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La pittoresque ville de Tivoli (ancienne Tibur), à moins d’une trentaine de kilomètres de Rome en bordure des Monts Albains, était déjà dans l’antiquité un séjour préféré des riches Romains, et nombre d’entre eux s’y firent construire des villas. C’est en juin 1831, peu après son retour à Rome après l’équipée de Nice, que Berlioz découvre ses charmes, et il est tout de suite séduit; il y retourne le mois suivant, puis deux fois en novembre après le voyage à Naples. En avril 1832, avant de prendre le chemin du retour de la France, il rend à Tivoli et à ses autres lieux de prédilection aux alentours de Rome une dernière visite (Mémoires, chapitre 42).
Une lettre adressée à sa famille qui porte la date du 24 juin 1831 raconte sa première rencontre avec la ville et ses charmes (CG no. 232):
[…] Je pense que tout va bien à la maison et que Nanci a seulement voulu recevoir la nouvelle de ma rentrée à la Caserne [la Villa Medici]. O mille fois maudit pays! Mais j’en sortirai bientôt, dans 8 jours au plus je décampe et je vais m’installer à Tivoli. J’y suis allé samedi dernier [18 juin] à pied à deux heures après-midi, au milieu de la poussière brûlante; nous étions deux; arrivés aux trois quarts du chemin nous n’en pouvions plus et nous sommes montés dans une voiture qui passait. Il y a six lieues de Rome à Tivoli. Nous sommes arrivés le soir à 8 heures et demi, et le lendemain à quatre heures du matin nous avons commencé à courir. […]
La lettre donne ensuite une description des beautés de la Villa Gregoriana qu’il visite avec son compagnon.
Deux semaines plus tard il écrit à sa sœur Adèle et lui donne un récit sur le vif du voyage suivant à Tivoli (CG no. 235; 8 juillet 1831):
Je suis là, à côté de la grande cascade; je t’écris dans un petit temple de Vesta dont les trois quarts sont conservés; il est attenant à l’auberge; il y a une table au milieu, à la place sans doute où on entretenait autrefois le feu sacré. C’est tout au bord du gouffre dans lequel l’eau se précipite. Je viens de me faire apporter du thé avec ma guitare, Je suis chagrin plus que je ne puis dire. En allant ce matin à la villa Adriana dont je t’avais parlé dernièrement, j’ai demandé à des petits garçons que j’ai rencontrés, des nouvelles d’Antonio, un enfant de 14 ans qui m’avait servi de guide la première fois que je suis venu ici; il m’avait plu extrêmement, et je m’étais attaché tout à coup à lui sans savoir presque pourquoi. Ils m’ont dit qu’il était bien malade depuis dix jours. […]
La lettre raconte la suite en termes émouvants: en revenant de la Villa Adriana Berlioz apprend où le garçon et sa famille habitent et leur rend visite, mais en sort bouleversé. Le lendemain il prend la route de Subiaco, et revient finalement à Rome en passant par Tivoli – à cette occasion il fait le voyage de Subiaco à Tivoli à dos d’âne (CG no. 238, 7 août).
La visite suivante à Tivoli a lieu tard en octobre 1831 après son retour de Naples. Berlioz passe par Tivoli sur le chemin de Subiaco à Rome vers la fin du mois (CG no. 247, 7 novembre), et y retourne vers le 20 novembre (CG no. 248, 28 novembre). Les Mémoires (chapitre 41) donnent un récit détaillé de la visite au retour de Naples; Berlioz fait entièrement à pied la route de Subiaco avec ses compagnons suédois, Bennet et Klinksporn:
Mes deux compagnons suédois, marchaient très vite, et leur allure me fatiguait beaucoup. Ne pouvant obtenir d’eux de s’arrêter de temps en temps, ni de ralentir le pas, je les laissai prendre le devant et m’étendis tranquillement à l’ombre, quitte à faire ensuite comme le lièvre de la fable pour les rattraper. Ils étaient déjà fort loin, quand je me demandai en me relevant: Serais-je capable de courir, sans m’arrêter, d’ici à Tivoli (c’était bien un trajet de six lieues)? Essayons!… Et me voilà courant comme s’il se fût agi d’atteindre une maîtresse enlevée. Je revois les Suédois, je les dépasse; je traverse un village, deux villages, poursuivi par les aboiements de tous les chiens, faisant fuir en grognant les porcs pleins d’épouvante, mais suivi du regard bienveillant des habitants persuadés que je venais de faire un malheur [c’est-à-dire tué quelqu’un].
Bientôt, une douleur vive dans l’articulation du genou vint me rendre impossible la flexion de la jambe droite. Il fallut la laisser pendre et la traîner en sautant sur la gauche. C’était diabolique, mais je tins bon et je parvins à Tivoli sans avoir interrompu un instant cette course absurde. J’aurais mérité de mourir en arrivant d’une rupture du cœur. Il n’en résulta rien. Il faut croire que j’ai le cœur dur.
Quand les deux officiers suédois parvinrent à Tivoli, une heure après moi, ils me trouvèrent endormi; me voyant ensuite, au réveil, parfaitement sain de corps et d’esprit (et je leur pardonne bien sincèrement d’avoir eu des doutes à cet égard), ils me prièrent d’être leur cicerone dans l’examen qu’ils avaient à faire des curiosités locales. En conséquence, nous allâmes visiter le joli petit temple de Vesta, qui a plutôt l’air d’un temple de l’Amour; la grande cascade, les cascatelles, la grotte de Neptune; il fallut admirer l’immense stalactite de cent pieds de haut, sous laquelle gît enfouie la maison d’Horace, sa célèbre villa de Tibur. Je laissai ces messieurs se reposer une heure sous les oliviers qui croissent au-dessus de la demeure du poète, pour gravir seul la montagne voisine et couper à son sommet un jeune myrte. A cet égard je suis comme les chèvres, impossible de résister à mon humeur grimpante, auprès d’un monticule verdoyant.
Sauf indication contraire, toutes les photographies reproduites sur cette page ont été prises par Michel Austin en mai 2007; toutes les gravures sont de notre collection. © Monir Tayeb et Michel Austin. Tous droits de reproduction réservés.
Ceci est une photo d’une grande reproduction laminée d’une gravure du XVIIème siècle, reproduction affichée sur un panneau près du temple de Vesta.
L’original des 5 gravures suivantes a fait l’objet d’un don par nous au Musée Hector-Berlioz qui en détient le droit de reproduction.
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