(Transcriptions littérales, dans l’ordre de l’inventaire)
Lettres de Nancy Berlioz-Pal
Lettres de Camille Pal
Le texte corrigé des lettres de la famille Pal se trouve sur une page séparée
Texte = mots ou lettres de lecture incertaine
*** = mots ou lettres non déchiffrés
[...] = lacune dans le texte
Fonds Chapot
R96.861.1 | Jeudi 30 mai 1839 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | Image |
Six pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: GRENOBLE, 30 (mois illisible) 1839. — Note: malgré l’adresse inexacte (voir la lettre suivante, R96.861.2), la lettre est parvenue à Adèle à Paris, et est finalement revenue à Nancy Pal, on ne sait exactement comment.
Grenoble 30 mai Jeudi
Je viens de recevoir ta lettre chere Sœur je ne te dirai pas avec quelle impatience je l’attendais et tout le plaisir qu’elle m’as fait, les détails que tu me donnes me sont doublement précieux et je te sais un gré infini d’avoir trouvé le temps de me les donner, je devine ce qu’il faut de bonne volonté pour cela ! je suis heureuse de ce que tu me dis de l’intérieur de mon frere et je conçois bien ton émotion, il y en avait de plus d’un genre, aussi je ne m’étonnes pas que tu n’ayes pû les contenir dans ton cœur ! il s’est passé tant, tant de choses depuis que nous nous sommes séparées de lui ! je viens d’envoyer ta lettre à mon père de qui j’ai de très bonnes nouvelles et très récentes, car il m’a écrit
hier et j’ai reçu aujourd hui une lettre de Mme Pion qui les
confirme ; il fait des constructions effrayantes … Sa santé est là pour
compensation et je détourne la tête pour ne pas voir le reste. il m’as dit que Mme Boutaud était inquiète de son mari qui était [p. 2] bien assez malade. Mme Veyron est toujours à Tournon et je lui ai écrit ces jours derniers pour avoir de leurs nouvelles ; Je n’ai eu que quatre lettres à la fois ce matin, et toutes intéressantes pour moi ! d’abord la tienne ouverte avant toutes puis une de Mme Thomas qui m’écrit de Verneuil où elle est depuis le 11 Mai cela est contrariant pour toi et pour ces dames, j’espère que tu pourras cependant les voirs quelques jours avant ton départ elles ont laissé à Paris Mme Julhiet toute occupée de soigner son mari ; pleine de courage et d’espérance, je n’ôse toujours lui écrire, et si je savais son addresse je te prierais bien d’aller la voir. peut être vous rencontrerez vous, cela me paraît probable, dis lui combien je m’occupe d’elle et combien j’aurais besoin d’avoir de ses nouvelles ; j’ai aussi là une lettre de la pauvre Mlle Nancy qui vient de perdre sa sœur Mme Arvet après une courte maladie, elle présume que j’ignore cet évènement puisque je ne lui ai pas écrit, en effet je n’en savais pas le premier mot, elle me charge aussi de t’en faire part et je lui réponds que tu es à Paris. Croirais tu que j’attends toujours Henry et sa femme la fatalité s’attache à ce voyage, leur enfant est d’abord tombé malade, puis Félicia et je ne sais plus maintenant ni quand ils seront guéris, ni quand ils [p. 3] m’arriveront, je crains que cela ne retarde mon voyage départ pour la campagne cependant je compte bien y être installée à ton retour de Paris ; ce n’est que là que je veux te recevoir, car c’est là où nous avons passé les plus doux moments dans le temps où nous étions ensembles et c’est là aussi où nous aurons plus de liberté, où tu pourras mieux m’initier à tes impressions de Paris ; tu
parleras tu parleras sans interruption et je t’écouterai sans distractions je te le promets, tu me feras bien venir un peu l’eau à la bouche, car tout cela est bien différent de notre vie monotone, mais j’en jouis pour toi d’abord, ensuite en espérance pour moi : mon mari prétend que tu gaspilles ton bonheur en accumulant à ce point tes jouissances. je lui réponds que l’avenir ne nous appartient pas et qu’il faut prendre ce qui se présente sans tant de calculs : C’est une bonne fortune pour toi d’être près de Mme
Augustin si vous pouvez faire quelques courses ensembles elle n’y gâtera rien ; mais je t’admire de ne point me demander mes commissions pr Paris, t’imagines tu donc que je ne veux pas exploiter ton voyage et tâcher d’en tirer quelque profit ? je vais te donner un simple apperçu de ce que je voudrais, non pas pour [p. 4] me l’acheter tout de suite, il ne faut point de précipitation ; mais pour me dire ce que tu auras vû dans ce genre. je voudrais donc une pélerine d’une forme gracieuse, organdy où mousseline, je tiens peu à ce qu’elle soit brodée car cela l’enchérirais trop et les modes passent si vite, Ce serait quelque chose de frais qui aille bien et qui ne dépasse pas 20 à 30 francs au plus, vois donc si mes conditions peuvent être remplies ; puis une robe de mousseline laine bon marché comme on en trouve tant à Paris, dans les prix de 28 à 30 sols l’aune, petit dessein fond un peu clair, couleur quelquonque car ce ne serait que pour après mon deuil. ensuite deux paires de mites en coton à jour pour Mathilde pour mettre avec ses manches courtes, comme tu sais je n’en puis trouver ni ici ni à Lyon. Voilà tout pour le moment, je ne sais s’il me viendra autre chose plus tard, Demandes donc à la femme d’Hector si elle désire qu’on leur
envoie le linge que nous avons choisi pour eux à la Côte je l’avais bien écrit à Hector mais il ne m’a pas répondu, une correspondante comme toi me serait bien nécessaire pour avoir des nouvelles de ce ménage je te permets d’aimer bien fort le petit Louis pourvu qu’il ne te fâsse [p. 5] oublier ma Mathilde qui est toujours plus gentille et plus raisonnable, ceci soit dit sans faire tort à notre neveu que j’admets sans peine pour un charmant enfant ; cela promet pour ceux que tu mettras au jour de ton côté, tâches de suivre ces deux modèles, voilà un beau sujet d’émulation ! je t’écris pendant que mon mari est à l’audience, et cela est prudent car il me ferait une litanie de choses à te dire … et c’est déjá bien assez comme cela pour une femme dont tous les moments sont comptés pour le plaisir les heures ne se marquent pas souvent ainsi, profites donc bien chere sœur des minutes qui s’écoulent maintenant, écris moi bientôt, le plus longuement possible ; j’ai vû hier Pauline elle va bien ainsi que tous les nôtres ; nous avons cependant enterrée la semaine passée Mlle Rosalie, mais c’était prévu depuis si long-tems que cela n’a pas fait évènement, embrasse une fois de plus ton mari pour moi il est bien heureux qu’il ait pû se rendre libre pour te faire faire ce charmant voyage ; on voit tout en beau quand on se sent heureux, de même qu’on [p. 6] regarde bien mal, ce qu’on ne regarde qu’à travers ses larmes ; je te suis de mon grand fauteuil, où je me trouve si délicieusement que je ne puis plus souffrir mes bergères. Mon mari me le dispute souvent et je crains qu’il n’apporte la discorde dans mon ménage, je pôse toujours
[ici l’adresse verticalement avec timbre postal; la lettre continue en-dessous]
Madame
Madame Suat
Rue de la Chaussée d’Antin
Hôtel de la Chaussée d’Antin
No 20
Paris
[suite de la lettre]
pour mon portrait, je vois très peu de monde Grenoble est presque désert. Voilà ma vie, qui vue de Paris dois paraître bien insîpide et dont pourtant je m’accomode très bien, mon mari et ma [le texte se termine dans la marge de droite sous l’adresse] fille tiennent tant de place dans mes jouissances que je m’occupe peu des distractions qui me manquent d’ailleurs adieu il le faut oui adieu N
R96.861.2 | Mardi 4 juin 1839 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | Image |
Six pages en tout, les cinq premières écrites, adresse à la dernière. Timbres postaux: GRENOBLE, 4 JUIN 1839 (peu lisible); PARIS, 7 JUIN (année illisible).
Grenoble 4 Juin
Chere sœur je viens de recevoir une lettre de mon père, enveloppant celle que tu lui as écrite et je vois par l’addresse que tu lui as indiquée en dernier lieu, que la premiere que tu m’as donnée était fautive, j’en suis très vexée, parce que je t’avais répondu tout de suite une longue lettre qui ne te seras sans doute pas parvenue ; c’est une petite perte pour toi j’en conviens et que tu n’auras pas le temps de sentir au milieu du tourbillon de plaisir qui t’emporte. Nous avons un temps si lourd
et si mauvais, mon esprit en est tellement appesanti que ce que je pourrais te dire aujourd hui te paraîtrais doublement monotone vû du point où tu es
placée ; je suis heureuse de te voir jouir si pleinement de tous les
plaisirs qui te sont offerts [p. 2] il est si rare qu’il n’y ait pas de mélange dans ce pauvre monde ! je concois combien d’agréments mon frere et sa femme te procurent, et si j’étais dans mes jours d’enthousiasme je les jalouserais bien fort regarde bien tous ces gens célèbres pour m’en faire un portrait fidèle, tu sais que c’est ce [‘le’ corrigé en ‘ce’] plaisir que j’ambitionnerais le plus de voir à Paris et si tu pouvais en manière de dédomagement obtenir d’Hector qu’il
me donnât quelques billets ou lettres autographes de ceux avec qui il est en
relations ce serait un cadeau fort précieux, je me rappelle qu’il avait
offert à Mr Rocher une lettre de Mme Sand, c’est de toutes nos célébrités celle qui pique le plus ma curiosité … Mais avec mon étoile mal-encontreuse je ne réaliserai jamais ce rêve de toute ma vie, de voir et d’entendre ces gens célèbres ! …….
tu compte bien sur ma générosité en pensant que je ne serai pas jalouse pour ma Mathilde de tes admirations pour notre neveu, la balance penche évidemment en sa faveur et j’en attribue la cause aux prestiges des graces [p. 3] Parisiennes ; embrasse le pour sa tante Nancy si il peut supôser qu’il en existe une autre après sa tante Adèle ;
demande à la femme d’Hector si ils veulent qu’on leur envoie le linge que nous avions choisis pour eux. je l’avais écrit à Hector mais il ne m’as pas répondu.
j’attends demain enfin mon beau frere et sa femme, je partirai pour St Vincent aussitôt après qu’ils m’auront quittés ainsi ce sera du 18 au vingt, j’y serai installée pour vous y recevoir et nous aurons au moins bien du temps, toi pour parler, moi pour écouter, je te prépare d’avance toute mon attention. Comme je crains que tu n’ayes pas reçue ma premiere lettre je veux te répéter les commissions que je te donnes, quoique tu ne m’aye point demandé si j’en avais ! je voudrais que tu m’achètes une pèlerine en Mousseline où en organdy, quelque chose de simple de frais, de gracieux, de Parisien enfin ! je ne voudrais pas y mettre beaucoup d’argent parce que les modes passent trop vîte puis une robe en mousseline de laine bon marché de 28 à 30 sols l’aune comme on en trouve à Paris ; petit dessein d’un fond un peu clair, la couleur à ton choix, mais comme j’ai eu l’imprudence de dire cela devant Mme Pochin, il faudrait deux robes de ce genre là, une pour elle, une pour moi [p. 4] plus deux paires de mites en coton blanc à jour pour mettre avec les manches courtes de Mathilde, tu sais que l’an passé j’en cherchai inutilement en province ; notre Grenoble est triste et désert, rien n’y réveille mon imagination aussi, toutes mes facultés sont dans une torpeur qui contraste bien avec la surexcitation que Paris te donnes et je sens que tu dois me trouver tout à fait assommante …..
Je te sais bon gré de songer à Mme Julhiet, tâches de la découvrir, et dis lui combien je m’occupes d’elle et quel intérêt je mettrais à avoir de ses nouvelles par elle … toutes mes amies me négligent cruellement j’en tombe dans le découragement et je finis par croire que cela tient à moi, et que personne ne m’aimes plus ! mais à quoi bon t’écrire de telles radoteries, comme si tu avais le temps de les
lires ! …
Ma fille et mon mari vont toujours très bien ils t’embrassent tendrement j’en fais autant et je te prie de ne pas m’oublier auprès de ton excellent mari ta sœur dévouée
Si mes commissions te gênaient à remplir [p. 5] et qu’au
moment de quitter Paris tu trouves ta bourse plus légère que tu ne pensait, ne te fais point de scrupules de les laisser, quoiqu’elles ne soient pas considérables, je ne veux point que tu y employe un argent qui te serait nécessaire pour des emplettes où pour ton retour tu vois d’ailleurs qu’elles n’ont pas une grâve importance, ainsi je te le répète, prends en à ton aise.
[p. 6] [adresse à la dernière page, verticalement au centre]
Madame
Madame Suat
Rue du Mont Blanc
Hôtel de la Chaussée d’Antin No 20
Paris
R96.861.3 | Mercredi 12 juin 1839 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | — |
Quatre pages en tout, les trois premières écrites, adresse à la dernière. Timbres postaux: GRENOBLE, 12 JUIN (1839); PARIS, 14? JUIN (année illisible).
Grenoble 12 Juin
Quoique tu n’ayes pas le tems de me lire ma Chere sœur, je pense que tu seras bien aise néanmoins de voir de mon écriture pour savoir de nos nouvelles à tous et surtout de celles de notre pere, il y a déjà quelques jours qu’il ne m’a écrit, les dernieres que j’ai eu de lui m’ont étés données par Henry et sa femme qui l’ont vû il y à huit jours à leur passage à la Côte. ils sont auprès de nous au moins pour une quinzaine et nous faisons quelques courses de campagne avec eux pour les amûser. hier nous avons passé une belle journée à St Vincent où nous nous sommes bourrés de cerises et chargés de [p. 2] de rôses. après demain nous devons aller à Allevard, c’est un voyage de deux jours seulement, tu souris de pitié, toi, qui vois les merveilles de Versailles et qui pars pour le Hâvre ! je t’ai
admirée ma Chere sœur de t’être arrachées aux impressions agréables que tu recevais de tous côtés pour accomplir le douloureux pélérinage que tu as
fait chez Mr Babil et au cimetière, je doutes que j’eusse été capable de surmonter ainsi ma faiblesse, et je t’en loue encor davantage pour cela.
Je pense que dans ta prochaine lettre tu parleras de l’époque de ton retour et que je pourrai me promettre de t’embrasser bientôt quand à mes commissions je n’ai rien à y ajouter, si ce n’est que je te donnes carte blanche, pourvu que la pèlerine ne soit pas bien [p. 3] chère, qu’elle soit jolie et à ma mesure (n’oublie pas que je ne suis pas trop colossale) le dessein et la couleur de la robe m’importent peu ainsi qu’à Mme Pochin pourvu que ce soit de petits objets .. n’oublie pas les mites de Mathilde. je t’ai mandé je crois combien elle était jalouse de ton affection pour Louis. maintenant ce sentiment s’exerce sur son cousin Jacques
qu’elle ne regarde pas toujours de très bon œil — mais trêve de bavardage je ne veux pas perdre de vue la vie que tu mènes et m’expôser à n’être pas lue – . embrasse Hector pour moi, je suis depuis long-temps dans l’ombre de ce côté là et je me regarde maintenant comme totalement éclipsée par l’étoile brillante de ma sœur Adèle, que je n’en aime pas moins pour cela mille amitiés à ton mari toute à toi
[p. 4] [adresse à la dernière page, verticalement au centre]
Madame
Madame Suat
Rue du Mont Blanc
No 20 Hôtel de la Chaussée d’Antin
Paris
R96.861.4 | Mercredi 26 juin 1839 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | — |
Quatre pages en tout, les trois premières écrites, adresse à la dernière; petite déchirure au côté droit de la 3ème page. Timbres postaux: GRENOBLE, 26 JUIN 1839; PARIS, 29 JUIN (18)39.
Grenoble 26 Juin
Je viens de recevoir ta lettre ma Chere Adèle et comme tu dis j’étais presque inquiète de ton long silence il me semblait que si tu devais partir à la fin du mois, il était temps de m’en instruire, je crains bien que cette horrible chaleur ne rende le voyage bien fatiguant pour tous toi. nous sommes ici comme au fond d’une marmite, et j’ai peine à me persuader qu’il fâsse aussi chaud ailleurs, je soupire après mon St Vincent plus que je ne saurais dire, et plus je le desire plus les obstacles se multiplient sous mes pas. nous devions partir après demain Vendredi mais il n’est pas probable que je le puisse, cependant [p. 2] comme mon pere m’écrit aujourd hui qu’il arrivera chez moi Samedi soir ou Dimanche de grand matin, j’irai Samedi quoiqu’il arrive y passer le jour qu’il me destine, quitte à revenir le lundi reprendre mon poste au fond de la marmite et recommencer ma chaîne de contrariétés ….
Je suis charmée que tu ais enfin regagnées les dames Thomas et bien aise aussi que tu nous rapportes ton portrait. je serai fâchée de ne pouvoir le mettre en regard avec le mien mais il donne bien de la peine à mon peintre, si ta figure est aussi difficile à saisir que la mienne tu auras bien des séances à donner, je ne compte plus celles que j’ai données et je suis
loin encore d’être entièrement achevée, je ne marchande pas mon temps parce que je vois que cela sera bien.
J’espère que tu auras enfin joui de ta réunion de gens de lettres moi qui ne pourrai je pense jamais [p. 3] avoir ce plaisir, je m’en formerai une idée par ce que tu m’en diras. Hector serait bien aimable s’il m’envoyait par toi en forme de dédommagement quelques autographes de ces Messieurs, dont il doit avoir une riche collection et dont il ne peut être bien avare puisqu’elle se renouvelle tous les jours je lui écrirai demain pour lui envoyer le trimestre de sa pension, ce n’est que lorsque je sers d’enveloppe à une lettre de change que je puis espérer quelques lignes de réponse.
je veux pourtant que Mme Julhiet ne croye pas que je l’oublie et je te prie de lui faire tenir une petite lettre de ma part q[....] vais insérer dans celle-ci, il fa[...] toute ma bonne volonté pour en venir
à bout car je suis horriblement pressée.
Camille t’envoie mille amitiés nous vous attendons aussi avec une grande impatience ta dévouée sœur N
Si tu ne peux remettre toi même ma lettre à Mme Julhiet donnes là à Mlle Méline que tu vois tous les jours ; Mathilde t’embrasse tendrement ainsi que son oncle Suat.
[p. 4] [adresse à la dernière page, verticalement au centre]
Madame
Madame Suat
Hôtel de la Chaussée d’Antin
No 20 rue du Mont-Blanc
Paris
Note: la lettre R96.861.5 appartient à Nancy Clappier et non à Nancy Berlioz-Pal.
R96.861.6 | 29-30 novembre 1839 | À Jules Janin | Texte corrigé | Image |
Quatre pages, pas d’adresse ou d’enveloppe; écriture soignée. Ce texte est sans doute une copie ou un brouillon, et non l’original envoyé à Janin; voir le commentaire sur le texte corrigé.
Monsieur
Je viens de lire le feuilleton des débats dans lequel vous rendez compte de l’œuvre nouvelle de Berlioz ; loin de moi la pensée que cet article ne vous soit inspiré par une admiration sincère et une confraternité honorable ! Merci à vous Monsieur de placer son génie sur le pied d’estal auquel il a droit … Merci à vous de le défendre de votre plume spirituelle et aimée du public ! Mais permettez moi ce tribut payé de vous faire reconnaître une erreur grossiere au sujet de ses premiers débuts :
qui ne croirait en lisant votre article Monsieur, que parti des plus basses classes de la societé, Berlioz privé d’éducation, de secours de tout genres, et presque de vêtements et de nourriture eut à lutter contre les cruelles atteintes de la misère ? Je conviens Monsieur que ce point de départ pourrait donner encor plus d’éclat à ses succès actuels, rendre sa persévérance et son courage plus remarquables et sa volonté plus puissante ! mais ces détails infidèles sont offensants pour sa [p. 2]
famille, dont la pôsition n’est point telle qu’on a voulu la représenter.
Fils d’un homme connu dans les fastes de la science médicale, dont le nom était honorable (avant de devenir illustre) Berlioz dût aux lumieres, á la tendresse dévouée de son pere une éducation libérale dont personne mieux que vous Monsieur n’a pû apprécier les effets ! passionné pour l’utile science à laquelle il avait consacré sa jeunesse et de laborieuses veilles il crût (et quel pere n’aime à se faire cette
illusion !) il crût naturellement que son fils devait recueuillir le prix des travaux de sa vie entière ; une clientelle étendue, acquise par la confiance due à ses talents et à la considération qu’inspirait son
caractere et ses vertus.
L’éducation de Berlioz achevée de bonne heure sous les yeux de cet instituteur éclairé, il l’envoya à Paris pour y étudier la mèdecine. il y arrivât donc sous les auspices de la volonté paternelle et avec toutes les ressources que les familles aisées des provinces accordent aux écoliers qu’elles envoient à Paris.
Inutile de vous dire que là sa passion musicale déjà développée, l’emporta plus [p. 3] aux théatres qu’aux écoles et que dès la seconde année s’établit une lutte entre lui et ses parents sur l’état qu’il voulait choisir. Cette lutte dura long-tems, car ce pere prévoyant redoutait pour son fils les orages et les obstacles de
tout genre sans nombre qui devaient surgir sous ses pas ! mais de
ce que le pere et le fils luttaient ensembles il ne s’ensuivit point absence de subsides non monsieur, ils ne lui manquèrent pas, des secours pécuniaires lui furent fournis chaqu’année pour retourner à Paris. S’il y eut quelques instants de lacune, ils furent courts … et le résultat d’une derniere tentative de la part de ses parents pour essayer du pouvoir de la nécessité ….
Cette épreuve inutilement tentée, on revint à des voies plus douces, on se résigna, on commença à croire à la force de son génie et jusqu’au moment où il reçut le grand prix de Rome sa pension continua à lui être payée. Après avoir rétabli la vérité des faits sur son passé, il me reste encore à éclairer votre affection sur son avenir.
la fortune patrimoniale de Berlioz sera de cent vingt où cent quarante mille
francs c’est moins que rien dans le monde au milieu duquel vous vivez
Monsieur, [p. 4] mais c’est assez, pour remettre une corde cassée à sa guitarre * et pour obtenir en province la considération qui s’attache à tout homme au dessus du besoin !
Pardonnez à une sœur Monsieur la longueur et le pôsitivisme de ces détails J’ai crû les devoir à un écrivain consciencieux comme vous, à Berlioz, à sa famille enfin dont je suis ici l’interpréte.
recevez Monsieur l’assurance de ma considération élevée
Nancy Pal née Berlioz
[au bas de la page]
* Jeannin dit dans son feuilleton
Berlioz était si pauvre qu’il avait à peine de quoi remettre une corde cassée à sa guitarre
R96.861.7 | Dimanche 8 décembre 1839 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | — |
Quatre pages en tout, adresse à la dernière; petite déchirure à la 3ème page à gauche. Timbres postaux: GRENOBLE, 8 DEC. 1839; LYON 9 DEC. (année illisible); ST CHAMOND, 9 DEC. 1839 (année peu lisible).
Grenoble dimanche
Tu as dû recevoir chere Sœur un billet de moi contenant la lettre d’Hector à mon père Je t’en envoi encor une aujourd hui sur le second concert de dimanche passé ; tâche de te procurer le premier feuilleton de Jeannin à ce sujet sur le premier [mots écrits l’un sur l’autre], si le rouge de l’indignation ne t’en montes pas à la figure, je déclare que tu n’as pas du sang Berlioz dans les veines ! quant à moi j’ai été tellement outrée du degré d’abjection dans lequel il place d’abord notre frere avant de l’élever sur son pied-d’estal, que j’ai pris à peine le temps d’achever cet article pour lui répondre à Jeannin, il est plus que temps de faire justice de ces absurdes amplifications qui font de notre pere un mendiant où un homme sans entrailles et sans cœur ! [p. 2] je lui ai envoyée ma copie de ma lettre à Jeannin en le priant de te l’envoyer pour m’éviter de la recopier, j’espère que tu l’approuveras ; tu verras que j’ai laissé passer bien des
choses qui pouvaient être vertement relevées (*tout ceci doit rester
entre nous comme tu penses) mais c’est à Hector à s’en charger (*fais en part seulement à ton mari) et à savoir comment il doit les prendre quand tu liras l’article des débats tu comprendras bien ce que je veux dire ! j’ai lu ma lettre à mon mari qui l’a fort approuvée et l’a mise lui même à la poste. Me voilà donc le champion de l’honneur de la famille. Je n’ai pas songé à faire de l’esprit avec mon adversaire je n’ai voulu que lui faire savoir que Berlioz n’est pas un bâtard [souligné deux fois] sans famille et qu’il n’a jamais été à l’aumône,
comme il semble se plaire à le répéter. j’attends donc ton approbation pour ce coup d’état, pour lequel j’ai eu besoin de toute ma colère pour attaquer ce rude jouteur, mais ma cause est bonne elle est juste, elle est sainte [p. 3] car c’est mon pere surtout que j’ai voulu défendre ! Je ne l’ai pas encore ce bon pere, il m’écrit que tant qu’il fera beau je ne dois pas compter sur lui, si ses distractions de la côte lui conviennent mieux que celles que j’ai à lui offrir il faut bien m’y résigner à l’attendre ; j’aurais voulu qu’il pût entendre notre abbé de Ravignon j’ai interrompue ma lettre pour aller à Son sermon et j’en reviens tellement bouleversée d’admiration, mes nerfs en sont encore si fortement ébranlés que je ne puis à peine tenir ma plume Mais quel public ingrat ! que le nôtre ! pas un signe d’émotion ne se fa
manifeste dans l’auditoire ! à Paris on l’applaudissait à outrance dans [.....] cathédrale ; j’avoue que j’ai [.....] à m’en empêcher et [.....]es larmes involontaires ont roulées sur ma joue : quant à y parvenir, ce n’est pas chose difficile, les chaises sont d’abord à cinq sous, ensuite on y met beaucoup d’ordre dans la disposition des places ainsi tout va bien ; je suis désolée que mon mari ne l’ait pas entendu il est allé aux autres qui étaient bien [p. 4] en dessous de celui d’aujourd hui, mais le cher St Vincent l’a emporté.
il paraît que mon cher mari me donnera toujours avec toi des sottises à réparer qu’est il allé te dire « que je mourrais si je demeurais seulement quinze jours à St Chamond, » non ma chere
[ici l’adresse verticalement; la lettre continue au bas de la page]
Madame
Madame Suat
St Chamond
Loire
[suite de la lettre]
je ne lui ai pas parlé de la sorte et de ce que je ne trouve pas St Chamond la premiere ville de France pour l’agrément et la propreté, il ne s’ensuit point que je ne doive aller te voir et que tu puisse t’occuper d’une pareille idée [dans la marge de droite, de haut en bas, sous l’adresse] quant [.....] serai près toi, brisons là et emb[rass]ons nous pour terminer la querelle
R96.861.8 | Jeudi 12 décembre 1839 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | — |
Huit pages en tout, adresse à la dernière; petite déchirure à la 7ème page à droite et à gauche. Timbres postaux: GRENOBLE, 12 DEC. 1839; LYON, illisible; ST CHAMOND, DEC. (quantième et année illisibles)
Grenoble Jeudi matin
Je viens de recevoir ta lettre ma Chere Adèle et comme tu me parais vivement préoccupée des conséquences de mon coup d’état, je tiens à te rassurer promptement là dessus ; mon père s’est trompé en disant que je réclame l’insertion de ma lettre dans les débats, il n’en est rien et ils ne peuvent l’insérer sans ma permission, du reste pour plus de certitude j’ai écrit à Hector pour lui expliquer les raisons qui m’ont poussée à cette démarche et afin qu’il n’y ait pas lieu de s’y méprendre, je lui dis pôsitivement que je n’ai point fantaisie de voir ma prôse imprimée à côté de celle de Jeannin et de voir mon nom livré à la publicité d’un journal. ainsi j’espère bien que ma lettre n’auras pas tout le retentissement que tu crains et que je redouterais aussi ; [p. 2] cependant je t’avouerai que cette démarche ne
me paraîs pas si hardie qu’à toi et si n’étais que je ne veux point éffaroucher les idées reçues dans le pays où je suis appelée à vivre, et provoquer une l’attention particuliere d’un public aussi mal-veillant que le nôtre, je me serais fort peu inquietée qu’il le publiât, et je n’aurais point écrit pour l’en empêcher ! une chose assez plaisante c’est que tu me trouves maintenant la tête chaude de la famille et que tu as l’air effrayée de mon exaltation
Le fait est que depuis quelque tems j’ai l’esprit assez éveillé et (comme disait ma Valéron) je n’ai pas de l’eau de courge dans
les veines ! je ne suis pourtant pas toujours dans un état de surrexitation et je n’ai point fait de l’enthousiasme au sermon d’hier ; je l’ai trouvé bien en dessous de celui de Dimanche et il m’a laissée assez froide ; j’en suis revenue avec Pauline qui en est entichée à un si haut point qu’elle ne ferme pas l’œuil après l’avoir entendu, tu vois que j’en suis loin encore, car mes nuits n’en sont point troublées [p. 3] elle avait été très froissée de me voir apprécier si tranquillement (à la premiere audition) le talent de Mr de Ravignon, aussi dimanche je courus (sitôt ta lettre terminée) faire chorus avec elle et faire réparation de mes froideurs elle fût ravie de me voir partager ses vives impressions et me sut gré d’avoir été les lui conter (par ce besoin qui ferait comme tu dis qu’on battrait ceux qui ne sentent pas comme nous) il faut pourtant s’y accoutumer car rien n’est plus différent que la maniere de juger et de sentir de chacun …. et pour être toujours satisfait il serait plus sûr de devenir bûche où momie, rien ne réussit mieux dans le monde !
Je ne sais rien de nouveau depuis que tu as reçu la lettre de mon pere sur cette pauvre famille Bert, il paraît bien décidé à présent que Mr Charles s’en tirera et j’espère bien que sa pauvre femme ne payera pas de sa vie ses soins et son dévouement
Un malade qui est vraiment beaucoup mieux c’est Alexandre, je commence à croire qu’il sera guérira, s’il continue à passer l’hiver comme il l’a commencé, Sa mere à l’air toute entrain et toute contente et je comprends bien le bonheur qu’elle éprouve en le voyant entrer en convalescence je le vis hier dîner comme l’homme le plus affâmé et le mieux portant du monde ! Les dames Vallet sont ici depuis plusieurs [p. 4] plusieurs jours, la mere n’est pas trop mal et sa tête est à peu près dans le même état que l’an passé. Fanny est beaucoup plus contente de son élève et paraît s’y être extrêmement attachée ; Mr de Lentre arrive de Paris aux environs duquel il à acheté un domaine et va aller se fixer.
Je n’ai pas eu de nouvelles de Mme Veyron depuis mon départ de la Côte mais je ne pense pas qu’elle parte pour Tournon avant le mois de Janvier ; Mme Sabine n’accouches toujours point ce sera pour l’année prochaine ! tu es bien sâge ma bonne sœur de te bien porter et de te bien ménager, je suis persuadée que tu vas faire cet enfant comme Jeanne d’Albret presqu’en chantant ! et tu vas peut être dire ce n’est que ça, ma sœur est une véritable poule mouillée ! à propos de sœur mon mari m’as dit que tu espérais avoir ta belle sœur pour tes couches elle te serait certainement fort utile car elle à du sens et de l’expérience si cela etait je serais bien plus tranquille mais si ce projet ne pouvait s’exécuter je mets toujours à ta dispôsition mes faibles services et mon affection dévouée [p. 5] j’espère que tu ne doutes pas de mon empressement à t’être utile, et que tu ne me refuserais pas la douceur de te donner des soins, si ceux de ta belle sœur te manquent.
Chacun ici me demande souvent de tes nouvelles et je jouis de pouvoir les donner bonnes ; en écrivant à Madame Munet demandes lui donc ce que sont devenues les dames Monier, je pense qu’elles ont changés de projet, car certainement je les auraient déjà vues où rencontrées quelque part ! [mot biffé] ton mari connaît-t-il un Mr Esbénos, Esténos, je ne sais bien quel nom en os, de Rive de Gier, qui est veuf avec quatre enfants et une fortune de douze cent mille francs ? il vient d’épouser une des demoiselles Rolland de Ravel, et tu penses combien la famille est radieuse d’un tel mariage, qui leur convient aussi sous tous les rapports à part la fortune qui peux bien cependant compter pour quelque chose surtout quand on à à peine du pain ! on aime à voir ces coups de fortunes tomber sur des gens qui les méritent si bien ! mais cela ne fait pas planche pour tout le monde, et il y aura toujours bien des mérites délaissés
[p. 6] Je n’ai pas de nouvelles de mon oncle f depuis qu’il est à Huningue, je lui ai écrit pour le tirer de sa léthargie et j’espère en avoir bientôt signe de vie ; ma correspondance avec Mlle Nancy ne s’est pas rétablie depuis la Côte, car je ne savais où la prendre, Mme Arvet que je vis l’autre jour me dit que ses tantes étaient toujours à Champ Rousset mais qu’elle les attendaient d’un moment à l’autre, cela fait que je n’écris point, craignant que ma lettre n’arrive après leur départ ; j’ai eu il y a peu de tems des lettres de Mme Thomas et de Mme Goletty, Mlle Mélina achevait un grand tableau Rosanne s’extermine à suivre tous les cours avec sa fille, comme si on pouvait faire une éducation en trois mois ! je vois des mères qui me laissent bien loin derriere elles, mais je ne m’en effraye pas trop, nous verrons les résultats … le succès justifie tout et j’ai
la présomption de croire que sans m’exterminer ma fille sera aussi bien élevée que les autres, je continue à m’occuper d’elle tous les jours, je lui consacre ma matinée, l’après midi Mlle Valérie vient lui donner sa leçon d’écriture et je crois d’après ses débuts que tu attendras encore long-tems une lettre écrite [p. 7] de sa main, elle me charge de te dire que ton petit livre, lui fais toujours bien plaisir, que le temps lui dûre beaucoup de te voir et que si tu veux lui envoyer un cheval en vie elle y montera dessus tout de suite pour t’aller trouver ! Nous la menons ce soir enfin voir les gentils chevaux de Franconi, tu devines combien elle en est heureuse et comme elle en va raffoller.
Comme tu le présumes fort bien Mme Pochin ne sait rien de mon équippée avec Jeannin et n’en apprendra je l’espère pas d’avantage, ainsi continu[e] à [e]n garder le secret puisque je [.....] toujours que c’en soit un [.....] qu’il ne doit pas être mis au jour par la presse ; j’avais éspérer ton approbation et je vois Chere sœur que je ne l’ai pas obtenue bien que tu eusses voulu me l’accorder de bon cœur je n’en doute pas si cela t’eut paru comme à moi ….. ce petit différent n’aura pas de résultats fâcheux entre nous, nous ne nous en aimerons pas moins n’est-t-il pas vrai ? et tu ne recevras pas moins cordialement les tendres embrassements de ta sœur et de ton frere Camille qui t’envoie les siens de l’audience. mille [p. 8] amitiés à ton mari, lis ma lettre pendant qu’il sera dans son cabinet car il souffrirait des moments infinis que je lui dérobbe par mon bavardage éternel, je finis donc par la seule raison qu’il faut que tout finisse et que ta patience doit avoir après tout des bornes. toute à toi N
[adresse en dessous, verticalement au centre de la page]
Madame
Madame Suat
St Chamond
Loire
Fonds Reboul
2011.02.266 | Septembre 1843 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | Image |
Deux pages, mais la deuxième ne conclut pas et s’arrête subitement sans formule de salutation; la lettre a-t-elle été envoyée ou s’agit-il plutôt d’un brouillon? L’absence d’adresse ou d’enveloppe le laisse supposer, ainsi que sa présence dans la collection Reboul. La lettre est attribuée dans l’inventaire à Adèle Berlioz-Suat, mais l’écriture n’est pas celle d’Adèle mais bien celle de sa sœur Nancy Berlioz-Pal.
La Côte Dimanche
C’est ainsi ma pauvre Sœur que tu interprètes ma plainte amoureuse ? et ce soupir à demi étouffé qui signifiait que je t’aimes plus qu’il ne faut et que tes lettres n’arrivent jamais assez souvent à mon gré, était gros de reproches cruels et d’allusions calomnieuses en vérité je ne l’eusses jamais soupsonné ! et si quelqu’un m’avait prédit un pareil résultat j’en aurais ri ou je m’en serais fâchée ...... confiante au contraire dans ta bonté et dans ton désir d’être agréable à ceux qui t’aiment je me flattais seulement de recevoir de tes nouvelles, quelques jours plus tôt grace à l’expression discrètement contenue des exigeances de mon affection ! aussi-ai-je été aussi affligée que surprise de l’effet que j’ai produit sur toi ! je ne crois pas que personne ait jamais pû prendre à injure de si tendres reproches et les amants eux mêmes les plus exaltés ne s’en font pas faute et n’y trouvent que des motifs de s’aimer davantage ! j’avais écrit à Hector sur un ton bien différent ; mécontente que j’étais de n’avoir pas eu de lettres de lui pendant son séjour en Allemagne ; il m’a répondu pour me remercier de mon courroux qui [p. 2] qui lui prouvait le [mot biffé] prix que je mettais à ses lettres et puis, comme si cela eut ouvert sa veine de sentiments fraternels, je lui ai récris deux fois depuis et j’ai reçu courrier par courrier la réponse de mes lettres, et cela d’un style tellement affectueux, que je veux pas trop m’y accoutumer par prudence ! après cela quand aux sentiments d’envie que j’éprouve en voyant une famille nombreuse réunie et heureuse de l’être, ce sont des regrets qui me semblent trop naturels pour que j’essaye de m’en défendre ; ce bonheur nous est refusé par les circonstances, mais ce n’est pas une raison pour que cette privation ne nous soit pas sensible à tous, et surtout à moi qui n’ai pas d’obstacles à surmonter pour en jouir
2011.02.267 | Dimanche 24 juillet 1825 | À son frère Hector Berlioz | Texte corrigé | — |
Une page de texte, inachevé: il s’agit d’un brouillon qui n’a pas été envoyé. Pas d’adresse.
La Côte 24 juillet
Je ne viens point mon cher Hector joindre les transports de l’enthousiasme et entonner une ode à ta louange je viens simplement t’assurer que je n’ai point été indifférente à tes succés, à cause du plaisir qu’ils t’ont causés ; tu as été heureux quelques instans
où plus-tôt l’îvresse de ton triomphe dûre encore C’est assez pour que je sois contente sans que la vanité où l’orgueuil viennent s’y mêler.
Je voudrais cher ami ajouter à ta joie en te disant qu’elle à été
partagée par nos parents, mais tu ne tarderais pas à découvrir l’artiffice que me suggère mon amitié et il t’en coûteraît trop d’être désabusé ainsi j’aime mieux te parler sans détour, mon père ne souffre pas qu’on le félicite à ce sujet, [le texte s’arrête là]
2011.02.268 | Mardi 4 juillet 1826 | À son frère Hector Berlioz | Texte corrigé | — |
Une seule page qui s’arrête au milieu de la page sans terminer: un autre brouillon qui n’a pas été envoyé. Pas d’adresse.
La Côte 4 Juillet 1826
Au risque de t’importuner mon cher Hector il faut que je cède au besoin de mon cœur et quoique mes lettres ne paraîssent plus t’être nècessaires, il ne m’est pas moins doux de te les écrire, oui c’est vainement que je veux m’armer d’un froîd égôisme pour séparer ma destinée de la tienne. je sens qu’elle en dépendra toujours et que les puériles considérations d’une susceptibilité pointilleuse, ne seront jamais capables de m’éloigner d’un frere chéri. oh mon ami ! ne brisons ja [texte inachevé]
2011.02.269 | Jeudi 24 août 1826 | À son grand-père Nicolas Marmion | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; pas de timbre postal. La lettre a sans doute été portée à la main.
La Côte 24 août
Vous attendez sans doute mon cher papa la lettre d’avis de notre arrivée, et je suis bien sûre que Babo fait déjà promener le balais dans toute la maison pour nous recevoir proprement : malheureusement je ne répondrai point à votre attente et à la sienne car j’ai à vous annoncer un retard d’exécution dans nos projets : mon oncle nous ayant écrit qu’il fallait l’attendre et qu’il viendrait d’ici au dix septembre (si le ministre de la guerre ne venait pas les inspecter) nous n’avons pas hésités à ajourner au mois prochain un voyage que sa societé nous rendra doublement agréable ; d’ailleurs la sécheresse désolante qui règne depuis si long-temps doit rendre en ce moment la campagne bien aride et bien calcinée :
[p. 2] quel spectacle douloureux doit vous présenter votre jardin ! que de soupirs vous arrachent tant d’espèrances évanouies !! au moins cher papa, reposez vous, ne leur prodiguez pas d’inutiles sueurs, n’epuisez pas en vains efforts cette vigueur qui nous rassure sur l’excès de vos pénibles travaux : que je suis donc heureuse quand je songe à notre aimable réunion, mon oncle ! il y à si long-temps que nous ne nous sommes rencontrés ensembles à Meylan ! pourvu que le ministre de la guerre ne nous joue pas le tour !... oh vraiment ce serait trop piquant ! mais non il faut chasser cette odieuse perspective. je ne la veux point envisager et dussé-je m’exposer au plus triste mécomptes, j’aime mieux ne rien craindre.
Monsieur Buisson le médecin vient de devenir pere ! et qui plus est père d’un garçon ! il est heureux actuellement le plus content des hommes, tout le monde à son éclair de bonheur voilà son beau
moment à lui ……...
[p. 3] Il paraît qu’Hector est toujours bien decidé à ne point venir ces féries, mon oncle se plaint de ce qu’il le néglige et imagine de l’emmener avec lui en passant par Paris mais je doute fort qu’il y réussisse. Les plaisirs d’une réunion de famille n’ont pas pour lui le charme qu’ils ont pour nous dont les jouissances passîves ne font pas un besoin des sensations enivrantes auxquelles il sacrifie toutes les autres. Adieu cher papa écrivez nous avant de nous recevoir profitez des loisirs que vous donne l’extrême chaleur et croyez au bien tendre et respectueux attachement de votre fille Nancy
[p. 4] [adresse]
Monsieur
Monsieur Marmion, chez Mr Chalande
Rue Chenoise
Grenoble
2011.02.270 | Mardi 20 février 1827 | À son grand-père Nicolas Marmion | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la dernière. Timbres postaux: 37 LA CÔTE ST ANDRÉ; anonyme, 23 FEV 1827; anonyme, (chiffre illisible) FEV 1827.
La Côte 20 Février 1827
Mon chere papa
Il paraît que les nombreuses saignées faites à votre veine poétique ne l’appauvrissent point, car cette dernière épître est une des plus jolies qui soient sorties de votre plume, ce n’est pas seulement mon avis, c’est aussi celui de mon père, l’austère disciple de Boileau à laissé tomber sa ferule et à rendu justice à l’abandon, au naturel gracieux qui font le charme de vos vers : un seul à reveillé son humeur critique, c’est celui où vous me dîtes que pour vous plaire il n’est pas besoin de gravir le sacré vallon ! entraînée par la succession facile des idées, je ne m’étais pas apperçue de ce contre sens et je trouvais même la pensée heureuse, lorsque mon pere me l’a fait remarquer : Maman qui n’a pas sa sévérité, mais qui est tant soit peu profâne, voudrait de la prôse à la fin de vos vers car elle les suspectes toujours de ne pas dire [p. 2] la vérité toute simple et elles les accuses de glisser trop légèrement sur les détails qui pourraient l’intéresser : pour moi je trouve que je fais d’excellentes spéculations en échangeant ma méchante prôse contre de si jolis vers, je vous donne du plomb pour de l’or !! quelque jouissance que j’éprouvâsse à posséder un talent si agréable je vois que je ne dois point le regretter ; le ridicule où l’envie sont là tout prêts pour flétrir les lauriers qu’une femme vient de cueillir et je crois que la celébrité de quelque genre qu’elle soit est toujours pour elles ennemie du bonheur : grace à Dieu je suis entierement à l’abri d’un pareil éceuil, mais cher papa j’ai quelque chose à craindre de votre tendresse et de vos prèventions paternelles. j’ai peur que vous vous abandonniez trop souvent au plaisir de de louer en moi des qualités imaginaires et que vous ne consignez reléguiez pas toujours au fond de votre tiroir, les lettres que je vous écris avec tant de plaisir : Si je savais qu’elles fussent lues par d’autres que par vos yeux indulgents, cela détruirait pour moi tout le [mot biffé] charme de notre correspondance, je vous en prie mon bon pere que j’obtienne de votre tendresse le secret et l’obscurité la plus profonde pour mes lettres et pour mes avantages vrais ou faux, ce n’est point une feinte modestie, où un excès d’humilité qui me portent à vous faire cette priere, c’est un amour propre éclairé qui me la dicte, j’espère que vous entrerez dans ses vues, et que vous n’accuserez pas de froideur où d’ingratitude un vœu qui [p. 3] leur est diamétralement opposé ……………
Il faudrait avoir un peu de votre imagination créatrice, pour vous former un
tableau agréable de ce qui sepasse autour de moi, c’est toujours la même vie les mêmes occupations les mêmes délassements on ne s’apperçoit guère du chemin qu’on fait quand onvogue si doucement, aussi j’ai pris samedy ma vingt et unième année sans pouvoir me persuader que j’y fussent déjà arrivée une fois là, les temps court avec une telle rapidité qu’on ne jouit presque plus de sa jeunesse : j’ai eu depuis quelques jours le plaisir de voir recompléter notre trio, Rosanne Rocher est revenue de Grenoble et s’est trouvée dans le premier moment, comme une princesse enchantée qu’une méchante fée aurait transportée hors de son riant palais : [déchirure]
Mme Buisson arrive aussi de Grenoble elle nous a p[arlé] de beaucoup de mariages et entr’autres de celui de Léoncie Favier avec un jeune lieutenant qui à peu où point de fortune et rien de bien séduisant, cela m’a paru mériter confirmation et je crois et souhaite qu’il en la n’en soit rien, elle prétend que c’est un mariage de bal c’est à dire de fantaisie, j’ai trop bonne ôpinion
de l’esprit et de la raison de Leoncie pour imaginer qu’elle compromit sa destinée si légèrement.
adieu mon Cher papa nous vous embrassons tous bien tendrement votre respectueuse et tres affectionnee Nancy
[p. 4] [adresse]
Monsieur
Monsieur Marmion proprietaire
Chez Mr Bonnard ferblantier
Rue Chenoise Grenoble
Isere
2011.02.271 | Jeudi 2 août 1827 | À son grand-père Nicolas Marmion | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière; texte en mauvais état: deux larges déchirures à la troisième page. Timbres postaux: 37 LA CÔTE ST ANDRÉ; anonyme, 3 AOU 1827.
La Côte 2 août 1827
Je ne sais mon cher papa si votre silence n’a pas sur moi quelqu’influence mais il me semble que je suis un peu en retard avec vous, je voudrais que vous m’en eussiez faits des reproches, je les aimeraient mieux, beaucoup mieux que votre silence, mais le moyen de vous écrire avec une pareille sécheresse ! nous avons pas mal à parler ici depuis deux jours, la nouvel[le] mariée est enfin arrivée, L’infortunée est sur la sellette pour recevoir ses visites de nôces, et je ne vous dirai pas combien d’opinions diverses sur son nez, sa bouche, ses yeux, son teint &tc
mais mon impression à moi : je l’ai trouvée agréable mais point jolie, une jolie tournure gracieuse des manieres agréables distinguées et un langage qui sent la bonne [p. 2] éducation, tout cela promet une femme aimable et sans méchanceté au dessus de son mari car quoique Mr Pion ne soit pas un sot, il n’est pas cependant passé maître pour dans l’art de plaire et d’ailleurs nous avons ici tant de supériorités de ce genre qu’il n’est pas étonnant que Mme Pion vienne en accroître le nombre, cette nouvelle figure en occupant le public à fait diversion et suite à un événement tragique arrivé ici Lundy passé, trois paysans du pays occupés à tirer du sable dans une carrière, ont faillis à être tous tués, par un éboulement, le premier voyant le danger s’est fait tirer avant l’accident, les deux autres ont étés engloutis, au fond du puits où ils se trouvaient : les secours les plus prompts leur ont étés prodigués, notre maire s’est exposé à un péril assez manifeste, car il est descendu deux fois et à failli dans la dernière à être écrasé par un nouvel éboulement, on est parvenu à grand peine à retirer ces malheureux, [p. 3] l’un deux (père de famille) avait déjà cessé de vivre, et l’autre est
revenu à lui presqu’aussitôt après sa sortie ; cet événement à mis ce jour là tout le pays en émoi et la bonne âme de ma pauvre mere en à été
pas mal affectée.
J’ai reçu ce tantôt une lettre d’Hector qui m’écrit une heure avant d’entrer à l’institut, où il vient d’être admis après un sèvére examen pour concourir à l’un des grands prix, il n’espère que le second malgré la confiance qu’il à en [.....]insèque il fait une large pa[.....]intrigue, on a pourtant bien l’[.....] être étranger dans cette affaire, car p[lacune] trois semaines que dûre le concours il sont confinés et tenus sous clefs comme des prisonniers d’état ne pouvant même recevoir des lettres sans qu’elles soient soumises à l’inspection de leur surveillant, si on prend tant de précautions pour éviter les abus il faut qu’ils soient bien inévitables puisqu’il s’y en [dans la marge de gauche, de haut en bas] glisse encor et que la faveur [lacune] empire là comme ailleurs. Je ne crois pas que n[..]s voyons mon frere ces féries, j’ai
aussi peur que nous ne vous fassions point de visite cette automne [p. 4] les choses ne paraîssant pas disposée pour cela mais je me contenterai de peu puisque je ne puis pas tout obtenir : j’espère que nous ferons une petite incursion de huit jours à l’époque de la foire
Adieu mon cher papa je vous embrasse en attendant que ce doux projet se réalise et je suis votre
respectueuse et affectionnee
NB
[adresse en dessous]
Monsieur
Monsieur Marmion
Chez Mr Bonnard ferblantier
Rue Chenoise Grenoble
Isere
2011.02.272 | Dimanche 4 mai 1828 | À Rosanne Goléty, née Rocher | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure vers le bas à gauche de la troisième page. Timbres postaux: 37 LA CÔTE-ST-ANDRÉ; anonyme, 4 MAI (année illisible); anonyme, (jours et mois illisibles) 1828.
La Côte 4 mai
Mes félicitations ne seraient pas si tardives, ma chere Rosanne si je n’eusses pas crains que ma lettre ne te trouva encore trop affaiblie et que tu n’en fusse fatiguée, maintenant que je suis rassurée sur les suites de ton heureuse délivrance, je ne veux pas être la dernière à douer ta chère petite de tous les dons que tu lui souhaite, en fée bienfaisante je la gratifie, de talents, sagesse, esprit, raison, santé, bonheur, et de je ne sais combien d’autres dons secondaires qui accompagnent toujours les premiers, si la vertu de ma baguette pouvait s’exercer aussi sur la mère, je la préserverais d’abord de toute souffrance où inquiétude d’esprit, puis je tâcherais, (en la touchant le plus lègèrement possible pour qu’elle ne s’en apperçut pas), de tempérer ces excès de tendresse maternelle si communs de nos jours, nuisibles aux mères et aux enfants, aux parents et aux amis, et qui entr’autres inconvénients auraient celui de rendre une femme (fort aimable d’ailleurs) insupportable pour tout le monde ; plaisanterie à part je trouve que tu as eu bien de l’esprit de te faire une fille, on jouit bien mieux ce me semble de la douceur d’être mère, et je suis sûre que Mr Paul quelque désapointement qu’il en ai reçu, l’aime déjà à la folie toute fille qu’elle est ; Je voudrais bien que ma pauvre Lisette en put faire autant, c’est certes bien assez de deux garçons ! il lui faudrait bien à présent une petite fille
[p. 2] Eugène Revol est déjà enceinte, et comme elle ne peut
supporter la voiture nous ne l’avons pas encore eue ici : Je suis allé dîner avant hier à la Verrerie, avec ma mere, ta belle sœur, Mr Edouard et Mr Juste ; mais nous fûmes assez malheureuses pour n’y pas rencontrer Eugénie, elle était à St Jean depuis quelques jours et ne devait revenir que le soir, je m’en serais bien plus désolée si le mari eut été également absent, mais heureusement pour ma curiosité, il avait devancé sa femme à la Verrerie :
Je l’ai vu donc vû et si tu veux en connaître mon ôpinion je te la dirai, sans déguisement : d’abord, il n’a pas un extérieur bien brillant et quoiqu’en puissent dire les gens qui veulent le rajeunir, je ne me serais pas trompée sur son âge en le voyant mais il à pour compensation, ne phisionomie pleine de bonté et de bienveillance, un son de voix assez agréable, le langage d’un homme bien élevé et, qui peut être à sa place partout : ce que j’ai observé en lui avec le plus de plaisir, c’est un manque absolu de prétentions, il n’à point cet air d’importance que donne ordinairement une fortune promptement acquise et rien dans ses manieres ne
décèle ses quarante mille livres de rente : il à fait à Eugénie de fort beaux cadeaux nous en avons vu quelques uns et ses diamants sont ce que j’ai jamais vû de plus magnifique, avec tout cela il paraît aimer beaucoup sa femme et sa belle mere qui n’a pas de plus grand bonheur que de lui donner le bras en lui disant qu’il lui gâte sa fille, qu’il est trop bon et trop soumis ; après ce détail tu jugeras ma chere Rosanne tu peux savoir, si Eugénie se trouve réellement heureuse, je crois que cela n’est pas douteux, te dirai-je que ce bonheur ferait mon envie ? non certainement non quoique je conçoive bien qu’il ait son prix !......
[p. 3] Mes relations avec Delphine sont toujours beaucoup entravées par les soins qu’exige l’état de sa mère, ce n’est peut-être pas un mal pour moi cela me prépare insensiblement à une plus entière privation ;
je suis destinée à n’avoir connu toutes les douceurs de l’amitié, que pour [mot biffé] sentir plus cruellement les peines d’un isolement complet …… j’en ai toujours eu le pressentiment ……. je ne te dis point toute ma pensée, Delphine t’écriras dans deux ou trois jours.
je ne vivrai plus avec vous que par l’imagination par des souvenirs faits pour réveiller sans cesse de nouveaux regrets ….. mais Dieu le veut ma chere Rosanne, il sait mieux que nous ce qui nous convient à chacune ; s’il m’est défendu d’en murmurer il ne l’est pas du moins de m’en affliger, et c’est la seule jouissance qui me plaise, je voudrais ne jamais sortir de ce nuage de mélancolie qui enveloppe tout, autour de moi ; rien ne m’humilie davantage que cette excessive légereté qui sans aucune cause fait cha[...] nos dispositions sans que nous puissions ni l’expliquer ni [..]mpêcher ; mais j’oublie que j’écris à u[..] jeune mère toute occupée de son nourrisson et qui n’a guere [..] temps de me lire : il est si difficile de se circonscrire quand on écrit à une amie, pardonne moi cet entraînement, [mot biffé] ne m’oublie pas entierement chere Rosanne si tu ne veux que je sois tout à fait accablée des pertes que j’ai déjà faites et de l’apreh l’apréhension de celles qui se préparent :
Adieu toute à toi Nancy
maman te dis mille choses et te prie de ne pas l’oublier auprès de ta mere qu’elle remercie de son bon souvenir
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Goléty née Rocher
Bourg
Ain
2011.02.273 | Lundi 1er décembre 1828 | À Rosanne Goléty, née Rocher | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: 37 LA CÔTE-ST-ANDRÉ; anonyme, 2 DEC 1828; anonyme, 3 DEC 1828.
La Côte 1 Décembre
On n’est pas aimable comme tes lettres, ma Chere Rosanne qu’elles m’arrivent dans le calme de ma solitude, où qu’elles me trouvent environnée de distractions, elles ne m’émeuvent pas moins délicieusement ; ta derniere m’est parvenue à Grenoble où je suis alleè passer huit jours avec mon pere pour une maladie assez grâve de mon oncle victor ; nous l’avons trouvé bien assez fatigué à notre arrivée et son état sans faire craindre un danger prochain était assez allarmant pour exciter de vîves inquietudes, mais depuis ce moment, il est allé sensiblement mieux de jour en jour et nous l’avons laissé en pleine et entiere convalescence : ce voyage n’a donc pas été aussi triste que je devais l’imaginer, mais comme tous ceux que je fais, il n’a réalisé aucunes des espèrances que je pouvais raisonnablement concevoir ; beaucoup de gens que j’avais dèjá vû d’autres que je souhaitais de connaître, et que j’aurais très naturellement pû rencontrer, où des entrevues d’un instants avec ceux que j’aurais voulu voir à mon aise, m’ont fait une serie de petits contretemps, qu’il serait impossible de [mot biffé] classer : jamais la plus petite avanture agréable ; jamais rien qui se rattache à mon avenir …. la monotonie me poursuit partout ; et je me compare à Don Quichotte à qui un enchanteur jaloux ravissait toujours à son courage la gloire de combattre et l’espoir de vaincre ; quand il changeait exprès les armées en troupeaux [dans la marge de gauche, de haut en bas] Je me suis bien acquitée de ta commission à mon retour auprès de ta belle sœur, elle m’a dit qu’elle avait reçu depuis une lettre de toi et qu’elle t’avait répondu : [p. 2] de moutons et les princesses en sottes et laides villageoises : cependant ma chere Rosanne je n’ai pas le cerveau félé (je m’en flatte du moins) comme le Chevalier de la triste figure ; je ne demandes pas des géants à pourfendre et des reines à retrôner ; comment se fait il donc que ma destinée ait tant de points de rapprochements avec celle de ce hêros mal encontreux ?................
il faudra absolument que j’en vienne à étouffer ce monstre changeant qu’on appelle imagination, je n’ai point de pâture à lui donner et il finirait par me dévorer ............
J’espèrais un peu trouver Elise et Delphine arrivée, où près d’arrivée mais voilà que des papiers nécessaires pour leur partage sont entre les mains des avouées de Vienne et que les lenteurs de la patrocine vont retarder un voyage que j’attends avec une si vîve impatience :
Je te sais un gré infini mon amie de m’avoir donné des nouvelles de ton
excellente sœur, j’en avais demandé à Elise inutilement, (car elle ne m’à pas écrit depuis ton départ ; je conçois bien, tout ce que doit
éprouver ton bon cœur dans la comparaison de vos destinées, il semble à elle ta délicatesse que tu jouis de la part de bonheur qui lui était réservée et qu’elle doit t’en faire un reproche, mais s’il est vrai comme je n’en doute pas qu’on trouve dans la félicité de ceux qu’on aime un adoucissement à ses propres peines ta sœur est bien loin de s’affliger de la tienne : certainement je l’apprécie autant que tu le dis ma chere Rosanne et si je pouvais croire que les témoignages de mon affection ne lui fûssent pas indifférents et importuns je te prierais de lui faire part du vîf intérêt que je prends à tout ce qui la regarde : Je n’ai pas vu ton frère J… que la veille de notre départ, mon père etait allé plusieurs fois chez lui sans le rencontrer, et nous [p. 3] ne nous sommes non plus jamais trouvés à la maison quand il y est venu : On parlait beaucoup de mariages à Grenoble d’un entr’autres qui fait joindre les mains et baisser la tête d’etonnement, à toutes les jeunes personnes, celui de Mr Jacquemet (des agrements extérieurs duquel je crois t’avoir entretenu jadis) avec Mlle de Chichiliane ; jeune, riche remplie de talent, élévée à Paris, y passant les hivers, accoutumée à toutes les douceurs de l’ôpulence, n’ayant donc besoin de faire aucunes concessions aux quinze mille livres de rentes de Monsieur Jacquemet, puisqu’elle était en droit de s’y attendre accompagné des avantages qu’on désire rencontrer dans un mari : J’ai failli être aveuglée pour m’être permise (dans ma famille) d’en exprimer hautement toute ma surprise et il à fallu me tenir pour battue sur la laideur et la bêtise du héros ; cela ne peut pas entrer dans la tête des gens raisonnables, qu’une jeune fille de Paris se lais[..] prendre à de pareilles futilités ; il à un beau chateau une existence indépendante, et les quand on le regarde au travers des quinze mille livres de rentes, il n’est point tant laid,
point tant sot ; d’ailleurs sa femme à du bon sens et de l’esprit, elle aura de l’influence sur lui, elle sera bien maîtresse (Dieu sait comment on mène son (mari même un imbécille surtout si comme cela doit être il ne se croit) (pas tel) et quand j’ai voulu dire que nous trouvions cette fort supériorité fort peu désirable, que nous voulions un guide, un appui, un protecteur, je divaguais, je n’étais plus de mon siecle ….. et quel siecle pour nous ma chere Rosanne ! à quoi faut il s’attendre ? quel butor ne croira nous honorer en nous offrant sa main ? quel mort [dans
la marge de gauche, de haut en bas] de faim n’aura le droit de prétendre à la plus riche et la plus aimable héritière ? On se plaint
de l’augmentation des couvents, mais il n’y en pas encor assez pour receuillir toutes celles qui ne pourront se prêter à de pareilles transactions ……
[p. 4] Je suis vîvement touchée du désir que tu me témoignes de
m’avoir près de toi, mais je n’espère point pas que le vœu de ton affection puisse se réaliser : Je n’ai point apperçu Mr R... à Grenoble, ni entendu parler de lui quoique j’aye vû plusieurs de ses parents, on marie son cousin Casimir avec ma cousine Vallet, c’est un bruit très répandu mais nous n’y croyons pas.
[adresse ici au milieu de la page]
Madame
Madame Goléty née Rocher
Bourg
De L’Ain
[sous l’adresse]
316 85
101 40
418 25
[fin de la lettre sous l’adresse]
j’ai vue un instant Mme Delentre qui arrivait de Paris et qui allait partir pour Gap où son mari grâce à la générosité d’un de ses oncles qui à donné sa démission, à obtenue la place de Procureur du Roi : la nomination de Mr Chenevas est assez généralement approuvée, cela fait hausser les actions de son neveu Charles Rolland qui est substitut à Valence en attendant mieux : adieu ma chere Rosanne écris moi encore bientôt, cela me fait tant de bien, quoique cela réveille tous mes regrets et que j’en aye le cœur serré tous le jour : NB
2011.02.274 | Samedi 28 août 1830 (?) | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: VALENCE, 23 ou 28 (?) AOUT 1830; autre timbre, anonyme, 30 AOUT (année illisible).
Valence Samedy Aoust 1830
N’es tu pas folle à lier ma chere Adelle de ce prix obtenu à l’unanimité ? Monsieur Julhiet m’apporta hier soir cette grande nouvelle qu’il venait de lire sur la quotidienne et me remit en même temps la lettre de maman, tu peux penser combien j’en ai été heureuse ! je m’y attendais pourtant assez pour que ma surprise n’en fut pas extrême, et je m’était
depêchée de revenir de Roman (où j’ai passé deux jours avec Elise) dans l’espoir de trouver ici une lettre qui terminerait mon anxiété au sujet de notre pauvre Hector ! je [p. 2] comptais aller ce soir en faire part à Melle Nancy, et savoir à quelle epoque elle à le projet de repartir, elle m’avait dit en chemin qu’elle ne pouvait rester que jusqu’au premier où deux septembre et si elle est toujours dans la même intention il se fait temps que je le sâche : Mr Julhiet me presse beaucoup pour ne revenir qu’avec sa femme, ce qui ne prolongerait mon séjour que de fort peu de jours mais je ne suis point encor décidée, il faut avant tout que je voye Mlle Nancy. Si elle ne vient pas demain passer le dimanche à Valence, nous irons alors la voir après demain, puisque Mr Julhiet n’a pas pû nous conduire aujourd’hui à Champ-Rousset comme cela était convenu.
Je suis charmée ma sœur que tu ayes des livres assez intéressans pour combler
[p. 3] le vide que dois te faire mon absence tu serais bien envieuse si tu savais pour quelle lecture je vais te quitter eh ! bien ma chere je vais lire les lettres amoureuses de Napoléon écrites à une Demoiselle de Valence lorsqu’il n’était que simple lieutenant d’artillerie tu ne peux imaginer l’impression que j’ai reçue, rien qu’en voyant cette écriture en songeant à la main puissante qui traçait des sentiments depuis si long-temps oubliés et remplacés p[..] des intérêts si différents !... la nuit me talonne et la curios[...] me dévore je t’en apporterai une copie, toute vulgaires qu’elles sont elles ont un prix inestimable ; adieu ma bonne petite sœur, embrasse bien tendrement mon pere et maman il ne faut pas oublier Prosper j’espèrais en vain une lettre de Louise [p. 4] fais lui en le reproche si tu la vois mille choses pour Elise et moi à Mme Ellien, encor adieu je n’y vois plus, j’écrirai à maman un de ces jours.
[adresse en dessous]
Mademoiselle
Mademoiselle Adelle Berlioz
La Côte St André
Isère
2011.02.275 | Fin septembre-début octobre 1830 | À son frère Hector Berlioz | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, mais le texte, qui comporte de nombreuses ratures, s’arrête au haut de la troisième page et ne conclut pas: il s’agit d’un brouillon qui n’a pas été envoyé. Voir le commentaire.
Depuis plusieurs jours mon cher Hector je livre bataille à ma paresse et je me laisse vaincre par ce mot « Demain » je vois pourtant qu’avec ce mot là le temps s’écoule, mes torts s’accroissent et je sens qu’il faut faire un dernier et vigoureux effort ; Depuis la lettre que j’ai reçue de toi à Valence, nous en avons eu une où tu me paraîs presque mécontent, cet horrison si brillant se gâte-t-il déjà ? je me flatte que non ; et j’espère que ce n’est qu’un nuage passager qu’un rayon de soleil fait évanouir ! nous sommes impatients de connaitre le résultat de tes démarches pour rester à Paris, d’où vient que tu ne nous en dis pas un mot ? tu nous avais parlé de l’arrivée de Mr Moke pour les derniers jours du mois d’août et depuis rien ne nous fait croire que tu l’ayes vû les troubles de la Belgique l’ont-ils empêchés de partir et cette revolution nouvelle ne changera-t-elle rien à son existence ?? nous craignons que sa place ne lui soit ôtée et que ce ne soit encor un nouvel échec à tes esperances ; cela
« La gloire et le bonheur sourds à nos voix plaintives »
« N’accordent à nos vœux que des faveurs tardives »
[p. 2] Je suis de retour ici depuis à peu près trois semaines, et
je n’ai gagné à ce mois de séjour chez mes amies que de me trouver plus dépaysée plus étrangère que jamais dans notre pauvre Côte ; quand j’y reviens, les caquets, les trivialités les maisons noires, les rues, les visages, tout enfin m’apparaît sous un aspect si étrange saugrenu désagréable détestable que je croirais volontiers les avoir quittés depuis un siècle, tellement ils me sont peu familiers : il faut pourtant reprendre sa chaîne et brouter : il n’est pas probable que je voye de sitôt mon sort fixé ailleurs ; mes actions ne sont pas à la hausse comme les fonds publics, cette révolution me donnera le coup de grâce ……. j’ai pourtant trouvé un superbe marché à faire il y à quelque temps, mais je n’ai pas le moindre goût pour les spéculations j’aurais pû épouser un homme vieux, laid, gauche habitant une campagne sauvage et reculée à dix où douze lieux d’ici et à mille lieues de toi ! mais, un homme mon cher Hector, un homme qui possédait outre son grand gros bon-sens et sa [mot biffé] une excellente santé quatre où cinq-cents mille francs !.......
Si ce fait incroyable et connu je suis perdue de réputation pour l’avoir refusé ; il y à des gens qui me jugeront folle, extravagante, Romanesque, pourquoi ? parce que je trouverais (d’abord au dessus de mes forces) ensuite bas bas et vîl d’épouser un homme uniquement par calcul ; de le tromper par conséquent car quel [p. 3] est celui qui se respectant voudrait une femme guidée par de semblables considérations ; je sais qu’il est des sacrifices qu’il ne faut pas faire legèrement et que les convenances de fortune qu’on serait téméraire de négliger mais il y à loin de cette exigence raisonnable, à l’acte inoui [le texte s’arrête là]
2011.02.276 | Jeudi 24 mars 1831 | À Rosanne Goléty, née Rocher | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, long texte écrit assez petit, mais le texte est incomplet après la dernière page; pas d’adresse ou d’enveloppe; encre assez pâle et difficile à lire.
La Côte 24 mars
Je ne devrais m’étonner que d’une chose ma chere Rosanne c’est de te voir prendre le temps de songer à moi au milieu d’une vie toute de bonheur et d’affection ! cela ne veut pourtant pas dire que je ne me permets aucunes plaintes quand tes lettres deviennent plus rares ! c’est un besoin trop impérieux pour que la privation n’en soit pas bientôt insupportable je voulais déjà trouver des raisons extraordinaires à ce silence puisque je ne le concevais plus ; j’oublie que ton existence n’est pas soumise aux lois régulieres de la mienne et qu’il te faut un grand effort de volonté pour t’arracher une heure ou deux aux caresses de ta petite fille Marie, aux douceurs de l’intérieur de famille, où aux distractions de la femme du monde !
J’ai eu ces jours passés le plaisir de me retrouver avec notre bonne Delphine, mais le bonheur à été si court que j’en suis à me demander si ce n’était point un rêve ! on reprend si vîte cette douce habitude de se voir chaque jour que l’on ne comprend plus qu’on aye pû la perdre ; elle est toujours excessivement maigre, pourtant elle se porte fort bien, son petit garçon est en revanche d’un bel embompoint, mais il n’a que ce genre de beauté, cela la console sur ce qui lui manque d’ailleurs, car toute folle mère qu’elle soit elle ne se fait pas illusion la dessus, elle est surtout désolée du peu de développement de son nez qui à en effet [p. 2] du chemin à faire pour arriver à la hauteur des acquilins Du reste il est assez intelligent pour son âge, il sait [mot biffé] avoir quelques petites gentillesses, et n’en eut il point à des yeux indifférents combien l’œuil d’une mère ne saurait pas lui en découvrir ? ce que j’ai remarqué avec le plus vîf interêt dans cette gentille petite Delphine c’est l’expression du contentement : le sourire du bonheur ne se contrefait point, et il m’a paru en effet que son Charles avait tout à fait remplis la facile tâche. qui lui était imposée, comme tous les Julhiets il s’échauffe dans la même proportion que les autres se refroidissent, il lui à écrit de fréquentes et longues lettres, où (je suis bien aise de m’en vanter) il se trouvait toujours quelque chose d’aimable pour moi ! quant à Mme Jamonet, elle ne m’a pas semblée plus familiarisée avec sa malheureuse position, c’est une bien excellente femme qui n’a rien perdu de sa bonhomie en devenant mere de deux grands enfants ; elle se raccoutumait bien vîte à cette vie de la Côte, à ces habitudes de famille que rien ailleurs ne peut remplacer et je crois qu’elle avait le cœur bien gros en la quittant : elles sont restees quelques jours de plus pour voir ton frère, et mais comme il s’est arrêté à Lyon en passant elle n’ont eu qu’une journée pour à lui consacrer ; elles ne connaissaient point ton projet de voyage et ne songeaient pas du tout à la possibilité de se rencontrer ici avec toi : Elise ne doit point accompagner Mr Julhiet, et comme il veut doit profiter des courtes vacances de Pâcques pour faire une visite à ton frere je ne présume pas que ton arrivée cadre encore avec la sienne tu es pourtant bien sâge de te décider à profiter du séjour rejoindre de ton frere, quoique ce ne soit que pour lui, c’est une bonne avanture pour d’autres qui ne s’attendaient guère à te voir sitôt ; pourquoi en effet ne pas se procurer toutes les douceurs qui nous sont offertes ? la vie n’a-t-elle pas assez d’amertumes inévitables pour que nous négligions des compensations [p. 3] quand elles se présentent ? je te sais bon gré mon amie de la lenteur et de la circonspection que tu mets à délibérer l’affaire dont tu m’avais parlé, c’est entrer tout à fait dans ma manière de voir, car je suis si pénétrée des chances qu’on court en se décidant trop légèrement que je ne croirais jamais y avoir assez réfléchi ; que tu es heureuse mon amie d’avoir une destinée toute faite ! dans quelle cruelle anxiété on envisage son avenir quand on songe à toutes les vissicitudes qu’il peut apporter ! que je comprends bien les indécisions de Zélie ! on en vient au point d’avoir peur de tout, on n’aime pas ce qu’on connaît trop on redoute ce qu’on ne connaît point ! on ne voudrait pas rester comme on est, on craint encor plus d’échanger son sort contre un pire ! ... tu crois connais aussi par experience quelques unes de ces perpléxîtés, tu ne l’as sans doute pas si vîte oublié ; maries ta fille à dix-huit ans si tu le peux, c’est le mieux qu’on puisse faire j’en suis convaincue ; il me tarde bien d’apprendre l’heureuse délivrance de Zélie j’espère que tu me traiteras selon le degré d’intérêt que j’y prends, et que je serai une des premieres à qui tu en feras part ; je suis toujours bien touchée des marques de souvenir que je reçois de ta bonne sœur Mme Tomas, dis lui lui je t’en prie le haut prix que j’y mets, qu’elle sâche que je ne suis point ingrate ; j’en ai eu des nouvelles par ton frere j’ai appris avec peine que sa santé n’était pas encor très bonne ; ces deux enfants doivent lui faire une grande consolation, il paraît que chacun de leur côté ils lui promettent un avenir qui la dédommagera du passé je ne vois rien dans la vie de comparable aux jouissances d’une mère ! il y a là ce me semble de quoi payer tous les sacrifices, indemniser de toutes les privations !
[p. 4] Nous avons reçu depuis une dizaine de jours seulement, une
lettre de mon frere ; les troubles de l’Italie commençaient à nous
donner de vîves inquietudes, les tempêtes politiques nous tourmentaient plus
que les dangers de la mer pour une courte traversée, et c’était justement le seul qu’il courut ; il s’est embarqué à Marseille sur un Brik sardes dont le Capitaine ignorant et inexpérimenté à failli lui faire payer de la vie la médaille d’or : sans le secours d’un jeune Capitaine de Corsaire Vénitien qui se trouvait à bord parmi les passagers et qu’ils ont investis du commandement dans l’iminence du péril, ils auraient infailliblement fait nauffrage ; il nous à fait une narration vraiment
épouvantable de ce terrible moment, le cœur nous battait bien fort en la
lisant, et puisqu’il aime tant les émotions il à dû savourer toute l’horreur et la nouveauté de celles ci de manière à ne pas les desirer de si-tôt ; il nous écrivait de Florence, car il n’avait pû encor se rendre à Rome à cause des bouleversements politiques ; il était obligé à chaque pas de se soumettre à une foule de formalités vexatoires, il est naturel que la police soit plus active que jamais dans un pareil moment ; il esperait pourtant pouvoir se rendre bientôt à Rome (d’où nous dit il tous les Français se sauvent) aussi sa colère est grande contre ceux qui l’y envoie ; sa vie est à Paris, l’Italie ne lui à rien offert qui pût le dédommager du tourment de l’absence ; je suis bien impatiente de savoir comment il se trouve, une fois installé, peut être éprouvera-t-il moins cette sensation d’isolement qui désenchante, qui décolore les plus riants objets les plus délicieux séjours !
J’abuse ma chere Rosanne des droits de l’amitié en t’entretenant si longuement de ce qui m’appartient et il faut [le reste de la lettre est perdu]
2011.02.277 | Mercredi 11 janvier 1832 | À Camille Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Petite déchirure au côté gauche de la 3ème page. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, 11 ?? (pratiquement illisible); anonyme, 12 JANV 1832.
Mercredy
J’avais bien raison de redouter encor un mécompte, mais j’aurais tort de vous gronder … non, non je ne crois pas à votre indifférence ! je ne doute pas de vos sentiments cette conviction m’est trop chère, trop précieuse pour que je la perde si facilement ! me pardonnerez vous mes injustes reproches ? faut il donc toujours qu’on se rende malheureux sans le vouloir ! l’idée que j’ai pû accroitre vos contrariétés, m’est insupportable j’espère qu’en relisant ma lettre vous l’aurez mieux comprise, vous n’y aurez rien trouvé qui puisse vous faire imaginer que vous m’avez déplu ; non cela est impossible, où j’aurais bien mal sû exprimer ce que je sentais :
Je ne voulais pas croire que votre rhume fût aussi sérieux quoique j’aye reçu hier une lettre de Mme Apprin assez inquiétante, je me flattais que suivant [p. 2] sa consolante coutume, elle exagérait le mal et ses conséquences, car elle doutait que vous
pûssiez partir mercredy ….. pourquoi as-t-elle deviné si juste ? encor deux longs jours à vous attendre ! et si votre fièvre ne cesse point .... pour l’amour de moi soignez vous ! Ne sortez pas, faites tout ce qu’il faudra pour vous gûérir ; Mme Votre mère as très bien faît de vous empêcher de partir ce soir, je n’ôse vous dire tout ce qu’il m’en coûte d’applaudir à cette sage résolution, vous me comprendrez puisque vous savez que ….. je ne devrais pas vous l’avouer dans la crainte d’augmenter vos regrets et votre impatience ! c’est un enfantillage de se désoler pour un si court délai, il y a bien peu de temps jusqu’à Samedy matin ! allons calmez vous, l’épreuve est bientôt finie, une fois passée, ce n’est rien ; et s’il ne tiens qu’à moi de vous faire perdre ce souvenir pénible il sera bien vîte
effâcé : si cependant votre rhume se dissipait d’ici à demain soir [p. 3] mais non .. cela n’est pas probable faites ce que votre mère voudra …. soyez raisonnable, je tâcherai d’être patiente et résignée, n’ayez pas peur que je fâsse une seconde fois injure à votre affection ! pourquoi n’y compterais-je pas ? ne m’en veuillez pas quand vous serez ici si j’impôse quelque contrainte à mes sentiments, la délicatesse des vôtres me garantit de toute inquiétude sur les aveux que je vous fais ….. mais je [..]udrais qu’ils ne fûssent connus que d[...]us seul ; s’il était possible qu’[.....] ignorât chez vous que je
vous écris encore j’en serais bien aise ! pourtant j’aurais voulu que Mme Votre Sœur connut tout le regret que nous aurons de ne pas la voir à la Côte surtout pour une cause fâcheuse, il semble que tout se réunit pour combler la mesure de nos contrariétés ! mais il y à dans mon cœur une telle confiance de l’avenir que je ne m’arrêterai point aux présages fâcheux que tous ces mécomptes pourraient faire naîtres [la lettre se termine sans formule de salutation ou de signature]
[p. 4] [adresse]
Monsieur
Monsieur Camille Pal
Grande rue
GRENOBLE
2011.02.278 | Mardi 13 mars 1832 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la quatrième; déchirure au côté droit de la troisième page. Timbres postaux: GRENOBLE, 13 MARS 1832 (année peu lisible); anonyme, 14 M[ARS] 1832.
Grenoble mardy soir
Je m’attendais un peu aussi ma chere sœur à vous voir arriver avec mon oncle, il me semblait que l’occasion était assez belle pour vous tenter, mais vous m’avez toute la mine de gens qui font des projets en l’air et je crois que si je n’allais pas à la Côte le mois prochain je risquerais fort de ne pas vous embrasser de quelques temps, il paraît aussi que les dames Veyron s’arrangent de manière à ne plus me trouver à Grenoble, c’est supérieurement imaginé !
Nous devions aller aujourdhui à Meylan mais l’émeute n’a pas voulu nous le permettre, nous avons étés toute la journée en révolution, vous en savez sans doute déjà quelque chose, et selon l’usage on vous aura fait un récit mensonger de toute cette affaire, Voici à peu près, ce qui en est, c’est la mascarade de dimanche qui à commencée l’histoire elle représentait le roi Philippe et le juste milieu elle est allée prendre ses ébats à la porte de France le commandant de la place à refusé de la laisser rentrer, on à croisé la bayonnète et apres quelques pour-parlers, les jeunes gens ont étés obligés de se faire reconnaître pour rentrer dans la ville :
[p. 2] Il devait y avoir le même soir (dimanche) un bal masqué le
préfet éffrayé de la tournure politique des masques à fait fermer et défendre le bal, les jeunes gens outrés de cela sont venus hier dans la soirée lui donner un Charivari, au milieu des cris et des houras injurieux de cette foule la troupe de ligne est arrivée en traître sans crier gare sans une seule sommation la bayonnète en avant, elle en à blessé une vingtaine Camille était donc ce moment là chez falcon à lire les journaux les fenêtres ont étés brisés par les fuyards et une douzaine de blessés sont tombés au milieu des lecteurs dont Camille faisait parti, il
à été toute la matinée d’aujourdhui au tribunal pour instruire l’affaire dont il était témoin hier, il à remplacé le juge d’instruction qui est malade et il n’a pas ménagé l’autorité dans cette affaire qui asetée il en faut convenir conduite bien brutalement ; deux des malheureux atteints des bayonnètes ont succombés dans la journée à leurs blessures, le peuple en à été exaspéré et la garde nationnale s’est réunie, non pour le comprimer, mais pour servir sa cause on voulait jetter le préfet à lIsère, quelques uns plus modérés ne parlaient que de le porter de force dans une voiture à quatre chevaux et de l’emmener en poste dehors de la bonne ville, mais ce projet n’à pas eu lieu faute d’ensemble dans les meneurs ils
demandent aussi à cors et à cris le renvoi du 35eme la ligne à été consignée à la caserne, la garde nationnale [p. 3] s’est emparée sans résistance de tous les postes. le préfet et le général sont prisonniers chez eux et gardés par des bataillons de volontaires, où plus-tôt le peuple et la canaille armés de couteaux de pistolets
etc ; ils ont envoyés des émissaires dans les campagnes pour convoquer les gardes nationnaux et leur demander aide et secours contre la troupe de ligne et les autorités ; la mairie est pourtant libre et respectée, elle à fait afficher une proclamation, le préfet à voulu en faire une qu’on à déchirée sans daigner la placarder, elle n’était pas de nature d’après ce qu’on m’en a dit à [.....] esprits : à présent qu’en arrivera-t-il ? qu[.....] dessus ? nous n’en savons rien, l’autorité n[.....] la force d’inertie, c’est peut-être le seul bon [.....] car les vainqueurs sont tout attrapés d’une victoire qui leur à couté si peu et je crois qu’ils ne savent plus qu’en faire, ce qui me le prouve c’est qu’à l’heure qu’il est tout est parfaitement tranquille ; notre rue l’est plus qu’aucune autre, elle n’est pas commerçante comme vous savez et la famille Peyrier étant absente il n’y a aucune raisons d’y faire du tapage : Mme Teissère en est à demie morte de peur, mais elle à grand tort car personne ne s’occupe de son mari on ne lui accorde plus assez d’importance pour cela ; mon beau-frere à été sous les armes toute la journée il ne serait point charmé de se battre, car il ne se soucie pas de prendre parti ni pour le juste milieu ni pour la canaille ; j’espère qu’on n’en viendra pas là et que tout s’appaisera naturellement : [p. 4] je parie que Mme Laroche se tourmente déjà de son pauvre garçon, dis lui qu’il est venu hier me voir, qu’il n’a pas pû partir pour la Côte comme il le désirait à cause de leurs affaîres de la cour et que je suis certaine qu’il ne lui est rien arrivé ; ma belle mère était assez inquiète de voir son fils Henry de la garde nationnale, mais je vois qu’elle commence à se rassurer moi
[adresse ici]
Mademoiselle
Mademoiselle Adelle Berlioz
La Côte St andré
Isère
[au bas de la page, en dessous de l’adresse]
telle que tu me connaîs je n’ai pas grand peur, seulement je ne permettrai point à Camille d’aller se fourer en curieux au milieu de l’émeute si elle revient ; quoique tu veuilles lui dire des sottises, il ne t’en aime pas moins et ne se sent pas le courage de te répondre sur le même ton
adieu je vous embrasse tous bien fort, merci des rosiers [texte terminé dans la marge de gauche au dessous de l’adresse] Le calme le plus profond règne à présent nous n’entendons pas un chat remuer
N B
2011.02.279 | Mardi 17 avril 1832 | À Camille Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la quatrième; écriture soignée et bien lisible Timbres postaux: LA CÔTE-ST-ANDRÉ, (jour illisible) AVRIL (année illisible); anonyme, 20 AVRIL 1832.
La Côte 17 avril
Je viens de recevoir ta lettre mon cher Camille je l’attendais avec une dévorante impatience je ne devrais peut être pas y répondre, je le sens, je risque fort de t’importuner mais le moyen de m’en empêcher, je suis femme et je t’aime ! oh oui je t’aime, c’est là le mal, le grand mal dont je me plains ; si je n’avais pour toi que cette espèce d’amitié dont tu prétendais ne pouvoir te contenter j’aurais été satisfaite de ton exactitude à m’ècrire
au jour convenu, je ne me serais pas précipitée sur chaque ligne avec l’espoir d’y trouver un mot de tendresse, mon cœur n’aurait pas été si cruellement froissé de cette recommandation de ne pas t’oublier, que tu glisses là sans songer que c’est de toutes celles que tu [p. 2] pouvais me faire la plus inutile !.... ah ! pourquoi m’avais tu laissé pressentir le bonheur d’être aimée d’amour puisque tu ne pouvais me l’accorder ! où pourquoi à-t-il cessé au moment même où il m’était si doux d’y répondre ! peut-être n’en dois-je accuser que moi ! pardon mon ami de mes injustes reproches, de mes ennuyeuses plaintes ! si tu as jamais compris le sentiment qui me tourmente tu auras quelque pitié de ta pauvre femme : tu savais si bien me dire combien il est triste de n’être pas sûr de la réciprocité ! tu semblais désirer si fort d’être autre chose pour moi qu’un mari ! comment découvrir un amant dans cette lettre écrite à la hâte je le sais, mais le cœur à-t-il besoin d’étudier ses expressions ? ne viennent-elles pas
irrésistiblement sous la plume quand il à besoin de se répandre ?...
pardon encor une fois mon ami je devrais t’épargner des reproches qui s’ils sont mal [p. 3] fondés t’affligeront, et qui s’ils ne le sont pas sont plus qu’inutiles ! la raison et la fierté auraient dûs me les interdires, je suis sûre que je m’en répentirai, mais n’importe, je veux que tu connaisse toute ma faiblesse, où plus-tôt toute la force du sentiment qui m’attache à toi ; d’après les détails que tu me donnes sur tes affaires, il me paraît que les Houteaux sont loins d’être vendus et que tu ne pourras rien terminer dans ce voyage : arranges ton bail de manière à ce que cela puisses se faire plus tard si les circonstances t’étaient plus favorables, du reste [mot effacé] que tu agîsses je serai toujours contente, puisque ma satisfaction se compôse uniquement de la tienne : nous devions aller aujourdhui dîner à Pointières, le mauvais tems nous en às empêché, j’en étais d’abord contrariée mais quand j’ai eu reçu ta lettre, j’ai été au contraire bien aise de rester à la maison je sens que je n’aurais pû être gaie et aimable, j’ai besoin de solitude ;
[p. 4] Adieu mon cher Camille plains moi, non pas d’être séparée de ce que j’aime, mais de ne pas être aimée comme j’aime car c’est de tous les tourments de l’amour le plus cruel celui qui laisse le moins de consolation —
[adresse en dessous]
Monsieur
Monsieur Camille Pal
hôtel du Parc
Dijon
Côte d’or
2011.02.280 | Samedi 24 novembre 1832 | À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz | Texte corrigé | — |
Cinq pages en tout; un feuillet de quatre pages, plus une feuille séparée écrite d’un côté, adresse de l’autre. Timbres postaux: GRENOBLE, 24 NOV. (18)32; LA CÔTE-ST-ANDRÉ, 25 NOV. (année illisible).
Grenoble samedi
Ma chere maman
Je viens de recevoir votre lettre et le gibier qui l’accompagne, dont je vous remercie pour ma belle nièce, nous étions occupés Camille et moi à en faire la reconnaissance, lorsque mon grand-père est entré arrivant à pied de Muriannette où il était depuis près de trois semaines ; Camille vient de l’accompagner chez un notaire ou il se fait une vente d’un petit bois enclavé dans ses propriétés, objet de trés mince valeur à ce qu’il nous à dit et qui ne peut convenir qu’à lui je suis charmée que Camille ait été libre de se rendre avec lui chez Mr Rancour parce qu’il lui empêchera peut être de faire quelque sottise, il lui á promis que nous irions également demain dîner avec lui pour lui aider à manger les bécasses, dont vous savez qu’il n’est pas mal friant Vous me faites des reproches sur Mon insouciance à l’égard de Mr Quincieux que je ne mérite point car voici ce qui est arrivé, je l’ai rencontré chez mon oncle [p. 2] Auguste où il ne logeait point, il me dit qu’il partait le lendemain, mais qu’il voulait voir mon mari, je lui répondis que mon mari aurait bien du regret de ne pouvoir faire sa connaissance car il se trouvait ce jour là à Voreppe, je n’ai point sçu qu’il se fût présenté chez moi le lendemain, il à demandé Camille sans doute sans le nommer, et comme il arrive souvent des gens étrangers à la maison qui viennent pour affaires = personne ne nous à rien dit et par-conséquent nous ne pouvions le deviner : je viens de recevoir une lettre de Mlle Nancy qui me prie de lui chercher une occasion pour envoyer quelque chose à Paris. je puis justement lui rendre ce service par l’entremise de Mme Teissère que Camille trouvera encor à Dijon, je ne crois pas que ces dames soient arrivées à Paris au moment du concert d’Hector parce qu’elles vont dans leur voiture,
et plus lentement qu’en diligence (quoiqu’en poste) et qu’elles s’arrêtent plusieurs jours chez Mme Chapert : Mme Pion reverra bientôt son mari car les assises finissent au commencement de la semaine prochaine et elles sont si peu tragiques que je compte y aller Lundi avec Mme Desplagne pour un procès politique qui doit être plaidé par Messieurs St Rôme et Raimond d’une manière si plaisante d’après ce qu’on m’en à raconté que ce serait à [p. 3] pouffer de rire ; Mr Charles Roland doit nous y accompagner et nous placera bien : j’ai fait avant hier une autre équipée je suis allée au spectacle, pour savoir ce qu’était la Salle de Grenoble et si les acteurs méritaient le bien qu’on en dit depuis quelque tems : on jouait le barbier de Séville opéra de Rossini, dont la musique est charmante mais si pitoyablement jouée que j’ai trouvé le temps très long et que je ne suis point tentée d’y retourner on ne peut pourtant
pas dire que je soye blasée ni que j’aye été gâtée par mieux, le fait est que je suis exigeante en plaisirs, cela n’est pas un mal je ne ferai jamais de folie pour m’en procurer et je n’aurais pas de peine à me garantir de la tentation du spectacle.
Notre procureur du roi marie se sœur aînée âgée
de 35 ans, oui Mlle Adèle une sœur rassie à qui vous
donniez du reste son brevet de vielle fille elle épouse le fameux notaire de Mlle Nancy l’estimable Mr Bourgeat qui n’à que 45 ans, bien conservé, un état et cinquante mille francs, cela va à merveille il n’y a que le séjour d’Uriage qui ne plaît guère à la demoiselle ; je m’en vais en faire compliment à Mlle Nancy qui ne m’en dit rien peut être l’ignore-t-elle encor ; je n’ai pû malgré tous mes soins obtenir votre chapeau, je suis allée hier faire une sortie à Mlle Jeannette qui n’à voulu me le promettre sûrement que pour Lundi soir, faut-il y compter mieux ? je ne [p. 4] sais, mais dans tous les cas cela ne serait pas ma faute je verrai s’il y à moyen de se servir de votre caisse j’ai parlé à mon grand père de votre bois, il m’a dit que cette année il n’en avait pas, qu’il en achetait et qu’alors il pourrait également vous en faire porter mais puisqu’il ne le prend pas chez lui vous
feriez mieux il me semble de vous en fournir d’ailleurs : il voudrait bien une Charge de vin de la Côte de cette année qu’il pense devoir être bon ; il préfère le rouge au blanc ; il à refusé de vendre le sien de Murianette à 17fr il à encor ses deux récoltes dans sa cave, et pourvû qu’il lui arrive quelqu’accident comme à Camille le profit ne sera pas grand ; mon mari est allé hier à Voreppe fort à propos, il à trouvé un tonneau de 15 charges qui coulait, il n’a pû en sauver que deux, les 12 autres étaient déjà répandues, vous voyez ma chere maman que cette année n’est pas des plus heureuses pour nos récoltes, on dirait que tout se réunit pour nous accabler ; heureusement nous prenons cela trés philosophiquement : vous ne me parlez point de Prosper j’en conclus qu’il est toujours content au Collège : ma santé est toujours aussi bonne, excepté la continuité de mon ancienne indisposition qui pourtant n’augmente pas : j’ai cessé de faire gras le vendredi, si mon pére croit qu’il n’est pas très nécessaire, je cesserai aussi de le faire le samedi, car malgrè ma préférence je serais bien fâchée [p. 5] d’y manquer sans de véritables et légitimes motifs : le maigre me passe bien, ainsi mandez moi ce que mon père ordonnera de nouveau à ce sujet ; j’ai quelques légers maux de cœur de temps en tems mais je n’ai pas vomi depuis mon depart de la Côte : mon grand père à fini son marché, il à payé ce coin de broussailles 230fr on à dit à Camille que cela n’était pas cher, ne l’ayant pas vû il n’en peut juger : Hector ne m’a point encor écrit j’attends toujours qu’il le fâsse car moi je n’ai rien de bien intéressant à lui mander :
Adieu ma chere maman, voilà un assez bel infolio dont j’espère que vous serez contente car si la qualité n’est pas merveilleuse la quantité d[..]t la compenser, nous vous embrassons tous tendrement mon mari et moi
Votre respectueuse et affectionnée
fille Nancy
j’ai de tems en tems encor une peu de coliques, j’ai essayé de prendre un bain mais je ne m’en suis pas trouvée assez bien pour y retourner
[adresse à la dernière page]
Madame
Madame Berlioz
La Côte St andré
Isère
2011.02.281 | Mercredi 20 mars 1833 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière, verticalement de bas en haut; petite déchirure au côté droit de la troisième page. Timbres postaux: GRENOBLE, 20 MARS 1833; LA CÔTE-ST-ANDRÉ, 22 (?) (mois et année illisibles).
Grenoble – mercredi
Je serais tentée de te gronder bien fort ma chere adèle si je n’étais désarmée par l’idée, que ton silence ne vient probablement que de ton assiduité au travail énorme que tu as entrepris pour moi mais encor une fois ne te fatigue pas, prends en à ton aise, tu en as d’autant plus le tems que je veux accepter ton offre aimable et transformer la lange en robe, cela fera une charmante redingote j’ai pris aujourd hui chez Mme
Murat la largeur de Jacomet que je remettrai à Camille pour te la porter, elle m’à dit, que la broderie des deux devant était bien cousue il la fallait seulement en faisant l’ourlet on à soin de l’amoindrir en remontant vers la ceinture : Je suis bien reconnaissante de la peine que vous prenez pour confectionner ma léyette, maman à l’air de penser que tout cela sera inutile si je me décide à mettre mon enfant en nourrice [p. 2] mais elle se trompe car dans le cas où je prendrais ce parti qui me coûte tant de combats et d’irrésolution je m’y mettrais en quelque sorte de même, puisque j’aurai la maison de mon grand-père toujours ouverte où j’irai souvent m’établir plusieurs jours de suite alors je serai constamment près de ce pauvre petit (que j’ai si fort regret à exiler que je renvoye de semaine en semaine pr ma derniere décision) [mot biffé] et croyez vous que je n’aimerai pas à le mener promener dans le pays et à le faire un peu beau quand je serai à Meylan ? Dans tous les cas mettez le moins de luxe possible dans ce trousseau et plaignez moi si je ne puis me parer à la fois de mon enfant et de vos jolis ouvrages ; le lange à entredeux sera bien assez beau, quoiqu’il arrive et la robe brodée servira à faire mes visites de couches, elle est là de rigueur ; j’ai reçu deux aunes de dentelles de Jeanneton dont je lui ai donné 1fr30 l’aune, vous l’employerez à cela au trousseau ou à autre chose comme cela vous conviendra je la remettrai aussi à mon mari la semaine prochaine ; parlons un peu de sujets plus intéressants ; j’ai été bien étonnée ainsi que Camille, ma bonne sœur que mon père se soit tant pressé de faire part à mon oncle de la dernière décision d’Hector, il nous semblait [p. 3] que l’intérêt qu’il avait pris à cette affaire était bien différent de celui que nous y mettions nous mêmes et que nous méritions d’en être instruits les premiers et surtout plus-tôt que lui, n’allez pas croire cependant que nous voulons tomber dans la susceptibilité mais c’est un rapprochement qu’il
nous à été difficile de ne pas faire ; il nous paraît maintenant certain que ce malheureux mariage est totalement manqué, d’aprés la phrase d’Hector, si elle le veut absolument plus tard, son intention n’est pas douteuse ; si cet acte respectueux n’avait pas été présenté dans un pays comme la Côte, où les maisons sont de verre et la vie domestique à jour il eut été facile où possible d’éviter l’éclat fâcheux qui à eu lieu comme si la chose s’était faite et seulement s’il n’y avait point eu de Côtois établi ici cela eut été ignoré à Grenoble ; [..] Desplagne fait son métier de public, il va conta[..] que mon pere à écrit une belle lettre à Mis S..on pour lui déclarer qu’il ne faut pas qu’elle compte sur la fortune de son
fils, qu’il n’a plus maintenant que 3 enfants et qu’il vendra plus-tôt ses propriétés pour ne pas lui laisser un sou » ce à quoi la Mis aurait répondu qu’elle s’en fichait bien et je ne sais quelles autres balivernes ; je ne puis douter que le cher brave homme n’aye recueuilli cela de quelque compatriote cancanier comme lui ; mais tant que je n’apprendrai de pareils détails que par des bouch [p. 4] bouches étrangères je ne croirai pas, devoir y ajouter la moindre croyance ; me voilà à la fin de mon papier et je ne t’ai pas encor dit un mot de notre bonne amie je compte sur elle pour te mener un peu promener et faire une agréable diversion à tous vos ennuis, gardez là tant que vous pourrez, c’est mon conseil et mon désir quoique je ne puisse partager avec vous le plaisir
[adresse ici]
Mademoiselle
Mademoiselle Adèle Berlioz
La Côte St andré
Isère
[le texte continue sous l’adresse]
de sa société, j’en jouis pour vous tous ; je connaissais l’aventure de cette pauvre Adrienne, car je me suis fait conter tout cela par Mme Desplagne qui m’avait recommandé le secret, comme si une chose pareille arrivée à un individu de la Côte pouvait rester cachée seulement un jour ! les drôles de gens pour garder des secrets !
adieu bonne sœur écris moi donc bien vîte embrasse pour moi pere mère et
notre chere amie N[P]
[dans la marge de droite, verticalement de bas en haut, sous l’adresse]
Camille à acheté ses pattes d’asperges, ainsi ne vous en inquiétez
plus ; ma santé est toujours assez bonne
2011.02.282 | Mardi 27 août 1833 | À son père Louis-Joseph Berlioz | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la quatrième. Timbres postaux: GRENOBLE, 27 AOUT 1833 (assez peu lisible); LA CÔTE-ST-ANDRÉ, 28 AOUT (3)3 (très peu lisible).
Grenoble mardi
Mon cher papa
Camille m’engage à vous écrire pour vous parler - de la visite qu’il à reçu cette après midy à l’occasion d’Hector ; alexandre Michal est venu le pérorer pour qu’il lui prêtât de l’argent, il paraît qu’il à écrit de nouveau à Mr Pennet pour qu’il lui procurât de l’argent, et qu’il est (je n’ai pas de peine à le croire) dans le plus entier dénuement ; je sais bien que rien n’est plus impossible que de lui envoyer les sommes [p. 2] qu’il demande, et que rien n’est plus révoltant que q l’idée de les voir employées à entretenir Mis Smithson ! Si cependant vos entrailles paternelles étaient émues de la détresse où il semble se trouver, vous pourriez écrire à Robert pour vous éclaircir sur ce fait et trouver le moyen de lui faire parvenir quelques secours sous son couvert et par son canal ; c’est avec bien de la peine que je me vois forcée de vous causer encor de nouveaux chagrins au sujet de mon malheureux frère, nous ne pourrions désirer que l’oubli, mais il n’est pas possible de le perdre long-temps de vue ; il à voulu s’isoler de la famille, et l’infortuné ne peut s’en passer !…
[p. 3] Nous sommes en préparatifs de départ pour la campagne, nos effets partent demain de bon matin et nos personnes après demain j’ai vu ce tantôt Mme Laroche qui m’a donné de vos nouvelles elle à été étonnée de trouver ma fille si fort grôssie, le fait est que depuis une quinzaine de jours elle à beaucoup profité ; elle commence à être assez gentille et elle fait déjà mon bonheur [..] le plaisir de ma vie ; Odile est partie hier soir pour Lyon avec son nourisson, sa bonne, ma tante, le prècepteur et Jules, qui en était comme vous pensez le plus en-train, je leur souhaite beaucoup de plaisir, mais je ne voudrais pas être de leur partie, dans un hôtel avec [p. 4] un enfant de sept mois, il faut être drôlement bâtie pour s’y divertir ;
adieu mon cher papa, j’ai eu ce matin des nouvelles de mon grand-père par sa domestique, il va bien
[adresse ici]
Monsieur
Monsieur Berlioz
La Côte St André
Isère
[le texte continue sous l’adresse]
je n’écrirai plus maintenant que de Voreppe adressez y mes lettres aussi adieu je vous embrasse ainsi que maman et ma sœur aussi tendrement que je vous aime, votre fille Nancy
2011.02.283 | Mardi 8 décembre 1835 | À Rosanne Goléty, née Rocher | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: LA CÔTE-ST-ANDRÉ, 8 DEC. 183*; BOURG, 10 DEC. 1835.
La Côte 8 décembre
Je viens de recevoir ta lettre ma chere rosanne, je t’avoue que je l’attendais avec une impatience mêlée d’inquietudes on craint toujours pour le succès de ce qu’on désire vivement, cette attente [mot biffé] et ce doute pénible m’ont seuls empêchés de t’écrire avant d’avoir cette réponse decisive qui suspendait tous nos projets en ajournant nos espérances ; aussi vais-je me hâter bien vîte d’en faire part à mon beau-frere à qui ce delai à je n’en doute pas paru bien long je vais lui dire que vous lui permettez de se présenter sous mon égide et que vous nous laissez la liberté de rapprocher ce moment si désiré par lui, et par moi pour plus d’un motif ; j’ai reçu il y à peu de temps une lettre de ma belle mère extrêmement empressée sur ce mariage, le bonheur de son fils lui semble être attaché à sa réussite [p. 2] toute l’activité de son imagination se réveille pour anticiper sur les évènements elle voit d’avance ce vœu ardent de son cœur se réaliser, elle avait tant peur de ne pas vivre assez pour cela ! heureusement sa santé s’est fortifiée et nous espèrons maintenant la conserver long-temps, c’est une excellente femme qu’il est difficile de ne pas aimer quand on la connaît, et pour la connaitre il suffit de la voir …. car elle se découvre à tout le monde avec un rare abandon, j’ai bien envie de me laisser gagner comme elle aux prestiges de l’espèrance et de former dejá des plans d’avenir pour Mlle Félicia le soin de son bonheur me sera bien cher tu peux le penser et je ne verrai pas un nuage sur son front qui ne me semble m’en demander compte ! Sans doute la vie est mêlée par-tout de quelques contrariétés, mais toutes celles qu’il me sera donné de pouvoir lui épargner ne lui arriveront pas ! Dis moi comment lui apparaît [p. 3] ce projet d’alliance, il n’y a pas entre nous de ménagements politiques à garder je sais bien qu’il reste la grande épreuve de l’entrevue, mais lorsqu’on n’à pas à affaire à des enfants, que les deux partis n’ont rien de désagréables à se présenter, qu’ils se connaissent d’avance au moins moralement …. il y à lieu d’espérer que rien de répulsif ne s’élévera entr’eux ;
Je ne sais si tu te rappelles le personnel de mon beau frere, sans vouloir le
vanter je crois qu’il est plus-tôt bien que mal et que sa phisionomie où se peint l’esprit et la bonté, peut racheter ce qui ne paraitrait pas sans reproche à des regards exigeants, ces dames ne s’attacheront pas à la perfection des dehors j’en suis convaincue et je ne m’appesantirais pas davantage là dessus ; écris moi bientôt chere amie ce qu’elles disent et ce qu’elles pensent, Mlle Félicia n’est elle point effrayée de cette distance et sa pauvre mère comment envisage-t-elle cet éloignement ? tout sur ce sujet me présente un double intérêt.
[p. 4] j’attends mon mari demain où après demain je présume que nous ne partirons pas avant lundi ou mardi de la semaine prochaine une fois arrivée je me dépêche d’arranger toutes mes affaires de maniere à partir pour Bourg le plus-tôt possible, je
[adresse ici]
Madame
Madame Goléty née Rocher
Bourg
Ain
[le texte continue sous l’adresse]
pense donc chere amie que si rien ne vient traverser nos espérances je serai pres de toi à la fin de ce mois, je n’ai pas besoin de te dire le prix que je mets à ce voyage que mon amitié seule m’eut fait désirer et entreprendre, je m’arrangerai de maniere à ce que ses exigeances ne soient point sacrifiées adieu bonne rosanne ecris moi à Grenoble la semaine prochaine j’y serai. toute à toi N
2011.02.284 | Jeudi 1er février 1838 | À sa sœur Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, la troisième vide, adresse à la quatrième. Timbres postaux: GRENOBLE, 1 FEVR. 1838; LA CÔTE-ST-ANDRÉ, 2 FEVR. 1838.
Grenoble 1 février
Que je t’embrasse ma chere Adèle pour le bien que m’a fait ta lettre ! quel soulagement j’éprouve en songeant que notre bonne mère souffre moins et qu’elle commence à s’appercevoir elle même de l’amélioration véritable de son état. maintenant patience et prudence et nous serons bientôt en pleine convalescence ; je viens d’écrire à mon oncle Félix et à Melle
Nancy pour leur faire part de cette bonne nouvelle j’ai eu hier une foule de visites Mme Apprin, ma tante auguste et Pauline les dames Gagnon Rivier, Teissaire et de Rollin, Mme de Cumane tout ce monde là est venu pour s’informer de l’état dans lequel j’avais laissé maman ; j’ai donc été prise toute la journée et ne suis pas sortie depuis mon arrivée ici, je me dépêche donc de t’écrire pour me mettre en courses car j’en ai beaucoup à faire, je suis allée hier soir payer mon tribut d’admiration à Félicia [p. 2] qui était fort belle avec sa robe de soie rôse. c’est avec une satisfaction intime que je suis revenue tranquillement me coucher et sans regrets aucuns je t’assure. Camille est revenu de bonne heure et ne m’as pas paru bien enchanté de son bal et de son diner ; il paraît cependant que Félicia s’y sera amusée
car elle n’est arrivée n’en est partie qu’à deux heures et demi : tu me pardonneras chere sœur de répondre laconiquement à ta grande, bonne et aimable lettre c’est la troisieme que j’écris depuis mon déjeuner et le temps me presse pour sortir : je n’ai pas besoin de te développer ce que je sens tu sais bien que mon cœur te suis et partage toutes tes impressions … Camille est très sensible aux tendresses que tu lui fais il me charge de te dire pour lui tout ce que peut suggérer une vîve affection : Mathilde est tout à fait bien sa fièvre de rhume est passée, elle tousse peu et n’a plus que la mîne un peu abbattue,
Adieu Adieu toute à toi
embrasse mon père et maman pour moi — aussi tendrement que
je les aime
[p. 4] [adresse]
Mademoiselle
Mademoiselle Adèle Berlioz
La Côte St andré
Isère
2011.02.285 | Jeudi 4 juin 1846 | À son neveu Louis Berlioz | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Pas de timbre postal. Dans le coin haut à gauche de la dernière page, compte de dépenses qui semble d’une autre écriture.
Grenoble 4 Juin 1846
Il y à déjá bien long-tems mon cher neveu que je veux t’écrire, et que je désirais savoir de tes nouvelles ; je viens d’en avoir de fort bonnes par ma cousine à qui tu viens d’écrire às écrit, une lettre qui m’as fait d’autant
plus de plaisir à connaître, que j’y ai trouvé l’expression des
excellents sentiments qui t’animent a l’occasion de ta premiere
communion : je ne doute pas que ton rêve ne se réalise, et que tu ne soit reçu un des premiers à l’examen de catéchisme. nous t’accompagnerons de nos vœux et de nos prieres, tout en regrettant de ne pouvoir être temoins de ton bonheur et de ta tendre pieté : ton cousin l’abbé t’adresse un livre et un chapelet, et moi j’y ajoute deux petits volumes, l’imitation et l’écolier vertueux, où tu puiseras des conseils et des encouragements pour le bien : [p. 2] je désire qu’ils te fâssent plaisir et je te prie de les conserver toujours, en souvenir de mon affection pour toi : écris moi quel est le jour désigné pour ta premiere communion, afin que je puisse m’associer de cœur et d’ame à toutes tes impressions, et m’unir d’intention à tes prieres ; tu en feras pour nous aussi, n’est-il pas vrai ? tu prieras surtout pour ta pauvre mère, tu demanderas à Dieu qu’il la console dans ses peines et qu’il lui accorde les lumieres et le courage nècessaires pour devenir catholique, et trouver dans les secours de notre ste religion, la paix et la résignation dans tous les malheurs de la vie, tu n’oublieras pas non plus ton père que tu aimes tant, et à qui tes prieres seront aussi très nécessaires, de même qu’à ton grand père, auquel tu n’aurais garde de ne pas penser.
Je te dirai que ta cousine Mathilde se prépare à faire dimanche prochain 7
Juin cette grande et importante action de la premiere communion, deux de ses
petits cousins, qui sont également les tiens, la font le même jour et à la
même paroisse qu’elle ; quelques jours après nous partirons pour la campagne où Mathilde et moi [p. 3] désirons beaucoup être
établies ; elle y à une vache et un mouton, un petit jardin qu’elle cultive à ses récréations, et tout cela l’amûse extrêmement. Nous avons passé les vacances de Pacques à la Côte chez ton grand pere avec ta tante adèle et ses deux petites filles ; l’ainée est assez raisonnable et fort gentille, mais la cadette est un luttin achevé qui fait bien souvent enrager ta pauvre tante, comme elle n’a pas encor quatre ans elle espère que cela lui passera, quand elle prendra des années et de la raison.
Dis moi si tu as des nouvelles de ton père, si tu écris souvent à ta mère,
et si elle te réponds : je serais bien aise aussi de savoir en quelle
classe tu es, en un mot je voudrais beaucoup de détails sur tout ce que tu fais parce que je t’aime tendrement, et que rien de ce qui te regarde ne peut m’être indifférent, sâches donc mon cher enfant que tu trouveras toujours en moi une tante bien affectionnée ; Mathilde t’envois mille amitiés
Nancy Pal
[p. 4] [adresse]
Monsieur
Monsieur Louis Berlioz
ROUEN
[dans la marge de gauche, d’une autre écriture, compte de dépenses]
lait
10
Viande 1.95
Salé 35
[mot biffé]
café 1.80
farine 25
fil
10
________________
4.35
2011.02.286 | Jeudi 17 août 1848 | À Rosanne Goléty, née Rocher | Texte corrigé | Image |
Sept pages en tout, deux feuillets de quatre pages chacun, la dernière page vide; pas d’adresse ou d’enveloppe. Tampon/écusson au coin gauche en haut de la première page de chaque feuillet, couronne avec en dessous BATH, peu lisible sur le 2ème feuillet.
St Vincent 17 août
Je te remercie ma chere amie de m’avoir suivie du cœur et de la pensée dans les douloureuses épreuves que je viens de subir : j’avais besoin de ta simpathie, et ne recevant rien de toi depuis long-tems, je commençais à craindre qu’elle me fît défaut ! pardon de cette mauvaise pensée dont il m’est doux de te faire amande honorable, oui c’est une réparation qui m’est précieuse encor plus qu’à toi ; Je m’étonne que ta lettre soit allée me chercher à la Côte où je n’étais plus depuis quinze jours déjà ! nous avions hâte de quitter cette maison vide et désolée, veuve de son dernier habitant ! à peine eumes nous rendu les derniers devoirs à celui que nous pleurions, que nous prîmes nos arrangements pour partir bien vîte ; ma sœur et son mari, prirent la route de Vienne, et moi et les miens [p. 2] celle de St Vincent, où je devais trouver le repos, le calme et la solitude dont j’avais un si grand besoin ; je venais de passer près de deux mois auprès du lit de mort de mon pauvre père, j’avais passé par traversé toutes les angoisses morales dont Mme Boutaud t’as fait le tableau fidèle, et pour achever cette rûde quarantaine, je venais d’assister à une interminable agonie de cinq jours, et de recevoir ce coup décisif qui tranchait des liens si chers et si respectés ! il y avait si long-temps que ma vue ne se repôsait que sur des images funèbres, qu’en entrant chez moi, dans mon St Vincent parfumé et fleuri, il me semblait que sortais du tombeau, et que j’arrivais dans un paradis terrestre ! ... je trouve ici les distractions qui me plaisent, les seules que le cœur ne repousse pas, et j’ai déjà repris des forces et presque ma santé habituelle, sous l’influence de cet air pûr de la montagne et de mes occupations chéries. Mais le souvenir de ces affreux instants est inéffaçable, leur empreinte douloureuse doit rester à tout jamais dans le cœur ! [p. 3] Cependant, au milieu de mon affliction, j’ai eu à rendre grâce à la providence de toutes les consolations qu’elle m’à accordées ; tant de vertus ne pouvaient demeurer stériles, et les prieres des pauvres, que mon excellent père aimait tant à secourir, devaient porter leurs fruits ; une fin — chrétienne à couronnée cette belle vie, et tous les secours de notre religion lui ont été appliqués jusqu’à la fin ; il reçut tous les sacrements dix jours avant sa mort, avec de tres bonnes dispôsitions, et un esprit parfaitement présent ; rien ne fût hâté, mais tout vint en temps opportun et utile ; aussi, j’y ai puisé un renouvellement de foi et de confiance, qui je l’espère me soutiendras dans toutes les circonstances : Dieu ne nous as pas abandonnées, nous avons senti efficacement son divin secours, sans cela nous n’eussions pas trouvé la force nècessaire pour fournir notre carriere jusqu’au bout, pour boire jusqu’au fond cet affreux calice ! Le deuil unanime de tout le pays à été pour nous également d’un grand prix ; il y à dans ces témoignages honorables d’estime, de regrets, et de vénération, qui ont accompagnés la mémoire de mon père quelque chose de doux et de consolant dont [p. 4] le cœur aime à se nourir ; deux discours ont été prononcés sur sa tombe, au milieu des pleurs de tous les assistants, un par un jeune medecin (Mr Robin) et l’autre par un homme du peuple, (un nommé Prudhomme) ce dernier, interprète naturel, d’une classe pour laquelle mon père avait tant fait, est celui qui à produit l’effet le plus touchant, et dont nous avons étés vraiment très étonnés ; cet héritage de bénédictions, est pour nous le plus précieux à receuillir, néanmoins il faut aussi que nous nous occupions de régler nos affaires de partage, le plus-tôt possible, à cause de mon frere, qui va arriver dans une quinzaine de jours, et dont la destinée errante, ne nous permets pas de compter sur sa présence pour plus tard ; mais je ne veux pas rompre avec mon pays et mon passé pour cela, et je conserverai les propriétés de la Côte si elles me sont dévolues ; quant à la maison paternelle, elle doit nècessairement se vendre, parce qu’il ne convient à la fortune d’aucuns de nous, de garder un immeuble improductif de cette valeur, ce sera un véritable sacrifice, dont je sens d’avance le
déchirement [p. 5] mais il est inévitable : en gardant des
propriétés dans le pays, je n’y serai pas néanmoins certainement étrangère, et j’aurai plus d’un motif pour y revenir le plus souvent qu’il se pourra ; la pensée de m’y retrouver quelquefois réunie aux amies de ma jeunesse, sera toujours pour moi un attrait puissant, et je saurai dompter de pénibles impressions pour savourer encor ces douces heures d’intimité : J’ai reçue il y à peu de jours une bonne et touchante lettre de ta sœur, qui m’écrit dans une de sa fille, je lui ai répondu hier, également sans son couvert : je n’ai vue celle-ci qu’un instant depuis mon retour, car je ne suis allée passer que quelques jours à grenoble, mais j’espère la voir un peu plus souvent quand je serai de retour de la Côte ; mon frère n’ayant que la premiere quinzaine de septembre à nous donner, nous sommes forcées de partir les premiers jours du mois prochain pour cette triste réunion, malgré tout le plaisir que nous aurons à revoir mon frère, nous eussions désiré [p. 6] un retour moins prompt dans ces tristes lieux, il nous semble que nous n’avons
pas eu le temps de bien respirer, mais n’est-ce point l’histoire de chacun ? d’émotions, en émotions, de sollicitudes en sollicitudes, d’affaires en affaires, on va, on va, on va !... Je pense que je reverrai à la Côte Mme Boutaud qui doit être revenue de Plombieres et dont je n’ai pas encor eus de nouvelles ; elle me parlera longuement de toi et de ta fille, dont elle était très enchantée, et sur laquelle, elle avait des vues ….
Je ne doute pas que ton Paul ne te soit revenu courbé sous le faix des couronnes qu’il à recueillies cette année ; quant à moi je suis heureuse que ma fille ne soit pas appelée à de pareils concours, car je craindrais fort que sa paresse, ne ménageât guère de jouissances à mon amour propre ; sa fièvre de politique est plus forte que jamais, et il faut convenir comme tu dis, que les évènements sont peu propres à l’attiédir : elle prétend qu’elle à des idées rétrogrades, et elle à raison, car elle loge dans sa cervelle de quinze ans, tous les raisonnements encroutés, des vieilles perruques légitimistes, c’est quelque chose de comique vraiment que [p. 7] son entêtement sur ce point : la république n’est donc point encor son affaire ; quant à nous gens raisonnables, nous serions bien en peine de savoir ce que nous devons désirer, pour obtenir enfin l’ordre et la tranquillité dont nous avons un si grand besoin ; nous avons quelques garanties de plus maintenant, dans nos gouvernants, qui paraissent animés de bons sentiments et de la fermeté nècessaire : mais quelle tâche que la leur !....
J’ai eu une lettre d’Elise qui me parle de toutes les heureuses qualités de son cher St Ange ; il y à long-temps que je l’avais jugé ainsi, et que je trouvais que la grande préférence qu’on accordait à son frère n’était pas motivée : j’ai eu aussi des lettres d’Henry et de Félicia qui ont bien voulu s’associer pleinement à mon chagrin dès les premiers instants ; je remercie Zélie de la part qu’elle y prend aussi, elle doit comprendre mieux que personne tout ce que j’ai dû éprouver, son deuil récent lui laisse la mémoire encor fraîche de ces terribles émotions, je l’embrasse tendrement ainsi que ta fille, après t’avoir préalablement donnée cette affectueuse étreinte, d’un cœur dévoué
mon mari et ma fille t’envois leurs compliments empressés N
2016.04.01 | 26 mars 1827 | À son frère Hector Berlioz | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Pas de timbre postal: la lettre a été portée à la main. — L’original de ce texte faisait partie de notre collection; nous en avons fait don au Musée-Hector-Berlioz en 2016. — La lettre a été publiée dans CG sous le no. 74, mais une ligne a été sautée à la deuxième page dans la transcription de CG, qui s’écarte sur quelques points de celle qui suit.
La Côte 26 Mars 1827
Je serais honteuse mon cher hector de demeurer si long-temps sans t’écrire si tu ne me disculpais malheureusement par (je ne veux pas dire ton indifférence) mais ta préoccupation : Je songeais depuis plusieurs jours à réveiller tes souvenirs fraternels lorsque Mr Figuet est venu m’en fournir l’occasion, il à eu l’extrême obligeance de nous écrire pour nous demander nos commissions pour Paris : J’espère que je ne me serai pas trompée en imaginant que tu le verrais arriver avec plus de plaisir s’il t’apportait qu’elqu’une de nos lettres : les tiennes sont si peu détaillées que je ne sais véritablement pas le moins du monde ce que tu fais et ce que tu dis ; je ne compte pas m’en venger en te rendant la pareille et je ne veux rien laisser (dans le champ borné que j’ai à parcourir) qu’on puisse glaner après moi : D’abord toujours des retours de gastrites à t’apprendres, ma mère qui paraissait bien rétablie, à de nouveau été obligée de se remettre à la diéte, elle à beaucoup et beaucoup maigrie ; quoique la surveillance de mo[n] pere soit assez sévère elle trouve pourtant moyen de faire quelques infractions à la loi du jeune et d’avaler clandestinement des morceaux bouchées de surérogation, je ne sais si cela ne vaut pas autant qu’une fidélité scrupuleuse, mais au moins j’espèr[e] [p. 2] que la bonté de son tempérament y suppléera ; ma pauvre tante est dans un état pitoyable, apres vingt mois dont toutes les minutes ont étées comptées par la souffrance elle est revenue au même point d’où elle est partie ! Son découragement est à son comble, mais c’est plus que du découragement c’est du désespoir ! elle nous à fait ces temps passés une petite visite de deux jours qui nous à laissé une impression bien pénible, sa vue déchire l’âme!, car on ne sait absolument plus quelle consolation lui offrir :
Sa fille croît et s’embellit chaque jour, elle est déjà extrêmement jolie et sera une grande demoiselle quand tu la reverras ; Adelle se hâte lentement de grandir, mais sa taille commence pourtant à se développer toutes ces petites filles me viellissent bien plus vites que je ne voudrais, et je ne jouis maintenant de ma jeunesse avec la même anxieté qu’one celui qui mange une pomme volée, les rides, les cheveux blancs, m’apparaissent tres et me forment une perspective qui s’avance à pas de géant dans mon imagination, mais et ce qui m’afflige bien plus que tout cela c’est lidée de devenir maniaque, grognon où bizarre, mais n’anticipons pas les riants avantages de la caducité en t’en faisant l’ennuyeuse peinture : Tu vas bientôt perdre ton ami Marc le Timon Côtois, sa mère soccupe avec beaucoup d’activité de lui faire réparer le petit étui dans lequel il va se nicher et dont sans doute il vous entretient souvent ; je suis allé l’autre jour le visiter avec ses cousines, et nous avons assez ris de la dimention de ses appartements ; il fera bien d’administrer forces sang sues, et ration d’eau panée à ses malades pour qu’il puisse entrer chez lui ! Je le défierais d’y recevoir ces bons vivants du siecle passé, tel que Mme Champouillon ; à propos de cette bonne femme parles nous donc un peu de l’entreprise de son petit fils, elle est je crois [p. 3] plus onéreuse que lucrative d’après ce qu’on nous a dit : Je doute fort que le beau zèle de Mme Fredéric ne soit extrem pas ralenti par les difficultés et les obstacles que doit éprouver un pareil établissement elle n’à pas eu ici une voix voix pour elle quand elle à parlé de ce projet, et si elle ne reussit pas comme on le craint ; beaucoup de gens pourront se dires prophètes : Je serais bien en peine de te donner de drôle de nouvelles car les événements heureux sont bien peu à l’ordre du jour, et à moins que tu ne l’appelles classes dans ce nombre (ce que je ne suppôse pas) la mort de Mr Valet Vernatel qui laisse deux cents mille francs à Fanny ; je ne vois pas ce que je pourrais t’apprendre : quelque chose ma pauvre Cousine, la voilà assassinée de prétendus ! pour qui sortira le bon numéros ? C’est ce que j’ignore encor mais ce que j’espère savoir bientôt : il s’est fait étonnamment de mariage à Grenoble cet hiver, mais que cela te fait-il ? Votre ami Quincieux est atteint d’une fort sotte maladie, je pense que les repas de la Salpétriere quelqu[e bi]en conditionnés qu’ils fûssent seraient encor fort [lacune pour] lui suffire à présent car il à le ver solitaire et en à déjà beaucoup rendus mais il n’en est pas guéri et les remèdes contre le vers peuvent tuer l’homme : son bonheur à été bien vîte tûsé ! Adieu mon ami ta patience est peut être déjà à bout et je devine sans pein[e] que tu me dispenses du reste, allons je me tais et
je t’embrasse pour la clôture ta devouée
Nancy
PS
mon pere attend toujours le volume des croisades que tu as dis être parti le douze, ainsi que les journeaux de médecine de Mr Buisson et les siens
[dans la marge de gauche, verticalement de haut en bas] la sphère que tu nous as envoy[ée] à fait dresser les cheveux sur la tête à Adelle, et s’il faut [tou]t avouer je n’ai pas eprouvé non plus de grands tressaillements de plaisir en la voyant
[p. 4] [adresse]
Monsieur
Monsieur Hector Berlioz
Rue de la harpe No 58 [3 corrigé en 5]
Paris
Fonds Reboul
2011.02.287 | Vendredi 9 décembre 1831 | À Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure au côté gauche de la troisième page. Timbres postaux: DIJON, 9 DEC. (année illisible); timbre sans identification, 12 DEC 183*.
Graces au ciel mes affaires sont enfin terminées dans ce triste pays, je parts dans quelques heures pour Paris, mais je ne veux pas quitter Dijon, Mademoiselle sans me rappeler à votre souvenir. Que les huit jours qui viennent de s’écouler m’ont parus longs, à chaque instant de nouveaux retards de nouvelles contrariétés et moi qui me fache assez rarement j’ai presque constament été en colère ; il est des moments dans la vie ou toutes les [p. 2] affaires vous deviennent pénibles absorbé par une seule pensée tout ce qui ne s’y ratache pas vous est importun. Lorsque de trop mauvaise humeur je ne savois plus à quel saint me vouer, je recourais à un talismant dont le charme était toujours certain ; je relisois votre lettre j’en interpretais chaque pensée au gré de mon amour, je cherchois à y trouver l’expression de ce sentiment et quelquefois emporté par mon imagination je croyais l’y reconnaître, l’on se persuade si facilement ce que l’on desire bien vivement. Mais bientot [p. 3] me rappelant toute votre bonté, je ne pouvois plus croire que vous eussiez voulu me faire déviner mon bonheur, il doit etre si doux de pouvoir rendre heureux ceux que l’on aime.
Je vous disois dans ma dernière lettre que j’esperais que le retard que les évennemens de Lyon avoit apporté à mo[.] voyage ne me forceront pas à remettre mon retour, j’en ai aujourdhui la certitude ; je serai à Grenoble à la fin de ce mois où je ne m’arreterai que le temps nécessaire pour remplir des formalités indispensables … je ne puis sans
émotions penser au bonheur de vous revoir de ne vous plus quitter…. [dans la marge de gauche, de haut en bas] Je vous ai donné dans ma [...]nière
lettre mon adresse à Paris Rue de Grenelle St Germain No 83.
[p. 4] [adresse]
Mademoiselle
Mademoiselle Nancy Berlioz
Chez Monsieur son Pere
à la Côte S.t André
Isère
2011.02.288 | Vendredi 16 décembre 1831 | À Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Présentation très soignée. Timbres postaux: timbre de la poste de départ (anonyme), 17 DEC; timbre de la poste d’arrivée (anonyme), 22 DEC.
Je vous écris, Mademoiselle sans savoir si ma lettre vous parviendra, ignorant si vous etes de retour à la Côte, mais j’ai besoin de m’entretenir avec vous, de vous dire combien votre lettre que j’ai trouvé en arrivant à Paris m’a rendu heureux ; non la douce confiance que vous me temoignez ne sera point trompée ; vous le savez, si jamais quelque crainte est venu me troubler c’était [p. 2] pour votre bonheur que je tremblois ; vous connaissant peu, ignorant comment vous compreniez la vie, tout devoit m’inquiéter, rassuré aujourdhui moi aussi j’ai plaine confiance dans notre avenir.
Je n’ose plus vous parler d’un sentiment qui vous est encore bien étranger je craindrois de vous peiner un jour peut être nous pourrons nous entendre, jusque là je dois le renfermer dans mon cœur ; heureux de votre amitié que je suis sur de [p. 3] mériter elle
suffira à mon bonheur
Je ne puis vous dire toutes les contrariétés que j’éprouve, je ne puis finir aucune affaire ce sont tous les jours de nouveaux délais de nouvelles ecritures, si celà dure je partirai s[...] rien terminer bien décidé à quitter Paris aussitot après les fêtes ; ma faible raison ne pourrais résister plus long temps aux sentimens qui me rappellent auprès de Vous …
Paris 16 Xbre 1831
[p. 4] [adresse]
Mademoiselle
Mademoiselle Nancy Berlioz
Chez M. Son Pere
à la Côte S.t André
Isère
2011.02.289 | Jeudi 29 décembre 1831 | À Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: timbre de la poste de départ (anonyme), 29 DEC. 1831; timbre de la poste d’arrivée (anonyme), (chiffre illisible) [JAN]V 1832.
Ce n’est, Mademoiselle, que quelque moment avant que de monter en voiture, que votre dernière lettre m’a été remise, je profite du peu d’instants qui me restent encore pour vous exprimer combien elle m’a rendu heureux, j’ai besoin de vous dire tout mon bonheur …. que j’ai été touché de cette douce modestie qui vous faisoit craindre de me confier vos sentiments ….. non je ne m’étois pas trompé mon cœur avait déviné le votre, ah ! et aujourdhui une nouvelle existence va
commencer pour moi, [p. 2] il y a toute une vie de bonheur dans
cette pensée, je suis aimé … Je ne puis vous exprimer tout ce que j’éprouve, je ne puis vous dire tout mon amour et vous avez pu douter de la durée de mes sentiments .. moi cesser de vous aimer …. non vous ne l’avez pas pensé
Je parts dans quelques instants pour Dijon où je serai
obligé de m’arreter deux ou trois jours pour une affaire imprévue ; je ne puis vous dire combien tous ces retards me tourmentent avec qu elle
impatience je les supporte, non je ne pourrai long temps exister ainsi [p. 3] et cependant je suis heureux, heureux autant qu’on peut l’être …
C. Pal
29 – Xbre – 1831
Je viens de charger mon frere de faire parvenir à M. votre Père les pièces qui peuvent être nécessaires pour remplir les formalités necessaires
[p. 4] [adresse]
A Mademoiselle
Mademoiselle Nancy Berlioz
Chez M. Son Pere
à la Côte St André
Isère
2011.02.290 | Jeudi 28 février 1833 | À Adèle Berlioz-Suat | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure au côté droit de la troisième page. Timbres postaux: GRENOBLE, 28 FEVR. 1833; LA CÔTE ST ANDRÉ, peu lisible, 1 MARS (année illisible).
Combien je prends part, ma bonne petite sœur, à toutes les peines que vous et votre famille éprouvez dans ce moment ; depuis longtems je prevoyois le fatal denoument de l’affaire d’Hector. J’aurais bien desiré que votre excellent pere eut pu éviter l’ennui de la signification d’actes respectueux, mais il se devoit, il devoit à sa famille de constater publiquement son refus.
Je crois, ma petite sœur, que vous vous exagerez les conséquences de la nouvelle folie de votre frere ; et dabord la personne qu’il va épouser sort de la classe commune des artistes dramatiques soit par son talent soit par ses mœurs qui jusqu’a présent ont eté irréprochables elle appartient à un pays ou les comédiens ne sont pas comme en france frappés par le mépris public [p. 2] enfin sa famille est honnête quoique peu fortunée. Sous tous ces rapports l’alliance que va contracter Hector n’a rien de deshonorant soit pour lui soit par sa famille malgré les préjugés qui existe dans notre société.
Je ne veux pas en vous parlant ainsi, ma bonne sœur,
justifier la conduite de votre frere, les chagrins qu’il cause à sa famille, la resistance qu’il oppose à la juste volonté de ses parents sont inexcusables. Je crains bien aureste qu’avec les passions violentes que nous lui connaissons son peu de force et de courage pour les combatre, il ne soit bientot le plus à plaindre.
il est bien inutile de vous dire que cet évenment ne peut en rien influer sur moi, il ne me touche que par les chagrins qu’il vous cause et si je pouvais [p. 3] Vous aimer davantage Vous et tous les votres vos peines augmenteroient mon attachement. Mais c’en est trop sur ce sujet, vous me connaissez je l’espère assez, ma petite sœur, pour ne pas avoir besoin de me justifier aupres de vous.
Nancy continue à se bien porter elle a été moins affectée
que je ne le craignois ; depuis long tems elle étoit préparée au
denoument de cette malheureuse affaire
Adieu, ma petite sœur, [.....] à vos bons parent que je
partage bien toutes leurs peines, esperons que les premiers moments passés ils verrons avec plus de calme les résultats probables de ce pénibles évennement.
Votre affectionne frere
Camille Pal
[d’une plume, d’une encre et d’une écriture différentes, sans doute celles d’Adèle
Berlioz, ajouté après coup]
Grenoble 28 Février 1833
[p. 4] [adresse]
Mademoiselle
Mademoiselle Adèle Berlioz
à la Cote St André
Isère
2011.02.291 | Lundi 12 juin 1848 | À Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages sur papier à en-tête du Tribunal de première instance de Grenoble (Isère) – Parquet du Procureur du Roi. Pas d’adresse ou d’enveloppe.
Grenoble, le 12 juin 1848.
Je reçus le jour même de ton départ, ma bonne amie, la lettre de ton pere adressée par erreur à Voreppe, qui t’engageois à retarder ton voyage et te prevenois qu’il ne t’enverrois pas chercher à Lafrette ; j’étois donc bien impatient de recevoir de tes nouvelles pour savoir comment tu te serois trensporté de la frette à la Côte, lorsque j’ai reçu ta lettre qui [p. 2] m’a rassuré sur ton voyage qui heureusement s’est bien passé.
ton pauvre Père as donc encore voulu tenter une de ses
malheureuses épreuves sur l’opium ; j’esperais que sa dernière expériance qui lui avoit été si funeste l’auroit tout à fait dégoute d’en essayer une nouville. Je pense que maintenant revenu a un regime de Médicamentation forcé il reprendra toute la santé que son âge et ses infirmités peuvent laisser esperer.
Nous attendrons ta première lettre pour connaitre tes
intentions au sujet de ton séjour à la Cote et savoir [p. 3] ce
que nous devons faire.
Je n’ai aucune nouvelle à te donner sur notre Ville ; nous sommes allé hier à S.t Vincent ou nous avons trouvé les Vers à soie à la Bruyeres, ils ont parfaitement réussis ; on décoconera lundi prochain, nous espérons les vendre 3-25. le Ko. C’est encore un prix passable.
Ma sœur continue a ne pas aller trop mal, elle vient tous
les soirs assister à notre diné qui n’a lieu qu’a 8 heures du soir.
Les Dames Gagnion sont toutes rétablies ; Orouse est également tout à fait remis, son indisposition n’a pas eu de suite. [p. 4] J’oubliais de t’apprendre la Mort de Madame Josep Périer décedée apres une courte Maladie ; toute la famille est en grand deuil
tu trouvera ci incluse une lettre de ta sœur que j’ai reçu hier.
Adieu, ma bonne amie, Mathilde qui est assez sage depuis ton départ te fait Mille carresses ainsi que Moi
C. P. **
Mille amitiés pour moi à ton excellent pere
2011.02.292 | Mercredi 19 juillet 1848 | À Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: GRENOBLE, 19 JUIL. (18)48; LA CÔTE ST ANDRÉ, 20 JUIL.
Grenoble 19 juillet
Je ne puis te dire, ma bonne amie, combien tes dernieres lettres m’ont affligés, tu connaissais mon attachement pour
ton excellent pere, tu dois comprendre toute ma douleur en perdant l’espoir de le conserver encore long tems. Notre séparation dans de semblables moment rend encore notre position plus triste s’il est possible. J’espere que ta sœur est auprès de toi et que son bon cœur lui rappellera tous les devoirs qu’elle a à remplir. Je n’ai pas besoin de te dire que Dimanches [p. 2] de grand matin je m’empresserai d’accourir auprès de toi.
J’ai reçu samedi dernier une lettre d’hector qui m’apprend son retour à Paris et me prie de lui envoyer le trimestre échu de sa pension, ce que je me suis empressé de faire, en lui faisant connaître la maladie de son pere mais sans cependant vouloir trop l’effrayer.
Ma sœur est un peu indisposée dans ce moment d’un rhume de chaleur mais il faut si peu de chose pour la mettre abas
[p. 3] Adieu, ma bonne amie, il me tarde bien d’etre aupres de toi pour partager toutes tes peines.
Je t’embrasse bien tendrement ainsi que la pauvre Mathilde
C.P.**
L’adresse d’Hector est
Chez M. Brandus
Editeur de Musique
Rue Richelieu 97.
Paris
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Camille Pal
Chez M. Berlioz
La Côte St André
Isère
2011.02.294 | Mardi 8 décembre 1868 | À son beau-frère Hector Berlioz | Texte corrigé | — |
Deux pages seulement, pas d’adresse ou d’enveloppe.
Grenoble 8. Xbre 1868.
Mon cher hector
J’ai reçu hier soir seulement votre dernière lettre datée du 4. de ce mois ; j’ai vu avec peine que vous étiez toujours souffrant, c’est une terrible chose qu’une névralgie surtout lorsqu’elle est aussi douloureuse et aussi persistante que la votre ; heureusement cette maladie ne présente aucun danger sérieux.
Quant à vos affaires, vous devez savoir que je n’ai aucuns fonds à vous, toutes les fois que j’ai reçu des à comptes de vos acquereurs du Jacques, je me suis empressé de vous les [p. 2] adresser au moyen de mandat sur la Banque de France*, c’est ainsi que vous avez reçu sur les prix des ventes dont s’agit en capital ou interets la somme de 44809. fr.
Votre dernier acquereur vous doit encore une somme assez
importante dont son notaire, Me Julhiet, vous as adressé le compte
dans le courant du mois dernier, mais il n’y a rien d’exigible dans ce moment ; si vous avez besoin de fonds je vous engage à vendre quelques unes Actions de Chemin de fer, ou si mieux vous aimé à vous adresser à M. Suat qui a des fonds à vous qui sont toujours disponible et qu’il doit tenir à votre disposition
Adieu, mon cher H.
[dans la marge de gauche, de haut en bas] * dont vous m’avez toujours accusé la reception
2011.02.295 | Lundi 28 décembre 1868 | À son beau-frère Hector Berlioz | Texte corrigé | Image |
Deux pages seulement, pas d’adresse ou d’enveloppe; bordure noire de deuil sur trois côtés du verso.
Grenoble 28 Xbre 68.
Mon cher Hector
Je reçois à l’instant votre dernière lettre qui m’as fort surpris, vous vous plaignez de ne pas recevoir de mes nouvelles et il n’y a pas 15 jours que je vous ai adressée une longues lettre dans la quelle je vous donnais des détails sur toutes vos affaires ; je vous disais que suivant les conditions de son actes de vente votre dernier acquereur n’avait rien à vous payer dans ce moment mais qu’il vous seroit redevable le 1.r 9bre proch. des interets de ce qu’il reste vous devoir sur son prix de vente ; il vous payera exactement comme il l’a fait jusqu’a
présent et je [p. 2] vous en adresserai le montant aussitot que je l’aurai reçu. #
Je vous disais ensuite que si vous aviez besoin d’argent je vous engageais à vendre quelques unes de vos actions des chemins de fer, ou si mieux vous aimiez à vous adresser à M. Suat qui a des fonds à vous qui sont toujours disponibles
Jespere, mon Cher Hector, que cette lettre vous parviendra
exactement et que vous me donnerez de meilleure nouvelle de votre santé dans votre premiere lettre votre bien devoué
C.P.
# quand au capital qu’il [la fin du texte manque; la feuille de droite a peut-être été détachée de l’original]
2011.02.296 | Septembre-novembre 1831 (?) | À Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, la quatrième vide; pas d’adresse ou d’enveloppe.
Vous m’avez permis, Mademoiselle, de vous écrire, de me rappeler à votre souvenir ; combien aujourdhui cette faveur me parait précieuse ; je ne puis perdre la douce habitude de vous confier tous mes sentiments, de vous parler de mon amour, de l’espoir que j’ai de vous le voir partager un jour. Ah ! Si c’est une illusion par pitié ne la détruisez pas ; mais non vous m’aimerez, votre cœur répondra au mien, mon bonheur toute mon existence est attaché à cette pensée.
[p. 2] Depuis votre départ je ne me reconnais
plus, moi qui défiait le malheur je ne puis supporter votre absence ; que j’avais tort de vous venter mon courage, je sens aujourdhui que je n’en ai point contre les peines du cœur.
Daignerez vous me répondre, que je desire apprendre que vous êtes heureuse, si je souffre que j’ai aumoins la consolation de savoir que je souffre seul.
Veuillez, je vous prie, présenter mes respectueux hommages
à Monsieur votre Pere et à Madame votre Mere Mille et Mille nouveaux [p. 3] remerciments à Mademoiselle Adelle, elle seule a compris combien absent l’on avait besoin d’espérance.
Agréez, Mademoiselle la nouvelle expression de mon
inviolable attachement
C. Pal
Mardi 20 9bre
P.S. Je parts après demain pour Dijon où j’arriverai Dimanche prochain mon adresse est Camille Pal
hôtel du Parc
Dijon
Cote d’or
2011.02.297 | Septembre-novembre 1831 (?) | À Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, le reste vide; pas d’adresse ou d’enveloppe. Il n’est pas certain que cette lettre a été envoyée.
Mademoiselle
Il ne m’est plus permis je pense de garder plus long-temps les témoignages prétieux de votre estime, et quoiqu’il m’en coute, je le dois, il le faut ……. la pureté des sentiments que vous m’aviez inspiré mademoiselle, peut seule excuser l’imprudence avec laquelle je m’y étais abandonné, combien de fois depuis ai-je eut à regretté de n’avoir pas opposé à ce penchant la force de la raison …… mais comme elle est faible cette raison aupres des impulsions de la nature, de ses moyens même les plus simples !..... mais diminué mes reproches, en m’apprenant que vous m’avez conservé votre estime à laquelle j’attache le plus haut prix ? que vous avez appréciéz mes efforts ? que vous n’avez pas vû en moi un mal=honnêtte homme ? j’ai cherché à me préparer à l’évènement qui nous séparera peut-être pour la vie, j’avais voulu le prévenir, car il m’a été impossible de ne pas vous lier à mes projets depuis que je vous ai connû …… [p. 2] il faut attendre encor du tems.
Si les souvenirs que vous pouvez me conserver ne vous sont point pénibles, s’ils peuvent s’accorder avec vos devoirs, n’oublié pas celui qui vous à voué pour la vie un attachement aussi profond que respectueux, touts ses vœux sont pour votre bonheur, en faisant celui de l’homme avec lequel vous avez lié votre sort, vous devez y trouver le vôtre, toute ma consolation sera de l’apprendre ……..
menagez votre santé, loin de vous je cultiveré l’amitié de votre famille et j’entendrez parler encor de vous par des gens qui vous aime, je le pourrez …… adieu il faut finir mon cœur est trop emue — j’ai hésité si j’irais vous présenter mes hommages, mais je dois cette démarche à mde votre mere, j’espere etre maitre de moi. adieu ! adieu !
Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997; pages Lettres de la famille du compositeur créées le 11 décembre 2014, mises à jour le 1er avril 2015. Cette page mise à jour le 1er mars 2018. Révision le 1er décembre 2023.
© Musée Hector-Berlioz pour le texte et les images des lettres
© Michel Austin et Monir Tayeb pour le commentaire et la présentation
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