Le Monde Illustré

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LES TROYENS

OPÉRA D’HECTOR BERLIOZ

LE DÉCOR DU 5e ACTE. — LE BÛCHER.

Le Monde Illustré, 14 novembre 1863, p. 310

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    À l’occasion des premières représentations des Troyens au Théâtre-Lyrique en novembre 1863, Berlioz écrit à sa nièce Joséphine Suat le 15 novembre (CG no. 2796): ‘J’ai là près de trente journaux qui tous (sauf trois chiens aboyeurs qui m’accablent d’injures) portent aux nues l’œuvre et l’auteur. Il y en a qui contiennent deux articles l’un pour et l’autre contre (voir le Monde illustré)’. Berlioz fait allusion ici aux deux articles du Monde Illustré reproduits sur ce site, l’un (critique) par Albert de Lasalle sur les trois premiers actes (sur une page séparée) et l’autre (élogieux) par Charles Yriarte sur le cinquième acte, qu’on trouvera transcrit ci-dessous. Ces deux comptes-rendus et les images qui les accompagnent parurent dans le numéro du 14 novembre 1863 du Monde Illustré, dont un exemplaire est dans notre collection. En règle générale nous avons reproduit le texte original tel quel, sauf correction d’évidentes coquilles ou fautes d’orthographe.

    Les exécutions des Troyens en 1863 ne comprenaient pas les deux premiers actes; seuls les trois derniers furent représentés sous le titre Les Troyens à Carthage. Pour ces exécutions Berlioz fit précéder l’opéra d’une introduction déclamée par un rapsode vêtu en costume antique; son rôle était d’expliquer à l’auditoire l’histoire des deux premiers actes (La Prise de Troie). Soulignons pour l’intelligence de ces deux comptes-rendus que pour les exécutions de 1863 Berlioz divisa Les Troyens à Carthage en cinq actes, au lieu des trois de la version originale (CG no. 2733).

    L’enthousiasme de Charles Yriarte pour l’œuvre de Berlioz se passe de commentaire. Quant à son collègue Albert de Lasalle, les lecteurs pourront juger eux-mêmes de son niveau de compréhension de la musique de Berlioz. Ajoutons que dans un autre compte-rendu, concernant une exécution de l’Enfance du Christ en 1859, Albert de Lasalle avait fait preuve d’une plus grande mansuétude envers Berlioz.

    Sur la presse parisienne et les représentations des Troyens de novembre-décembre 1863, on consultera la page La première des Troyens en novembre 1863.

Première répresentation, au Théâtre Lyrique, de l’opéra les Troyens, d’Hector Berlioz. — 5e acte. La Mort de Didon

Les Troyens 5e acte

LES TROYENS

OPÉRA D’HECTOR BERLIOZ

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LE DECOR DU 5e ACTE. — LE BUCHER.

    Les Troyens ont été le grand événement de la semaine, celui qui a ranimé les ardentes discussions des Gluckistes et des Piccinistes et nous a fait sortir de la torpeur fatale où nous étions plongés depuis quelques temps.

    Singulières destinées que celles de l’auteur des Troyens ! On professe pour ses œuvres le fanatisme le plus ardent ou la plus vive répulsion, mais personne, j’entends ceux qui s’intéressent aux choses de l’art, ne reste indifférent en entendant une de ses œuvres symphoniques ou dramatiques.

    Voyez l’attitude de la critique à son égard, les uns saluent en M. Berlioz l’un des inifiniment rares musiciens susceptibles de faire grand, les autres n’ont même pas pour lui ces respectueuses réticences qu’on doit au compositeur qui a écrit l’Enfance du Christ et tant d’autres belles pages. L’un d’eux, heureusement peu écouté d’ordinaire, interprète avec irrévérence les clameurs classiques : Italiam ! Italiam ! qui sait même si, à quelques pages de nous, notre ami M. Albert de Lasalle, notre critique ordinaire, amoureux convancu des mélodistes, ne sera pas sévère pour l’œuvre nouvelle : mais, pour l’honneur du journalisme, à chacun la responsabilité de sa critique.

    On reproche amèrement à l’auteur des Troyens de distiller l’ennui, mais n’avons nous pas vu les mêmes spectateurs bâiller à la Vestale, à l’Orphée, à l’Alceste et dormir paisiblement à Oberon et à Euryanthe ?

    On ne discute pas une impression, celle que nous avons subie est immense. Qui croirait que ces grandes âmes de bronze ont des tendresses indicibles et des chastetés inconnues, comme celles qui se rélèvent dans le duo de Didon et d’Enée ! Nous regrettons de ne pouvoir laisser déborder ici notre enthousiasme, cet article est surtout destiné à expliquer la scène que nous avons reproduite, et le côté plastique de la pièce est le seul qui nous soit dévolu.

    Didon est abandonnée par le chef des Troyens, elle se laisse aller à un sombre désespoir qui s’exhale en un récitatif plein de trouble et de fureur, et ordonne aux prêtres de Pluton de faire dresser un bûcher, elle y monte et entrevoit, dans une sublime inspiration, le vengeur Annibal. Le mot ROME se détache en lettres lumineuses sur la toile de fond.

    La mise en scène de l’opéra des Troyens est splendide. M. Carvalho s’est montré digne des sympathies qui l’entourent, il a beaucoup fait pour l’art et a eu foi dans le génie du grand artiste.

    Madame Charton-Demeur est belle et touchante comme la Didon de l’Enée, elle a merveilleusement rendu cette figure épique. Quelle que soit l’amertume de certaines critiques, M. Berlioz saura que son œuvre a causé le plus grand enthousiasme dans les régions artistiques. Je n’en veux pour preuve que la spontanéité avec laquelle, à la troisième représentation, quelques artistes ont organisé une souscription au foyer du public pour lui offrir une couronne d’or.

CHARLES YRIARTE.

Voyez aussi sur ce site:

La première des Troyens en 1863
Le Théâtre-Lyrique Impérial

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