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Avant 2003

    Cette page présente les comptes-rendus des exécutions et représentations qui ont eu lieu à dater de 1999 et avant 2003. Nous remercions très vivement les auteurs de leurs précieuses contributions.

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Les Francs-Juges et les Huit Scènes de Faust à Paris La Damnation de Faust in New York
Grande Messe des Morts (The Requiem), St Paul’s Cathedral (2)
Grande Messe des Morts (The Requiem), St Paul’s Cathedral (1)
“The Affairs of Cellini”, a movie from 1934
Symphonie fantastique in Edinburgh, Scotland
L’Enfance du Christ in Santa Fe, New Mexico
Les Troyens at Salzburg Festival (2)
Les Troyens at Salzburg Festival (1)
Béatrice et Bénédict in LA
Les Francs-Juges and Huit Scènes de Faust in Paris
The Requiem in North Carolina (2)
The Requiem in North Carolina (1)
Béatrice et Bénédict (overture), Symphonie fantastique, Les Nuits d’été

 

Les Francs-Juges et les Huit Scènes de Faust à Paris

Par Vincent Arlettaz

Salle Pleyel, 17 et 18 février 2000

    Le grand cycle de concerts “Berlioz 2003” vient de débuter à Paris, et nous a déjà valu de magnifiques moments. Aux côtés de la Damnation de Faust, du Te Deum et de la Symphonie fantastique, deux œuvres beaucoup moins connues méritent assurément qu’on s’y arrête plus longuement : ce sont les “Huit Scènes de Faust” de 1829, et les fragments retrouvés de l’opéra de jeunesse les Francs-Juges (1825-26).

    A la vérité, à l’issue des concerts du 17 et du 18 février derniers, sous le coup de l’émotion et du succès indéniables remportés par ces deux partitions, certains se sont aventurés à émettre l’idée que ces œuvres, bien que désavouées par leur auteur, pourraient néanmoins être intégrées au répertoire, où leur briéveté même devrait leur permettre de trouver assez facilement leur place. Mais cela ne me semble pas si évident : les extraits des Francs-Juges, bien que musicalement passionnants, sont trop fragmentaires aujourd’hui pour pouvoir susciter l’enthousiasme du public d’opéra habituel. Et les Scènes de Faust, sortes d’illustrations musicales inspirées par le chef-d’œuvre de Goethe, et saisies sur le vif, n’ont jamais été conçues dans un esprit de représentation : les deux airs de Marguerite se succèdent immédiatement l’un à l’autre, créant une sorte de redondance là où il faudrait contraste et variété ; et l’œuvre se termine par une sérénade pour ténor et guitare, certes exquise, mais qui n’a pas l’éclat et l’élan d’un véritable finale. En outre, permuter ces mouvements irait à l’encontre du déroulement du drame qui se joue en filigrane.

Les Francs-Juges

    Mais si l’on peut douter que ces œuvres puissent s’installer durablement au répertoire, leur découverte fut véritablement un événement passionnant, suivi avec ferveur par le public très enthousiaste de la Salle Pleyel. Seule l’ouverture des Francs-Juges est aujourd’hui bien connue; elle fut magnifiquement exécutée par l’Orchestre de Paris, dont les cuivres furent extraordinaires de timbre, de justesse et de puissance, en particulier dans le fameux thème en ré bémol du début. On entend rarement ce morceau au concert, et c’est fort dommage, car cela n’a absolument rien à voir avec ce que l’on peut entendre au disque; ce n’est qu’ainsi, en conditions réelles, que l’on peut véritablement comprendre ce que Berlioz a voulu faire ici.

    Les autres fragments des Francs-Juges sont malheureusement un peu écrasés par cette ouverture foudroyante. On remarque toutefois un beau duo de ténor et de basse, où deux francs-juges, Olmerick et Christiern, complotent l’assassinat du héros Arnold. Ce morceau plein d’une fougue toute berliozienne, mais de coupe encore très classique, a été excellemment exécuté lui aussi (notamment par le baryton François le Roux), et a reporté un vif succès.

    Les deux numéros suivants illustrent en revanche la veine pastorale et mélodieuse inspirée à Berlioz par le modèle du Freischütz de Weber. Pour le chœur “L’ombre descend dans la vallée”, il utilise une mélodie des montagnes de la Gruyère, le fameux “ranz des vaches”, c’est-à-dire l’hymne fétiche de tous les Suisses Romands. Il semble peu probable que cette mélodie ait pénétré jusque dans son Dauphiné natal, et Berlioz l’aura vraisemblablement tirée d’un des recueils de musiques populaires qui commencent à paraître à son époque, et dont on retrouve également l’influence chez ses contemporains, notamment dans l’ouverture de Guillaume Tell de Rossini.

    Mais le Chœur des Bergers est surtout remarquable pour son organisation spatiale : Berlioz fait appel à quatre petits groupes d’instrumentistes et de choristes, qu’il distribue à tous les coins du théâtre, en coulisse, dans les cintres, etc. Un tel effet d’écho, en soi fort ingénieux, est cependant extrêmement difficile à réaliser dans la pratique, car des décalages rythmiques importants se produisent très aisément. Ce passage n’en atteste pas moins l’esprit inventif du jeune Berlioz, dans un domaine qu’il était appelé à explorer plus tard en pionnier.

    Il n’y a pas grand-chose à dire en revanche du nocturne suivant, “Le ciel et les voluptés”, pièce charmante, à l’harmonie d’une limpidité toute classique, et qui suffirait à elle seule à répondre à tous ceux qui ont prétendu Berlioz incapable d’harmoniser “correctement” une simple valse.

    Le dernier fragment, l’hymne des francs-juges “Des célestes décrets”, est un chœur de voix d’hommes d’une magnifique intensité, qui possède en outre une particularité formelle des plus intéressantes : le Da Capo est repris à l’identique par le chœur, mais varié par l’orchestre, avec notamment des interventions colorées des cuivres et, à la percussion, des rythmes fort originaux et audacieux pour leur époque.

Les Scènes de Faust

    Il n’y a guère que 3 ou 4 ans qui séparent ces Francs-Juges des Huit Scènes de Faust (1829). La portée de cette dernière œuvre est cependant toute différente : on y reconnaît en effet nombre de passages qui, repris intégralement dans la Damnation de 1846, en constituent certaines des plus belles pages : c’est le cas de la quasi totalité de la Ballade du Roi de Thulé (qui sera transposée de sol en fa), de la chanson de Brander (“Certain rat”), de celle de Méphistophélès (“Une puce gentille”), et des trois quarts de la merveilleuse romance de Marguerite (“Une amoureuse flamme”). Ces pièces sont importantes, car elles montrent un Berlioz qui, à l’âge de 26 ans, entre en possession du génie qui fait aujourd’hui encore notre admiration.

    Dans de nombreux autres passages en revanche, Berlioz, reprenant son ouvrage en 1846, a considérablement modifié sinon la substance de ses idées musicales, du moins leur forme. L’orchestration elle-même a été, dans la plupart de ces cas, grandement améliorée. Dans le Chœur des Sylphes, il supprimera notamment des vocalises de soprano dont l’effet était très lourd. Une retouche analogue sera faite dans la première des Huit Scènes, l’Hymne de la Fête de Pâques, dont l’harmonie sera également beaucoup retravaillée, pour devenir le chef-d’œuvre de modulation que l’on connaît. Les couplets de la Ronde de Paysans (“Les bergers quittent leurs troupeaux”) étaient originellement confiés à un ténor solo qui crée un effet gracieux, mais qui est quelque peu écrasé par la masse du chœur chantant le refrain.

    Enfin, plus important sans doute, le Chœur des Sylphes a été remanié très profondément, bien que sa substance musicale soit identique. On regrette vraiment qu’il ait été exécuté, le 18 février, par le chœur au complet, alors que Berlioz avait prévu ici un sextuor de solistes. Assurément, il aurait été extrêmement intéressant d’entendre en conditions réelles cette différence.

    Une dernière observation, mais elle est de taille: Faust n’apparaît pas du tout ici ; en conséquence, Berlioz a pu confier à un ténor le rôle de Méphistophélès, ce qui lui donne un caractère de légèreté et d’élégance dont l’effet, de manière assez surprenante, est bien plus diabolique encore, bien plus vif, plus sulfureux que le baryton dont on a l’habitude. Le contraste est particulièrement frappant à la fin de la chanson de la puce : là où une basse lutte avec des fa aigus claironnants, le ténor se promène avec aisance et légèreté sur les meilleures cordes de son registre. Ne serait-ce que pour entendre les mots “écrasons-la soudain”, chantés avec une douceur délicieusement ironique par Jean-Paul Fouchécourt, il valait vraiment la peine d’être dans la Salle Pleyel ce 18 février !

Bientot au disque ?

    En résumé, s’il ne semble pas plausible que ces Huit Scènes de Faust s’installent au concert, elles méritent absolument d’être enregistrées et mises à la disposition du public*. Il en est tout à fait de même pour les fragments des Francs-Juges. Jointes à la Messe Solennelle de 1824 récemment redécouverte, ces deux partitions nous aident à mieux comprendre une période particulièrement cruciale de la carrière de Berlioz, et illustrent de manière éloquente l’étonnante rapidité de l’éclosion de son génie.

Vincent Arlettaz
Paris (France)

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* Un compact de cette exécution des Huit Scènes de Faust a été publié par Erato Musique (voir “œuvres pour chœur” à la page Discographie de Berlioz).

Site Hector Berlioz crée par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997; page Comptes-rendus de concerts créée en 1999; rcomplètement remaniée le 25 décembre 2008.

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