2024
Cette page présente les comptes-rendus d’exécutions et représentations qui ont eu lieu en 2024. Nous remercions très vivement les auteurs de leurs précieuses contributions.
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Pierre-René Serna
Opéra de Lyon, 13 mai 2024, première.
La production de l’Opéra de Lyon de Béatrice et Bénédict se révèle à peu près satisfaisante, dans la mesure où l’œuvre est à peu de choses près respectée, scéniquement et surtout musicalement.
C’est ainsi que les dialogues parlés sont dans l’ensemble et en grande partie maintenus (bien qu’amplifiés par microphones). Et ce, à l’inverse de nombre de productions traficotées actuelles (dont la récente production à Angers-Nantes Opéra). Heureuse chose ! Même si par deux fois, pour les deux apparitions de Somarone aux premier et second actes, ces dialogues sont largement tronqués. Ce qui retire, de façon absolument dommageable, l’aspect comique et unique dans ce propos, des interventions de Somarone. Autre malfaçon : une coupure d’entracte après le rondo de Bénédict. Le second acte reprend alors avec le duo Héro et Ursule, puis la reprise de la Sicilienne ! Ce serait, en ce chapitre, les principaux inconvénients de la production.
Il convient cependant de noter que cette production lyonnaise de Béatrice et Bénédict avait été inaugurée en décembre 2020. Mais elle avait été annulée pour les représentations publiques en raison de la pandémie (avec toutefois une captation vidéo). C’est donc la véritable première en public (avec la « complicité » du Festival Berlioz, qui en fait l’annonce dans son programme) à laquelle nous avons assisté.
Musicalement, la réalisation se révèle honorable. Sachant que palme revient aux chanteuses. La mezzo Cecilia Molinari est une Béatrice de belle projection, alors que la soprano Giulia Scopelliti en Héro et la mezzo Thandiswa Mpongwana en Ursule s’épanchent d’un joli lyrisme. On serait plus réservé pour Robert Lewis, ténor d’une voix parfois terne. Les seconds rôles de Claudio et Don Pedro sont parfaitement menés par Pawel Trojak et Pete Thanapat, de même que le Somarone d’Ivan Thirion malgré les réserves que nous formulions. Dialogues bien dits par tous (et sonorisés). Chœur en situation et ardemment lancé.
Si l’acoustique de l’Opéra de Lyon (reconstruit dans ses parties intérieures en 1993), favorise les voix de façon adéquate, ce n’est pas le cas pour l’orchestre. Perdu dans la fosse, sa sonorité se fait effacée, avec des timbres instrumentaux amoindris. Pour cette partition où ils ont pourtant la partie si radieuse ! La direction de Johannes Debus n’en est cependant pas moins appropriée.
Quant à la mise en scène de Damiano Michieletto (dont nous avions vu récemment à Paris sa production assez passe-partout de Don Quichotte de Massenet à l’Opéra Bastille), elle s’inscrit bien dans l’action malgré quelques tics du metteur en scène : comme une profusion de micros sur pied, des allées et venues incessantes, dont celles de Somarone, des images en surimpression, l’apparition d’une forêt de jungle (changement de tableau prétexte certainement à la coupure d’actes citée) et les circonvolutions d’un singe incarné par un danseur. Les costumes d’aujourd’hui correspondent d’une certaine manière, avec notamment des uniformes militaires. Bien réglé dans l’ensemble. En résumé : un Béatrice et Bénédict plutôt bienvenu, malgré les quelques réserves mentionnées !
Pierre-René Serna
Louis-Paul Lepaumier
Dresde : Semperoper
Giampaolo Bisanti (Leitung 02/07/2024), Oscar Jockel (Leitung 05/07/2024), Barbora Horáková (Regie), Aida Leonor Guardia (Bühne), Eva Butzkies (Kostüme), Sergio Verde (Video), Stefan Bolliger (Licht), Juanjo Arqués (Choreografie), André Kellinghaus (Chor)
Anton Rositskiy, Ante Jerkunica, Jérôme Boutillier, Tilmann Rönnebeck, Aaron Pegram, Vladyslav Buialskiy, Jürgen Müller, Matthias Henneberg, Tuuli Takala, Stepanka Pucálková, Anton Beliaev, Sächsischer Staatsopernchor Dresden, Sächsische Staatskapelle Dresden
L’intendant du Semperoper de Dresde, Peter Theiler, a voulu terminer son mandat (2018-2024) avec une nouvelle production de Benvenuto Cellini. Cette œuvre lui tient particulièrement à cœur : il était déjà à l’origine de la recréation de la version 1856 avec dialogues en allemand au Musiktheater im Revier de Gelsenkirchen en 2004 lorsqu’il dirigeait cette maison.
Dès le 4 novembre 1888, au Königlichen Hofoper, Dresde découvrait l’opéra de Berlioz. Comme il n’y avait plus été représenté depuis juin 1929 cette nouvelle production constitue un petit évènement. Ce n’est pas une raison pour attirer le public, il reste environ un cinquième des places inoccupées.
Pour d’obscures raisons, vraisemblablement liées à la durée totale d’une représentation, c’est la version de Weimar en trois actes avec récitatifs chantés en français qui a été choisie. Disons le tout net il s’agit là encore d’une « adaptation ». Bien que l’édition Bärenreiter soit posée sur le pupitre du chef d’orchestre nous avons droit au Pape et non pas au cardinal. La romance de Teresa se substitue à son air, etc.
Interrogé à l’issue de la représentation le dramaturge Benedikt Stampli semblait plutôt bien connaître les différentes versions mais n’a su que se retrancher devant le choix de la metteuse en scène Barbora Horáková. Enfin… Ceci est d’autant plus regrettable que cette mise en scène montrait la sottise d’un art commun devant l’originalité créatrice ! Pourquoi alors censurer l’œuvre dans une version qui n’a pas été prévue par Berlioz lui-même ? N’aurait-il pas de génie créateur ?
Peter Theiler a donc confié la mise en scène à une habituée déjà présente lors des saisons précédentes de son mandat : Barbora Horáková. Elle a créé un spectacle très accrocheur qui occupe toujours le spectateur. Transposer à nos jours l’intrigue ne choque pas lorsque le contraste entre Cellini le créateur visionnaire, en avance sur son temps, et une conception plus conventionnelle de l’art, représentée par Fieramosca est conservé. Cellini devient ainsi un génie égocentrique et narcissique qui utilise la technologie la plus avancée pour ses créations. Réseaux sociaux, réalité virtuelle, bitcoins, intelligence artificielle : la mise en scène montre toute la thématique de l’ouvrage qu’entoure un présent évoqué à la fois par les costumes d’Eva Butzkies et par le décor d’Aída Leonor Guardia. Le décor est constitué de deux structures mobiles qui forment un immense visage robotique derrière lequel se trouve l’atelier extrêmement technique de Cellini. Le problème de cette transposition réside en une hyperactivité sur scène liée à l’horreur du vide. Ainsi nous voyons les évolutions constantes d’un groupe de danseurs et les projections continuelles sur un cyclorama en fond de scène. C’est judicieux pour dépeindre les traits humoristiques mais conduit, en contre-partie, à une caractérisation parfois sommaire (caricaturale) des personnages. Ainsi, Cellini et Teresa agissent comme deux adolescents aux hormones incontrôlées. Transformer Ascanio en robot androïde devient aussi restrictif. Le mérite de Barbora Horáková réside dans la capacité à gérer et déplacer les ensembles (la scène du carnaval toujours complexe), ainsi que la capacité à donner une réponse plausible à la dramaturgie décousue de l’opéra en particulier dans sa conclusion. Mieux vaut oublier l’arrivée risible de Clément VII dans sa papamobile avec ses gardes, accompagnée d’images du pape François embrassant différents dirigeants mondiaux, pour se concentrer sur la conversion de Cellini en une figure auto-déifiée. Le point culminant, à la fin de sa grande œuvre, n’est pas une statue, mais un système d’intelligence artificielle qui transforme le reste des personnages en robots ! Barbora Horáková ajoute un clin d’œil final avec l’apparition d’un tout jeune garçon en costume-cravate et lunettes noires qui déconnecte finalement tout le monde à l’aide d’une télécommande avant que le rideau ne tombe.
Nous avons pu voir deux fois ce spectacle dont la première eut lieu le 29 juin 2024. Tout d’abord, seconde représentation, le mardi 2 juillet, puis, troisième représentation, le vendredi 5 juillet. De la sorte nous avons pu comparer le résultat avec les deux chefs d’orchestre qui se partagent les représentations de cette saison 2023-2024 ainsi que celles de la prochaine saison. La distribution vocale, elle, était identique les deux soirées.
Le 2 juillet Giampaolo Bisanti était dans la fosse. Né à Milan en 1972, Giampaolo Bisanti a remporté de nombreux concours internationaux parmi lesquels le prestigieux concours Dimitri Mitropoulos d’Athènes. Dès 2012 il se produit sur les scènes internationales. Depuis novembre 2016, il est directeur musical du Teatro Petruzzelli de Bari. Au cours de la saison 2020/2021 on a pu l’entendre à l’Opéra Bastille avec L’elisir d’amore. Il devient directeur musical de l’Opéra Royal de Wallonie (Liège) à partir de la saison 2022/2023. Il est aujourd’hui considéré comme un spécialiste de Verdi. Assez peu familier de la musique française (Werther de Massenet et Gloria et Stabat Mater de Poulenc), c’était là son premier Berlioz. La partition flambant neuve Bärenreiter le laissait bien deviner. Dès l’ouverture nous constatons que l’orchestre de la Staatskapelle de Dresde fait partie des grandes phalanges internationales. Les possibilités en termes de coloris, précision, puissance et dynamique sont bien là. Hélas, le chef canalise bien mal toute cette énergie et la précision, si importante, fait défaut. Pire, nous notons des décalages inexcusables entre les vents : les cuivres et les bois – répartis de façon symétrique dans la fosse : les bois à gauche et les cuivres à droite - . L’ouverture retombe enfin sur ses pieds presque à sa fin, c’est dommage. Pour le reste, les actes 1 et 2, sans être brillants, restent acceptables. L’allant du carnaval Romain enlève le tout grâce au savoir faire du Konzertmeiser Roland Straumer qui entraîne ses compagnons. Mais nous souffrons quand même de très fréquents décalages entre la fosse et la scène (surtout lorsque le chœur est sollicité). Après l’entracte, l’acte 3 nous ennuie car tout devient décousu. Les qualités de l’orchestre ne suffisent plus, c’est terne, plat, inintéressant. Espérons que les prochaines représentations atténueront ces reproches.
Du côté des chanteurs, solistes et chœurs, nous remarquons immédiatement une excellente prononciation. Le répétiteur de français, François Germain, a fait un remarquable travail car, excepté Fieramosca, la distribution n’est pas francophone. Le chœur brille de tous ses éclats, pour tous les pupitres, et il semble totalement familier avec la mise en scène – respectueuse d’une bonne projection pour les chanteurs - . Quel bonheur. Le plaisir n’est pas moindre avec les solistes. Anton Rositskiy campe un Benvenuto Cellini avec un timbre clair bien projeté. Sa pétulance s’accorde avec la mise en scène. Sa musicalité raffinée s’exprime dans ses deux airs et nous remarquons aussi sa résistance physique. Cette prise de rôle est réussie, il pourrait approfondir la caractérisation de son personnage, mais la mise en scène ne s’y prêtait guère, et améliorer quelques nuances afin de moduler son registre aigu. Tuuli Takala incarne une Teresa vive au timbre mat, sa romance d’entrée était splendide – un rare moment où l’orchestre traduisait parfaitement la musique de Berlioz - . Son timbre s’associe très bien avec celui d’Ascanio qui profite de la voix plus corsée de Štěpánka Pučálková - duo du troisième acte - . Pour cette dernière, après un très beau premier air, nous sommes déçus par celui du troisième acte mais l’accompagnement désastreux aurait brisé toute tentative de réussite. Ante Jerkunica, voix luxueuse pour Balducci, n’est guère aidé par l’accompagnement et reste exemplaire. Jérôme Boutillier se coule totalement, pour notre plus grand bonheur, dans le rôle de Fieramosca imaginé par Barbora Horáková. Il est difficile d’en faire plus tant sur le plan vocal que dans la maîtrise du comique physique. Tilmann Rönnebeck endosse le rôle du pape Clément VII avec toute l’ironie nécessaire et trinque comme il faut avec Cellini pour sceller sa promesse. Terminons avec la bonne impression laissée par Aaron Pegram, Vladislav Buialskiy et Jürgen Müller dans les rôles respectifs de Francesco, Bernardino et du cabaretier. Bref un plateau d’excellente tenue avec une diction remarquable.
Le 5 juillet Oscar Jockel était dans la fosse. Né à Ratisbonne (24/12/1995), Oscar Jockel remporte en octobre 2021 le concours de l’Académie Karajan et en devient boursier pour deux ans. Il devient alors chef assistant de Kirill Petrenko au Berliner Philharmoniker. Il décroche, également en 2021, lors du festival de musique d’Aspen, le « Aspen Conducting Prize ». Toujours en 2021 il obtient le poste de chef assistant de l’Ensemble intercontemporain (philharmonie de Paris) auprès de Matthias Pintscher. Oscar Jockel est également compositeur. Lors du festival de Pâques 2023 à Salzbourg il a reçu le prix « Herbert von Karajan Award » pour l’ensemble de son travail en tant que compositeur et chef d’orchestre. Il rejoint ainsi de très prestigieux musiciens ayant reçu ce même prix auparavant (Sächsische Staatskapelle Dresden (2022), Hilary Hahn (2021), Janine Jansen (2020), Mariss Jansons (2019), Sol Gabetta (2018) et Daniil Trifonov (2017)). A partir de la saison 2023/2024 il reçoit plusieurs engagements comme chef d’orchestre. Pas de partition neuve sur le pupitre mais tout un ensemble relié de feuilles de musique ayant passablement servi. Dès le premier accord nous entendons tout autre chose que le mardi précédent. L’orchestre, extrêmement contrôlé, libère une vision précise de ce qui est écrit sur la partition. Nous avons souvenir de versions encore plus abouties mais, tel quel, le résultat émerveille nos oreilles. La rutilance de l’orchestre se met au service du compositeur. Oscar Jockel utilise avec merveille l’admirable Staatskapelle qui a fêté l’an dernier son 475ème anniversaire. Au début du deuxième acte nous remarquons pourtant quelques accrochages, la tension faiblit un peu mais, heureusement, cela ne durera pas. Le carnaval atteint la démesure voulue tant par Berlioz que par la mise en scène, il semble que tout le monde y prend plaisir. Les artistes, dans la fosse ou sur scène, et également le public, devenu silencieux et attentif, comme cela se produit parfois, sont sous le charme de l’œuvre. Le troisième acte retrouve un intérêt que nous croyons perdu dans la version de Weimar et le rideau tombe sur notre enchantement.
Revenons sur la prestation des chanteurs. Les chœurs, fermement soutenus, s’épanouissent et emportent toute notre admiration. Tous les solistes nous présentent une meilleure prestation que la première fois. L’accompagnement précis de l’orchestre, très souvent sollicité pour suivre les nuances demandées par le chef, les aide certainement. A contrario, la romance de Teresa, un peu trop rigide, est moins réussie que la fois précédente. Pour tout le reste, le résultat atteint des sommets. L’air d’Ascanio au troisième acte nous comble d’aise également. Plusieurs moments forts bénéficient d’applaudissements nourris tout à fait justifiés.
Une fois de plus il faut franchir le Rhin pour entendre et voir un opéra de Berlioz. La production du Semperoper a beaucoup d’atouts (excellents musiciens et mise en scène intelligente) mais peut décevoir quant à la version retenue. Néanmoins, surtout sous la direction d’Oscar Jockel, je n’ai pas regretté mon voyage à Dresde.
Louis-Paul Lepaumier
Pierre-René Serna
L’Enfance du Christ : Auditorium provisoire du château de la Côte-Saint-André, 30 août 2024.
Cette édition 2024 du Festival Berlioz à la Côte-Saint-André s’est voulue de transition, après de précédentes éditions plus riches. Peu de grandes œuvres de Berlioz sont au programme, hors l’Enfance du Christ. Bruno Messina, l’entreprenant directeur du Festival, précise vouloir revenir l’an prochain aux grandes œuvres lyriques de Berlioz. Souhaitons-le ! Autant dire que cette année, l’accent a été mis davantage sur les interprètes. Avec une programmation ouverte sur l’Europe, comme l’indique son intitulé « Une jeunesse européenne » en allusion à la vie voyageuse du compositeur. Les musiques de différents compositeurs européens sont ainsi à l’honneur, en regard toutefois de quelques références à Berlioz, par des interprètes issus des diverses contrées du continent. Le contexte actuel, et la désaffection (pour les différentes raisons que l’on sait) des grands noms de l’interprétation de Berlioz que sont John Eliot Gardiner, François-Xavier Roth et Valery Gergiev, a dû aussi certainement jouer dans l’absence de grandes pages du compositeur.
Prophétique Enfance du Christ
Pour l’Enfance du Christ, concert-clef du festival et seul avec une grande œuvre de Berlioz, ont été réunis les Chœur et Orchestre polonais du NFM (Forum national de musique) de Wroclaw et une distribution de chanteurs britanniques, sous la direction de Paul McCreesh. Ou un recueil d’interprètes européens. En conformité avec la thématique générale annoncée et comme de juste en regard de la renommée européenne du musicien.
Et l’ensemble convainc. Le chœur s’élance avec justesse, aussi bien dans les moments élégiaques que dans ceux d’ardeur, y compris pour les parties en coulisse (stipulées par la partition). L’orchestre, en petite formation comme il se doit, après de tout premiers moments incertains (dûs aussi à l’acoustique du lieu), se fait accompagnement précis et détaillé dans sa participation aux couleurs tant divisées. Puisque Paul McCreesh dirige d’une battue soutenue une œuvre qu’il maîtrise absolument. À nouveau un chef britannique, comme d’autres, venu du baroque (ainsi un mois auparavant son concert à la tête de son Gabrieli Consort and Players auquel nous avions assisté au festival de Beaune) et très à son affaire dans Berlioz !
On pouvait redouter une défaillance dans la diction du chant. Il n’en est rien : les solistes vocaux aussi bien que le chœur s’acquittent d’une élocution française parfaite pour leurs interprétations du texte du livret ! Il est vrai que le chœur pour sa part a été préparé par Lionel Sow (unique Français parmi les noms de la distribution), depuis octobre 2021 directeur artistique de ce chœur polonais, en sus de sa direction du Chœur de Radio France. Si les solistes présentent une excellente prononciation, y compris pour les deux brefs intervenants Polydorus et le Centurion issus ponctuellement du chœur, ce n’est pas au détriment d’un chant bien mené et lancé. Laurence Kilsby distille son importante partie du Récitant, d’un timbre de ténor magnifiquement phrasé jusqu’au diaphane dans son sublime et ultime arioso. Le baryton Ashley Riches constitue pour sa part un Père de famille d’une ardeur souveraine pour ses interventions finales. La mezzo Anna Stephany et le baryton Benjamin Appl s’assemblent parfaitement pour Marie et Joseph. Neal Davies serait quant à lui un baryton-basse un peu trop léger pour le rôle perturbé du roi romain Hérode, mais d’une voix bien posée.
L’émotion est ainsi de la partie, dans l’auditorium provisoire sis dans la cour du château de la Côte-Saint-André, face à un public lourd d’attention. Et quand sont lancés ces mots en quasi fin du Père de famille : « Les enfants d’Ismaël sont frères de ceux d’Israël », on y entend comme la plus vibrante des prophéties par les temps malheureux qui courent.
Autres concerts et manifestations
Nous avons assisté à deux journées du festival, les 29 et 30 août. L’occasion d’autres concerts.
L’autre grand concert du soir (le 29 août), avec l’Orchestre symphonique de la Radio-Télévision Croate, proposait un programme original : l’entraînante Ouverture de Porin (tirée de l’opéra de même nom) du compositeur croate Vatroslav Lisinski (1819-1853) ; la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, avec Nelson Goerner d’une virtuosité confondante au piano ; le poème symphonique Aus Italien de Richard Strauss. Le tout, s’emporte éperdument, sous la direction enlevée de Pascal Rophé.
Deux concerts de chambre d’après-midi dans la petite église de la bourgade, ont permis d’apprécier Marc Coppey (violoncelle) et François Dumont (piano) pour des sonates de Fauré et Chopin bien lancées, puis Stéphanie-Marie Degand (violon) et Marie-Josèphe Jude (piano) pour des pages de Clara Schumann, Beethoven et César Franck plus intérieures.
C’était aussi l’occasion de l’Assemblée générale de l’Association nationale Hector-Berlioz, suivie d’un sympathique déjeuner à la ferme dite « Berlioz » et d’une très intéressante conférence de Pascal Beyls à propos de Camille Pleyel et ses relations avec Berlioz (en rapport avec la sortie de son livre sur le sujet). Ce moment a été aussi marqué par la remise de la médaille d’honneur de la Berlioz Society par les soins de Alastair Aberdare, à Antoine Troncy, le dynamique responsable du Musée Hector-Berlioz.
Et dans ce musée, prend place comme chaque année une attractive exposition. Cette fois-ci : « Musique de chambre… d’enfant ! », ou une collection joyeuse d’objets musicaux enfantins à travers les âges (jusqu’au 31 décembre).
Pierre-René Serna
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