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Julien Tiersot: Berlioziana

14. ŒUVRES ARRANGÉES PAR BERLIOZ

    Cette page présente les deux articles publiés par Julien Tiersot dans la série Berlioziana avec le sous-titre “Œuvres arrangées par Berlioz”. Voir la page principale Julien Tiersot: Berlioziana.

    Note: pour les lettres de Berlioz citées par Tiersot on a ajouté entre crochets des renvois au numérotage de la Correspondance Générale, par exemple [CG no. 2404].

Le Ménestrel, 4 Février 1906 

Le Ménestrel, 11 Février 1906 

Le Ménestrel, 4 Février 1906, p. 35-36

ŒUVRES ARRANGÉES PAR BERLIOZ

    A la suite des œuvres personnelles de Berlioz, son catalogue de 1852 comprend une série de « Morceaux de divers auteurs instrumentés pour orchestre par M. Hector Berlioz. », savoir :

    1° L’Invitation à la valse.
    2° La Marseillaise.
    3° Marche Marocaine, de Léopold de Meyer.

    En outre, les récitatifs qu’il a écrits pour les représentations du Freischütz à l’Opéra.

    Il faut ajouter à cette énumération les morceaux suivants, qui n’y ont pas été compris, ou sont postérieurs :

    Le Roi des Aulnes, de Schubert ;
    Plaisir d’amour, de Martini ;

    Des chants religieux du compositeur russe Bortniansky.

    Enfin Berlioz eut quelques remaniements à faire à Orphée et Alceste de Gluck lorsqu’il remit ces deux opéras à la scène.

    De tous ces arrangements nous ne connaissons qu’un seul autographe complet, celui de l’Invitation à la valse, appartenant à la Bibliothèque Nationale (V7m 664). C’est un manuscrit fait rapidement et sans soin. Pourtant les ratures sont assez rares. Au début seulement nous assistons aux hésitations du compositeur pour déterminer l’instrument aigu qui, dans le dialogue, doit répondre aux basses : Berlioz, avait d’abord désigné la flûte avant de se décider pour la clarinette, dont la sonorité et l’expression conviennent si bien au chant féminin de Weber. De même il avait inscrit les trombones à la tablature, puis les avait effacés : cependant, après les avoir laissés inutilisés pendant tout le développement, il les a rétablis tout à la fin pour renforcer par quelques accords l’harmonie de la dernière reprise.

    Ce qui nous a semblé le plus intéressant dans ce manuscrit, c’est le soin que Berlioz a mis à préciser les indications scéniques, issues directement, cela va sans dire, du caractère de la danse et de la forme de la musique, mais que Weber avait laissé deviner à la perspicacité de ses auditeurs. Moins confiant sans doute en cette perspicacité, le maître de la musique à programme a voulu écrire le programme de l’Invitation à la valse ; et c’est ainsi qu’on lit écrites de sa main tout du long de sa transcription, des indications telles que : Le danseur s’approche de la danseuse et l’invite à valser. — La danseuse hésite à accepter. — Le danseur prie de nouveau. — La danseuse hésite encore. — Nouvelles instances. — Elle fait ses conditions. — Elle accepte. — Elle se lève. — Ils se prennent les mains en avançant au milieu du théâtre. — Ils valsent, etc. (1).

    La Bibliothèque du Conservatoire possède, à défaut de l’autographe de l’Invitation à la valse, une copie de l’instrumentation de Berlioz faite par son copiste ordinaire : celui-ci a laissé sur le titre la trace de sa coopération, en y apposant son timbre, où nous lisons : Rocquemont, copiste de musique, 52, rue des Martyrs, Paris. Et puisque nous avons ainsi l’occasion de signaler les services de ce modeste et fidèle compagnon de travail du maître, son confident de plus de vingt années, et dont nous avons si souvent reconnu l’écriture sur les manuscrits des grandes œuvres dont nous terminons l’étude, nous ne saurions mieux faire que de reproduire à cette occasion le témoignage de gratitude que lui a donné Berlioz en le mentionnant en ces termes dans ses Mémoires : « M. Rocquemont, mon bibliothécaire, homme d’une rare intelligence, d’une activité infatigable, et dont l’amitié pour moi, aussi réelle que la mienne pour lui, l’a fait, en maintes circonstances, me rendre de ces services qu’on n’oublie jamais. »

    Nous ne nous étendrons pas longuement sur les récitatifs que Berlioz a écrits pour les représentations du Freischütz à l’Opéra (1re représentation le 7 juin 1841), besogne subalterne, mais qui ne pouvait être confiée décemment qu’à un tel maître, et à laquelle, par une singulière ironie, Berlioz a dû le plus grand nombre de représentations qui aient été données de sa musique, et les plus forts droits d’auteur qui’ll ait jamais touchés… Sauf une erreur de date — qui lui fut beaucoup reprochée, — ses Mémoires racontent très exactement l’histoire de cette adaptation. En outre, une petite préface, imprimée, contrairement à l’usage, en tête du livret, précise exactement quelles furent ses intentions lorsque, avec le concours de Pacini comme traducteur, il entreprit un pareil travail :

En produisant sur la scène française le chef-d’œuvre de Weber, nous nous sommes scrupuleusement appliqués à en donner une traduction aussi fidèle que possible, poème et musique, et non pas un arrangement.

La partition du maître n’a subi aucune altération : on en a respecté strictement l’ordre, la suite, l’intégralité, l’instrumentation. Seulement, comme le dialogue parlé est interdit à l’Académie royale de musique, il a fallu y suppléer par des récitatifs dans lesquels on a tâché de conserver le coloris particulier qui distingue tout l’ouvrage. La musique des divertissements se compose des airs de ballets d’Obéron et de Preciosa (opéras de Weber), auxquels l’auteur de la musique des récitatifs a ajouté, en l’instrumentant pour l’orchestre sans y changer une note, le célèbre rondo de piano intitulé l’Invitation à la Valse (également de Weber).

Quant au poème, l’auteur s’est efforcé de rendre fidèlement cette simplicité candide du libretto allemand auquel il aurait craint d’apporter le moindre changement, s’attachant surtout à suivre invariablement le rythme de la musique, comme aussi à traduire, littéralement parfois, jusqu’aux détails les plus minutieux de cette pièce, dont la poétique naïveté germanique est le principal caractère, et dont l’imitation exacte est sans doute ici le seul mérite.

    La partition conforme nous révèle en effet l’effort consciencieux des adaptateurs pour mettre en récitatifs la totalité des dialogues parlés, parfois fort longs, de l’opéra allemand.

    De fait, la tâche était impossible. Wagner, alors à Paris, avec son aptitude à reconnaître du premier coup d’œil le point faible des conceptions de Berlioz, ne s’y est pas trompé lorsqu’il s’est exprimé ainsi :

J’avais d’avance manifesté la crainte que les récitatifs écrits par Berlioz ne fissent tort à l’ouvrage par leur trop grand développement, qui paraissait inévitable. Je pensais aussi que le compositeur se laisserait tenter par les occasions, qui ne manqueraient pas de s’offrir, de lâcher la bride à son impétueuse imagination, et qu’il arriverait à donner ainsi trop d’individualité à son travail. Mais dans le cours de la représentation, je vis, à mon grand regret, que Berlioz, en écrivant ses récits, avait fait l’abnégation la plus complète de toute ambition personnelle et qu’il avait lui-même relégué son travail au dernier plan. Je l’ai constaté, je le répète, à mon grand regret, car grâce à cette manière de comprendre sa tâche, Berlioz n’a pas seulement défiguré le Freischütz, chose qui était facile à prévoir, mais il l’a du même coup rendu mortellement ennuyeux.

    Nous avons d’ailleurs, à l’appui de ces critiques, l’aveu de Berlioz même, dont les Mémoires disent :

Il devait résulter de mon inflexibilité un inconvénient grave : le dialogue parlé mis tout entier en musique, parut trop long, malgré les précautions que j’avais prises pour le rendre aussi rapide que possible. Jamais je ne pus faire abandonner aux acteurs leur manière lente, lourde et emphatique de chanter le récitatif… Cela nuisit un peu à l’effet général du Freischütz.

    Il avait reconnu l’impossibilité de la tâche, qui n’avait à ses yeux que l’excuse d’être un « mal nécessaire », lorsqu’il répondit aux premières propositions faites par la direction de l’Opéra :

Je ne crois pas qu’on doive ajouter au Freischütz les récitatifs que vous me demandez ; cependant, puisque c’est la condition sans laquelle il ne peut être représenté à l’Opéra, et comme, si je ne les écrivais pas, vous en confieriez la composition à un autre moins familier, peut-être, que je ne le suis avec Weber, et certainement moins dévoué que moi à la glorification de son chef-d’œuvre, j’accepte votre offre, à une condition : le Freischütz sera joué absolument tel qu’il est, sans rien changer dans le livret ni dans la musique.

    Les coupures opérées par la suite, non seulement dans les récitatifs, mais aussi dans l’œuvre originale, lui donnèrent de grands ennuis, car il s’en vit (chose paradoxale !) attribuer la responsabilité. Il lui fallut un jour, à propos d’un procès, se défendre publiquement d’avoir commis un pareil méfait : « En lisant la plaidoirie de Me Celliez, écrivit-il au Journal des Débats le 25 décembre 1853, et en me voyant accusé d’être l’auteur des mutilations du chef-d’œuvre de Weber, j’ai éprouvé un instant d’indécision entre la colère et l’hilarité… Il faut que cet avocat ait eu une grande confiance dans l’historien qu’il a consulté pour accueillir de pareils documents en faveur de sa cause et leur donner place dans sa plaidoirie. » Il ne rit pourtant pas quand il apprit que ces imputations calomnieuses s’étaient répandues en Allemagne, où il allait souvent ; plusieurs de ses lettres à cette époque portent des traces des préoccupations qu’elles lui causèrent, et de son désir de s’en disculper auprès des compatriotes de Weber.

    De fait, lorsque nous avons vu le Freischütz à l’Opéra il y a une vingtaine d’années (c’étaient Mme Krauss et M. Gailhard qui en interprétaient les principaux rôles), la partition de Weber était assez bien respectée (elle ne le fut pas tout à fait autant en 1905, où nous avons eu à déplorer de fâcheuses coupures dans le rôle d’Annette), mais il ne subsistait pas la moitié des récitatifs de Berlioz. Le défaut signalé par lui-même, ainsi que par Wagner, était ainsi notablement atténué : mais le principal inconvénient subsistait, à savoir l’incompatibilité du caractère de l’œuvre allemande, tout intime, avec le cadre solennel de l’Opéra de Paris ; et pour cela, ce n’est pas à Berlioz qu’incombe aucune responsabilité.

    La bibliothèque de l’Opéra possède une copie de la partition d’orchestre du Freischütz, deux volumes, contenant, dans le texte français, d’assez nombreuses traces de l’écriture de Berlioz.

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(1) L’exécution de cette mise en scène, qui avait été d’abord de tradition (tradition excellente) à l’Opéra, a été fâcheusement modifiée lors de la reprise du Freischütz en octobre 1905.

Le Ménestrel, 11 Février 1906, p. 43-45

(Suite)

    Après le Freischütz, Berlioz eut à diriger les études d’Orphée et d’Alceste de Gluck, et ces remises à la scène d’œuvres dont les traditions étaient oubliées nécessitèrent un travail d’adaptation qu’il exécuta avec sa discrétion respectueuse et sa compétence reconnue.

    Ce travail consistait d’abord en une revision des partitions anciennes, gravées avec une négligence dont Berlioz a très bien expliqué les diverses particularités (1) : il y fallait corriger les fautes matérielles, et préciser des indications, souvent inintelligibles pour les modernes interprètes, peu familiers avec les pratiques de l’art d’autrefois. Puis il y avait à procéder à des remaniements d’un ordre particulier. Pour Orphée, la partition française, plus complète que l’original italien, restait la base de la nouvelle édition, mais à la condition de reprendre dans la partition italienne l’ordre des tonalités primitives, de façon que le diapason du rôle d’Orphée, transposé pour ténor dans la version française, revînt à celui de la voix de contralto, celle de Guadagni, le créateur du rôle, et de Mme Viardot, qui s’en faisait après un siècle la nouvelle interprète. Pour Alceste, le travail fut moindre : il n’y eut guère qu’à transposer certaines parties du rôle principal pour les adapter à la voix plus grave de la même cantatrice ; en outre, Berlioz voulut introduire dans la version française un fragment de la version italienne, une sorte de récitatif obligé dans la scène des Enfers, extrêmement pathétique ; il crut devoir restituer le dessin primitif de l’air devenu, dans l’opéra français : « Divinités du Styx, ministres de la mort », dont les paroles italiennes, toutes différentes, correspondaient exactement à cette traduction : « Ombres ! larves ! pâles compagnes de la mort !… » Au reste, cette double opération n’avait pas été exécutée spécialement en vue des représentations d’Alceste à l’Opéra en 1861, car plusieurs programmes de concerts de Berlioz très antérieurs annoncent ces morceaux sous les formes que nous avons dites, et le second remaniement, tendant à modifier les paroles consacrées : « Divmités du Styx », ne fut pas admis à l’Opéra, du moins dans sa première partie.

    Si Berlioz a fait de sa main des transcriptions des parties qu’il eut à remanier dans ces œuvres, il n’en est rien resté qui soit venu à ma connaissance. La Bibliothèque du Conservatoire possède, il est vrai, seize pages de musique sur lesquelles sont copiées les principales parties du rôle d’Orphée transposé en clef de soprano (clef d’ut première ligne), avec une réduction sommaire des parties instrumentales, et ce manuscrit a été classé parmi les autographes de Berlioz. Mais un examen attentif m’a convaincu qu’il n’est pas de sa main. D’ailleurs les remaniements qu’il comprend sont, par endroits, très différents de ceux qu’il a adaptés et fait graver dans la partition conforme aux représentations du Théâtre-Lyrique en 1859.

    Par contre, la même Bibliothèque possède d’autres documents qui ne sont pas d’un moindre intérêt pour notre travail : ce sont les exemplaires de quatre partitions d’Orphée et d’Alceste, les deux françaises et les deux italiennes, qui ont servi à Berlioz pour établir le nouveau texte musical : toutes quatre portent des traces de son écriture, ajoutant ainsi à leur valeur d’éditions originales de Gluck l’intérêt d’être devenues autographes de Berlioz.

    Le plus intéressant de ces quatre livres est la partition de l’Orphée français no 1733, ayant pour complémentaire l’Orfeo italien no 1742. L’écriture de Berlioz se montre sur un grand nombre de pages de la première, et sous deux aspects différents, correspondant manifestement à deux usages successifs. Ce sont, d’une part, des notes au crayon rouge, très apparentes à distance, et qui, portant principalement sur les mouvements, les nuances, la tablature, durent être prises en vue d’une exécution ; d’autre part, des notes au crayon à la mine de plomb, tracées plus discrètement et affectant plus particulièrement les détails, qui semblent des indications données à un copiste pour l’établissement de la nouvelle édition. Une lettre de Berlioz à son fils (du 23 septembre 1859 [CG no. 2404]) nous confirme que c’est ainsi qu’il fut procédé : « J’ai fini de mettre en ordre le premier acte d’Orphée… Rocquemont est venu m’apporter le travail que je lui avais donné à faire pour la partition ; comme on attend le premier acte au Théâtre-Lyrique, j’ai dû me mettre à l’ouvrage sans désemparer pour en corriger les fautes de copie. »

    Les indications au crayon rouge se montrent, dès le chœur d’introduction, rares d’abord, parfois à demi effacées à la gomme. Celles à la mine de plomb ne commencent qu’à la fin de la première scène, mais elles se multiplient aussitôt : le récitatif d’Orphée après le premier chœur, l’air « Objet de mon amour » et les récits qui en encadrent les couplets, puis encore les récitatifs de l’Amour, en sont couverts, presque à chaque page. Parfois d’ailleurs on reconnaît une main étrangère. Le crayon rouge commence à jouer un rôle important dans les récitatifs de la fin du premier acte ; puis, négligeant dédaigneusement l’air de bravoure, il se fait voir presque à chaque page dans la scène des Enfers, précisant parfois certaines notations en les réunissant dans la marge, au bas (par exemple, page 57, où il note la formule d’accompagnement de l’air : « Laissez-vous toucher par mes pleurs »). La scène des Champs-Elysées, où les tonalités de la partition française ont été conservées, est restée intacte ; mais les indications de transposition recommencent dans le duo du dernier acte, et l’air « J’ai perdu mon Eurydice », porte au crayon rouge des annotations semblables à celles que nous avons signalées en d’autres endroits pour mettre sous les yeux du chef d’orchestre les nuances, les changements de mouvement, les reprises. A la fin de la scène, avant le chœur : « L’Amour triomphe », on lit au crayon ordinaire le mot : « Fin » ; en effet, c’est là que s’arrête, dans la partition du Théâtre-Lyrique, la partie de la musique empruntée à Orphée, Berlioz ayant, suivant une tradition qu’il avait recueillie dans sa jeunesse à l’Opéra, remplacé ce chœur et tout le divertissement qui suit par l’Hymne à l’Amour d’Echo et Narcisse : « Le Dieu de Paphos et de Gnide ».

    La partition italienne, qui est par elle-même une rareté bibliographique d’assez grand prix, porte aussi des notes de Berlioz, mais en moins grand nombre. Les principales sont sur le récitatif d’Orphée à la fin du premier acte (p. 42), dont la musique fut en effet substituée à celle de la version française ; puis sur l’air : « Laissez-vous toucher par mes pleurs », dont on a repris la tonalité originale, mais en conservant le développement plus ample du remaniement français, combinaison expliquée au crayon sur les pages 53, 54, 56 et 59 ; enfin sur l’air : « J’ai perdu mon Eurydice », dont le ton primitif est également rétabli, et où Berlioz a écrit au crayon bleu des nuances empruntées à la partition française.

    Pour Alceste, les deux partitions qui portent les annotations de Berlioz sont les nos 1713 (française) et 1736 (italienne). Ces annotations sont de moindre importance que celles d’Orphée, et se bornent presque entièrement, pour la partition française, à des transpositions, généralement d’une tierce mineure au grave, des parties principales du rôle d’Alceste (voy. pp. 22, 59, 71, 145, 151, 160, 194). Par-ci par-là sont quelques mots ou quelques notes au crayon, sur les portées gravées, précisant des raccords. Quant à la partition italienne, elle ne porte que quelques traces de l’écriture de Berlioz, mais qui confirment pleinement ce que nous avons dit au sujet de l’introduction dans la version française du récitatif obligé de la scène des Enfers ; ce morceau (p. 95) est en effet le seul endroit sur lequel nous reconnaissions cette écriture : elle note quelques mots brefs, mais dont la signification est conforme à ce que nous savons d’autre part : « Française. + Aller à B française », ce qui veut dire sans aucun doute : « Intercaler ce morceau à l’endroit désigné de la partition française ».

    Les autres arrangements écrits et publiés par Berlioz sont :

    HYMNE DES MARSEILLAIS, arrangé à grand orchestre et à double chœur par HECTOR BERLIOZ, dédié à M. ROUGET DE L’ISLE, auteur de la musique et des paroles, Schlesinger. On lit à la tablature, devant la partie réservée aux voix, l’indication : Tout ce qui a une voix, un cœur et du sang dans les veines. Inutile d’insister sur l’histoire de cette transcription, écho des journées de 1830, dont les Mémoires de Berlioz ont parlé en un chapitre trop connu pour qu’il soit nécessaire de le citer à nouveau.

    MARCHE MAROCAINE composée pour le piano par LEOPOLD DE MEYER et instrumentée à grand orchestre avec une coda nouvelle par HECTOR BERLIOZ.— Grand (sic) partition, Vienne, Diabelli. — L’auteur de ce morceau était un pianiste viennois, élève de Schubert et de Czerny, qui, venu à Paris en 1845, étonna vivement le public par sa virtuosité, un peu clinquante, semble-t-il. C’était précisément l’année où Berlioz dirigeait des festivals au Cirque des Champs-Elysées : Léopold de Meyer y vint jouer ; il exécuta, le 16 février, une Marche marocaine de sa composition, pour piano seul, avec une « si formidable énergie », dit la Gazette musicale, qu’il « a frappé de stupeur tout l’auditoire ». Ému sans doute par ce succès, Berlioz orchestra le morceau, « en y ajoutant une coda nouvelle », comme nous l’a dit le titre de la partition, et comme le spécifie aussi le programme du 6 avril ; cet arrangement fut exécuté pour la première fois à cette date, sous la direction du maître. La partition, en très grand format, est enjolivée d’encadrements de feuillages et d’emblèmes musicaux, imprimés en vert, et d’un goût très allemand. La musique, dans laquelle on reconnaît quelques formules de musique arabe, n’est pas sans caractère, ni surtout sans éclat ; il semble, en lisant la coda que Berlioz a composée pour conclure cette Marche marocaine, qu’il ait voulu préluder par là aux effets splendides de la Marche hongroise.

    PLAISIR D’AMOUR, Romance de MARTINI, instrumenlée pour un petit orchestre par HECTOR BERLIOZ, Membre de l’Institut. Dédié à M. Bataille, dit le titre ; la première page orthographie plus correctement : Battaille (Richault). L’exemplaire de la Bibliothèque du Conservatoire porte comme date de dépôt : 1869. Nous ne sommes pas renseignés sur la circonstance pour laquelle Berlioz a écrit l’instrumentation de cette romance célèbre.

    LE ROI DES AULNES (DER ERLKŒNIG), Ballade de Gœthe, mise en musique, avec accompagnement de piano par François Schubert, orchestrée par HECTOR BERLIOZ, Paroles françaises de M. Edouard Bouscatel. Dédié à Mlle Francilla Pixis (Legouix). Date de dépôt : 1860. Cette orchestration a été écrite pour le festival de Bade, dirigé par Berlioz le 27 août 1860, dont le programme annonçait, sous le no 11 : Le Roi des Aulnes, de Schubert, chanté avec orchestre par Roger.

    L’on a en outre attribué à Berlioz certains arrangements de musique religieuse. La Gazette musicale annonçait, le 13 août 1843, plus de trois ans avant le premier voyage de Berlioz en Russie :

L’empereur de Russie vient de faire écrire à M. Hector Berlioz, par le chef de la chapelle de la musique impériale, dans le but de prier cet artiste d’arranger les plains-chants de l’Église grecque à seize parties en quadruple chœur. Les instructions adressées à M. Berlioz lui prescrivent d’employer dans chacun des chœurs les voix de contre-basses, assez communes parmi les chantres russes.

    Mais on n’a jamais rien retrouvé, ni en France, ni en Russie, de ces arrangements vocaux à seize parties ; il y a donc tout lieu de classer ce prétendu travail au nombre des projets qui n’ont pas été réalisés.

    Un peu plus tard enfin, alors qu’il dirigeait les concerts de la Société Philharmonique (1850-1851), Berlioz a inscrit sur les programmes deux chœurs de Borniantsky [sic], savoir :

Le 22 octobre 1850 et le 12 novembre suivant, le Chant des Chérubins, chœur sans accompagnement (fragment du répertoire de la Chapelle de l’Empereur de Russie) ;

Le 28 janvier 1851, un Pater, chœur sans accompagnement, tiré du service musical de la Chapelle de l’Empereur de Russie, exécuté à Paris pour la première fois (2).

    Rien, ni dans la rédaction de ces programmes, ni dans les comptes rendus des auditions, n’autorise à croire que ces chœurs, écrits pour les voix seules par le vieux maître slave et chantés de même sous la direction du maître français, aient subi aucun arrangement du fait de ce dernier ; nous pouvons donc penser que le travail d’adaptation qu’on lui a attribué s’est borné à la substitution aux textes russes originaux de paroles en une langue plus familière aux exécutants de la Société Philharmonique de Paris.

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(1) Voy. A travers chants, pp. 115 et 209.  
(2) Berlioz a consacré à Borniantsky et à la chapelle impériale russe quelques pages des Soirées de l’orchestre (270 et suiv.) commençant ainsi : « Je ne puis comparer à l’effet de l’unisson gigantesque des enfants de Saint-Paul (voir ci-dessus, p. 67) que celui des belles harmonies religieuses écrites par Borniantsky pour la chapelle impériale russe, qu’exécutent à Saint-Pétersbourg les chantres de la cour avec une perfection d’ensemble, une finesse de nuances et une beauté de sons dont vous ne pouvez vous former aucune idée. »

Site Hector Berlioz créé par Monir Tayeb et Michel Austin le 18 juillet 1997; page Julien Tiersot: Berlioziana créée le 1er mai 2012; cette page créée le 1er février 2013.

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