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Les origines de Saint-Pierre, centre de la foi catholique, remontent au 2ème siècle, quand la tombe de Saint Pierre est érigée en lieu saint. La première grande basilique, entreprise sous les ordres de l’empereur Constantin, est achevée vers 349 de notre ère. Au 15ème siècle elle est en ruines. En 1506 le pape Jules II pose la première pierre de la nouvelle église, dont la construction va prendre plus d’un siècle; tous les grands architectes de la Renaissance et de l’époque baroque à Rome y prendront part.
Berlioz n’est que médiocrement impressionné par Rome, malgré tous les souvenirs historiques et monuments de la ville, à l’exception du Colisée et surtout de Saint-Pierre. Mais il n’en parle pratiquement pas dans les lettres qu’il écrit de Rome pendant son séjour, et ce n’est que dans les récits qu’il publie plus tard qu’il laisse percer son admiration. Voici en quels termes il s’exprime sur Saint-Pierre:
Saint-Pierre me faisait aussi toujours éprouver un frisson d’admiration. C’est si grand! si noble! si beau! si majestueusement calme!!! J’aimais à y passer la journée pendant les intolérables chaleurs de l’été. Je portais avec moi un volume de Byron, et m’établissant commodément dans un confessionnal, jouissant d’une fraîche atmosphère, d’un silence religieux, interrompu seulement à longs intervalles par l’harmonieux murmure des deux fontaines de la grande place de Saint-Pierre, que des bouffées de vent apportaient jusqu’à mon oreille, je dévorais à loisir cette ardente poésie; je suivais sur les ondes les courses audacieuses du Corsaire; j’adorais profondément ce caractère à la fois inexorable et tendre, impitoyable et généreux, composé bizarre de deux sentiments opposés en apparence, la haine de l’espèce et l’amour d’une femme.
Parfois, quittant mon livre pour réfléchir, je promenais mes regards autour de moi; mes yeux, attirés par la lumière, se levaient vers la sublime coupole de Michel-Ange. Quelle brusque transition d’idées!!! Des cris de rage des pirates, de leurs orgies sanglantes, je passais tout à coup aux concerts des Séraphins, à la paix de la vertu, à la quiétude infinie du ciel… Puis, ma pensée, abaissant son vol, se plaisait à chercher, sur le parvis du temple, la trace des pas du noble poète…
(Mémoires, chapitre 36)
À peine arrivé, je cours à Saint-Pierre… immense! sublime! écrasant!… voilà Michel-Ange, voilà Raphaël, voilà Canova; je marche sur les marbres les plus précieux, les mosaïques les plus rares… Ce silence solennel… cette fraîche atmosphère… ces tons lumineux si riches et si harmonieusement fondus… Ce vieux pèlerin, agenouillé seul, dans la vaste enceinte… Un léger bruit, parti du coin le plus obscur du temple, et roulant sous ces voûtes colossales comme un tonnerre lointain… j’eus peur… il me sembla que c’était là réellement la maison de Dieu et que je n’avais pas le droit d’y entrer. Réfléchissant que de faibles créatures comme moi étaient parvenues cependant à élever un pareil monument de grandeur et d’audace, je sentis un mouvement de fierté, puis, songeant au rôle magnifique que devait y jouer l’art que je chéris, mon cœur commença à battre à coups redoublés. Oh! oui, sans doute, me dis-je aussitôt, ces tableaux, ces statues, ces colonnes, cette architecture de géants, tout cela n’est que le corps du monument; la musique en est l’âme; c’est par elle qu’il manifeste son existence, c’est elle qui résume l’hymne incessant des autres arts, et de sa voix puissante, le porte brûlant aux pieds de l’Éternel. Où donc est l’orgue?… L’orgue, un peu plus grand que celui de l’Opéra de Paris, était sur des roulettes; un pilastre le dérobait à ma vue. N’importe, ce chétif instrument ne sert peut-être qu’à donner le ton aux voix, et tout effet instrumental étant proscrit, il doit suffire. Quel est le nombre des chanteurs?… Me rappelant alors la petite salle du Conservatoire, que l’église de Saint-Pierre contiendrait cinquante ou soixante fois au moins, je pensai que si un chœur de quatre-vingt-dix voix y était employé journellement, les choristes de Saint-Pierre ne devaient se compter que par milliers.
Ils sont au nombre de dix-huit pour les jours ordinaires, et de trente-deux pour les fêtes solennelles. J’ai même entendu un Miserere à la chapelle Sixtine chanté par cinq voix. […]
Par une de ces journées sombres qui attristent la fin de l’année, et que rend encore plus mélancoliques le souffle glacé du vent du Nord, écoutez, en lisant Ossian, la fantastique harmonie d’une harpe éolienne balancée au sommet d’un arbre dépouillé de verdure, et vous pourrez éprouver un sentiment profond de tristesse, un désir vague et infini d’une autre existence, un dégoût immense de celle-ci, en un mot une forte atteinte de spleen jointe à une tentation de suicide. Cet effet est encore plus prononcé que celui des harmonies vocales de la chapelle Sixtine; on n’a jamais songé cependant à mettre les facteurs de harpes éoliennes au nombre des grands compositeurs.
(Mémoires, chapitre 39)
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