(Textes corrigés, en ordre chronologique)
Lettres de Louis-Joseph Berlioz
Lettres de Joséphine Marmion-Berlioz
La transcription littérale des lettres des parents de Berlioz se trouve sur une page séparée
R96.853.1 | Mardi 4 juin 1839 | À sa fille Adèle Berlioz-Suat | Transcription littérale | — |
Sur le mariage d’Adèle avec Marc Suat le 2 avril 1839 voir R96.861.1. — La lettre d’Adèle du 8 juin de Paris (2011.02.136) répond à cette lettre. — À la fin de cette lettre, sur les lettres R96.853.2, R96.853.3 et R96.853.5, et sur les lettres de 1816, 1833, 1839 et 1843 à la BnF, le Dr Berlioz signe son nom suivi des lettres dmed, ce qui semble être une abréviation de ‘docteur médecin’, la désignation qu’il met à la page de titre de son Livre de Raison (selon Nouvelles Lettres p. 225 n. 3 dmed serait plutôt une abréviation de ‘Docteur en Médecine de la Faculté de Paris’).
La Côte le 4 juin 1839
Puisses-tu, chère fille, te croire longtemps heureuse et bien heureuse ! Mais en même temps combien je souhaite que tu puisses avoir la force de supporter les contrariétés,
inséparables de la vie humaine la plus favorisée par le sort. Je crains qu’il ne t’arrive d’exagérer l’infortune autant que tu exagères aujourd’hui ta prosperité, et que tu ne deviennes aussi accessible au désespoir que tu l’es devenue à une allégresse sans mélange. Cependant ces tristes réflexions ne sauraient prévaloir sur le plaisir que me causent les nouvelles que tu me donnes de ta santé, et je suis bien empressé de te voir tout à la fois rieuse et joufflue.
Ce que tu m’apprends de l’heureux accord qui règne entre Hector et sa femme ainsi que de la gentillesse de leur enfant m’a causé une vive satisfaction. Le bonheur de tous mes enfants aujourd’hui est bien près de me faire oublier les tribulations dont ma vie a si longtemps été parsemée. Mais une trop longue expérience m’a laissé méfiant sur les faveurs de la fortune ; l’isolement où je me trouve, la difficulté de m’occuper, et parfois le retour de la souffrance, me mettent souvent dans un état de tristesse qui contraste
avec la jubilation actuelle.
Je pense que tu ne seras pas longtemps absente et que bientôt vous viendrez reblanchir mon imagination, assombrie de nouveau depuis quelques jours par la solitude et le malaise. Cependant garde-toi bien de concevoir de l’inquiétude à mon sujet. Je ne te parle de ma position que parce que je t’ai promis de te dire toute la vérité sur ma situation ; et bien des fois tu m’as vu en plus mauvais état que je ne suis maintenant. Le mauvais temps, l’embarras des constructions que j’ai entreprises comme malgré moi, causent mon humeur noire ; et l’arrivée de mes enfants rendra de nouveau mes jours sereins.
Marguerite a été très bien accueillie par sa tante qui se trouve heureuse d’avoir sa compagnie. Elle profite de son loisir pour apprendre à écrire, et je l’ai autorisé à griffonner autant de papier que cela pourra lui convenir.
Madame Pion est aussi dans un grand embarras de maçon et autres ouvriers ; elle a évité la dispendieuse et triste nécessité de reconstruire sa maison, et il lui a été possible de ne faire que les démolitions qu’elle avait projetées. Il lui est doux d’agir plus largement que par le passé, et de ne pas se tenir enfermée dans le cercle étroit de son budget ordinaire. Après avoir dépensé trois ou quatre mille francs, ils seront passablement logés.
Madame Veyron est de retour depuis huit jours et son gendre [Louis Boutaud] est actuellement mieux sans être néanmoins positivement bien.
Nancy ne peut encore venir à St Vincent ce dont je suis fort contrarié, car j’avais bien arrêté le projet d’aller passer tous [les] dimanches à Voreppe. C’est dans cette intention que j’ai acheté un cheval très beau marcheur. Adieu, chère fille, je ne pense pas t’écrire bien souvent à Paris ; c’est pourquoi je te donne ma commission à l’avance. C’est de m’acheter une
écuelle de porcelaine d’une elégance distinguée.
Adieu de nouveau mes enfants, je vous embrasse tous bien tendrement. Parles-tu à Louis de son Bon Papa ?
L. Berlioz d(octeur) méd(ecin)
R96.853.2 | Vendredi 14 juin 1839 | À sa fille Adèle Berlioz-Suat | Transcription littérale | Image |
Le voyage d’Hector en Allemagne n’aura lieu qu’à la fin de 1842. — Le Dr Berlioz n’ira jamais à Paris voir son fils. — Louis ne verra son grand-père qu’en 1847 (voir 2011.02.128, 2011.02.217).
La Côte le 15 juin 1839
À quand le retour, chère fille, tu ne m’en parles pas, cependant c’est un point aussi
important pour moi que beaucoup d’autres choses que tu m’as annoncées. Ta santé néanmoins est un des articles qui m’ont fait le plus de plaisir dans ta lettre, et je suis bien empressé de voir comment te sied ce nouvel embonpoint de Madame. Mille et mille témoignages de tendresse de ma part à Hector, pour l’active amitié qu’il témoigne à ma fille et à son mari.
Il m’est revenu qu’Hector, comptant faire un voyage en Allemagne, avait décidé de me confier son fils, et que tu devais l’amener avec toi. Comment ne m’en as tu rien dit encore ? je le recevrai de grand cœur tu le sais, et nous avions déja parlé entre nous
de cet événement qui pour moi serait tout à la fois un sujet de véritable
satisfaction et de sollicitude.
Ton silence là-dessus semble me présager que Monsieur Desplagnes avait regardé comme résolution prise quelques mots jetés dans la conversation, et sans décision arrêtée d’avance, et avec mûre réflexion.
Si ma santé se soutient dans l’état actuel je puis m’engager à ramener Louis à ses parents l’hiver prochain. Ce sera une occasion précieuse de connaître la femme de mon fils et de lui témoigner ma reconnaissance pour le bonheur dont elle le fait jouir malgré mes tristes prévisions.
Le temps est superbe depuis huit jours, et St Médard n’a pas ouvert son écluse, et aussi je profite de la chaleur ardente et continue pour sécher mes foins, et ravaler mes constructions. Lorsque vous arriverez, mes chers enfants, je pourrai être entièrement à vous.
Toutes les personnes auxquelles tu peux t’intéresser se portent bien, mais je ne puis voir personne, parce que mes heures de liberté sont rares, étant levé à quatre heures et couché à sept.
Adieu, chère fille, je t’embrasse ainsi que ton mari, et j’espère que votre arrivée sera prochaine
L. Berlioz d(octeur) méd(ecin)
NB fais-moi le plaisir de m’apporter deux chemises en toile de chanvre ou autres tissus afin qu’elles puissent servir de modèle surtout pour le col.
R96.853.3 | Jeudi 18 juillet 1839 | À sa fille Adèle Berlioz-Suat | Transcription littérale | — |
La Côte le 18 juillet 1839
Malgré tout le plaisir que j’aurais à t’embrasser prochainement, chère fille, et que je me promets dans une prompte réunion de nous tous, je t’engage à ne pas te mettre en route avant d’être pleinement rétablie. Les chaleurs cette année sont une épreuve terrible pour les santés non robustes, et la tienne n’a jamais été mise à de grandes épreuves. Ainsi laisse de côté l’impatience que nous avons tous de nous revoir, et ne pars que bien rétablie.
Je ne dirai pas que je sois bien portant, mais avec vérité je suis mieux portant que les années précédentes. Néanmoins les travaux extraordinaires que j’ai été forcé d’entreprendre m’ont parfois bien ennuyé, et ne sont pas encore terminés, bien s’en faut. Mais j’en viendrai à bout.
Tu diras à ton mari que Mr Charbonnel qui doit lui payer cinq mille francs le 1er juillet, préférerait payer les dix mille en une seule fois le premier janvier prochain. Parce que obligé de vendre des immeubles provenant de la succession de son beau-père, les frais pour la procédure seraient les mêmes pour cinq mille francs que pour dix ; du reste Suat peut agir sans crainte
même à part ma garantie, Charbonnel me paraît très solvable. Ta sœur sûrement t’aura bien mandé que je suis allé faire une très courte excursion à Voreppe. J’ai trouvé notre petite [Mathilde] toujours plus charmante, et elle était seule pour me recevoir.
Adieu, chère fille, j’embrasse ton mari, presque aussi tendrement que toi, et je ne saurais lui cacher ma reconnaissance de ce qu’il [te] rend si heureuse.
Adieu, adieu ma chère Adèle
L. Berlioz d(octeur) méd(ecin)
Marguerite se porte bien, elle paraît contente et cependant empressée de retourner auprès de toi.
R96.853.4 | Jeudi 15 août 1839 | À sa fille Adèle Berlioz-Suat | Transcription littérale | Image |
La lettre d’Adèle à son père dont il est question ici n’est pas connue.
La Côte le 15 août 1839
Je reçois ta lettre à l’instant, et je m’empresse d’y répondre, ma chère fille, afin que tu ne t’inquiètes pas sur mon compte. Sois sûre ma chère enfant que lorsque j’aurai à t’apprendre quelque chose d’agréable je m’empresserai de t’écrire. Autrement à quoi bon répéter si souvent mes lamentations ? Les souvenirs sont toujours plus cuisants pour moi, et le présent quoique supportable me fait redouter l’avenir.
Mes nombreuses occupations m’absorbe[nt] entièrement le jour, et je n’ai rien à désirer lorsque l’excès de fatigue me jette la nuit dans un sommeil profond. Cependant votre prochaine arrivée me réjouit à l’avance, et je compte les jours.
Madame Pion est revenue d’Aix il y a déjà longtemps, et Céline s’est bien trouvé de ce voyage. Il n’en est pas de même de Monsieur Boutaud qui est dit-on dans un état de maigreur effrayant. J’ignore quand Madame Veyron et sa fille arriveront. Il y a déjà quelque temps que je n’ai vu Mr Veyron qui s’est fait une entorse ce qui le force à demeurer chez lui.
Adieu chère fille, je t’embrasse tendrement ainsi que ton mari.
Monique [Nety] est là qui me demande de tes nouvelles, ainsi que celles de sa nièce ; elle est assez bien maintenant.
R96.853.5 | Mardi 7 mars 1848 | À sa fille Adèle Berlioz-Suat | Transcription littérale | Image |
Sur les révolutions de 1848 voir aussi les lettres d’Adèle 2011.02.222 et 2011.02.250.
La Côte le 7 mars 1848
Il faut bien enfin répondre à tes lettres, très chère fille, et te donner l’état de ma santé. J’éprouve maintenant peu de souffrances, et si je n’étais obligé de prendre un purgatif tous les trois ou quatre jours il n’y aurait pas lieu de se plaindre.
Mais je m’ennuie nuit et jour, et la durée des heures est sans fin pour moi.
La tranquillité publique n’a point été troublée ici, et nous avons été plus heureux qu’à Vienne ; tu as dû avoir bien peur, chère fille, et j’espère que cet événement n’aura pas de suite fâcheuse pour ton mari.
J’ai grande envie d’aller à Grenoble afin de connaître les nouvelles plus à fond. Je ne sais si j’oserai me mettre en route.
Antoine m’a remis deux cahiers de l’Illustration, quant aux Revues que tu m’avais annoncé, il n’y en avait point. On m’a remis aussi un tonneau, sans que je connaisse qui l’a mis à ma porte.
Adieu chère fille
L. Berlioz d(octeur) méd(ecin)
2011.02.307 | Samedi 1 ou samedi 8 septembre 1827 | À sa fille Nancy Berlioz-Pal | Transcription littérale | Image |
Sur le concours du Prix de Rome voir la page sur l’Institut de France. Voir aussi la lettre du 2 août 1827 de Nancy Berlioz à son grand-père (2011.02.271). CG I p. 157 n. 4 fait allusion à une autre lettre de Joséphine Berlioz à Nancy datant du 20 septembre 1827 (collection Reboul) où elle se plaint de ne pas avoir reçu de nouvelles de son fils depuis son échec.
Samedi soir [1 ou 8 septembre 1827?]
Ton papa, ma chère amie, est contrarié ainsi que moi de ne pas te voir revenir plus tôt. Cependant comme il n’y a pas de ta faute il faut que nous prenions notre parti. Il est vraisemblable qu’à ton retour nous irons de suite passer quelques jours avec notre papa [Nicolas Marmion] à Meylan ; le voyage, tu le sais, me fait peine et plaisir, mais aujourd’hui nous avons reçu une lettre de ce pauvre père à laquelle je ne pourrai résister. Si je suis passablement après ton retour, car je suis toujours un peu patraque. Nous avons reçu hier une longue lettre d’Hector qui, comme je le présumais, a été désappointé au concours [du Prix de Rome] ; il a essuyé des injustices, des contrarietés ; mais cela devait être ainsi. Néanmoins il ne parle point de venir et trois pages de sa lettre ne le sortent aucunement de ses folies musicales, et puis son budget vient après. C’est ce qui le fait écrire, sans quoi son pere serait oublié tout comme moi ; il est fou, voilà tout ce que je puis dire pour sa justification.
Nous reçumes aussi il y a deux jours une lettre de la bonne Nancy [Clappier] qui ne reviendra de ses longs voyages qu’à la fin d’octobre ; elle est enchantée de ses deux belles-sœurs, ce sont des anges. Mme Apprin m’écrivit aussi quelque mots par un de ses cousins, qui passait ici en allant à Paris ; je ne me trouvais pas dans la maison, j’étais allé encore malgré ma promesse de l’an passé à la triste distribution des prix du séminaire. Mme Veyron vint me prendre, Ms. l’évêque y assistait. Ce qui n’empêcha pas que nous nous ennuyâmes à qui mieux mieux ; nos élegantes y étaient en grandes parures, mais en verité elles avaient bien de la bonté. Delphine y vint aussi avec nous.
Sa maman n’est pas mal et je serais allé leur faire part de ta lettre si j’en avais eu le temps aujourd’hui, mais je viens de remercier Mme la Supérieure pour Adèle qui revient enfin demain, et j’ai demandé la bonne tante Alix à qui j’ai lu ta lettre, et je t’assure qu’elle t’en aimera davantage parce que tu apprécies sa bien aimée que tu voudras bien embrasser aussi de ma part en la p[ria]nt d’hâter son arrivée autant que possible. Dis aussi quelque chose à Mme ..rian Thomas pour moi ; j’ai fait la part[...] de sa mère tout à l’heure qui att[end?] ce soir ou demain Ms. Josephe.
La pauvre Pétronille vient d’aller coucher à
Pointières parce qu’on l’annonce enfin demain ; elle épousera je crois mercredi [?] sans plus attendre, elle me fait pitié ; sous quelles auspices se marie t’elle.
Mais adieu, ma chère amie, reviens vite et crois qu’il nous tarde à tous les deux d’embrasser notre fille aînée.
Ta mère et ton amie Joséphine.
2011.02.308 | Vendredi 2 mars 1832 (?) | À sa fille Nancy Berlioz-Pal | Transcription littérale | — |
Cette lettre peut sans doute se passer de tout commentaire.
La Côte vendredi [2 mars 1832?]
S’il me fallait attendre d’avoir des choses intéressantes à écrire, ma chère amie, je n’écrirais pas souvent ; notre vie ici est aussi triste que nos santés. Figure-toi bien que tu as beau me trouver peut-être un peu exigeante, mais je ne sais qu’y faire ; il nous faut beaucoup de lettres de toi et souvent.. Je t’ai su bon gré de nous avoir écrit le lendemain de ton bal, mais je te l’avoue, j’y comptais un peu. Si ta sœur et moi n’avions pas été si raisonnables, figure-toi que ton pauvre père était assez bon pour proposer d’y mener Adèle et même Louise [Veyron] si elle avait voulu. Nous refusâmes cet acte de dévouement de sa part pour plus d’un motif ; tu sais toi-même qu’on ne va pas à un bal sans avoir quelques jours d’avance préparé sa toilette, mais un autre considération c’est le mauvais état de la santé du pauvre père qui je pense aurait été fort attrappé que nous eussions accepté sa complaisance. Et puis qu’aurait dit la famille : quelle folie, quelle sottise ! Il me semble qu’en dit si [= que si on dit ?] que ta sœur a bien fait de refuser, elle s’est contenté de demander à ton pere de l’accompagner dans quelques jours, s’il fait un temps passable, pour te faire une petite visite de deux jours au plus. Pour moi, ma chère amie, je t’attendrai aussi raisonnablement que je le pourrai, pensant à toi à chaque instant du jour. Je suis absolument comme la bonne Mme Faure qui voudrait une lettre de sa fille tous les deux jours. Je ne puis me plaindre de ton exactitude ; tu as malheureusement beaucoup trop de correspondances à entretenir, et peut-être aussi ta santé ne te permet-elle pas encore de te lever assez matin pour avoir beaucoup de temps devant toi. Tu gardes le silence dans tes deux dernières lettres sur tes maux de dent ; pourquoi crains-tu de m’en parler ? Je devine que c’est toujours la même chose.. Tu me dis qu’on te trouve moins maigre ; hélas, je n’en crois rien, car au contraire on m’a dit que tu l’étais peut-être encore plus qu’avant mon départ. Au moins que tu sois toujours aussi contente et heureuse que tu le dis ; pour moi, ma chère amie, c’est maintenant toute mon ambition. Ainsi dis-moi bien franchement si ton mari est content de toi, si tu cherches à lui plaire en étudiant ses goûts, en travaillant même pour lui, quoique tu n’en ais guère le temps ou la force. Enfin figure-toi que je veux tout savoir qu’autant que possible ; je te prie en écrivant de choisir du papier un peu plus grand que le dernier, qui te laisse assez de marge pour me donner de longs détails sur nos connaissances ; tu ne m’as encore rien dit de la famille. Fanny Vallet va-t-elle te voir quelquefois ? Octavie est-elle invitée au bal que Mme St Maurice donne à sa cousine ? L’as tu vue depuis nous ? Mme Laroche attendait son fils cette nuit, n’étant pas arrivé je pense que Mr Dubois l’aura prié à cette fête. C’est pourquoi il est peut-être resté jusqu’à lundi. Mr Desplagne sort d’ici et sera porteur de ma lettre ; sa femme lui a donné aujourd’hui de ses nouvelles et des tiennes. Allons, il paraît que tu as le courage de visiter, c’est bonne marque ; pour moi, j’ai de la peine à me bouger. Cependant je vais aller chez Mme Sabine voir sa mère qui est malade ; son père est reparti, elle suivra son mari la semaine prochaine, emmenant avec elle les deux cadets de sa fille qui l’accompagne jusqu’à Lyon pour faire des emplettes de ménage pour la verrerie où elle va s’établir avec toute sa famille tout l’été. Encore un nouveau vide pour nous, la Côte est chaque jour plus maussade ; les derniers jours gras chacun les a passés presque au coin de son feu. Louise [Veyron] cependant était ici ; nous dinâmes avec elle dimanche chez sa tante. Elle devait retourner ce lundi à Pointières, puis leur famille de St Etienne étant venue elles sejournèrent un jour de plus, se battirent les flancs pour s’amuser lundi et furent en déguisement demander le soir un pontche [?] à Mme Edouard qui s’arrondit tous les jours plus. Mais sa santé est très bonne, ainsi elle compte partir lundi pour Vienne où elle va un peu je pense renouveler sa garderobe ; elle est au reste d’une raison inimitable pour son âge. Mme Pion, femme du médecin, est depuis ton départ toujours au lit ; elle a une maladie dans le genre de Mme Charon. Adèle te dira sans doute qu’elle a heureusement Mme Sophie Gautier qui passera ici le Carême, ce qui me fait grand plaisir car cette jeune personne est charmante et paraît fort heureuse d’avoir ici ta sœur ; elles comptent se voir chaque jour. Louise devait aussi partir pour Grenoble aujourd’hui ; mais les tantes de Rives ayant annoncé leur arrivée ces dames ne peuvent moins faire que de renvoyer de quelques jours, ce qui contrarie, mais hélas dans ce monde on ne rencontre que cela. J’ai obtenu de ta sœur qu’elle écrivit à ta place à notre bonne Nancy ; j’ai eu un peu de peine à vaincre sa timidité, enfin c’est fait depuis deux jours, et aujourd’hui j’ai reçu d’elle une longue lettre assez triste, entourée dans sa solitude de malades et ayant beaucoup d’inquiétude sur la santé de son frère Félix. Pour le mien [Félix Marmion] je ne puis comprendre pourquoi il ne nous donne pas signe de vie ni aux unes ni aux autres ; cela m’inquiète beaucoup, je m’attends encore à quelque chose de vexant ; dis-moi bien vite s’il ne t‘a point écrit et ne manque pas dès qu’il viendra un beau jour d’aller voir le pauvre père [Nicolas Marmion]. Je ne te dis rien du petit [Prosper Berlioz ?], il est toujours pénible, mais au moins ton père est débarassé d’être son répétiteur ; il vient ici deux fois par jours un jeune homme du collège mais qui ne pourra lui plaire dés qu’il ne fera pas toutes ses volontés. Que ton père l’a donc gâté et le gâte encore ! C’est à faire trembler pour les suites ; je ne puis te dire tout le chagrin qu’il me donne. Adieu, espérons des temps plus heureux. Mais je suis contrariée de finir mon bavardage avec des pensées aussi tristes ; c’est pourquoi, ma chère enfant, réjouis-moi bien vite en me parlant de tes plaisirs, et surtout de ton bonheur qui sera partagé par ta mère et ton amie, qui te prie d’embrasser bien tendrement pour elle ton mari qu’il me tarde aussi beaucoup de voir ici. Enfin n’oublie pas aussi de me rappeller au souvenir de ta mère et de toutes les personnes qui te parlent de moi et qui sont mes amies ; j’aime à croire que j’en ai encore dans cette bonne ville de Grenoble. Adieu, adieu.
Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997; pages Lettres de la famille du compositeur créées le 11 décembre 2014, mises à jour le 1er avril 2015. Révision le 1er décembre 2023.
© Musée Hector-Berlioz pour le texte et les images des lettres
© Michel Austin et Monir Tayeb pour le commentaire et la présentation
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