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J’ai lu avec beaucoup d’émotion cet article et les souvenirs de cette soirée que j’ai eu la chance de voir, alors jeune adolescent de 14 ans, ont ressurgi en masse. Roméo est pour moi l’une des partitions les plus achevées que Berlioz ait écrite. Annonciatrice à près de 150 ans de distance de la musique contemporaine et comme le faisait très justement remarquer Léonard Bernstein lors d’une répétition de cette œuvre avec l’orchestre des jeunes du Festival Schlewsig Holstein en 1990, la scène du jardin préfigure dans sa construction musicale déjà les structures dodécaphoniques. De même au début de l’œuvre en écoutant bien on voit où Wagner trouva l’inspiration du motif du Prélude et mort d’Isolde de son Tristan.
Mais plus que tout ici, j’ai retrouvé tout en écoutant une excellente interprétation sur youtube toute l’émotion de cette soirée. Ce que ne dit pas de façon précise l’article c’est la magie de la fameuse scène de la reine Mab. Les deux interprètes de Roméo et Juliette étaient alors étendus sur le plateau intermédiaire de la scène et soudain comme par magie on eut l’impression de voir leurs corps se dédoubler tandis que leurs “esprits” apparaissaient derrière eux se relevant depuis une position semblable. Je trouve un peu dure l’allusion aux folies bergères pour certains aspects du spectacle d’une rare poésie et en même temps féérique. L’allusion aux Indes Galantes mis en scène par Maurice Lehmann à la même époque est bien sévère; que dirait l’auteur s’il avait vu l’horreur montée à l’Opéra Garnier il y a peu d’années que seule la direction magistrale de William Christie sauvait et donnait envie de rester dans la salle. On était loin des décors de Wakevitch, Carzou, Chapelin Midy entre autres.
De même pour Roméo on était bien loin de la caricature de ballet que l’Opéra de Paris a donné récemment sur cette même œuvre. Une fois de plus est démontré par cette représentation de 1955 la différence de façon d’entrevoir un spectacle au service tant du spectateur que du compositeur de l’œuvre. Pas de relecture soit disant intellectuelle, et surtout Skibine et Cuevas et Leonor Fini ont servi Berlioz et ne ce sont pas servis DE Berlioz à des fins personnelles comme tant de metteurs en scène et chorégraphes aujourd’hui le font oubliant simplement qu’ils ne pourraient pas créer si le compositeur il y a plus d’un siècle et demi n’avait eu le génie pour mettre en musique l’un des plus célèbres ouvrages dramatiques de l’histoire du théâtre.
Je viens de retrouver par hasard sur un site le programme de la soirée que je viens d’acquérir et qui apportera encore un surplus d’émotion à ces souvenirs vieux de près de 60 ans!
J’ai 56 ans, et je suis amoureux de Berlioz depuis l’âge de 13 ou 14 ans… Je ne vais pas vous raconter pourquoi, sur votre site même, d’autres l’ont fait, et mieux que moi, et, au fond, pour les mêmes raisons… Il y aurait redondance ! Je l’aime, c’est tout !
A ce propos, le chef-d’œuvre de ses chefs-d’œuvre, pour moi ? les Troyens !
Mais je crois bien que sur votre site, personne n’a parlé de ce véritable miracle que nous avons tous connu pourtant, je veux parler de la re-découverte de la Messe Solennelle qu’on croyait perdue…
Découverte que j’ai apprise, totalement incrédule, en 1993 je crois, par mon plus jeune fils, qui avait alors 8 ou 9 ans, et qui avait lu cela dans un petit journal scolaire distribué dans son école, le « Journal des Enfants » si j’ai bonne mémoire !
Comment vous dire l’émotion de la révélation de cette musique qui avait dormi pendant plus d’un siècle dans un sombre placard ! (et comment exprimer toute la gratitude qu’on doit à ce fureteur de Frans Moors !) Mais je ne le dirai pas, tout amoureux de Berlioz comprendra !
Il y avait là-dedans, en germe… la Symphonie Fantastique, le Requiem, Benvenuto, le Te Deum… tout le Génie de Berlioz !
Et c’est en l’écoutant cet après-midi, que j’ai envie de partager avec vous ce moment de bonheur.
Michel Verjus
Chindrieux, France
le 15 mars 2008
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Voyez aussi sur ce site: La découverte de la ‘Messe Solennelle’ de Berlioz par Werner Gladines.
Mon nom est Camille, j’ai dix-sept ans, je suis plutôt pianiste, musicienne plus qu’il ne le faut, et follement amoureuse de Hector Berlioz. La coïncidence anachronique est cruelle.
Comme pour plusieurs, tout a commencé avec la Fantastique, le seul disque du génie dans la discothèque de mon père. Frappée, j’ai acheté le conducteur. Pendant quelques semaines, je l’avais toujours avec moi, j’écoutais la symphonie deux fois par jour, ses mélodies me poursuivaient sans cesse, je les retrouvais partout. J’avais quinze ans. Ce fut le début d’un long crescendo, alternant découvertes littéraires et musicales ; Le Chef d’Orchestre, les ouvertures, Les Soirées de l’Orchestre, Harold en Italie, le Traité, Roméo et Juliette, les Mémoires, la Damnation de Faust, À travers Chants, les opéras, les Grotesques, les Nuits d’Été et mélodies, la correspondance, et tout le reste... Sans compter les lectures et écoutes qu’il ma chaudement recommandées ; Gluck, Spontini, Racine, Shakespeare, Homère, Goethe surtout.
Je vois ici les témoignages de plusieurs de ses fans inconditionnels. Pour la plupart, vous avez découvert l’« esprit Berliozien » déjà adultes ; vous en êtes restés marqués. Pouvez-vous imaginer ce que c’est quand vous explorez toutes les facettes d’un tel œuvre, d’un tel personnage avant d’avoir entamé votre vie ou forgé votre identité? Il est pour moi l’artiste absolu, prêt à tout pour défendre la qualité, la vérité et l’intégrité de son art ; j’ai moulé mon âme dans la sienne. N’est-ce pas fou ? Oui, mais pas plus que lui ; il l’aurait fait à ma place. Rechercher et trouver cette sensibilité maladive donne à la vie des couleurs insoupçonnées. Je perçois la modernité avec ma pensée rêveuse et anachronique. Le Streben dont j’ai hérité par mon idolâtrie m’élève au-dessus de la déshumanisation du XXIe siècle.
Vous me direz que de là à être vraiment amoureuse, il y a une marge. Je vous répondrai par une question : vous souvenez-vous de ce que sont les rêves des adolescents ?
Peut-être que ça se soigne, ou que ça se tasse avec l’âge. Ce serait dommage ! N’est ce pas qu’aucun homme aujourd’hui n’arrive à la cheville du grand Hector ?
Camille Rondeau
Cette passion a débuté il y a quinze ans exactement. Adolescente, je connaissais la Fantastique comme tout le monde mais je n’avais jamais pensé à pousser plus loin. Mais en 1990, je me suis soudainement retrouvée seule et désemparée alors je me suis souvenue de Berlioz. J’ai donc passé chez le disquaire et me suis informée des disponibilités. L’employé m’a alors répondu « vous savez il n’a pas composé beaucoup et c’est surtout de la musique vocale ».
À l’époque je n’aimais pas du tout la musique vocale et je me suis dit que Berlioz manquait d’inspiration mais j’ai tout de même demandé s’il n’avait pas composé une autre symphonie. J’ai donc acheté Harold en Italie que j’ai assez aimé pour vouloir expérimenter une œuvre vocale. Ce donc fut La Damnation de Faust que j’ai tout simplement adoré et qui m’a prise pour la vie. J’ai lu les Mémoires, j’ai tellement aimé sa force de caractère et son sens de l’humour, que j’ai acheté toutes ses œuvres endisquées ainsi que ces écrits donc sa correspondance.
Je peux dire qu’il est un grand écrivain comme il est un grand compositeur. Je dois ici rendre hommage à Maestro Charles Dutoit qui a fait beaucoup pour Berlioz à Montréal. La morale de tout çà, on devrait peut-être faire attention aux commentaires afin de ne pas rebuter les clients à vouloir expérimenter l’œuvre d’un compositeur. Je termine en disant qu’on devrait arrêter de le dénigrer et le prendre comme il est.
Thérèse Bédard
Montréal, Québec, Canada
Ma prédilection pour la musique de Berlioz a peut-être quelque chose de commun avec celle de Berlioz lui-même pour la musique de Gluck, Beethoven, Weber, Spontini. Un peu exclusive, motivée bien sûr par un amour réel pour la musique en question, sans être pour autant tout à fait exempte de parti pris.
Eh oui, parti pris. Comment s’expliquer l’enthousiasme extrême de Berlioz pour Spontini, pour ne considérer que le cas le plus surprenant pour nous, si ce n’est en raison d’un mécanisme comparable à celui qui le faisait tomber amoureux de Harriet Smithson, à savoir celui de la projection de ses propres idéaux sur (la musique d’) autrui ?
Je ne sais pas si je lui rends entièrement justice en disant cela, mais en ce qui me concerne, bien que je sois certain que j’aime la musique de Berlioz pour ce qu’elle est, je ne suis pas moins convaincu du fait que ce sont certaines circonstances extérieures qui m’ont permis de la pénétrer.
C’est au lycée qu’ont été créées les premières conditions pour ma passion. Je risquais de ne pas obtenir mon diplôme à cause d’un seul sujet que j’avais choisi sans qu’il m’intéresse beaucoup : le français. Les examens approchaient, il fallait quand-même faire un effort. Pendant les semaines que je passais à apprendre des mots français, à lire des textes français, à écouter la radio française, cette langue commençait à me plaire, jusqu’au point où je devenais presque francophile, tout comme je suis devenu Berliozien par la suite.
Après l’école je ne savais pas très bien ce que je voulais faire, et j’ai commencé par faire des études de français à l’université. Ça n’a pas duré bien longtemps (ce dont le lecteur s’apercevra), parce que je suis entré dans un orchestre d’étudiants universitaires (je jouais de la flûte), ce qui s’est avéré décisif pour ma carrière: j’allais devenir musicien.
C’est de cette époque-là que date ma première rencontre avec la musique de Berlioz. Je m’intéressais toujours à tout ce qui se rattachait à la France, et par conséquent à la musique française. Je découvre un disque de la Symphonie fantastique chez mes parents, exécuté par le Residentie Orkest de La Haye, et me voilà mordu. Au début, j’étais plutôt intrigué, mais après quelques écoutes je commençais à me passionner.
C’était l’époque de la percée du disque compact, et bien que je n’eusse pas encore de lecteur, je suis allé au magasin acheter mon premier CD. Je voulais tout simplement posséder cette symphonie sur ce nouveau médium merveilleux. J’ai choisi la version Dutoit, qui, quand j’ai pu enfin l’écouter, m’a déçu énormément, tellement je la trouvais sage, comparé au disque auquel je m’étais accoutumé. Si ça avait été ma première rencontre, je ne sais pas si j’aurais réagi de la même façon à la musique de Berlioz...
Voilà donc une des conditions qui m’ont pour ainsi dire préparé à ma passion pour Berlioz. Il y en a eu d’autres. Ici encore je pense à Berlioz, qui lui-même n’aurait peut-être pas été un admirateur si fervent de Gluck s’il n’avait pas été préparé, inspiré, par la lecture de sa biographie dans sa maison natale à La Côte-Saint-André.
En même temps, il est évident que ça devait être Berlioz pour moi, et non Debussy, Ravel, Rameau ou Messiaen (pour nommer quelques autres grands compositeurs français) comme ça devait être Gluck pour Berlioz, qui avait lu les biographies de plusieurs maîtres.
Ce qui m’attire, dans la musique de Berlioz, ce sont l’instrumentation, le rythme, l’inventivité, etc., mais surtout le caractère très particulier et personnel, que je trouve si difficile à décrire, même dans ma propre langue, et je ne vais pas m’y risquer ici. C’est sans doute une question de parenté d’esprit. C’est encore quelque chose qui se rencontre dans l’attitude de Berlioz envers ces idoles : il les regardait presque comme les siens. Bien que moi je manque évidemment le génie, j’ai l’impression que je comprends très bien cette musique. De toute façon je pense que c’est inutile d’essayer de convaincre qui que ce soit des qualités qui s’y trouvent, et donc je m’en suis toujours abstenu. Pour pouvoir aimer Berlioz, il faut peut-être une certaine "organisation" spécifique, pour employer un de ses mots favoris, et à mon sens beaucoup plus que pour Mozart par exemple. Ceux qui possèdent cette organisation n’ont pas besoin d’être convaincus. Pourvu qu’on la joue, cette musique !
Je ne saurais dire laquelle des dix grandes œuvres (la Symphonie fantastique, Harold en Italie, Benvenuto Cellini, le Requiem, Roméo et Juliette, La Damnation de Faust, le Te Deum, L’Enfance du Christ, Les Troyens, Béatrice et Bénédict) j’aime le plus, pour ne pas parler des Nuits d’été, des ouvertures, du premier mouvement de la Symphonie funèbre et triomphale... Je suis comme une mère qui aime autant tous ses enfants. C’est l’inverse de Berlioz qui s’impatientait des gens qui détestent un compositeur donné, et qui, quand on leur jouerait l’accord parfait de ut majeur, en ajoutant que c’est écrit par lui, s’écrieraient que c’est détestable. Moi, quand j’entends une pièce de Berlioz, pour le moins ça m’intéresse.
Ce n’est pas que je dirai que Berlioz est le plus grand des compositeurs de tous temps. Pour moi, il y a des faiblesses dans sa musique. De plus, les opéras de Benvenuto Cellini et Béatrice et Bénédict, quelles que soient leurs beautés, posent des problèmes pour les bien mettre en scène. D’autre part, je ne suis pas de ceux qui voudraient critiquer les formes qu’il a utilisées pour ses grandes partitions. Je viens d’exécuter avec mon orchestre la magnifique septième symphonie de Bruckner (dont le deuxième thème du quatrième mouvement me rappelle d’ailleurs un peu la Marche des pèlerins dans Harold en Italie). J’avoue que Berlioz n’était pas capable de pareilles conceptions. Mais c’est plutôt une question de tempérament (et d’époque) que de qualité.
Enfin, pour revenir au sujet déjà traité plus haut : que je suis fortuné de comprendre le français ! Ça me fait tellement plaisir de pouvoir lire les livrets de Berlioz sans difficulté, c’est pour moi tout à fait essentiel. Puis ça me permet de lire les écrits de Berlioz dans la langue originale, et c’est encore une grande jouissance. Aujourd’hui je n’écoute plus que rarement sa musique, parce que pendant des années je l’écoutais si souvent que j’ai peur de me blaser ; mais depuis que j’ai connu ses Mémoires, je me suis passionné pour ses écrits autant que pour sa musique. En général, si je m’intéresse à quelque chose, je veux en savoir plus, m’occuper de façons différentes de mon sujet.
Quel mine inépuisable que les écrits de Berlioz ! Grâce à cela je suis certain que je ne vais pas m’ennuyer de si tôt.
Pepijn van Doesburg
Utrecht (Holland)
Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997; cette page créée le 24 juin 2000. Dernière mise à jour le 1er janvier 2023.
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