la Salle Ventadour s’identifie avec le Théâtre Italien après 1841.
Au cours de sa carrière de critique musical Berlioz aura souvent l’occasion de fréquenter l’Opéra-Comique et la Salle Favart, et nombre de ses feuilletons dans le Journal des Débats et ailleurs traiteront d’exécutions et de représentations dans ce théâtre. À l’occasion de l’ouverture de la nouvelle (deuxième) Salle Favart en 1840 après sa destruction par incendie deux ans auparavant, Berlioz donne une description de la nouvelle salle et de ses caractéristiques (Journal des Débats 21 mai 1840). La salle elle-même est élégante et luxueuse, sa sonorité est bonne, mais, ajoute Berlioz:
L’orchestre seulement est bien enfoncé au-dessous du niveau du théâtre. Il résulte, il est vrai, de cette disposition un avantage pour les accompagnements qui peuvent plus aisément s’effacer devant les voix [...] Puis l’orchestre, ainsi placé, n’a ni l’éclat ni la force dont il aurait besoin, quand il doit prendre la parole à son tour.
Malgré ces réserves, Berlioz fera appel par la suite à la Salle Favart comme salle de concert; la raison en est qu’après 1843 la salle du Conservatoire, que Berlioz a souvent utilisée pour ses concerts avant cette date, et qui était de loin la meilleure salle de concert disponible à Paris, lui est interdite du fait des menées hostiles de la ‘coterie du Conservatoire’ (Mémoires chapitre 59). Il utilise la Salle Favart une première fois pour un concert le 6 avril 1844, qui comprenait des ouvrages de sa plume ainsi que d’autres compositeurs. Deux ans plus tard il se voit obligé de faire appel de nouveau à la Salle Favart, mais cette fois pour la première exécution d’une de ses plus grandes partitions, la Damnation de Faust, dont il avait entrepris la composition au cours de son voyage en Allemagne et en Europe centrale en 1845-46 et terminé après son retour en France. Mais la première exécution le 6 décembre 1846 a lieu devant une salle à moitié vide, et une deuxième exécution le 20 décembre n’a pas plus de succès; une troisième exécution projetée n’aura pas lieu. Malgré des comptes-rendus élogieux c’est l’un des plus graves échecs de la carrière de Berlioz; il en sort grevé de dettes, ce qui le pousse à entreprendre son premier voyage en Russie l’année suivante pour tenter de combler ses pertes (Mémoires chapitre 54).
En l’occurrence le voyage en Russie sera couronné de succès et s’avèrera très lucratif, mais il ne pourra effacer tout à fait le choc de la première de la Damnation: ‘Rien dans ma carrière d’artiste ne m’a plus profondément blessé que cette indifférence inattendue. La découverte fut cruelle, mais utile au moins [...] depuis lors, il ne m’est pas arrivé d’aventurer vingt francs sur la foi de l’amour du public parisien pour ma musique’ (Mémoires chapitre 54). Par la suite la Damnation de Faust ne fut pas exécutée intégralement à Paris du vivant du compositeur. Mais par une ironie du sort elle devait devenir de loin la plus populaire de ses partitions en France, mais seulement après sa mort: les intégrales de la Damnation dirigées à Paris par Édouard Colonne en 1877 firent sensation, et à partir de cette date et pendant des décennies à venir l’ouvrage est consamment rejoué devant des auditoires enthousiastes.
Malgré ses déboires avec la Salle Favart et la Damnation de Faust en 1846, Berlioz utilisera la salle de nouveau à deux reprises quelques années plus tard, dans deux concerts comprenant des exécutions intégrales de l’Enfance du Christ. La première, le 7 avril 1855, est selon lui est couronnée de succès (CG no. 1933), et la deuxième, le 23 avril 1859, est au dire du compositeur la meilleure de toutes les exécutions de l’ouvrage à ce jour (CG nos. 2368, 2371).
Sauf indication contraire, les photos modernes reproduites sur cette page ont été prises par Michel Austin; toutes les autres images ont été reproduites d’après des gravures dans notre collection. © Monir Tayeb et Michel Austin. Tous droits de reproduction réservés.
Les trois premières gravures ci-dessous montrent la Salle Favart (premier et deuxième états) connue de Berlioz. Les quatre photos suivantes montrent la Salle Favart telle qu’existe maintenant dans son troisième état. Les deux dernières gravures montrent la Salle Feydeau.
Nous remercions notre ami Gene Halaburt de nous avoir envoyé l’image ci-dessus.
La gravure ci-dessus fut publiée dans L’Illustration du 10 juin 1843, dont un exemplaire se trouve dans notre collection.
La Salle Feydeau a au moins un lien avec la musique de Berlioz: le 25 février 1829 l’ouverture de Waverley y fut exécutée.
Nous remercions M. Laurent Ludart de nous avoir envoyé l’image ci-dessus.
Nous remercions M. Laurent Ludart de nous avoir envoyé l’image ci-dessus.
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