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Tôt dans sa carrière Berlioz devient une cible de prédilection pour l’humour des caricaturistes de Paris. Les représentations des Troyens en novembre-décembre 1863 au Théâtre-Lyrique leur fournissent ample matière pour leur verve satirique, notamment à cause des costumes anciens de l’opéra, et aussi en partie parce que la série de représentations s’étendant régulièrement sur plusieurs semaines donnaient aux dessinateurs tout le temps nécessaire pour bien étudier leur sujet.
Cette page reproduit une série de dessins publiés dans Le Journal amusant du 28 novembre 1863 (donc environ trois semaines après le début des représentations le 4 novembre). Les dessins sont de la plume du caricaturiste A. Grévin. Les images ont été saisies à partir d’un exemplaire du journal dans notre collection. On remarquera que les dessins occupent la majeure partie de ce numéro (sept pages sur huit), et témoignent de l’intérêt éveillé par l’ouvrage dans le public de Paris. Presque toutes les scènes qui figuraient dans les exécutions de 1863 sont illustrées par ces dessins, qui fournissent par là une documentation iconographique de ces représentations et des chanteurs plus riche que ce dont on dispose par ailleurs, mais bien entendu dans un esprit satirique.
On remarquera que le dessinateur, malgré son intention malicieuse, admirait tout de même l’ouvrage de Berlioz. Ne fait-il pas remarquer au bas de la page de titre: ‘Il y a trois ou quatre morceaux que je ne serais pas fâché d’avoir composé’? On remarquera aussi que Berlioz, dans les nombreux commentaires qu’il fait dans ses lettres sur les réactions à son ouvrage dans la presse parisienne, qu’elles soient élogieuses ou hostiles, ne semble pas s’offusquer outre mesure du travail de caricaturistes tels qu’A. Grévin.
Il a paru utile de transcrire au bas de chaque page les textes qui accompagnent chaque dessin.
LES TROYENS. — Ça n’est pas d’une gaieté folle; mais ça ne fait rien, il y a trois ou quatre morceaux que je ne serais pas fâché d’avoir composé. [Mon opinion et peut-être aussi la vôtre].
[En haut] Un premier rideau se lève, et M. Joanni, sous l’apparence d’un vieillard très-vénérable et très-caniche, tente de raconter les tribulations subies depuis plus de quinze ans par les Troyens de Berlioz. L’orchestre, accompagné de chœurs soi-disant invisibles, lui coupe tout à coup la parole. Consternation résignée du vieillard. Une sympathie contagieuse empoigne le public...... ..... Noble vieillard, faites-vous donc la peine de vous asseoir.......... Puis un second rideau se lève, et la pièce commence:
[En bas, image de gauche] Jeunes Carthaginoises se disposant à chatouiller agréablement l’épiderme de l’amour-propre de Didon, leur auguste souveraine.
[En bas, image de droite] L’absence complète de crinolines chez celles-ci indique suffisamment, je pense, que ce doit être de viles esclaves nubiennes, à moins pourtant que ça ne soit des almées égyptiennes.
[En haut, image de gauche] LE PREMIER MINISTRE DE DIDON. Il va remuer la tête, les bras, les jambes, et annoncer:
.... La terrible nouvelle.
Le féroce Iarbas,
Avec d’innombrables soldats,
S’avance vers Carthage, etc., etc., etc.
....En un mot, jouer son rôle comme si qui fusse une personne naturelle.
[En haut, image de droite] Madame Charton-Demeur, sous le pseudonyme de Didon, reçoit.... [en dessous] .... les félicitations de ses heureux sujets; qu’il nous soit permis d’y joindre modestement la nôtre.
[En bas, image de gauche] LE DUO DE DIDON ET D’ANNA SOROR.
[En bas, image de droite] LE JEUNE ASCAGNE, plus connu sous le nom de mademoiselle Estagel.
[En haut, image de gauche] ÉNÉE, ARRIVANT CHEZ DIDON. — Reine, je suis Monjauze, permettez-moi, madame, de chanter avec vous.... DIDON. — J’accepte avec orgueil une telle alliance....
[En haut, image de droite] INTERMÈDE NON SYMPHONIQUE. — Eh bien, et cette chasse royale? et cette forêt vierge? et cette grotte? et ce ruisseau? ces naïades? ces satyres? ces nymphes? cette tempête? etc., etc. — Au panier .... — Oh! monsieur Berlioz! moi qui n’étais revenu ici que pour ça!... Ça n’était pas goûté du public, dites-vous?.... Concession dangereuse! ô maître, à ce compte-là, vous auriez trop à faire....
[En bas, image de gauche] MOSSIEU THÉODORE OU LE JONGLEUR NUMIDE. NOTA. — Les dames sont invitées.
[En bas, image de droite (de côté)] PETIT CANCAN CARTHAGINOIS SUR UN MOTIF AUVERGNAT.
Tutu, panpan, tutu, panpan....
[Image de gauche] LE FAMEUX DUO DE DIDON ET D’ÉNÉE. Les paroles chantées par Didon et Énée dans ce duo ne donnent pas une excellente idée de la pureté de leurs intentions.... Heureusement qu’une dépêche électrique venant d’Italie ramène Énée à des sentiments plus sérieux et moins inconvenants.
[Image du centre, en haut] LES SPECTRES DE CASSANDRE ET D’HECTOR. Des bonhommes de papier découpé qui semblent s’être découpés eux-mêmes.
[Image de droite] CE PAUVRE HYLAS ! Le libretto dit: Au haut du mât d’un navire. Pardon, monsieur Cabel, je rétablis le libretto.
[Image de gauche] LES PRÊTRES DE PLUTON EN HABIT DE VILLE.
[Image du centre, en haut] DÉSESPOIR ET FUREUR DE DIDON. Des prêtres de Pluton qu’on réclame l’office! Pour apaiser ses douloureux transports.
[Image de droite] LES PRÊTRES DE PLUTON REVÊTUS DE LEUR GRAND COSTUME DE CÉRÉMONIE.
[Image de gauche] Mort de Didon.
[Image du centre, en haut] OPINION DE J. PRUDHOMME SUR LES Troyens. Bizarrerie des prévisions humaines! vu les réchauds, j’aurai parié une prise de tabac contre une pichenette qu’elle se serait périe par le charbon... et la malheureuse avale un sabre de bois.
[Image de droite, en haut] On annonce qu’une souscription est ouverte pour offrir une couronne d’or à l’auteur des Troyens. Une simple question avant de souscrire: —
Sortira-t-il avec?
[Image de droite, en bas] CRI FINAL D’IMPRÉCATION CONTRE LES ROMAINS. Amère dérision! Sans les romains que deviendrait la pièce?
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