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Le déménagement de Berlioz du 27 rue de Harlay au 58 rue de la Harpe est attesté pour le première fois dans une lettre datée du 10 septembre 1826 (CG no. 64, avec cachet postal du 11 septembre), et une autre lettre, sans date mais dans le même contexte, donne cette précision: ‘Je viens de changer de logement, je demeure rue de la Harpe, numéro 58, Hôtel de Bourges. Charbonnel est mon voisin, nous sommes porte à porte’ (CG no. 63). Le déménagement aura eu lieu au début de septembre 1826. L’adresse est attestée pour la dernière fois dans une lettre datée du 29 novembre 1827 (CG no. 77 [texte complet dans le tome VIII]), mais le séjour de Berlioz se prolonge pendant encore quelques mois jusqu’à vers avril 1828 quand il ira s’installer pour la première fois sur la rive droite, au 96 rue de Richelieu.
Le chapitre 12 des Mémoires évoque l’emménagement avec Charbonnel à la rue de la Harpe et l’existence qu’il partage avec lui (une version de ce chapitre avait déjà paru dans Le Monde Illustré en décembre 1858). Après avoir longuement raconté son succès au concours pour une place de choriste au Théâtre des Nouveautés, Berlioz poursuit:
Je venais à peine de remporter cette grande victoire, qu’il me tomba du ciel deux nouveaux élèves et que je fis la rencontre d’un étudiant en pharmacie, mon compatriote, Antoine Charbonnel. Il allait s’installer dans le quartier Latin pour y suivre les cours de chimie et voulait, comme moi, se livrer à d’héroïques économies. Nous n’eûmes pas plutôt fait l’un et l’autre le compte de notre fortune que, parodiant le mot de Walter dans la Vie d’un joueur, nous nous écriâmes presque simultanément : « Ah ! tu n’as pas d’argent ! Eh bien, mon cher, il faut nous associer ! » Nous louâmes deux petites chambres dans la rue de la Harpe. Antoine, qui avait l’habitude de manipuler fourneaux et cornues, s’établit notre cuisinier en chef, et fit de moi un simple marmiton. Tous les matins nous allions au marché acheter nos provisions, qu’à la grande confusion de mon camarade, j’apportais bravement au logis sous mon bras, sans prendre la peine d’en dérober la vue aux passants. […]
Nous vécûmes ainsi comme des princes... émigrés, pour trente francs chacun par mois. Depuis mon arrivée à Paris, je n’avais pas encore joui d’une pareille aisance. Je me passai plusieurs coûteuses fantaisies ; j’achetai un piano ... et quel piano ! je décorai ma chambre des portraits proprement encadrés des dieux de la musique, je me donnai le poëme des Amours des Anges, de Moore. […]
On remarquera que le récit de Berlioz simplifie ici le cours des évènements. Il ressort de la lettre mentionnée ci-dessus (CG no. 63) que Berlioz s’était déjà installé rue de la Harpe avec Charbonnel avant d’avoir accepté sa nomination comme choriste au Théâtre des Nouveautés; de toute façon le théâtre n’ouvrira ses portes que le 1er mars 1827 après plusieurs ajournements.
C’est pendant son séjour à la rue de la Harpe que Berlioz termine son opéra Les Francs-Juges en composant l’ouverture (CG nos. 63-65, 70).
Dans sa forme actuelle, la rue de la Harpe part en diagonale de l’intersection du Boulevard Saint-Michel et du Boulevard Saint-Germain, en direction du Quai Saint-Michel. Mais le Boulevard Saint-Michel et le Boulevard Saint-Germain n’existaient pas dans les années 1820, et la rue de la Harpe était plus longue que maintenant. De 1826 à 1828 Berlioz habite au no. 58 avec Antoine Charbonnel, un ami de La Côte Saint-André. Il n’existe pas à l’heure actuelle de no. 58 dans ce qui reste de la rue de la Harpe (photo ci-dessous), qui a dû être renumérotée. Le no. 58 de Berlioz aurait pu se trouver à l’emplacement du Boulevard Saint-Michel, en face des thermes de Cluny (renseignement communiqué par M. Ludart).
La photo moderne reproduite sur cette page a été prise par Michel Austin; la gravure vient de notre collection. © Monir Tayeb et Michel Austin. Tous droits de reproduction réservés.
Cette gravure fut publiée dans L’Illustration à l’époque des démolitions dans la rue de la Harpe; cet exemplaire vient de notre collection. On lit sur le sous-titre: “Démolition, travaux de terrassement et de nivellement dans la rue de la Harpe, pour percement du boulevard de Sébastopol (rive gauche)”. Le Boulevard Saint-Michel, ouvert en 1855, ne reçut son nom actuel qu’en 1867 et s’appelait avant Boulevard de Sébastopol (rive gauche) pour le distinguer du Boulevard de Sébastopol sur la rive droite. Ce dernier, ouvert également en 1855, d’abord sous le nom de Boulevard du Centre, fut bien vite rebaptisé Boulevard de Sébastopol pour commémorer la victoire dans la Guerre de Crimée.
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