pièce en 3 actes
par
© Olivier Teitgen. Tous droits de reproduction réservés.
Scène 1
Scène 2
Scène 3
Scène dernière
BERLIOZ, dans le vague
Elle s’appelait Estelle....
WAGNER
C’est joli, ça, Estelle...
BERLIOZ
Oui très joli…... Elle avait dix-huit ans, une taille élégante et élevée, de grands yeux armés en guerre mais toujours souriants...
WAGNER
Et toi, tu avais quel âge ?
BERLIOZ
Treize ans.
WAGNER
Treize ans ! Et quand je dis que tu es sans cesse tourné vers ton passé, tu te vexes...
BERLIOZ, las
Laisse donc, c’est comme ça...
WAGNER
Elle était donc belle ?
BERLIOZ
Belle ? Elle était magnifique, une chevelure digne d’orner le casque d’Achille, des pieds, je ne dirai pas d’andalouse, mais de parisienne, et des brodequins roses... je n’en avais jamais vu...
Wagner rit.
Ça te fait rire ?
WAGNER
Les brodequins...
BERLIOZ
Eh bien quoi, les brodequins... (Un temps). C’est étrange : je me souviens bien de la couleur de ses brodequins, mais pas de ses cheveux.
WAGNER
On peut avoir un coup de foudre à treize ans ?
BERLIOZ
Pourquoi pas, Marguerite en avait quatorze, Juliette pas beaucoup plus.
WAGNER, narquois
On sait comment ça c’est terminé. Et tu l’as aimée, comme ça, tout de suite ?
BERLIOZ
Tout de suite. Le vertige m’avait pris. Je n’espérais rien... je ne savais rien (le regard ailleurs, il déclame)
Je la vis, je rougis, je pâlis à sa vue
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler
Je sentis tout mon corps et transir et brûler
WAGNER
Toi et ta littérature ! C’est toi qui aimes, ou c’est Roméo, Faust, ou je ne sais qui ?
BERLIOZ
Moi et ma littérature ! Et toi avec ta philosophie ?
WAGNER, précis
Tu l’aimais, ou pas ?
BERLIOZ
Bien sûr que je l’aimais ! Mais j’éprouvai en même temps une douleur horrible. Je passais des nuits entières à me désoler. Je me cachais le jour dans les champs de maïs, dans les réduits secrets du verger de mon grand-père, comme un oiseau blessé, muet et souffrant.
WAGNER
Pourquoi, souffrant ?
BERLIOZ
Parce que j’étais jaloux ! Chaque mot adressé par un homme à mon idole me torturait. J’entends encore en frémissant le bruit des éperons de mon oncle quand il dansait avec elle !
WAGNER
C’est beau un amour qui souffre en silence, en secret...
BERLIOZ
Il n’a pas duré longtemps, le secret. Tout le monde, à la maison et dans le voisinage s’amusait de ce pauvre enfant de treize ans, brisé par un amour au-dessus de ses forces. Elle-même se moquait de moi…..
WAGNER
Toutes les mêmes...
BERLIOZ
Oui, Cosi fan tutte (Il se sert un verre). Je ne l’ai jamais oubliée. Pire je l’aime toujours.
WAGNER
Toujours ? Après Harriet, Marie...
BERLIOZ
Rien n’efface un premier amour. J’avais treize ans quand je cessais de la voir. J’en avais trente quand, en revenant d’ Italie, mes yeux se voilèrent, en apercevant de loin le Saint-Eynard, la petite maison blanche, et la vieille tour ... Je l’aimais encore.
WAGNER
Werther, va !
BERLIOZ
J’ai appris qu’elle s’était mariée et tout ce qui s’ensuit. Pour moi, elle avait disparu…
WAGNER
C’est peut-être ce jour-là que ta Symphonie Fantastique est née.
BERLIOZ
La Fantastique, je ne sais pas. L’idée fixe, certainement. Elle est toujours là.
WAGNER
Encore maintenant ?
BERLIOZ
À jamais. Il y a sept ans, je suis retourné à la Côte pour la mort de mon père. Après les funérailles, je cherchai partout à retrouver sa maison. Je voyais encore dans mes souvenirs le vrai chemin... Malgré cela, je tourne en rond, je m’égare dans les champs, quand enfin je revois la vieille tour. Ici nous nous sommes assis mon père et moi. Là, Estelle a dû venir... j’occupe peut-être la place qu’elle occupa... voyons maintenant... je me retourne et mon regard saisit le tableau tout entier... La maison sacrée, le jardin, les arbres et plus bas la vallée, l’Isère qui serpente, au loin les Alpes, la neige, les glaciers, tout ce qu’elle a vu, tout ce qu’elle a admiré. J’aspire cet air bleu qu’elle a respiré. Ah ! (Il crie).
WAGNER, vaguement inquiet
Hector !
BERLIOZ, avisant les fleurs sur la table
Ce buisson ! C’est sur ce buisson de ronces qu’elle s’est penchée pour cueillir des mûres sauvages. Ah là-bas, sur ce terre-plein, se trouvait une roche où se posèrent ses beaux pieds, où je la vis debout, superbe, contemplant la vallée. Ce jour là, je m’étais dit : « Quand je serai grand, quand je serai devenu un compositeur célèbre, j’écrirai un opéra qui s’appellera Estelle, je lui dédierai... J’en apporterai la partition sur cette roche , et elle la trouvera un matin, en venant admirer le lever de soleil. »
WAGNER
Mais elle ne l’a jamais trouvé...
BERLIOZ
Non, jamais. Le temps efface tout.
WAGNER
Tu te fais mal...
BERLIOZ
Oh non ! Je ne souffre plus maintenant... Je n’ai plus besoin de comprimer mon cœur... Il semble ne plus battre... Je redeviens mort... et partout un doux soleil, la solitude et le silence... La fin du drame.
WAGNER
Le drame, c’est que tu ne t’es jamais réveillé de ton adolescence. (Un temps) Estelle, Ophélie, tu les a créées dans ta tête et toute ta tendresse s’est développée dans ton esprit. C’est peut-être ça qui te manque, finalement : Une vraie intimité.
BERLIOZ
Elle nous manque à tous. L’esprit répugne à se fondre avec le cœur. Tu y es parvenu, toi, à cette intimité ?
WAGNER
Je ne sais pas... Il y a encore quelques années, je vivais dans une quasi-déchéance. J’ignorais absolument ce que c’est de jouir de la vie. Pour moi, cette jouissance de la vie, de l’amour n’était qu’affaire d’imagination et non d’expérience.
BERLIOZ
Tu ne vaux pas mieux que moi.
WAGNER
Oui, mais moi, ce n’était pas de l’imagination. J’avais carrément refoulé mon cœur dans mon cerveau, et je n’existais plus que comme artiste. Mais aujourd’hui, je commence à reprendre espoir. (Un temps) Une femme m’est apparue...
BERLIOZ
Elle s’appelle ?
WAGNER
Mathilde.
BERLIOZ
Mathilde…. Tu l’aimes ?
WAGNER
Hélas !
BERLIOZ
Oui, Hélas…. Je me demande si les hommes à qui il est donné de peindre l’amour sont faits pour le vivre.
WAGNER
Ce serait terrible. Être condamné à ne jamais le vivre et toujours le chanter.
BERLIOZ
C’est elle, ton Isolde ?
WAGNER
Peut-être, je ne sais pas. (Souriant) Je fais une ébauche...
BERLIOZ, souriant
Tu as déjà le thème principal. Mais enfin, la peinture de l’amour, tout de même, ce n’est pas l’amour.
WAGNER
C’est toi qui dis ça ! (Un temps) Justement, à propos de peinture, il y a peu ma nièce Johanna m’a envoyé mon portrait. (Un temps) Qu’avais-je à faire de ce cadeau ! Si elle savait la joie qu’elle aurait pu me donner en montrant simplement que nous nous aimons ! Mon seul besoin est l’amour. La gloire, les honneurs, aucune de ces choses ne me rassasie. La seule chose qui peut me réconcilier avec l’existence, c’est un signe... un signe que je suis aimé, même s’il vient d’un enfant.
BERLIOZ
C’est ce que Mozart a demandé toute sa vie... Tu n’as jamais eu d’enfants ?
WAGNER
Non. C’est l’une de mes grandes solitudes. Je me suis alors terriblement attaché à mes animaux domestiques. Malheureusement, ils sont morts. (Un sourire) Je revois mon perroquet en train de me siffler Lohengrin. Tu as des animaux ?
BERLIOZ
Non (souriant aussi). Mais j’ai un fils...
WAGNER
Tu as de la chance. C’est lui qui est à Sébastopol ?
BERLIOZ
Non il en est revenu, Dieu merci. Il est à Toulon maintenant. Quand cette terrible guerre sera terminée, je le reverrai. S’il ne repart pas dans quelque conflit...
WAGNER
Et à part lui, il te reste de la famille ?
BERLIOZ
Très peu. Il ne me reste que mon fils et ma sœur Adèle. J’ai perdu mes parents, ma sœur Nanci , mon frère Prosper... Et l’année dernière c’est Harriet qui est partie....
WAGNER
Tes parents n’ont jamais entendu ta musique ?
BERLIOZ
Eh non ! Ma mère s’était toujours opposée à ma carrière de musicien et elle est disparue pendant que je travaillais à Roméo. Mais je le regrette surtout pour mon père...
WAGNER
Il avait encouragé ta carrière ?
BERLIOZ
Au début, il s’y était fortement opposé. Mais ce n’était pas par ce préjugé idiot que nombre de gens de ma famille témoignaient envers le métier de musicien. Il craignait plutôt que son fils vienne grossir le fleuve des mauvais musiciens. Il voyait en moi un raté de plus. Il préférait me voir médecin, comme lui.
WAGNER
Les parents ne comprennent jamais que leur enfant est autre chose qu’une copie conforme, appelée à reproduire le même métier.
BERLIOZ
Tes parents n’aimaient pas la musique ?
WAGNER
Mes parents ? Mon père est mort quand j’avais un an.
BERLIOZ
Mes excuses, Richard. Je l’ignorais.
WAGNER
Ce n’est rien. Je ne l’ai jamais connu. J’ai été élevé par mon père adoptif, qui était acteur. Je ne l’ai pas beaucoup connu non plus car il est mort quand j’avais huit ans. Enfin, quand je dis mon père adoptif... Il s’entendait dit-on fort bien avec ma mère, et plus d’une fois je me suis demandé si...
BERLIOZ
Et en plus, il était acteur... Quel était le métier de ton vrai père ?
WAGNER
Greffier à la police.
BERLIOZ, souriant
Effectivement c’est troublant... Tu tiens plus de l’acteur que du policier.
WAGNER, vif
Je te serai reconnaissant de ne pas insulter ma mère.
BERLIOZ
Je m’en garderai bien.
WAGNER
Elle à cru en moi, elle. Elle prétendait même avoir passé une nuit blanche en rêvant au sort de Tannhaüser.
BERLIOZ
Elle est encore en vie ?
WAGNER
Non. Elle est morte en 48.
BERLIOZ
En 48?... C’est curieux, comme mon père...
WAGNER
Oh, je ne la voyais pas beaucoup. Elle trouvait que je m’étais marié trop jeune et elle n’aimait pas Minna. Et puis, quand j’ai eu l’étiquette de révolutionnaire, toute ma famille m’a tourné le dos. Plus de nouvelle de ma sœur Louise, ni de mon frère Albert... Et puis la mort du perroquet...
BERLIOZ
Ça c’est pire que tout...
WAGNER
Cela ne t’arrive jamais d’être saisi du dégoût de la vie ?
BERLIOZ
Parfois... Mais enfin, c’est le dégoût de ma vie, pas le dégoût de la vie.
WAGNER, pensif
Finalement c’est assez drôle...
BERLIOZ
Qu’est-ce qui est drôle ?
WAGNER
Je n’arrête pas de te traiter de français individualiste, mais je me rends compte que ça présente des avantages. Ça te permet de ne pas associer la tristesse de ta vie et la tristesse de la vie. C’est comme cela que tu t’en sors.
BERLIOZ
Parbleu c’est évident : Ma vie, ce n’est pas la vie.
WAGNER
Mais si ! Il n’y a pas d’un côté notre vie, et à côté celle des autres ! Notre souffrance n’est qu’une image de la souffrance universelle.
BERLIOZ
Tous les hommes souffrent de la même manière ?
WAGNER
Absolument.
BERLIOZ
Qu’est-ce qui les distingue alors ?
WAGNER
Peu de choses. Leur force d’illusion, leur rêve. En cela nous sommes peut-être uniques.
BERLIOZ
Leur spleen...
WAGNER
Non, justement pas. Le spleen c’est la souffrance....
BERLIOZ, vivement
Pas seulement. Tu ne connais pas cet état qui précède le spleen, quand le vide se fait autour de la poitrine palpitante et que le cœur, sous l’action d’une force irrésistible s’évapore et tend à se dissoudre ?
WAGNER, narquois
La digestion ?
BERLIOZ
Ça, c’est bassement mesquin.
WAGNER
Tu l’as cherché.
BERLIOZ
Je n’ai rien cherché du tout. De toute façon, je n’ai pas envie de me mettre en colère. La colère c’est bon pour les Allemands (mouvement de Wagner). Nous allons être sérieux deux minutes. Je voulais parler du mal de l’isolement.
WAGNER
Le mal de l’isolement ?
BERLIOZ
Cette impression d’être seul, d’être un corps cloué au sol et de ressentir en soi la grande vie !
WAGNER
La grande vie ?
BERLIOZ
Oui, l’amour, l’enthousiasme, les étreintes …! Et on ne peut rien faire ! Rien n’arrive ! C’est une souffrance terrible, un sentiment d’absence, d’isolement alors que la beauté est là, qu’on en est le témoin, mais qu’elle file entre nos mains ! On est peut-être le seul à l’avoir vue.
WAGNER
On n’est pas le seul.
BERLIOZ, avec force
Si. Le seul. Le vide se fait autour de la poitrine palpitante, la peau du corps devient douloureuse et brûlante. On est tenté de crier, d’appeler à mon aide mes amis, les indifférents mêmes, pour me consoler, pour se garder, se défendre, s’empêcher d’être détruit, pour retenir sa vie qui s’en va aux quatre points cardinaux.
WAGNER
Mais c’est un désir de mort.
BERLIOZ
Non, ce n’est pas un désir de mort, Richard. La pensée du suicide n’est même pas supportable. On ne veut pas mourir, loin de là, on veut vivre, on le veut absolument, on voudrait même donner à sa vie mille fois plus d’énergie ; c’est une aptitude prodigieuse au bonheur, qui s’exaspère de rester sans application.
WAGNER, en écho
Ce n’est finalement que l’expression d’une sensibilité démesurée.
BERLIOZ
Tu ne me comprends pas.
WAGNER
Je te comprends très bien. Cette sensibilité démesurée fait de nous des monstres.
BERLIOZ
Des monstres ?
WAGNER
Mais oui, des monstres. La nature n’arrête pas de former des monstres, chez lesquels un organe est développé avec exagération. Chez la plupart des hommes, le cerveau ne cherche que la satisfaction de ses besoins. Mais, dans le cas du génie, avec son cerveau excessif, et développé de manière anormale, les choses sont différentes. Pour un temps il peut arrêter d’être l’esclave de ses besoins, de cette volonté de vivre, de se nourrir, de se reproduire...
BERLIOZ
Et il devient artiste.
WAGNER
Pas tout de suite ! Puisqu’il est libre et qu’il a oublié ses intérêts personnels, il va en arriver à une contemplation passive du monde extérieur. Et, finalement, cette contemplation est esthétique. Donc tu as tout à fait raison : Il va devenir artiste.
BERLIOZ, finement
Poète, musicien et danseur, je parie.
WAGNER
La question n’est plus là. Ce qui est formidable, c’est que cette contemplation, quand elle s’empare des natures puissantes, va jusqu’à leur faire oublier les besoins primitifs de leur volonté. Leur vie n’est plus qu’une sympathie pour les choses extérieures.
BERLIOZ
Oui, mais cette sympathie, elle est voulue... L’homme n’agit que guidé par sa volonté.
WAGNER, bondit
Mais non ! C’est tout le contraire ! Cette sympathie est inspirée par les choses et par elles seules ! L’homme n’agit plus en fonction de son intérêt personnel.
BERLIOZ
Ça, c’est trop beau pour être vrai.
WAGNER
Tant que tu en douteras, tu ne seras pas arrivé au génie.
BERLIOZ
Eh bien tant pis, j’attendrai. Mais enfin, ton génie ne passe pas sa vie à contempler. Cette grande sensibilité qui est la sienne va tout de même se manifester d’une façon ou d’une autre. Que va lui inspirer le spectacle de ses contemporains ? Il va danser et claquer des mains ? Ou bien va-t-il pleurer ?
WAGNER
Je crois plutôt qu’il va pleurer, ou plutôt être pris de compassion pour la souffrance des hommes, c’est-à-dire la souffrance de la nature, cette nature horrible, qui se déchire, qui ne veut et ne cherche qu’elle !
BERLIOZ
Il faudrait savoir, tout de même. Il y a une heure, tu ne croyais qu’en la nature ...
WAGNER
Bien sûr que j’y crois ! Je n’ai pas le choix. Mais ce n’est pas parce que je crois en la nature que je l’aime !
BERLIOZ
Tu dois horriblement souffrir.
WAGNER
J’ai appris à dépasser la souffrance.
BERLIOZ
Je n’en crois rien.
WAGNER
Enfin, quand je te dis que j’ai appris... Disons que j’essaie.
BERLIOZ
Quelle est ta recette ?
WAGNER
Toi et ton vocabulaire ! Après la digestion, on passe aux recettes !
BERLIOZ
Calme-toi. J’apprendrai l’allemand pour la prochaine fois.
WAGNER
On n’apprend pas l’allemand à cinquante ans. Mais écoute bien : Quand on assiste au spectacle de cette nature qui ne crée la vie que pour la détruire et qui ne reproduit que de futurs cadavres, on en arrive non pas au suicide, mais à la négation complète de la volonté de vivre.
BERLIOZ
La négation de la volonté de vivre ?
WAGNER
Oui, c’est l’aspiration la plus puissante qui puisse être donnée à l’homme.
BERLIOZ
Elle n’est pas très gaie, ton aspiration.
WAGNER
Au contraire, elle conduit à une forme de bonheur.
BERLIOZ
La négation de la volonté de vivre, tout de même, ça ne ressemble pas précisément à ce qu’on apprend à l’église.
WAGNER
C’est l’église qui a tort.
BERLIOZ
Et comment il s’appelle ton Dieu à toi ?
WAGNER
Je n’en ai pas. Mais depuis peu, je m’intéresse aux brahmanes. Tu connais ?
BERLIOZ
Fort peu. Je me suis arrêté à Confucius.
WAGNER
Confucius vient après les brahmanes. Oh, ils ont dit aussi que le monde était une création de Dieu, mais ce qui les distingue de ton église, c’est qu’ils n’ont pas dit que cette création était un bienfait. Au contraire, la création de ce monde est le péché de Brahma. Et toute la souffrance du monde n’est en fait que l’expiation de ce péché.
BERLIOZ, soudain sérieux
Voilà qui est beau mais triste. Comment sort-on de cette souffrance, de ce péché ?
WAGNER
Je te l’ai dit. Il y a quelques saints qui professent la négation complète de la volonté de vivre. Ils s’absorbent exclusivement dans la sympathie pour tout ce qui souffre, et passent dans le Nirvana, c’est-à-dire le domaine du néant.
BERLIOZ
Le domaine du néant. Cela me fait l’effet d’un songe infini. L’homme est mortel tout de même !
WAGNER
Bien sûr. Un jour il meurt, mais pour renaître sous la forme d’un être auquel il a causé une souffrance quelconque. Il va ainsi mourir plusieurs fois et autant de fois renaître jusqu’à vivre une vie où il n’a fait souffrir personne.
BERLIOZ
Renaître sous la forme d’un être auquel on a causé une souffrance! Voilà qui est troublant ! Chérubini pourrait renaître sous mes traits !
WAGNER
Ou le contraire. D’ailleurs, cela s’applique aussi bien aux humains qu’aux animaux.
BERLIOZ
Aux animaux. C’est pour cela que tu ne veux pas manger de moules. As-tu peur de renaître sous la forme d’une moule ?
WAGNER
Ça ne m’intéresse guère.
BERLIOZ
Bien sûr, bien sûr... (songeur) voilà une belle doctrine....
WAGNER
Elle est si supérieure à ce fichu dogme chrétien-judaique, qui prétend que l’homme, dans le cours d’une rapide existence n’a qu’à se montrer bien docile envers l’église, pour être récompensé par une éternité de délices, tandis que celui qui dans cette vie éphémère, n’aura pas obéi à l’église en sera puni par des supplices également éternels ! Quelle stupidité !
BERLIOZ
Une stupidité qui a tout de même des millions de fidèles.
WAGNER
Parlons-en ! Le christianisme n’est qu’une branche affaiblie du bouddhisme, qui après l’expédition d’Alexandre le Grand dans les Indes, a fini par se répandre sur les côtes de la Méditerranée. Déjà l’esprit avait été bien déformé. Ensuite, il a fallu que les Juifs s’en mêlent pour le déformer encore plus.
BERLIOZ, las
Laisse les Juifs tranquilles !
WAGNER
De toute façon, cette vision ne pénétrera jamais le cœur des hommes. Seuls les saints ou les génies comprendront Schopenhauer, comprendront Brahma. Le reste de l’humanité restera soumise à cette volonté de vie et de reproduction, à cette nécessité de la nature.
BERLIOZ, lui versant un verre
Allons ! Elle n’a pas que du mauvais, cette nature.
WAGNER, buvant
Au fait oui. Tu ne bois rien ?
BERLIOZ
Ah non tiens, elle est vide (appelant) Prosper !
Rentre Sainton
SAINTON
On m’appelle ?
BERLIOZ, montrant la bouteille vide
Oui, je voulais te demander si...
WAGNER, le coupant
...si Sébastopol était tombée.
BERLIOZ
Sébastopol ?
SAINTON
C’est vraiment ça qui vous préoccupe ?
WAGNER
Hector est un passionné d’art militaire.
BERLIOZ
En aucun cas. (Montrant la bouteille vide) Je voulais juste te demander si...
SAINTON, qui ne l’a pas vu
Eh bien, Sébastopol, aux dernières nouvelles, tient encore. Nous sommes toujours en guerre.
BERLIOZ
Je me fiche de la guerre !
WAGNER
Quand les Français ont soif, le monde peut s’écrouler.
BERLIOZ
Il ne s’écroule pas tout seul. Il y a les Allemands pour cela.
SAINTON
Quand vous aurez fini de vous chamailler comme des collégiens...
BERLIOZ
Mais pas du tout, pas du tout.... Je m’intéresse beaucoup à la guerre. D’ailleurs à ce sujet, j’en ai une bonne : Connais-tu la différence entre Malbrought et les haricots ?
SAINTON
Malbrought et les haricots ?
WAGNER
Non, je ne vois pas.
BERLIOZ
Eh bien ! Malbrought s’en va-t-en guerre et les haricots s’en vont en pets ! (Sainton rit)
WAGNER
Je n’ai pas compris.
SAINTON
Ce n’est pas charitable de faire des calembours devant un étranger qui a bu.
BERLIOZ
Justement, il ne boit plus rien. La bouteille est vide.
SAINTON
Si ce n’est que ça ! (Il va chercher une bouteille). Alors, on s’en jette un dernier ?
BERLIOZ
Prosper, tu exagères...
WAGNER
Oui, on en a déjà une douzaine derrière la cravate.
BERLIOZ, sournois
Et pas n’importe quelle cravate ! Mode de Paris !
WAGNER
Hector, tu me..
BERLIOZ
C’est quoi cette bouteille ?
SAINTON
Du whisky.
BERLIOZ
C’est du bon ?
SAINTON
Je pense bien ! Un authentique whisky de grain des Highlands.
WAGNER, buvant
Il n’est pas mauvais, ce whisky.
BERLIOZ
Oui, mais tout de même... Sherry, brandy et whisky, ça fait un drôle de mélange.
WAGNER
Et encore, tu oublies le cidre des moules.
BERLIOZ
Enfin, cela vous regarde. Je tiens fort bien l’alcool.
WAGNER
Je n’ai moi non plus aucun problème.
SAINTON
Bien sûr, ce n’est pas trois verres qui vont nous... (il porte brusquement sa main à sa bouche et s’enfuit sous les rires de Wagner et Berlioz).
WAGNER
Il n’en peut plus !
BERLIOZ
Ces violonistes sont de petits joueurs.
WAGNER
Oui, c’est vrai. Ils ne tiennent pas le vin. Comme les flûtistes et les pianistes. Trop raffinés.
BERLIOZ
Les pianistes ? Pas tous. J’ai entendu jouer Liszt quand il était dans un état avancé. Pas une fausse note !
WAGNER
Franz est un cas. Mais ne t’avise pas de te mesurer à un trombone ou un cornet à piston.
BERLIOZ
Parbleu non, j’ai perdu d’avance. Mais il y a pire :
WAGNER
Qui donc ?
BERLIOZ
Les percussions. Ne défie jamais un timbalier !
WAGNER
Assez parlé. Levons nos verres.
BERLIOZ
Parbleu je veux bien. Mais à qui ?
WAGNER
Aux femmes, tiens….
BERLIOZ
À toutes ?
WAGNER
Celles que nous avons aimées. (Il lève son verre gravement). À ta santé, Minna !
BERLIOZ, même jeu
À ta santé, Harriet.
WAGNER
À ta santé, Jessie.
BERLIOZ
C’est qui celle-là ?
WAGNER
Une bordelaise qui m’a offert certaine cravate... N’en parlons plus, c’est fini.
BERLIOZ
À ta santé, Marie !
WAGNER
Je crois qu’on a fini.
BERLIOZ
Oui, mais la bouteille est encore à moitié pleine. Allons, il nous reste bien quelques maîtresses, quelques amours de jeunesse...
WAGNER
Oui, bien sûr. À ta santé Friederike, À ta santé, Thérèse !
BERLIOZ
À ta santé, Camille !
WAGNER
C’est qui cette Camille ?
BERLIOZ
La première...
WAGNER
Je croyais que la première s’appelait Estelle.
BERLIOZ
Non, tu mélanges tout. Estelle c’est mon éternel amour de jeunesse. Camille c’est la première avec qui je... Enfin tu vois...
WAGNER
Oui je vois.
BERLIOZ
C’était fort plaisant.
WAGNER
Je n’en doute pas.
BERLIOZ
Mais non, je veux dire que les circonstances étaient fort plaisantes. Camille était du dernier bien avec Hiller.
WAGNER
Hiller, Ferdinand Hiller ?
BERLIOZ
Tu le connais ?
WAGNER
Oui, très bien. Il m’a succédé à la tête de la Liedertafel, à Dresde.
BERLIOZ
Il était du dernier bien avec Camille Moke, une jeune et belle pianiste. Je les connaissais bien tous les deux et je n’étais pas insensible à la beauté de Camille. Ferdinand connaissait ma passion pour Harriet Smithson et un jour, il alla jusqu’à dire à Camille qu’il n’avait jamais vu une exaltation pareille à la mienne. Il ajouta même ces paroles malheureuses « Ah! Je ne serai jamais jaloux d’Hector , je suis bien sûr qu’il ne vous aimera jamais ! »
WAGNER
Le nigaud !
BERLIOZ
Exactement ce qu’il ne faut pas dire à une Parisienne ! Elle ne chercha plus qu’à lui donner un démenti !
WAGNER
Et ce qui devait arriver arriva.
BERLIOZ
Exactement.
WAGNER
Et c’était ?
BERLIOZ
Ninivite. Elle m’a mis au corps toutes les flammes et tous les diables de l’enfer.
WAGNER
Bravo ! Et Hiller, dans l’histoire ?
BERLIOZ
Il a versé quelques larmes, puis il a pris dignement et bravement son parti et il s’est retiré à Francfort en me souhaitant bien du plaisir. L’année suivante j’étais fiancé à Camille.
WAGNER
Mais tu ne l’as pas épousée.
BERLIOZ, sombre
Ça c’est une autre histoire. Finalement elle a épousé Pleyel.
WAGNER
Tu l’aimais ?
BERLIOZ
Certainement. J’ai un peu confondu l’amour et son expression. Le drame est une chose, la musique en est une autre et les femmes...
WAGNER
Mais la musique elle-même est une femme !
BERLIOZ
Voilà qui ne m’étonne pas. Les femmes ne se font pas de cadeaux entre elles. (Un temps) Et la musique, c’est quelle genre de femme. Brune, blonde ou rousse ?
WAGNER
Ça dépend des pays. Mais, chez les femmes, ce n’est pas la couleur des cheveux qui compte, c’est le caractère.
BERLIOZ
Et le caractère dépend aussi du pays ?
WAGNER
Absolument. (Un temps. Sérieux) Tu as d’abord de la musique française.
BERLIOZ
C’est gentil de commencer par nous.
WAGNER
Elle, c’est une coquette. Elle prend plaisir à être admirée, voire aimée. Mais elle ne supporte d’être aimée que si elle n’est pas amoureuse elle-même. Ce qu’elle recherche, c’est la satisfaction de sa vanité et elle serait troublée et perdue si elle devait aimer à son tour.
BERLIOZ
Donc elle est égoïste.
WAGNER
Oui. Elle s’aime, un point c’est tout. Elle trahit la nature de la femme puisque qu’une femme qui n’aime pas est le phénomène le plus indigne et le plus repoussant du monde.
BERLIOZ
Tu es gentil pour la musique française. Toi et tes haines ! Fais-nous la guerre, pendant que tu y es ! Et la musique allemande, c’est quel genre de femme ?
WAGNER
Encore pire que la française.
BERLIOZ
Je respire. Mais encore ?
WAGNER
Une prude, une bigote. La coquette française, finalement, peut un jour se brûler les ailes et tomber amoureuse à son tour. Mais la bigote est vraiment un type de femme dénaturée qui me répulse. La bigote est élevée dans les règles de la décence et elle n’a entendu, dès sa jeunesse prononcer qu’avec un embarras craintif le mot “ amour ”. Elle entre dans le monde le cœur meurtri de dogmes, elle regarde avec crainte autour d’elle, aperçoit la coquette et fait dévotement son mea culpa en s’écriant “ Je vous rends grâces, Seigneur, de ne pas lui ressembler ! ”
BERLIOZ
Et voilà pour la musique allemande ! Et pour la musique italienne ?
WAGNER
Elle, c’est une pute !
BERLIOZ
Rien que ça !
WAGNER
Exactement. Elle peut se vanter de rester toujours elle-même ; elle ne se met jamais hors de sa nature, elle ne se sacrifie jamais, et elle n’offre à la jouissance étrangère que la partie de son être dont elle puisse facilement disposer.
BERLIOZ
Qu’en termes galants ces choses-là sont dites !
WAGNER
C’est pour cela qu’il y a un temps pour tout : pour la musique italienne et pour les filles de joie. Quand on est libéré de ses délires romantiques et qu’on a cessé de courir les héroïnes et les actrices, on retrouve l’amour véritable dans le cœur d’une femme simple.
BERLIOZ
C’est tout le portrait de Marie.
WAGNER
Pourtant, c’est une artiste…. Elle est chanteuse.
BERLIOZ
Marie ? Elle miaule comme une douzaine de chats. J’ai toutes les peines du monde à l’empêcher de chanter dans mes tournées. (Un temps) Mais c’est égal. Je l’aime.
WAGNER
Combien d’Ophélie , d’Ariel et de nymphes as-tu pourchassé avant de la rencontrer ?
BERLIOZ
Pas tellement que ça.
WAGNER
Je t’envie. Finalement tu y es parvenu, à cet amour simple.
BERLIOZ
Oh ! Il restera toujours plus facile à chanter qu’à vivre. Mais finalement, le chant vaut autant la peine de vivre que l’amour lui-même. C’est un peu comme un oiseau.
WAGNER
Un oiseau ?
BERLIOZ
Oui, un bel oiseau couleur d’arc-en-ciel, avec ses deux ailesmagnifiques. L’une est la musique, l’autre est l’amour. Elles brassent l’air ensemble, doucement.
WAGNER
Et le nom de cet oiseau ?
BERLIOZ
C’est l’âme.
WAGNER
Mon oiseau à moi s’appelle l’humanité.
BERLIOZ, plus lentement
Si tu veux. De toute façon, je crois qu’il peut y avoir de la place pour deux oiseaux dans ce ciel.
WAGNER, même jeu
Je crois même qu’ils peuvent voler ensemble.
BERLIOZ
À la même altitude, sans jamais faire ombrage à l’autre.
WAGNER
Mais toujours plus haut (Un temps). Tu te souviens du chœur final de Roméo et Juliette ?
BERLIOZ
Si je m’en souviens ? C’est moi qui l’ai écrit.
WAGNER
L’air de la réconciliation des familles.
On entend le double chœur final « Vous jurez tous d’éteindre enfin vos ressentiments » jusqu’à la fin (Partition Eulenburg n° 424, dernière mesure page 383).
Un temps. Ils prennent ensemble leurs verres
Belles paroles.... Vous jurez tous d’éteindre enfin vos ressentiments.
BERLIOZ
Amis...
WAGNER
Amis..
BERLIOZ
Pour...
WAGNER, trinquant avec Berlioz
Toujours !
BERLIOZ, gravement et lentement
Rien que ça !
Noir.
Lumière.
Quinze ans plus tard. Sainton est seul, vieilli. Le mobilier n’a pas changé.
SAINTON
Et Sébastopol est tombée, il y a quinze ans maintenant. Au printemps de cette année où les troupes revinrent victorieuses, dans ce même salon s’étaient assis deux hommes, deux exilés... L’un était chassé de son pays par la politique et l’autre par la stupidité. Tous deux ont rêvé ici de musique, d’art, d’amour, de cet amour si difficile à peindre, et encore plus difficile à vivre, de l’amour universel.
Ai-je fait un rêve ? J’ai cru, en voyant ce Français si français et cet Allemand si allemand, assis côte à côte, tantôt se querellant, tantôt riant et buvant ensemble, à l’amitié retrouvée, à l’amitié de l’Europe, à l’alliance des génies les plus forts de leur temps. J’ai pu croire à une œuvre qui allierait la diversité et l’originalité de l’un à l’architecture et au génie dramatique de l’autre. L’œuvre d’art de l’avenir pouvait-elle être autre chose que celle de la réconciliation, que celle de deux bras tendus de chaque coté d’une frontière ? Mais non. Les Dieux ne veulent pas rendre l’or du Rhin.
Et pour finir, donc, Sébastopol est tombée. Un an plus tard la guerre était finie en Crimée, et chacune se plaisait à espérer que ce serait la dernière. La dernière ! Ce siècle n’avait pas encore versé tout son sang. (Un temps) Il y a quinze jours les troupes prussiennes sont entrées sur le sol de France. Wissembourg, Reischoffen, Froeschwiller... des morts, des souffrances. (Un temps). Richard et Hector, votre amitié n’a pas duré. Celle de vos peuples non plus. Parfois l’horizon s’éclaire, les vieux ennemis se parlent, on croit à la fin du conflit, à une aube nouvelle...
Enfin Brahma a expié son péché !
Et puis non. Les amis d’un jour retournent chez eux, et le lendemain la guerre éclate. Personne ne sait ce qu’ils ont dit, comme s’ils avaient voulu cacher qu’ils avaient, un beau jour de Printemps, accepté de descendre de leur piédestal, de leurs convictions, de leurs idées, de leur égoïsme enfin, pour tendre la main à une rêve. Sans doute l’ont-il fait...
Mais personne ne doit le savoir. Les conflits dureront toujours sur cette pauvre terre tant que l’homme jugera une réconciliation comme une faiblesse. L’amour de Siegmund pour Sieglinde, de Didon pour Enée, d’Antigone pour Polynice... Le même amour, exactement le même... mais il ne faut pas le dire. Il faut que chacun reprenne son masque.
Je n’ai plus guère de nouvelles de Richard. Il n’a plus besoin de moi. Il est riche, sous la protection du Roi de Bavière. Il a abandonné Berlioz pour l’amitié de Liszt, à qui il a pris son argent, sa gloire et même sa fille.
Et ce pauvre Hector est mort, l’année dernière. Seul, abandonné, incompris, le plus pur génie français de ce siècle repose dans un coin obscur du cimetière de Montmartre. Rien ne lui a été épargné à la fin de sa vie, ni la mort de Marie, ni même celle de son fils.
Je ne me fais pas d’illusion. Personne ne retiendra le nom de Prosper Sainton, premier violon du New Philharmonic. Et pourtant, un soir, il avait assis un fragment d’Europe à sa table, un fier disciple de Voltaire et un héros de Nietzsche. Une Europe d’exilés, d’hommes déchirés, une Europe d’utopie perdue dans la galerie des marchands, une Europe qui regardait son passé chez les Grecs et son avenir chez les brahmanes, une Europe qui s’endort dans le doute... Et qui le lendemain s’est réveillée dans ses égoïsmes, ses querelles de clocher pour tomber sous le feu des canons.
Il prend un livre sur la table. La scène s’assombrit.
Saint-Simon... De la réorganisation européenne ou ...De la nécessité et des moyens de rassembler les peuples de l’Europe en un seul corps politique en conservant à chacun son indépendance nationale. C’est Hector qui avait offert ce livre à Richard. Il l’a lu à toute vitesse, selon son habitude, puis l’a reposé et l’a oublié. Cela fait quinze ans, mais c’est le seul souvenir qui me reste de cette soirée. De la réorganisation européenne ... Richard avait mis une annotation... en français s’il vous plaît.... (Il lit) “ On en reparlera dans cent ans ”.
Cent ans plus tard cela fait... cela fait... Il est sorti en quelle année, ce livre ? (Il feuillette) 1814 (On entend l’hymne à la joie, introduction des violoncelles)... Cela fait... Mon Dieu, ce n’est pas bien compliqué. 1814 plus cent... (Un temps. La musique devient plus forte)
Mille neuf cent quatorze.
Rideau