CELLINI
Une heure encore et ma belle maîtresse
Va venir dans ces lieux,
Une heure encore, amour, et si tu veux
De tous ces cœurs fous d’allégresse
Le mien sera le plus joyeux.
Ah! tu serais ingrat si tu trompais mes vœux.
La gloire était ma seule idole;
Un noble espoir que je n’ai plus
Ceignait mon front de l’auréole
Que l’art destine à ses élus;
Mais cet honneur je le dédaigne;
Teresa seule en mon cœur règne.
Vois donc, amour, ce que je fais pour toi;
Protège-la, protège-moi.
Ma bien aimée était heureuse,
Et comme un fleuve ses beaux jours,
Loin de la mer sombre, orageuse,
Paisiblement suivaient leurs cours.
Mais au repos elle préfère
Ma vie errante et ma misère.
Vois donc, amour, ce qu’elle fait pour toi;
Protège-la, protège-moi.
TOUS
A boire, à boire, à boire!
Servez-nous vite à boire!
BERNARDINO
Tra la la la!
Chantons!
CELLINI
Soit, mais pour Dieu, pas de chansons à boire!
Pas d’ignoble refrain
Sentant la taverne et le vin.
Chantons! mais que nos chants soient un hymne à la gloire
Des ciseleurs et de notre art divin.
LE CHŒUR, CELLINI, FRANCESCO, BERNARDINO
Si la terre aux beaux jours se couronne
De gerbes, de fruits et de fleurs,
En ses flancs l’homme moissonne
Dans tous les temps des trésors meilleurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs!
Quand le maître cisèle
L’or comme un soleil luit,
Le rubis étincelle
Comme un feu dans la nuit.
Le jour, les diamants sommeillent,
Le soleil éteint leurs splendeurs;
Mais quand vient le soir, ils s’éveillent
Avec le chœur scintillant des étoiles leurs sœurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs !
Le soir les topazes s’éveillent
Avec les étoiles leurs sœurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs !
Quand le maître cisèle
L’or comme un soleil luit,
Le diamant ruisselle
Comme un torrent qui fuit,
Le rubis étincelle
Comme un feu dans la nuit.
Quand naquit la lumière,
Le génie aux beaux-arts
Divisa la matière;
Il en fit quatre parts;
L’architecte eut la pierre,
Au peintre la couleur,
Le marbre au statuaire,
Mais l’or au ciseleur!
Les métaux, ces fleurs souterraines
Aux impérissables couleurs,
Ne brillent qu’au front des reines,
Des rois, des papes, des grands-ducs et des empereurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs !
BERNARDINO
Amis, avant qu’on recommence
Je demande un peu de silence:
Pour mieux entonner le refrain,
Il nous faut des fiasques de vin.
LE CHŒUR
A boire! du vin, tout est bu.
(Entre le cabaretier, espèce de vieux juif à la voix nasillarde.)
LE CABARETIER (avec hésitation)
Que voulez-vous? la cave est vide.
CELLINI (rapidement)
Que dis-tu là, cervelle aride?
LE CABARETIER
Je dis que... vous avez trop bu,
Et si vous voulez encor boire,
Il faut... il faut...
LE CHŒUR
Il faut..?
LE CABARETIER
Il faut payer votre mémoire.
LE CHŒUR
Montre-nous donc ce qui t’est dû.
LE CABARETIER (prenant derrière sa porte une longue perche marquée d’innombrables entailles servant à désigner les bouteilles vendues)
Voici, messieurs, le contenu
De cette liste exorbitante:
Vin blanc d’Orvieto,
Aleatico,
Et Maraschino,
Trente fiasques, trente.
LE CHŒUR
Comment, trente!
LE CABARETIER
Vin rouge d’Ischia
Et de Procida
Et de Nisita
Ce qui fait soixante.
LE CHŒUR
Soixante!
LE CABARETIER
Vin mousseux d’Asti,
Vin de Lipari,
Lacryma-Christi
Ce qui fait cent trente.
LE CHŒUR
(contrefaisant le cabaretier)
Lachryma-Christi!
(Tous)
Cent trente!
Ah! consternation,
Abomination,
Qui tombent sur nos têtes!
CELLINI
Non, jamais les trompettes
Du jugement dernier
Ne sauraient effrayer
Plus que la voix fatale
(avec le chœur)
Et la liste infernale
De ce... cabaretier.
(réfléchissant)
Comment sortir d’embarras?
(Francesco saisit aux mains du cabaretier sa perche entaillée)
FRANCESCO ET LES AUTRES
Maître, si nous rossions un peu ce traître?
(Le cabaretier se sauve.)
CELLINI
Mauvais moyen que celui-là;
Il vaut mieux attendre.
Peut-être Ascanio nous délivrera.
LE CHŒUR
Le jeune Ascanio! vraiment! le voilà!
C’est le sauveur! viva!
CELLlNI
Viens, enfant, qu’on t’embrasse
Et qu’on te débarrasse
De ce fardeau pesant.
ASCANIO
Un instant, un instant!
Le vin après la gloire.
Maître, que ta mémoire
Se réveille un moment.
Air
Cette somme t’est due
Par le Pape Clément
Pour fondre la statue
Que l’Italie attend
De ton noble talent.
Or donc, je ne te laisse
Ce pesant sac d’argent
Que sur une promesse,
Un solide serment,
Que demain ta statue,
Sera fondue.
Il me faut ton serment.
CELLINI
Soit, je le jure, enfant.
TOUS
Nous le jurons, enfant.
Oui, cette somme était due
Par le Pape Clément
Pour fondre la statue
Que l’Italie attend
De son noble talent.
Or donc, si tu nous laisses
Ce pesant sac d’argent,
CELLINI (avec le Chœur)
Je t’en fais la promesse.
Je t’en fais le serment.
LE CHŒUR
Crois en notre promesse.
Nous t’en faisons serment.
CELLINI ET LE CHŒUR
Sans délai ma/la statue
Demain sera fondue
Comme ce sac d’argent.
Nous en faisons serment.
Oui!
ASCANIO
Mes amis, maintenant
Ma conscience est nette.
Payez donc votre dette;
Mon argent, le voilà.
CELLINI (vidant le sac)
Comment! rien que cela?
FRANCESCO ET BERNARDINO
Ah! la chétive somme!
ASCANIO
C’est un si vilain homme
Que ce vieux trésorier!
CELLINI
N’importe... Sommelier!
(Contrefaisant le cabaretier)
J’acquitte ton mémoire...
LE CABARETIER
Merci, voulez-vous boire?
LE CHŒUR
Oui-dà, du vin...
CELLINI
Mes amis, plus de vin!
Mais que notre vengeance
Frappe ce juif mesquin,
Qui dans son arrogance
Me traite en vrai faquin.
LE CHŒUR
Oui, vengeance, vengeance!
CELLINI
Écoutez: tout à l’heure
Je sais que Balducci
Quittera sa demeure
Pour venir voir ici
Les belles pasquinades
Du maître Cassandro.
Eh bien! chez Cassandro,
Nous-mêmes, camarades,
Dans de folles parades
Drapons le Giacomo.
LE CHŒUR
Oui, vite chez Cassandro.
Gloire à nous!
Les métaux, ces fleurs souterraines
Aux impérissables couleurs,
Ne brillent qu’au front des reines,
Des rois, des Papes, des grands-ducs et des Empereurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs!
Tra la la la!
Dialogue
FIERAMOSCA (qui a épié Cellini et ses amis de loin)
C’est trop fort! comploter à mon nez, sans pudeur,
Et je les laisserais faire!
Non pas... non pas...
POMPEO (qui arrive par le fond)
Eh bien, frère!
Qu’as-tu donc?
FIERAMOSCA
Ce que j’ai? J’étouffe de colère!
Cellini...
POMPEO (tranquillement)
Qu’a fait ce hâbleur?
FIERAMOSCA (le serrant dans ses bras)
Ah! Pompéo, mon ami, mon sauveur.
POMPEO
On t’a rossé, cher fils!
FIERAMOSCA
Oui, mon cher Pompéo!
Mais le pis est que Teresa et son père
Viennent ce soir voir Cassandro.
POMPEO
Eh bien! quel mal?
FIERAMOSCA
Quel mal! ils vont sur le tréteau,
Les traîtres, amuser le seigneur Giacomo
Pour lui donner le change;
Et lorsque le canon, tiré du fort Saint-Ange
Dans nos mains soufflera les moccoli* soudain
Un moine blanc, suivi d’un capucin,
Doit enlever Teresa, ma maîtresse...
[*Moccoli: petites bougies que le mardi gras, à Rome, les masques portent et éteignent en se poursuivant, jusqu’au moment où le canon du fort Saint-Ange annonce la fin du carnaval (note de Berlioz)]
POMPEO
Ah! bravo!
FIERAMOSCA
Quoi! bravo?... ce moine est Cellini.
Ce capucin, c’est son ami,
Ascanio...
POMPEO
Je vois bien... Bravo!... vive l’adresse!
FIERAMOSCA
Que je m’expose ou non à quelque affront nouveau,
Moi, je vais avertir le seigneur Giacomo.
Nous verrons s’il dira bravo!
POMPEO (le retenant)
Imbécile!
FIERAMOSCA
Vraiment?
POMPEO
Misérable cerveau!
Puisque tu sais son stratagème,
Trompe le trompeur même,
Vole-lui son plan.
FIERAMOSCA
Mais comment?
POMPEO
Viens le premier toi-même en moine blanc,
Et puis enlève...
FIERAMOSCA
Oui, la chose est facile;
Mais s’il me voit, le spadassin
Va me tomber dessus.
POMPEO
Per Bacco! sois tranquille!
Ne serais-je pas là moi-même en capucin?
Je suis un ferrailleur s’il est un spadassin.
FIERAMOSCA (réfléchissant)
Allons, allons, c’est bien.
Ah! qui pourrait me résister?
Suis-je pas né pour la bataille?
Malheur à qui m’ose irriter!
Malheur surtout à qui me raille!
Le moulinet
Est bientôt fait,
En quarte, en tierce,
Toujours je perce.
Vive l’escrime! c’est mon fort.
(d’un ton langoureux)
Ô Teresa! pour toi mon âme
Brûle des feux les plus ardents;
C’est un volcan toujours en flamme,
Un Vésuve aux bords effrayants.
Je t’aime tant que pour te plaire,
J’irais, je crois, faire la guerre
A l’enfer, à ses habitants;
J’irais, je crois, jusqu’à combattre
Ce malandrin de Cellini.
Le malheureux!... cent comme lui
Ne pourraient pas encor m’abattre.
Non, rien ne peut me résister, etc.
(Il simule un combat à l’épée.)
Une, deux, trois; une, deux ; une... mort!
Sans pitié je perce son cœur
Je suis vainqueur!
Dialogue
POMPEO
Viens, le temps passe.
FIERAMOSCA
Cher Pompéo, que je t’embrasse!
POMPEO
Prenons un froc et ne crains rien,
Tout ira bien.
(Ils sortent.)
BALDUCCI (donnant le bras à sa fille)
Vous voyez, j’espère,
Que je suis bon père;
Moi, juge sévère
Des premiers acteurs,
Je consens, ma chère,
A voir pour vous plaire
La farce grossière
De ces bateleurs.
(Il quitte le bras de sa fille et va lire l’affiche que viennent de dérouler les bateleurs.)
TERESA (sur l’avant-scène)
Ah! que vais-je faire?
Laisser mon vieux père
Seul et dans les pleurs!
(Elle va rejoindre son père dans le fond.)
CELLINI ET ASCANIO (habillés en moine blanc et noir entrent sur un des côtés de la scène)
Prudence et mystère,
Moine blanc / Capucin mon frère.
Laissons d’abord faire
Nos chers bateleurs;
Puis à nous l’affaire.
Alors, cher beau-père,
Va chez le notaire,
Ne va pas ailleurs.
(Cellini et Ascanio ont traversé la scène de droite à gauche. Teresa et son père redescendent à droite.)
TOUS ensemble
TERESA (près de son père du côté de la scène opposé à Cellini)
Ah! que vais-je faire?
Laisser mon vieux père
Seul, et dans les pleurs!+
Mais bientôt, j’espère,
Viendra le notaire
Calmer ses douleurs.
BALDUCCI (sur l’avant-scène du côté opposé à Cellini)
Vous voyez j’espère,
Que je suis bon père, etc.
ASCANIO ET CELLINI (sur l’avant-scène)
Prudence et mystère,
Moine blanc / Capucin mon frère, etc.
(Ils se perdent tous les quatre dans la foule.)
BOURGEOIS ROMAINS
De nos acteurs la farce est prête,
Ils vont jouer le roi Midas.
CHŒUR DES BATELEURS (amis de Cellini, sur le petit théâtre)
Venez, venez, peuple de Rome,
Venez entendre du nouveau.
CHŒUR DU PEUPLE
Ah! ah! Bravo! bravo! bravo! bravo!
LES BATELEURS
Venez, venez voir l’habile homme,
Qui va monter sur le tréteau!
LE PEUPLE
Ah! ah! Bravo! bravo! bravo! bravo!
LES BATELEURS
Venez, venez, peuple de Rome, etc.
LE PEUPLE
Mais déjà la foule
Dans l’ombre et la nuit
Sur Rome déroule
La joie et le bruit.
L’amour et l’ivresse,
Dans la ville en feux,
Chassent la tristesse
Des cœurs et des yeux.
LES BATELEURS
Venez, peuple de Rome,
A l’opéra nouveau.
LE PEUPLE
Ah! sonnez, trompettes,
Sonnez, musettes,
Sonnez, gais tambourins.
LES BATELEURS
Venez voir l’habile homme, etc.
LE PEUPLE
Sonnez, trompettes, etc.
LES BATELEURS
Accourez, arlequins,
Médecins et pasquins!
LE PEUPLE
Ah! vive la joie,
Que l’on s’y noie!
Buvons, chantons, dansons.
LE BATELEURS
Masques noirs, ventres ronds,
Venez voir les bouffons.
LE PEUPLE
Ah! le carnaval
Est un grand bal
Où, rois et gueux,
Tous sont heureux.
TERESA
Ah! le carnaval
Est un grand bal
Où, rois et gueux
Tous sont heureux.
LES BATELEURS
Sans nous la fête est incomplète,
Messieurs, ne vous éloignez pas;
Restez, restez, la farce est prête,
Elle est digne du mardi-gras.
Accourez tous!
LES DANSEURS ET UNE PARTIE DU PEUPLE
Maudit bavard, vieille trompette,
Tes quolibets ne tentent pas,
Sur ton tréteau, crie à tue-tête,
Pour nous la danse a plus d’appas.
LES BATELEURS
Accourez, accourez,
Médecins et Pasquins,
Accourez, accourez!
Ah! maudits danseurs!
LE PEUPLE
L’amour et l’ivresse
Chassent la tristesse, etc.
Le carnaval
Est un grand bal, etc.
Silence! silence! silence!
Assez dansé!
Cassandro commence.
LES FEMMES
Cassandro commence,
Allons, allons! faisons silence.
Ouverture de la pantomime
LE PEUPLE
Ah! ah! très bien, le plaisant visage!
C’est bien lui,
Le trésorier, c’est le seigneur Balducci.
BALDUCCI
Serait-il bien possible!
Me mettre en scène!
(Entrée d’Arlequin. Pantomime du roi Midas ou les oreilles d’âne)
UNE PARTIE DU PEUPLE
Voici maître Arlequin,
Premier ténor romain!
(Entrée de Pasquarello.)
UNE AUTRE PARTIE DU PEUPLE
C’est Pasquarello! c’est un chanteur de la Toscane,
Mais est-ce un homme ou bien un âne?
LES FEMMES
Faisons silence,
Regardons bien
Maître Arlequin,
Faisons silence.
LES HOMMES (s’adressant aux femmes)
Paix donc!
LES FEMMES
Regardons bien,
Faisons silence.
Ariette d’Arlequin
LES FEMMES ET LES HOMMES ENSEMBLE
LES FEMMES DU PEUPLE
Regardons bien
Maître Arlequin;
C’est un fameux ténor romain!
Regardons bien.
LES HOMMES
Bien, bien, bien,
C’est très bien,
Paix!
TOUS
Ah! bravo! comme il chante,
Ah! quel gosier divin!
Comme il déroule
Son chapelet;
Comme il roucoule
Pour un muet.
Cavatine de Pasquarello
QUELQUES HOMMES DU PEUPLE
Il plaît fort
Au vieil homme:
Vois donc comme
Il se tord.
BALDUCCI
C’est trop fort!
AUTRE PARTIE DU PEUPLE
Vois donc le vieux,
Est-il heureux!
En vérité,
Oh! bien!
Félicité!
(Le faux Balducci prend une couronne pour la donner à Pasquarello)
Ah! ah! quel butor! ah! ah!
BALDUCCI
Marauds! Ah! vous osez...
Se rire ainsi de moi!
LE PEUPLE
Bravo! Midas!
BALDUCCI
Attends c’est fait de toi!
LE PEUPLE
Après la comédie
Voici la tragédie.
Vive le carnaval!
L’original
Auprès de la copie:
Nous allons voir quel est
De vous deux le plus laid.
Ah!
(Le chœur s’avance vivement vers le fond de la scène comme pour voir le résultat de la lutte engagée entre Balducci et les bateleurs.)
FIERAMOSCA
Viens, pas à pas,
Fendons la presse,
Offrons le bras
A ma maîtresse.
CELLINI
Viens, pas à pas
Fendons la presse,
Offrons le bras
A ma maîtresse.
TERESA
Un moine blanc!... c’est Cellini!
Que vois-je? un autre ici!
Deux capucins!
FIERAMOSCA
C’est moi!
CELLINI
C’est moi!
TERESA
Dieu! lequel est-ce?
LE CHŒUR DES MASQUES
Moccolo, moccoli!
FIERAMOSCA ET CELLINI
C’est moi! Prenez mon bras!
LE CHŒUR DES MASQUES
Moccolo, moccoli!
A mort le moccolo!
CELLINI
Quoi! par l’enfer et mon patron;
Un autre moine... ah! trahison!
POMPEO
Va, ne crains rien, marche quand même.
FIERAMOSCA
Ah! maudit froc, sot stratagème!
POMPEO
Tiens bon!
ASCANIO
Vengeons-nous de la trahison!
POMPEO
Tiens bon, tiens bon.
Va, ne crains rien.
CELLINI
Qui que tu sois, homme ou démon,
C’est fait de toi.
FIERAMOSCA
Pompéo! à moi!
Vite en avant !
ASCANIO
Attends, toi qui prends le devant!
TERESA
Ciel, au secours! qu’on les arrête!
LE PEUPLE
Mais êtes-vous fous? un jour de fête!
Vous avez donc perdu la tête?
(Ascanio combat contre Fieramosca et Cellini combat contre Pompéo.)
CELLINI
Non, je n’ai pas perdu la tête.
TERESA
Au nom du ciel qu’on les arrête!
FIERAMOSCA
A mon secours!
POMPEO
Tiens bon!
(Fieramosca se sauve.)
CELLINI
Non, non!
(Il perce Pompéo.)
TOUS
Ah!
POMPEO
Ah! je suis mort!
LE PEUPLE
Un homme mort! vite à la garde!
BALDUCCI (revenant, ses habits en désordre)
Un meurtrier! ma fille! un mort!
FIERAMOSCA (revenant par l’autre côté du théâtre. Il reste pétrifié en rencontrant le cadavre de Pompéo.)
A mon secours! Pomp... mort!
LE PEUPLE
Oui, c’est ce moine, oui, qu’on l’arrête,
Son arme brille et fume encor.
CELLINI
Je suis perdu!
FIERAMOSCA
Je suis sauvé!
FRANCESCO ET BERNARDINO
Le maître est pris!
ASCANIO
Mon pauvre maître!
FIERAMOSCA
On tient le traître!
CELLINI ET TERESA
Cruel destin!
BALDUCCI, FRANCESCO
Ah! maudite nuit!
LES FEMMES DU PEUPLE
Un si bel homme!
LES HOMMES DU PEUPLE
Ah! quel coquin!
CELLINI
Maudite nuit!
TOUS
Ah!
TOUS ensemble
FRANCESCO, BERNARDINO, BALDUCCI, FIERAMOSCA ET LE PEUPLE
Assassiner un capucin!
Un camaldule, ah! c’est infâme!
C’est un brigand de l’Apennin;
C’était l’amant de quelque femme;
Soldats, gardez bien l’assassin!
C’est la vendetta, c’est certain.
TERESA
Ah! pauvre femme,
Pour moi seule il s’est perdu.
Infâme, lâches, drôles!
Le traiter comme un assassin!
ASCANIO
Ah! mon cher maître!
Infâme! lâches, drôles!
Le traiter comme un assassin!
CELLINI
Ah! terrible nuit, ô sort maudit!
Lâches, drôles,
Me traiter comme un assassin!
FIERAMOSCA
C’est un infâme assassin!
Le traître est pris enfin!
(Premier coup de canon. Deuxième coup de canon. Toutes les lumières et les moccoli s’éteignent subitement.)
CELLINI
A moi, mes amis,
A moi, je suis pris!
(Troisième coup de canon.)
TOUS ensemble
LE PEUPLE
On n’y voit pas!
BALDUCCI, FIERAMOSCA ET UNE PARTIE DU CHŒUR
Gardes, tenez-vous l’homme?
LES SBIRES
A nous, bourgeois!
LE PEUPLE
A nous, soldats!
TERESA, ASCANIO ET LES AMIS DE CELLINI
Il a disparu.
FIERAMOSCA ET BALDUCCI
Maudit canon! le drôle était saisi.
LES BATELEURS
Il est sauvé!
TOUS ensemble
BALDUCCI, FIERAMOSCA ET LE PEUPLE
Ah! quelle nuit noire et profonde
Ah! maudit canon que Dieu confonde,
Faut-il que ton fâcheux signal
Sonne la fin du carnaval!
TERESA, ASCANIO, FRANCESCO, BERNARDINO ET LES ÉLÈVES DE CELLINI
Ah! cher canon du fort Saint-Ange,
Pour que le jour en nuit se change,
Merci! l’instant est bien choisi;
Car les soldats l’avaient saisi.
BALDUCCI
Teresa!
TERESA
Mon père!
ASCANIO
Chut! prenez mon bras.
Venez, je vais guider vos pas.
BALDUCCI
Teresa, Teresa! ma fille! quel fracas!
Je n’y vois pas.
FIERAMOSCA
Maudit canon!
Ah! trahison!
Il était pris, à l’aide! au meurtre!
Ah, quel fracas!
Ah! le drôle s’échappe! on n’y voit pas!
TERESA ET ASCANIO
Ah, quel horrible fracas!
On ne l’attrapera pas.
Ah, quel chaos! Grand Dieu,
Quel horrible fracas!
LE PEUPLE ET LES AMIS DE CELLINI
Au meurtre! ah, Dieu! l’on nous assomme!
A l’aide! au meurtre! quel horrible fracas!
Maudit canon! on tenait l’homme!
Il était pris. Ah, quel chaos!
La foule augmente! on n’y voit pas!
Le drôle s’échappe,
On ne l’attrapera pas.
LE PEUPLE
Ah! maudit / cher canon, etc.
Ah! quel chaos et quel fracas!
La foule augmente, etc.
BALDUCCI (saisissant Fieramosca)
Le moine blanc!
FIERAMOSCA
Quoi!
BALDUCCI
Ah! Je tiens l’homme!
FIERAMOSCA
Êtes-vous fou?
BALDUCCI
Je le tiens!
TOUS
Ah!
FIERAMOSCA
Je suis Fieramosca, vous dis-je.
TOUS ensemble
UNE PARTIE DU PEUPLE, TERESA, ASCANIO ET FRANCESCO
Ah! scélérat, vil assassin, vieux renégat,
Nous saurons bien te faire pendre.
Va, tu n’échapperas pas!
UNE AUTRE PARTIE DU PEUPLE, BERNARDINO ET BALDUCCI
Assassiner un capucin la nuit des cendres!
Nous saurons bien te faire pendre.
Va, tu n’échapperas pas!
FIERAMOSCA
M’emprisonner, me caserner!
Veuillez m’entendre,
Je suis bon citoyen.
Me faire pendre, moi, Fieramosca!
BALDUCCI
Ma fille! Teresa!... je ne l’aperçois pas!
TERESA ET ASCANIO
Allons, partons. Ah! ne me quittez pas!
FIERAMOSCA
Ah, Dieu! j’étouffe.
Dieu! ne m’étranglez pas!
TOUS
Ô Dieu! de l’air! j’étouffe! de grâce!
Eh! eh! place!
Nous n’en sortirons pas!
Grand Dieu! la foule augmente!
Vous m’écrasez/On nous écrase,
Quelle tourmente!
Ah, quel chaos, quel embarras!
Ah, quel fracas!
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