2015
Cette page présente les comptes-rendus d’exécutions et représentations qui ont eu lieu en 2015. Nous remercions très vivement les auteurs de leurs précieuses contributions.
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Par Christian Wasselin
La Damnation de Faust à l’Opéra de Lyon, 7 octobre 2015
Benvenuto Cellini à l’Opéra de Cologne, 21 novembre 2015
La Damnation de Faust à l’Opéra Bastille, 8 décembre 2015
Plus le temps passe, plus on se convainc que les œuvres de Berlioz ne peuvent pas faire partie de l’ordinaire des concerts ou des saisons lyriques. Elles sont tellement fragiles, elles demandent tellement de soin et d’amour, que seuls des interprètes réunis spécialement pour les aborder, et particulièrement un chef soucieux de les servir, peuvent en rendre toute la beauté. Berlioz n’a écrit que des prototypes, on le sait, et exécuter ses œuvres ne peut être que le fait d’expériences rares et menées avec l’esprit d’aventure et la minutie qui sont la marque de sa musique.
Deux Damnation à fuir
Nous ne reviendrons pas sur la navrante Damnation de Faust donnée en septembre dernier à l’Opéra de Lyon, où ne surnageaient que deux ou trois chanteurs dont l’élégant et lunaire Charles Workman, perdu au milieu d’un spectacle qui attribuait au chœur certaines parties réservées par le compositeur aux solistes, qui faisait déclamer des passages de Goethe en français par le même chœur, ou par certains personnages assis dans une voiture tels des espions ou des gangsters de série C déclamant eux aussi des extraits de Faust en français ou en anglais.
A l’Opéra Bastille, le spectacle existe en soi, indépendamment de l’ouvrage. Il prend lui aussi en otage La Damnation pour nous proposer un vol sans retour vers Mars sur les conseils du physicien Stephen Hawking, ici figuré par un comédien promené dans son fauteuil roulant à travers la scène. Et puis, pourquoi faire venir Jonas Kaufmann – qui reste un modèle de style et d’intelligence musicale – si c’est pour l’abandonner à lui-même et à un orchestre sans feu ni lyrisme ?
Un Benvenuto historique
Il faut revenir en revanche sur le Benvenuto Cellini que nous a offert François-Xavier Roth à Cologne. Sa fréquentation déjà longue de la musique de Berlioz avec son orchestre Les Siècles et dans le cadre de l’Orchestre européen qui travaille et joue chaque été au Festival de La Côte-Saint-André lui avaient déjà permis d’aborder magistralement plusieurs partitions maîtresses. A Cologne, loin de toutes les routines, il a choisi de revenir à la conception originale de l’œuvre, celle que l’édition Bärenreiter appelle « Paris 1 », en lui ajoutant deux airs que Berlioz écrivit pendant les répétitions de son ouvrage à l’Opéra de Paris, en 1838, mais qu’il ne supprima jamais par la suite, même lorsqu’il lui fallut réduire la durée de sa partition pour Weimar (« La gloire était ma seule idole », par Cellini, et « Mais qu’ai-je donc », par Ascanio) ; en adjoignant aussi au tableau du Carnaval romain la brève et saisissante introduction instrumentale ajoutée à Londres en 1853. On a ainsi droit à l’ouverture que Berlioz n’entendit jamais, à l’air de Balducci (« Ne regardez jamais la lune »), au premier air de Teresa (« Ah ! que l’amour une fois dans le cœur »), mais aussi à une conclusion inédite de l’air de Fieramosca, qui se termine dans une ambiance ambiguë et conduit à la scène du Carnaval.
Cette version, qui est assez proche de celle qu’avait mise au point John Nelson en 2003 à l’occasion de ses concerts à Radio France, est une merveille d’ampleur et d’équilibre. Elle livre quantité de détails qui prouvent combien Berlioz osait, inventait, expérimentait dans tous les domaines (timbres, rythmes, mélodies, etc.), et constitue un camouflet éclatant à tous ceux qui prétendent, sur la foi d’exécutions tronquées et bâclées, que l’ouvrage n’est que boiteuse dramaturgie. L’amoureux de la musique de Berlioz, si souvent déçu, blessé, trahi par des chefs indignes, est tout à coup ravi. On est loin des petits arrangements mis au point par les fâcheux duettistes Nagano-Dusapin à l’occasion des Troyens de Hambourg !
On s’étonne cependant que le chef ajoute deux passages de musique instrumentale (la fin du premier tableau sans les voix, un extrait de l’ouverture) pour accompagner les changements de décor. S’agit-il de faire patienter le public ? de mettre en valeur l’orchestre, relégué au fond de la salle ?
Scintille, diamant
Car le lieu utilisé à Cologne est tout sauf propice à la musique. Les travaux de l’Opéra n’ayant pas été achevés à temps, il a fallu trouver dans la hâte un endroit qui accueille les productions lyriques de l’ensemble de la saison 2015-2016 : le Staatenhaus, foire commerciale située de l’autre côté du Rhin, qui n’a rien d’un théâtre et oblige les chanteurs, sur la scène, à tourner le dos à l’orchestre. A la place de la fosse, qui n’existe pas, deux sièges sont réservés au chef de chant et au chef de chœur qui, partition sur les genoux, indiquent leurs entrées aux chanteurs. Benvenuto devient ainsi un objet qui ne ressemble à rien d’autre et qu’un dispositif inédit nous permet d’entendre, un peu comme s’il s’agissait là d’une soirée d’utopie comme Berlioz en a rêvé. Encore un peu et on se serait cru au Cirque olympique en 1844 !
Certes, il y a un spectacle, mais ce n’est pas de lui, particulièrement, que vient l’enchantement. Carlus Padrissa a conçu un spectacle plutôt allégorique qu’historique. Il a aussi repris ses tuyaux et ses acrobates des Troyens qu’il avait montés à Valence en 2009. Le spectacle fait son effet au premier tableau, mais devient de plus en plus gratuit et de moins en moins précis à mesure que se déroule la soirée ; à vrai dire, il n’est à aucun moment au service de la partition. La fonte de la statue est on ne peut plus statique ; surtout, la scène du concours de chant, pourtant magistralement organisée par Berlioz et ses librettistes, reste incompréhensible. D’autant que l’ophicléide (joué par Pierrot) est présent sur la scène, côté cour, alors que le cor anglais (joué par Arlequin) reste dans l’orchestre. On se demande vraiment pourquoi scène aussi réussie de théâtre dans le théâtre n’est jamais comprise par les metteurs en scène.
Les chœurs et les solistes ne méritent que des éloges (le style, l’intelligence musicale et scénique) et prononcent le français avec un naturel confondant, ce qui est bien sûr essentiel, tant les mots et leur articulation participent de la musique. Il n’y a pourtant là qu’un chanteur francophone (Vincent Le Texier, excellent Balducci – dont le nom est prononcé « Baldussi » (avec un u à la française et non pas un ou), sur le modèle de ce qui se faisait à Paris au XIXe siècle).
Nous ne sommes pas prêts de revoir pareil Benvenuto (sauf lorsqu’il sera repris : à La Côte-Saint-André en 2016, et sans doute plus tard à Cologne, mais cette fois dans les murs de l’Opéra restauré). Mais à tout prendre, le berliozien amoureux préfère se contenter d’une pareille réussite dans sa vie que de subir dix ou vingt productions aléatoires qui ne peuvent que le jeter dans la détresse.
Christian Wasselin
Par Pierre-René Serna
La Damnation de Faust, Opéra Bastille, Paris, 8 décembre 2015
La Damnation de Faust inaugure le cycle Berlioz prévu à l’Opéra de Paris, et destiné à se poursuivre au fil des prochaines saisons avec Béatrice et Bénédict, Benvenuto Cellini et enfin les Troyens. Cette mise en bouche laisse cependant un goût un peu amer. Sur le papier, à l’annonce des intervenants de cette production, les uns et les autres peu familiers de Berlioz, on pouvait déjà se sentir dubitatif : une distribution vocale internationale avec des prises de rôle, un chef d’orchestre, par ailleurs directeur musical de l’Opéra de Paris, coutumier d’un répertoire tout différent, et un metteur en scène mal connu sur lequel on n’avait guère d’opinion, mais qui annonçait des intentions extravagantes.
Le résultat n’est donc que pour partie une surprise. Sans être entièrement une déconvenue. Sur le plan musical, tout du moins. Ici, les ingrédients restent encore perfectibles, notamment du côté de la direction d’orchestre de Philippe Jordan, appelé par ailleurs à diriger les autres ouvrages lyriques précités. Mais on peut penser que ce chef spécialiste de Wagner (presque l’opposé stylistique de Berlioz) et qui aborde pour la première fois cette musique, aura a cœur peu à peu de mieux s’en familiariser (ainsi qu’il l’a indiqué dans une de ses déclarations). Sa direction de la Damnation en montrerait déjà quelques traits annonciateurs. Il faudra toutefois qu’il se défasse d’un certain fondu germanisant, du rubato, et vise à une lecture strictement scrupuleuse des entrelacs rythmiques et timbriques propres à cette musique contrastée.
Mais cette Damnation pèche surtout par sa réalisation scénique, accueillie par les huées du public. Tarabiscotée et indigente à la fois, bien que fort coûteuse, dont on voit mal comment elle pourrait être améliorée ou rectifiée. Ce qui la condamne de façon rédhibitoire pour d’éventuelles reprises. Handicap majeur dans le cadre d’un cycle, où une récapitulation de l’ensemble des productions devient dès lors improbable. Au moins pour cette composante.
Tenons-nous en pour l’instant à la restitution musicale. L’essentiel finalement, s’agissant après tout d’une œuvre de concert. Le plateau des solistes vocaux ménage, tout compte fait, plutôt une bonne apparence. C’est bien le moins pour une maison de prestige comme l’Opéra de Paris ! Il a été donc fait appel à des artistes d’une célébrité renommée. Au premier chef, Jonas Kaufman, la vedette qui déplace les foules, que l’on se presse à voir, à défaut de réellement l’entendre. Reconnaissons qu’il justifie sa flatteuse réputation, avec une intelligence subtile de son rôle loin de toutes rodomontades déplacées. Son Faust, quelque peu éteint de prime abord et d’une expression monocorde, mal favorisé il est vrai par l’acoustique lointaine de la Bastille, trouve ensuite de beaux accents : sachant allier technique idoine et élans quand il faut. Sa participation aux duo et trio de la fin de la troisième partie, joue opportunément d’aigus filés en voix de tête et de judicieux changements de registre. Son Invocation à la nature, presque arrachée, vibre néanmoins d’un bel engagement. Mais qui explique une voix fatiguée lors de ses ultimes récitatifs. Bryn Terfel, porteur des grands rôles de baryton du répertoire international et dont on attendait peu, se révèle une excellente surprise : Méphistophélès d’une large projection, mais diversifiée, dans une élocution et une prononciation fermes (autre bonne surprise). L’épisodique Brander d’Edwin Crossley-Mercer trouve lui aussi une participation adaptée.
Sophie Koch serait un autre cas. A priori, cette chanteuse française qui s’est fait une spécialité des rôles wagnériens et post-wagnériens, d’une voix tonitruante et à l’occasion flottante, paraissait presque une erreur de distribution pour le phrasé délicatement douloureux de la Marguerite de Berlioz. En témoigneraient des coups de gosier intempestifs dans les ensembles de la fin de la première partie, qui heurtent de front les nuances bien négociées de son partenaire ténor. Sa Chanson du Roi de Thulé, d’une voix vibrée, est jetée sans expression, sans l’aura rêveuse qu’il se devrait. Mais sa Romance, « D’amour l’ardente flamme », rattrape une réelle présence, une flamme de circonstance, même si la mezzo ne saurait sur ce terrain concurrencer d’illustres devancières. Vocalement, du côté des solistes, l’impression reste donc dans l’ensemble plutôt gratifiante. Jouissant, qui plus est, d’une prosodie française bien lancée. Contre toute attente !
Côté chœur et orchestre, la satisfaction serait moindre. Mais l’un et l’autre suivent un chemin progressif. Récompensé pour finir. Le chœur, étale et parfois décalé (la fin de la deuxième partie, théoriquement pour deux chœurs opposés, ici réunis non forcément pour le meilleur), s’affirme ensuite mieux précis, vif et emporté. L’orchestre s’attarde pour sa part dans une dynamique aplanie (ce constant mezzo-forte que Berlioz fustige !), dépourvue d’articulation, pour s’animer après l’entracte, entre quelques détails instrumentaux bien portés. La direction de Philippe Jordan prend un parcours similaire : routinière ou incertaine (la coda de la Marche hongroise, avec son accelerando apocryphe, qui semble suivre les mauvaises habitudes des instrumentistes), puis mieux cadrée, avec parfois des tenues incisives bien pointées. Jordan en est ici encore au stade de la promesse dans Berlioz. Mais par certains aspects déjà engageante. Attendons que la promesse se concrétise au déroulé des prochaines étapes de cet émoustillant cycle annoncé.
Venons-en donc, hélas !, à la mise en images. Puisqu’on ne saurait parler vraiment de mise en scène. Pour une œuvre, il est vrai qui n’est pas un « opéra »… À défaut d’une illustration directe de la trame, il est donc toujours possible de se rabattre sur une évocation allusive de son message (comme naguère, avec succès, La Fura dels Baus à Salzbourg). On pourrait croire que le choix d’Alvis Hermanis à la Bastille s’est porté sur la seconde option. Car ce que l’on voit n’a qu’un lointain rapport avec l’intrigue, ni même avec son arrière-plan mystique. L’idée est de faire appel à la figure Stephen Hawking, personnalité contemporaine bien réelle, sommité scientifique frappée de tétraplégie. Ou Hawking double actuel de Faust : deux figures de savants certes, mais aux destins radicalement dissemblables. Une idée comme une autre, raccrochée comme un alibi, plaquée et qui confine au contresens ; mais appuyée, avec force explications dans le programme de salle. D’où la présence obstinée d’un comédien sur un fauteuil roulant, et le prétexte d’un voyage interplanétaire à destination de Mars (?). Un prétexte qui reste toutefois sur le papier, ou sur quelques prétentieuses projections de textes. Puisque ce qui est donné à voir s’apparente à une sorte de grande revue surchargée et embrouillée, dans une chorégraphie plan-plan, avec une foule de figurants s’ébattant (presque nus, sans oser la nudité intégrale) de-ci de-là entre des vidéos en gros plan de rongeurs et autres colimaçons, et des cubes tout de verre. Allez comprendre ! Ce pourrait être beau, mais justement non ! Et la provocation, si provocation il y a, se cantonne dans le dérisoire. Pour le reste, les acteurs de l’histoire sont abandonnés à eux-mêmes, bras ballants ou bras croisés, les solistes comme les choristes, eux alignés en rang d’oignons ou plantés comme des choux (puisque de botanique il est beaucoup question). Oublions donc une mise en scène qui n’en est pas une.
Pierre-René Serna
Par Pierre-René Serna
Benvenuto Cellini, version dite « Paris 1 » ; Opéra de Cologne, StaatenHaus, 15 novembre 2015
Comme devenu de règle, il convient année après année de faire le voyage en Allemagne si l’on désire assister à des opéras de Berlioz. L’Allemagne, toujours et plus que jamais le pays élu des opéras de notre compositeur ! Cela ne date pas d’aujourd’hui ; mais du vivant même de Berlioz avec Benvenuto et Béatrice, comme chacun sait, pour ensuite se poursuivre obstinément avec en sus les Troyens, au moment où la France dédaignait ces ouvrages lyriques ; et, hors la déplorable parenthèse du nazisme, se maintenir glorieusement jusqu’à nos jours. C’est ainsi que cette saison 2015-2016 accueille les Troyens à Hambourg, Benvenuto Cellini à Bonn et à Cologne.
Cologne, donc, où Benvenuto inaugure la saison de l’Opéra. Cela correspond aussi au moment où François-Xavier Roth, qui ne cesse de diriger et défendre Berlioz, prend ses fonctions de « Generalmusikdirektor » de la cité rhénane. Pour l’occasion, le chef d’orchestre et directeur de l’institution a choisi de revenir à la version dite « Paris 1 » (selon l’intitulé de la partition critique éditée par Bärenreiter). Sans conteste, celle qui justifie le mieux la dramaturgie et l’impétuosité effrénée de l’œuvre. Version ici scrupuleusement respectée, dans une rigueur qui fait honneur à l’entreprise. Puisque s’ajoute une autre forme de retour aux sources, avec une prononciation d’époque, à la française (Balducci avec « u » et « c », et non « ou » et « ch » à l’italienne ; Cellini, de même sans « ch ») et des instruments spécifiques (ophicléide, par exemple).
Rigueur, ou à peu près. Car si la musique de la version initiale est intègrement conservée, y compris l’ouverture dans la forme originelle que l’on entend bien rarement, elle s’augmente de pages postérieures : l’air de Cellini au premier acte (qui a pour effet dommageable de rompre la liaison musicale continue entre les deux tableaux), et celui d’Ascanio au deuxième. Airs admirablement servis, au demeurant, vocalement comme scéniquement. Ce qui peut justifier leur apport. Mais la représentation s’étoffe également d’autres passages. Cette fois, éminemment contestables : une reprise à l’orchestre de la scène finale du premier tableau du premier acte, et une autre reprise de même topo du Chant des ciseleurs dans ce même acte. Histoire de combler les changements de décor à vue. Ce qui ne semble pas aller de soi en l’espèce ; comme le prouveraient ces intempestifs passages d’orchestre buttant contre des bravos spontanés, qui auraient suffi par eux seuls à la transition. Conséquence : ce premier acte s’étend sur deux heures pleines. Et abuse peut-être de la patience des spectateurs (expliquant que quelques-uns se soient éclipsés à l’entracte). Une version exigeante, certes, pour les interprètes mais aussi les auditeurs. Une version « longue » en quelque sorte, un peu trop longue. Ce que l’on peut regretter pour l’équilibre général. Quitte à faire un choix, autant en garder la cohérence !
Cette mise au point faite, sous forme de légère réserve, disons d’emblée que la réalisation n’appelle que des éloges. Et ce, d’autant plus étant données les circonstances. Car il convient de savoir que cette série de représentations devait primitivement rouvrir l’Opéra de Cologne, bâti dans les années 60 et depuis trois ans objet de travaux. Or, ceux-ci ont pris du retard, beaucoup de retard (il est question désormais d’une ouverture en 2018 !). Après avoir un temps songé à reporter le projet sine die, il a fallu se rabattre en urgence sur une salle de remplacement, le StaatenHaus : palais d’expositions construit en 1911 dans les faubourgs de la ville, improbable lieu d’opéra. Mais six semaines ont cette fois suffi pour l’aménager en conséquence. Manquent toujours, cependant, les machineries d’un vrai théâtre et une fosse d’orchestre. Et, accessoirement, a été réduit le nombre de représentations (après un report de la date de première). Les annonces successives sur le présent site se sont fait l’écho de ces diverses péripéties.
Les participants ont donc dû s’adapter. Carlus Padrissa et son équipe de La Fura dels Baus, ont été contraints par ricochet de réviser leur mise en scène. Cela étant, sans sacrifier l’imagination. Ce n’est pas la première fois que la troupe théâtrale espagnole, connue pour ses conceptions décapantes, se confronte à une œuvre de Berlioz : la Damnation de Faust à Salzbourg en 1999, puis les Troyens en 2009 à l’Opéra de Valencia (voir notre compte-rendu sur ce site) ; il nous souvient même d’une Symphonie fantastique mise en image, vue lors d’une reprise en tournée à Rouen. Avec, régulièrement, un certain talent. Et des indiscrétions de coulisse nous apprennent qu’une commande aurait été passée, par ce même Opéra de Cologne, pour un prochain Béatrice et Bénédict. L’aventure est donc appelée à se poursuivre…
Pour le Benvenuto de Cologne, cette familiarité avec le compositeur transparaît : dans le refus du dérisoire et un accent porté sur le sentiment transcendant de l’œuvre, son message à la gloire de l’art avec la mort sous-jacente (rappelé par les tristes récents événements parisiens). On est loin, sur ce plan, du divertissement futile, parsemé de gags façon Monty Python, tel qu’il a été vu à l’ENO londonien, puis à Amsterdam, Rome et Barcelone (en attendant, peut-être, l’Opéra de Paris). Il y a ainsi une série d’images qui mènent à la réflexion : une gigantesque et omniprésente tête de mort, mais variée dans ses différentes figures, d’une lumière étincelante ou d’un noir pessimisme ; des pieuvres maléfiques, des tubes et ouvertures où surgissent personnages et mains d’outre-tombe, des filins auxquels se suspendent des figurants chorégraphiés (une marque de la Fura), des changements constants de situations et interventions entre des voiles tirés et quelques projections vidéos. L’effet est saisissant. Malgré un côté accumulatif parfois brouillon, dû aux circonstances exceptionnelles n’en doutons pas, et appelé à se régler après cette soirée de première qui de différentes manières essuyait les plâtres.
Ces circonstances expliquent aussi que l’orchestre, en l’absence d’une fosse, soit reclus en arrière-scène, derrière l’improvisé plateau installé. Les couleurs instrumentales (si inhérentes à cette partition jaillissante) se perdent donc un peu. Mais la cohésion d’ensemble ne fait pas défaut. Pour sa part, le chœur n’a pas la tâche aisée dans sa complexité, vaquant autour du plateau de la petite scène au sein de ce vaste espace ouvert. D’où, une double direction : Roth au fond devant l’orchestre et le chef du chœur, Andrew Ollivant, le relayant au-devant du plateau. Une fois encore, le résultat est probant, dans l’équilibre et les individualités. Hormis quelques flottements, compréhensibles et perfectibles.
La distribution vocale, elle, se coule sans ambages. Sur le papier, devant ces noms internationaux presque inconnus, on pouvait rester dubitatif. Eh bien, non ! L’adéquation de chaque rôle, leur maîtrise du style et de l’élocution, la conviction générale, balayent les préventions. Ferdinand von Bothmer lance un Cellini quelque peu fruste dans ses premières apparitions, pour gagner ensuite en assurance et en fermeté, et soutenir pleinement ce rôle lourd entre tous. Il n’est pas jusqu’à son air surajouté du premier acte, qui ne soit délivré d’un beau et rafraîchissant phrasé (propre à justifier son maintien). Emily Hindrichs, d’abord desservie par l’acoustique sèche, trouve vite l’ardeur délicate qui sied à Teresa. Son air du premier acte, dans sa version d’origine, vibre avec des accents plus que jamais nécessaires. Vincent Le Texier, seul francophone de la distribution, campe Balducci avec le brio irrésistible qu’on lui connaît. Katrin Wundsam figure un Ascanio d’éclatante facture, y compris dans son air du second acte (autre bonne raison à cet autre maintien). Et ainsi tous, du Fieramosca en rodomontades de Nikolay Borchev, au Pape caverneux de Nikolay Didenko, jusqu’au moindre petit rôle (le Francesco de John Heuzenroeder, le Cabaretier d’Alexander Fedin, le Pompeo de Wolfgang Stefan Schwaiger…), de s’acquitter brillamment de leurs attributs. Puisque prévaut une commune adhésion partagée.
Comme quoi, ce Benvenuto colonais s’est joué de toutes les mésaventures ! Roth peut à juste raison se sentir fier de son ambitieux dessein. Cette exécution, avec les mêmes forces musicales mais en version de concert, devrait être reprise lors du prochain Festival Berlioz de la Côte-Saint-André. Le public français pourra alors cette fois en juger.
Les événements ont eu sur place une autre incidence. En prélude à cette soirée de première d’un opéra français dirigé par un chef français, François-Xavier Roth prononce une brève allocution : pour dédier la représentation aux victimes des attentats perpétrés l’avant-veille à Paris. S’ensuit le premier couplet de la Marseillaise, dans l’orchestration de Berlioz, face à un public debout comme un seul homme. Puis une minute de silence, dans un lourd recueillement. Moment solennel, à plus d’un titre donc, dans une salle comble réunissant toutes les sommités locales, et témoignage émouvant et édifiant, par-delà les frontières, de la solidarité de la population allemande.
Pierre-René Serna
Par Pierre-René Serna
Grand Théâtre de Genève : la Prise de Troie, les Troyens à Carthage, 15 et 17 octobre 2015
Charles Dutoit n’a cessé de défendre Berlioz. C’est ainsi qu’il a dirigé et enregistré les grandes œuvres du compositeur, mais aussi des pages inusitées qu’il a su ressortir (comme les Huit Scènes de Faust, ou des cantates). Seuls manquent à l’appel Benvenuto Cellini et Béatrice et Bénédict, qu’il avait pourtant un temps envisagés. Un coffret discographique témoigne de cette belle aventure, à travers dix-sept (!) disques compacts. Réunissant les Troyens, le Requiem, la Damnation de Faust, Huit Scènes de Faust, l’Enfance du Christ, la Symphonie fantastique, Lélio, Roméo et Juliette, Tristia, la Symphonie funèbre et triomphale, Harold en Italie ; mais aussi des mélodies avec orchestre, des ouvertures, des cantates, des pages pour chœur et d’autres pièces rares. Un coffret « Berlioz Masterworks » Decca, que l’on ne saurait trop conseiller. Car Charles Dutoit demeure, juste après Colin Davis, celui qui a fait le plus et le mieux pour la cause de Berlioz.
Rien d’étonnant dès lors que ce chef d’orchestre suisse de renommée mondiale tienne à offrir les Troyens, pour sa toute première venue au Grand Théâtre, l’Opéra de Genève. Exécution à destination exclusivement de cette salle lyrique, sans tournée ni reprise prévue, malgré le déplacement d’un orchestre hors les murs : le Royal Philharmonic Orchestra de Londres, dont Dutoit est « Artistic Director » et « Principal Conductor ». L’opéra n’est cependant donné qu’en version de concert, pour seulement deux doubles séries de dates. Car l’ouvrage est scindé entre la Prise de Troie et les Troyens à Carthage. Ce que l’on peut regretter. Et plus d’un auditeur parmi ceux rencontrés au sortir du premier concert, commencé à 19h30 et achevé à 21h, avait le sentiment d’une soirée suspendue à un entracte qu’il fallait savoir patienter deux jours. Confirmation, s’il en fallait, que les Troyens trouvent leur véritable essence dans leur continuité. Quand bien même cette mouture en deux parties existe, de la main même de Berlioz.
Elle demeure donc toujours justifiable, d’autant pour une exécution dépourvue de l’apparat scénique. En outre, elle peut fournir un prétexte à étoffer de pages annexes, sans réel préjudice de durée. Ici, cas du Lamento instrumental, provenant de l’introduction du « Prologue aux Troyens à Carthage » (qu’il aurait été intéressant d’entendre en la circonstance, et pour une fois, dans son intégralité). Pour le reste, la restitution à Genève se conforme à la partition éditée par Bärenreiter ; sans, par exemple, la « Scène de Sinon » au premier acte, que Dutoit avait nonobstant gravée avec ses Troyens.
Le Royal Philharmonic, phalange de prestige s’il en est, déçoit pourtant de prime abord – fatigue du voyage ? Lors des premiers moments de la Prise de Troie, d’une sonorité sèche, sans le délié ni la profondeur que l’on attendrait. Par la suite, les instruments s’échauffant au cours de ce concert, puis s’épanouissant pleinement lors de l’exécution du second volet, ils retrouvent les vertus de dynamique et virtuosité qui ont fait leur juste réputation. S’accordant enfin à la direction de Dutoit, elle incessamment fouillée et tendue, souverainement connaisseuse de l’œuvre (les tempos allants, au plus près des indications métronomiques, difficiles à tenir il est vrai pour les interprètes dans l’entrelacs des timbres). Le chœur, celui du Grand Théâtre, suit un parcours similaire à celui de l’orchestre. Quelque peu rêche et imprécis dans son apparition, à froid (« Chœur de la populace troyenne »). Puis peu à peu, avec l’appoint des pupitres féminins, prenant meilleur corps, jusqu’à des pages finales (« Cérémonie funèbre ») ardemment transmises.
Le plateau vocal, quant à lui, a été soumis, parfois jusqu’en dernière minute, à des changements de distribution. Béatrice Uria-Monzon remplace donc au pied levé, pour Didon, Clémentine Margaine (dont on espérait beaucoup depuis son Anna à Marseille, mais qui apparemment s’est défaussée au cours des répétitions). Après ses précédentes incarnations de ce rôle, notamment à Strasbourg en 2006 et à Marseille en 2013, mais aussi au Deutsche Oper de Berlin en 2006 et l’an passé, la mezzo semble en avoir encore mûri les éclats et les douleurs. Mieux que jamais (selon nos souvenirs de Strasbourg et Marseille où nous l’avions entendue). Les adieux de Didon, sotto voce, vibrent ainsi en phase d’une expression tragique intensément tenue, que les élans antérieurs n’ont pas amoindris.
Ian Storey relève, lui aussi, un chanteur initialement prévu (Sergey Semishkur). Son Énée laisse tout d’abord à désirer, dans son air d’entrée tout à trac, avec des attaques flottantes et une émission en force. Puis le miracle s’accomplit : quand on pouvait tout redouter, au moment du duo du quatrième acte, alors distillé mezza voce, en dentelles diaphanes. Et il n’est pas jusqu’à sa dernière intervention qui ne réserve quelques ardeurs bien senties. Pour sa part, Michaela Martens demeure une Cassandre d’une constance affirmée malgré quelques notes tirées.
Parmi les seconds rôles, Tassis Christoyannis se détache, Chorèbe d’une riche palette expressive. De même que Bernard Richter, lui aussi remplaçant de dernière seconde pour un Hylas bien lancé, un rien trop soutenu. Et ainsi de Günes Gürle et Amelia Scicolone, Narbal et Ascagne appropriés. Dona Beth Miller figure une Anna un peu lourde, alors que Dominick Chenes crie à plein gosier un Iopas transplanté chez les véristes. Petite mention élogieuse de Rodrigo García et Phillip Casperd, issus du Chœur du Théâtre, deux Sentinelles délicieusement goguenardes.
Une distribution internationale que l’on aurait a priori eu tendance à croire de bric et de broc, mais emportée par un souffle général irrésistible. Tel est l’art de Dutoit dans Berlioz ! Digne de ses belles paroles : « Berlioz appartient à ce que j’appellerais la ligne honnête, celle qui a de la tenue, de l’élégance dans le son, qui fait preuve de panache et de virtuosité, qui aime les angles et les articulations nettement définies. La musique de Berlioz est essentiellement aristocratique. Cette musique n’est pas victime du cholestérol, elle refuse le jus, on ne s’y vautre pas. » (entretien pour le Cahier de l’Herne Berlioz)
Pierre-René Serna
Par Louis-Paul Lepaumier
Hambourg 14 octobre 2015 (dernière représentation de l’automne)
Malgré l’annonce d’une Strichfassung opérée par Pascal Dusapin il est toujours excitant d’assister à une version scénique du grand opéra berliozien. Le spectacle ne comporte qu’un seul entracte logiquement situé entre les deux parties et chacun des actes s’enchaîne sans interruption ni applaudissements. Cette continuité reflète une logique dramatique voulue et le public arrivé à 19h00 peut rentrer chez lui à 22h40 après seulement 3h10 de musique. Le connaisseur a déjà compris qu’il manque presque un quart des notes.
La mise en scène fait appel à un décor unique en forme de vaste boite en bois dont le fond basculant permet de faire entrer la foule et les divers protagonistes. Nous sommes tout à la fois à l’intérieur d’une forteresse, d’une écluse, d’un palais ou de tout autre espace sans échappatoire et c’est bien là la volonté de cette mise en scène : tous les jeux sont faits. Il n’y a pas d’autre issue que la mort des deux héroïnes. Associé à ce défaitisme, le sang coule à flots sur le fond de scène basculant avec un bruit terrible ou bien est projeté sur les murs par Narbal. Aucun espoir dans ce huis-clos.
La captation vidéographique de la première (19 septembre 2015) est disponible sur le site de Kent Nagano et tout un chacun pourra juger du résultat.
Nous ne répèterons jamais assez les propos du compositeur concernant l’inutilité des arrangeurs ou plutôt massacreurs de partitions originales. Néanmoins je suis sorti de ce spectacle assez content car la distribution et l’interprétation énergique de Nagano apportent une vision coruscante à ces Troyens hambourgeois. L’orchestre, très souple et contrasté, explore bien les diverses émotions de Berlioz. Le travail de Pascal Dusapin s’appuie directement sur l’édition Bärenreiter publiée en 1969 par Hugh Macdonald : des feuilles volantes de papier à musique sont collées pour remplacer certaines pages de la partition du chef d’orchestre afin de relier ce qui n’a pas été supprimé. La distribution (chœurs compris) s’exprime dans un français très compréhensible et maîtrise chaque ligne de chant. Malgré un faux-pas Torsten Kerl Enée) possède la vaillance et les nuances du rôle. Elena Zhidkova (Didon) illustre la fragile reine carthaginoise dans tous ses attraits. Catherine Naglestad (Cassandre) figure parmi les grandes interprètes du personnage. Kartal Karagedik (Chorèbe) et Petri Lindroos (Narbal) tiennent avec éloges leurs parties. J’ai eu un véritable choc quant à la prestation de Katja Pieweck (Anna) qui représente maintenant ma référence pour ce rôle de par la qualité de la voix, de la projection et de l’intonation.
Le spectacle sera repris en mai prochain et il reste encore quelques places pour profiter d’une vision intéressante, malgré les coupures, de ce chef d’oeuvre.
Par Pierre-René Serna
- 21 août : Berlioz : Te Deum, le Cinq-Mai, Marche hongroise, l’Impériale ; Jeune Orchestre européen Hector-Berlioz, chœur Spirito, chorales d’enfants, François-Xavier Roth (direction).
- 22 août : Auber, Plantade, Berlioz, Cherubini ; le Concert Spirituel, Hervé Niquet (direction).
- 23 août après-midi : récital de guitare ; Luigi Attademo (guitare). 23 août au soir : Berlioz : Épisode de la vie d’un artiste ; Orchestre révolutionnaire et romantique, National Youth Choir of Scotland, John Eliot Gardiner (direction).
Le Festival Berlioz se diversifie. Au sein d’une programmation toujours foisonnante, les œuvres de Berlioz restent cependant parcimonieuses, mais avec une place de choix : pour le Te Deum et Épisode de la vie d’un artiste, en quasi-ouverture du festival. Bien que par la suite les pages du compositeur du cru n’apparaissent plus qu’en têtes d’épingle (notamment la Révolution grecque, la Symphonie funèbre et triomphale en clôture et pour peu qu’elle ne soit pas dans un arrangement). La manifestation se diversifie également pour ses lieux de concerts, qui essaiment au-delà de la Côte-Saint-André ; comme à Vienne, à Saint-Antoine l’Abbaye ou Saint-Hugues de Chartreuse. Et le succès auprès du public, parfois venu de loin, se confirme.
GUITARE ET ŒUVRES CHORALES
Parmi les concerts du festival laissant une part allusive à Berlioz, s’insère le récital du guitariste Luigi Attademo dans la petite église de Saint-Hugues de Chartreuse, au cœur de l’impressionnant décor des Préalpes, au-dessus de Meylan (si cher aux berliozistes). Église désormais convertie en musée d’art sacré contemporain, par les accrochages des toiles expressives du peintre Arcabas. Un réceptacle propice à ce concert intimiste, égrenant la Fantaisie élégiaque de Fernando Sor (compositeur espagnol exilé à Paris que Berlioz avait bien connu), le Tournoi (dédié à Berlioz !) de Napoléon Coste, la Grande Sonate de Paganini (autre fidèle de Berlioz), et des pièces pour guitare de… Berlioz. Ou douteusement supposées telles. De fait, extraites du fameux Cahier d’études du jeune apprenti guitariste (vers 1818-1820), qui ne sauraient être considérées comme des compositions propres. Bien que, à l’instar des autres pages du récital, servies avec virtuosité.
La veille, autre voyage, cette fois pour Saint-Antoine l’Abbaye. Magnifique site médiéval surplombé d’une fastueuse église gothique. C’est elle qui accueille Hervé Niquet, son chœur et orchestre du Concert Spirituel, pour Auber (Marche funèbre pour les funérailles de Napoléon, écourtée semble-t-il), Charles-Henri Plantade (Messe des morts à la mémoire de Marie-Antoinette), Cherubini (Requiem en Ut mineur), autant de musiciens contemporains de Berlioz. Et aussi une page chorale brève de Berlioz lui-même, Méditation religieuse, posée là apparemment comme simple alibi. Dans une interprétation moins convaincante que celle des autres œuvres, et notamment d’un Plantade, rareté s’il en est, étonnamment soutenu.
ÉPISODE DE LA VIE D’UN ARTISTE
Venons-en aux concerts d’une autre envergure. Après une première apparition remarquée lors de l’édition précédente, John Eliot Gardiner revient au festival. Mais cette fois avec son Orchestre révolutionnaire et romantique, et dans un programme tout Berlioz : le rare Épisode de la vie d’un artiste. Autrement dit (comme sommairement dans le programme de concert), la Symphonie fantastique suivie de Lélio ou le Retour à la vie. Concert qui reprend celui donné peu avant, le 13 août, au festival d’Édimbourg, par les mêmes interprètes (hors le récitant). Avec Gardiner comme maître d’œuvre, l’espérance était grande. Elle n’est pas déçue, et dépasse même toute attente. Dans l’auditorium de structures tubulaires installé dans la cour du château de la Côte-Saint-André, la Fantastique vibre, tellurique, comme surgie des profondeurs. Et comme neuve. Les instruments d’époque ou copies (y compris les cloches, fondues en 2013 et joyaux du festival), leur disposition sur le plateau voire hors du plateau, le jeu des attaques et des tempos, livrent un rendu sonore acerbe, un relief inédit dans une clarté lumineuse des différents plans polyphoniques. On n’attendait pas moins de Sir John Eliot et de son orchestre, mais on n’en reste pas moins saisi et frappé par une telle alacrité conjuguée d’une telle musicalité.
Ces mêmes vertus se poursuivent et se confirment, bien entendu, côté orchestre lors de la seconde partie et suite de la symphonie : Lélio. Mais surgit le chœur, celui du National Youth Choir of Scotland, d’une vigueur (la « Chanson de Brigands ») et d’une subtilité (« Chœur d’ombres » et « Fantaisie sur la Tempête »), d’une malléabilité pour tout dire, d’exception. Michael Spyres distille pour sa part, dans ses deux mélodies, une technique di grazia que peu savent comme lui dispenser, tout en maintenant une projection ardente. Décidément, un ténor idéal pour Berlioz. Laurent Naouri plante un Capitaine de Brigands, pétulant et pétaradant comme il se doit. Et à Denis Podalydès revient d’incarner Lélio, personnage dont il s’empare avec le doigté et le ton de juste diseur que l’on sait de cet homme de théâtre éprouvé. On déplorera cependant le petit microphone dont il affuble sa joue, au contraire pourtant de l’intention primitivement annoncée de déclamer sans aucun autre artifice, et qui dévoie la balance sonore générale.
DÉMOS, TE DEUM ET CANTATES
Le festival investit un autre nouveau lieu : le théâtre antique de Vienne, à une quarantaine de kilomètres de la Côte-Saint-André, vaste amphithéâtre romain à flanc de colline pouvant accueillir sept mille personnes. En la circonstance, celle de la deuxième journée du festival et sa véritable ouverture musicale, la vastitude correspond au projet. Avec une longue soirée en trois parties (s’achevant sur un concert de jazz, improvisant sur quelques thèmes musicaux de Berlioz, que nous avons pour notre part abrégé) et une multitude d’intervenants.
Il convient aussi de s’adapter aux conditions, celles du plein-air. Ou du semi-plein-air. Car la conque, installée pour le festival de jazz au mois de juillet, reste en place, qui enserre les interprètes. On ne voudrait trop en l’espèce avoir la cruauté de rappeler le mot de Berlioz lui-même : « La musique en plein-air n’existe pas. » Puisque la musique est ici enclose. Mais moins le public, dispersé aux quatre vents, ou plutôt en plein soleil. La météorologie ayant été favorable (aléa de ce genre de manifestation). D’où un appoint d’amplification ; discrète mais néanmoins perturbatrice, pour les timbres des instruments comme des chanteurs. On est loin, sur ce plan, de l’acoustique naturelle et relativement favorable, du pareillement théâtre antique d’Orange.
La soirée s’ouvre par le concert offert par les trois orchestres Démos-Isère. Ces orchestres sont constitués de jeunes enfants, s’essayant à la musique après un travail d’une année. Belle action, à la fois sociale et culturelle. Le résultat musical, au long de courtes pages de divers compositeurs, en est surtout sympathique. Avec les familles des enfants déambulant dans les gradins du théâtre, papotant et grignotant des sandwichs. Un public jovial, peu discipliné ni attentif. Ce qui n’est pas trop gênant pour cette gentille mise en bouche musicale, si ce n’est que la suite de soirée en subit encore les reliquats. Le recueillement de l’assistance ne s’installant que peu à peu, le soir tombant avec le départ d’une frange (familiale) du public, et définitivement de façon paradoxale lors de l’après-concert jazzique. Autre aléa de ce type d’entreprise.
Succède donc le moment fort et phare : le Te Deum de Berlioz, pour lequel sont rassemblés quelque neuf cents exécutants, entre 120 instrumentistes et 800 choristes dont 600 enfants. Car François-Xavier Roth réédite avec succès son expérience, déjà concluante, du Te Deum en juin à la Philharmonie de Paris (voir notre compte-rendu). Mais avec des ingrédients légèrement modifiés : le seul Jeune Orchestre européen Hector-Berlioz, orchestre atelier et émanation du festival (toutefois secondé des musiciens aguerris de l’orchestre les Siècles), toujours sur instruments d’époque ; le chœur Spirito, nouvellement créé à partir des Solistes de Lyon de Bernard Tétu et du Chœur Britten, de Lyon également ; des chorales d’enfants plus fournies (mais non nécessairement plus sonores), cette fois venues de l’Isère et de la région, et formées tout spécialement. En dehors de l’abandon de la « Marche pour la présentation des drapeaux », ce qui ne saurait être en soi condamnable, les six parties restantes diffèrent aussi quelque peu par l’interprétation. Roth semble avoir encore sondé plus profond sa vision du Te Deum. Pourtant déjà remarquable à la Philharmonie. Une forme d’aboutissement. En apothéose d’une exaltation et d’une intériorité qui n’auront jamais cessé, le « Judex crederis » final se déploie dans toute sa jubilation et ses terreurs. On regrettera seulement que le ténor du « Te ergo quæsumus », Pascal Bourgeois par ailleurs excellent, chante dans son micro ce qui devrait figurer une voix céleste.
La seconde partie du concert, sans la participation d’enfants devenus simples auditeurs, se donne à d’autres pages cérémonielles de Berlioz. Avec une égale ferveur pour les deux cantates d’inspiration napoléonienne (thème de cette édition du festival), que l’on n’entend pour ainsi dire jamais. L’auteur de ces lignes semble bien l’un des rares (le seul ?), parmi les 6 000 personnes du public, a avoir pu déjà les gouter au concert. L’Impériale, pour double chœur et orchestre, est soulevée d’un magnifique emportement. Bravo, à nouveau, au chœur Spirito ! En forme d’intermède, la Marche hongroise paraît de circonstance, presque décevante, sans le renouvellement que l’on en attendrait. Alors que le Cinq-Mai, « chant sur la mort de l’empereur Napoléon », pour basse, chœur et orchestre, atteint des sommets d’effusion. En raison de la direction de Roth, toujours attentive et vibrante, et de son interprète : un Nicolas Courjal bouleversant, dans le phrasé, les nuances comme l’expression. Qu’importe alors, ici aussi, le microphone ! Nous qui avons eu la faveur insigne d’entendre cette cantate différentes fois, ne l’avions jamais éprouvée d’une telle intensité. À donner des frissons. Et François-Xavier Roth, âme musicale de ce festival, se confirme plus que jamais un grand transmetteur de Berlioz.
AU MUSÉE
Rituel toujours obligé, entre deux concerts s’impose un pèlerinage à la Maison-Musée Hector-Berlioz de la Côte-Saint-André. Musée désormais, depuis juillet dernier, entièrement sous la responsabilité du dynamique et entreprenant Antoine Troncy. L’exposition « La musique. Du phonographe à internet » se poursuit, qui garde ses attraits. Mais la visite vaut pour les nouvelles acquisitions. Au premier chef, le piano de Berlioz dont on a tant parlé, trônant, après ses domiciles parisiens et depuis ses ultérieures pérégrinations, dans la chambre d’enfant du compositeur. Présenté dans une véritable mise en scène ! Le piano surplombé d’un portrait peu connu de Berlioz, réalisé en 1865 par Melchior Blanchard et acquis en 2010 ; où figure ledit piano en arrière-plan, avec Berlioz assis sur un fauteuil – celui-là même, précisément (appartenant au fonds ancien cette fois), placé devant le piano exposé.
Il faudrait aussi citer trois autres acquisitions, trois portraits mis judicieusement en regard dans la même salle. Puisque qu’il s’agit des trois muses : Harriet par le peintre anglais George Clint, toute fraîche acquisition grâce au généreux mécénat de Monir Tayeb et Michel Austin ; Marie Recio, portrait lacunaire et récemment restauré, reçu en 2011 (legs Catherine Reboul) mais authentifié en 2015 ; Estelle, seul portrait peint (d’après photographie, semble-t-il), acquis en 2010.
Pierre-René Serna
Par Christian Wasselin
L’Opéra de Hambourg va représenter, à partir du 19 septembre 2015, une version abrégée des Troyens. Un travail de jivaro commandé par Kent Nagano à Pascal Dusapin.
La New Berlioz Edition faisant autorité, on aurait pu croire que les partitions de Berlioz seraient désormais jouées comme elles ont été scrupuleusement publiées. C’eût été faire preuve de beaucoup de candeur. Il suffit par exemple d’ouvrir la plaquette de la saison 2015-2016 de La Monnaie de Bruxelles pour lire, sous la plume de Peter de Caluwe, le directeur local, à propos de la nouvelle production de Béatrice et Bénédict prévue au printemps 2016 : comme l’œuvre présente « des incohérences frappantes entre passages chantés et textes parlés » (sic), « le jeune acteur et metteur en scène français Richard Brunel relèvera le défi d’en écrire une nouvelle version et collaborera pour ses débuts à La Monnaie avec les chefs d’orchestre Jérémie Rhorer et Samuel Jean ». Et voilà Béatrice, une fois de plus, mise au supplice, comme elle l’a été à l’Opéra Comique en 2010, comme elle l’avait été déjà cent fois auparavant.
Quand cessera-t-on de harceler Béatrice, quand ?
Plus grave : la plaquette du Staatsoper de Hambourg annonce, à partir du 26 septembre une nouvelle production des Troyens dans une « Strichfassung ».
Strichfassung ? Le mot signifie version courte, ou abrégée, ou diminuée, comme on voudra. Mutilée. Compressée. Réduite. Et cette version indigne est signée par un compositeur, oui, un compositeur : Pascal Dusapin. Un compositeur qui va faire à Berlioz l’aumône de son talent. Qui va lui dire : « Je vais vous montrer, moi, mon cher Berlioz, ce que c’est que composer » ! Un compositeur dont on aurait espéré qu’il refuse avec mépris cette basse besogne pour se consacrer à ses propres projets de créateur.
Car ce n’est pas lui qui a eu cette idée ahurissante. La honte revient d’abord à Kent Nagano, nouveau generalmusikdirektor du Staatsoper de Hambourg, qui a souhaité confier à un compositeur, précisément, le soin de vitrioler Les Troyens. On peut s’étonner d’une pareille initiative. Nagano en est-il réduit à envisager une partition selon sa durée arithmétique, à se dire, la mine débonnaire : « Quatre heures, c’est quand même long ! » – lui qui n’hésite pas au cours de la même saison à se charger de Tristan und Isolde et à programmer Guillaume Tell sans commander à qui que ce soit une Strichfassung de l’un ou l’autre de ces deux opéras ? Et puis, n’a-t-il pas autrefois dirigé Saint François d’Assise de Messiaen, n’a-t-il pas goûté aux délices des partitions au long cours ?
L’onction du bourreau
Au fait, pourquoi Berlioz, pourquoi Les Troyens ? S’agit-il, encore et encore, de cultiver le principe de médiocrité, de niveler ce qui est trop grand, trop haut, trop beau ? d’insulter ce qui n’est pas à notre portée ? Et qu’on ne nous dise pas que Les Troyens ainsi humiliés ne s’en porteront que mieux, que le travail de réduction sera humble, discret, au service exclusif de Berlioz, etc. Blesser une partition pour son bien, l’amputer pour qu’elle marche mieux !!! C’est d’éthique qu’il s’agit ici ; les considérations de durée, d’équilibre, de je ne sais quoi, n’ont rien à voir avec la question, qui est une question de principe.
Bien sûr, on pourra toujours se dire qu’il s’agit d’un mauvais coup sans lendemain porté aux Troyens. Après tout, Berlioz en a vu d’autres, et s’en est toujours remis. Oui mais cette fois, attention : il ne s’agit pas d’arrangements faits à la va-vite par un chef qui manquerait d’une soprano à la hauteur ou d’un ténor inspiré. Il ne s’agit pas non plus d’un bricolage effectué par un metteur en scène privé de danseurs ou de figurants, qui s’arrange comme il peut. L’Opéra de Hambourg n’a pas l’excuse de disposer d’une troupe réduite, d’un chœur restreint ou d’un petit orchestre qui lui interdirait de jouer Les Troyens tels qu’ils sont écrits. Non, il s’agit d’une version voulue de sang-froid par un chef et conçue avec le même sang-froid par un compositeur qui en a reçu la commande. Lequel compositeur a réfléchi pour faire de son mieux (!!!) et ne s’est pas contenté de prendre ses ciseaux : la Strichfassung porte son nom, elle a reçu son onction, il en est l’auteur, et il est légitime de craindre qu’elle puisse faire autorité à l’avenir. Un directeur de théâtre cynique, un chef d’orchestre paresseux n’aura-t-il pas là un alibi rêvé pour choisir cette version nouvelle, audacieuse, dépoussiérée, produit de la coopération entre un compositeur du XIXe siècle et un compositeur du XXIe ? La tradition revue par la modernité : peut-on imaginer plus atroce illustration du poncif ?
Toujours les oiseaux des jardins publics
Du reste, si Kent Nagano s’était un peu renseigné, il saurait que Les Troyens ont déjà fait l’objet de raccourcissements sordides : à Zurich, en 1990 (à l’initiative de Ralf Weikert), et plus près de nous, à Marseille, en 2013 (c’est Lawrence Foster cette fois qui dirigeait), on a coupé en douce ici et là, afin d’abréger mesquinement la soirée. Pourquoi s’être alors offert le luxe dérisoire de s’adresser à un compositeur pour recommencer le sale boulot déjà fait par d’autres ?
Cette histoire nous oblige à revenir, encore et encore, alors qu’on croyait ces débats clos pour toujours, au chapitre XVI des Mémoires de Berlioz, qui dénonce Castil-Blaze, « musicien vétérinaire » coupable d’avoir dépecé le Freischütz, et Lachnith, coupable, lui, d’avoir défiguré La Flûte enchantée : « Et leurs bourreaux dirent au public : Voilà Mozart, voilà Weber ! et le public les crut. Et il ne se trouva personne pour traiter ces scélérats selon leur mérite et leur envoyer au moins un furieux démenti ! ». Berlioz continue : « Hélas ! les connût-il, le public s’inquiète peu de pareils actes. Aussi bien en Allemagne, en Angleterre et ailleurs en France, on tolère que les plus nobles œuvres dans tous les genres soient arrangées, c’est-à-dire gâtées, c’est-à-dire insultées de mille manières, par des gens de rien ». Imaginons la conférence précédant la première représentation des funestes Troyens de Hambourg : « Herr Professor Dusapin a fait quelques aménagements dans la partition de Berlioz mais dans le respect le plus absolu des volontés du compositeur ». Et le tour sera joué.
Ernest Chausson s’insurgea lui-même devant la manière dont le directeur du Théâtre-Lyrique tronquait Les Troyens en 1892 : « Un assassin vulgaire n’est qu’un pauvre homme, mais lui c’est un misérable et un lâche, car il mutile l’œuvre d’un homme sans défense ». Que dirait-il cette fois ? A quoi donc auront servi les écrits de Berlioz, son combat de toute une vie pour le respect dû à la musique des autres et bien sûr à la sienne, si deux duettistes deviennent les Castil-Blaze de notre temps ? A quoi aura servi la tirade de Lélio sur les « vulgaires oiseaux qui peuplent nos jardins publics », que tout berliozien connaît par cœur ?
On a envie de pleurer. De serrer les poings.
Christian Wasselin
Par Pierre-René Serna
Berlioz : Te Deum, Grande salle de la Philharmonie de Paris, 20 juin 2015.
François-Xavier Roth donne à Paris un avant-goût de ce que sera son Te Deum lors du prochain Festival Berlioz. Un avant-goût, car les conditions devraient différer quelque peu au théâtre antique de Vienne le 21 août, où en sus du Jeune Orchestre Européen Hector-Berlioz et de chœurs d’adultes, 600 enfants chanteurs sont promis. Comme à la création de l’œuvre à Saint-Eustache. Sachant toutefois que Berlioz avait tenu à préciser la possibilité de masses moins considérables : « il n’y a pas besoin de mille exécutants dans cette affaire ». En fonction du lieu d’exécution, donc.
Ainsi à la Philharmonie, la nouvelle salle de concerts parisienne, il n’était guère envisageable de réunir les 800 choristes des 960 exécutants de la création, devant 2 000 places restantes (!) d’un public déjà exclu de l’arrière-scène. Car les effectifs sont néanmoins imposants : quelque 550 interprètes, entre 150 instrumentistes et 400 choristes, dont des chœurs d’enfants de 250 élèves. Et, de même que dans le cadre prévu du Festival Berlioz, en mêlant professionnels et amateurs, avec pour ces derniers un encadrement mené longtemps en amont (à Paris, sous la tutelle de Sofi Jeannin pour les enfants chanteurs). Dans les deux cas : un beau projet ! Comme Roth aime à les concocter, au Festival ou ailleurs, à la fois pédagogique et social.
À Paris, l’orchestre réunissant les Siècles et le Jeune Orchestre Européen Hector-Berlioz, sur instruments d’époque (saxhorns et ophicléides inclus), tient compagnie aux chœurs d’adultes des Cris de Paris, des ensembles vocaux Otrente et Stella Maris, de la Philharmonie du Coge (issu des Grandes Écoles parisiennes), mais aussi aux enfants de la Maîtrise de Radio France, du Singapore Symphony Children’s Choir, et de chorales venues de collèges des banlieues parisiennes et de Paris. Le volume en rondeurs et en étages de la salle de la Philharmonie se prêtant cependant mal aux répartitions spatiales, il y a été sagement renoncé (à l’encontre du Roméo et Juliette par le même Roth en cette même Philharmonie – voir le compte-rendu de Christian Wasselin). Ici, tout est donc d’un bloc, regroupé sur la scène (l’orchestre) et l’arrière-scène (les chœurs), combiné aux haut-parleurs de l’orgue électronique (en attente de l’orgue de la salle devant être inauguré en septembre). On notera aussi la place de la « Marche pour la présentation des drapeaux », curieusement entre le Dignare et le Christe Rex gloriæ, page non facultative devant normalement conclure l’œuvre. Et l’absence justifiée du « Prélude », après le Tibi omnes, mais lui purement facultatif.
Sans les répartitions dans l’espace (le double chœur et l’orchestre opposés à l’orgue à l’autre extrémité du public, le chœur d’enfants isolé), le rendu sonore perd en relief, comme en individualité des timbres. L’unité s’en dégage. Au mieux. Il fallait ainsi, devant cette foule, savoir jauger les balances, tout en maintenant les arrêtes. Roth est à son affaire, avec l’aide de Michel Tranchant, chef de chœur, dans une direction sans cesse maîtrisée, des plus sublimes débordements hymniques jusqu’aux infinies délicatesses en prières. Le nombreux chœur d’enfant se fait toutefois discret contrepoint dans son unisson, effet de son fondu dans la masse. L’orgue, sous les doigts de Daniel Roth (père de François-Xavier), sonne un peu rêche, avec sa couleur synthétique. Mais l’ensemble emporte tout. Jean-François Borras parvient à lancer son timbre de ténor élégiaque du Te ergo quæsumus face à des voix rassemblées comme un seul chant.
Pierre-René Serna
Par Christian Wasselin
Philharmonie de Paris, 20 juin 2015
La Philharmonie de Paris ne se laisse pas facilement apprivoiser comme l’a hélas montré le Requiem dirigé par Tugan Sokhiev le 6 février dernier, comme l’a montré a contrario le lumineux Roméo et Juliette emmené par François-Xavier Roth, quelques semaines plus tard. C’est que Berlioz lui-même ne se laisse pas si facilement dompter !
Berlioz a mis à l’honneur en 1841 le mot festival : il convient tout simplement de monter ses œuvres à chaque fois dans les conditions d’un festival, c’est-à-dire comme s’il s’agissait d’une représentation exceptionnelle et non pas dans le cadre d’une série de routine. Et confier l’affaire à un chef d’exception, François-Xavier Roth par exemple.
Pour préparer le Te Deum qui fut joué le 20 juin dernier, les équipes de la Philharmonie de Paris avaient eu la bonne idée de faire travailler plus de deux cents enfants venus de collèges de l’est de Paris et de Seine-Saint-Denis Ces enfants, auxquels il faut ajouter les jeunes chanteurs aguerris de la Maîtrise de Radio France et d’une maîtrise venue de Singapour, étaient placés sous la houlette de Sofi Jeannin, directrice musicale de la Maîtrise de Radio France. A cet ensemble s’ajoutaient encore Les Cris de Paris et différents ensembles vocaux d’adultes, entraînés par Michel Tranchant, et bien sûr un vaste orchestre réunissant Les Siècles et le Jeune orchestre européen Hector Berlioz (orchestre-académie du Festival Berlioz de La Côte-Saint-André*), l’ensemble étant dirigé par François Xavier Roth.
Préparé avec soin, ce Te Deum a réussi à occuper l’espace et le volume de la Philharmonie, les nombreux chœurs installés derrière l’orchestre, et celui-ci largement déployé sur la scène, avec ses contrebasses en ligne tout au fond et ses violons situés de part et d’autre du chef, l’orgue (un instrument positif amplifié, malheureusement, en attendant l’inauguration de l’instrument de la Philharmonie en octobre prochain) étant joué par Daniel Roth, le père du chef d’orchestre. Dès le premier accord, on a su à quelle majesté, à quelle plénitude sonore allait atteindre ce Te Deum. Une plénitude et une majesté qu’à vrai dire on attendait de la part d’un chef de la trempe de François-Xavier Roth, mais qui ne sont pas si fréquents dans ce répertoire, on l’a dit, lequel exige des interprètes d’exception. Précision des attaques, largeur des tempos, crescendos menés sans défaillance (ah, les trombones dans le « Tibi omnes » !), ferveur des chœurs et des voix d’enfants jusqu’à ce « speravi » clamé à pleines poitrines dans le « Judex crederis » final, clarté des timbres instrumentaux, formidable puissance des crescendos, ce Te Deum donnait réellement l’impression d’une architecture en mouvement. On aurait aimé que Jean-François Borras, dans le « Te ergo », ait un peu moins le nez dans sa partition et s’envole avec l’orchestre, mais le timbre et l’intention y étaient.
François-Xavier Roth avait choisi de jouer les six mouvements avec voix, sans leur adjoindre le Prélude mais avec la « Marche pour la présentation des drapeaux » (avec huit harpes qu’on entendait malheureusement peu), ici jouée entre le troisième et le quatrième mouvement. La place de cette marche ne va pas de soi : après le « Judex », qui lui-même s’achève par une coda instrumentale (réponse aux accords initiaux du « Te Deum »), et dont Berlioz dit lui-même qu’il s’agit du finale de sa partition, elle produit un effet de redondance. A tout prendre, il vaut mieux la situer après le « Dignare » ou après le « Christe », afin qu’elle élargisse tout à coup l’horizon.
Résultat, en tout cas, à la Philharmonie : une page d’une pompe superbe, dans le sens vrai de ce terme qu’emploie Berlioz dans ses Mémoires pour qualifier l’éclat du spectacle qu’il découvrit à l’Opéra un soir où l’on donnait Les Danaïdes de Salieri.
Christian Wasselin
* Le même chef, une partie des mêmes chanteurs et de nombreux choristes du Dauphiné joueront le même Te Deum le 21 août prochain, au Théâtre antique de Vienne.
Par Christian Wasselin
Benvenuto Cellini, Opéra d’Amsterdam, 31 mai 2015
Alors que le Staatsoper de Hambourg, à l’initiative de Kent Nagano, s’apprête à ouvrir sa prochaine saison avec une version abrégée (!) des Troyens due au compositeur (!!) Pascal Dusapin (!!!), on peut se réjouir que l’Opéra d’Amsterdam, à l’inverse, rende justice à Berlioz. Justice imparfaite, certes, mais louable effort quand on considère que le Benvenuto Cellini représenté sur les bords de l’Amstel était a priori la reprise en langue française de celui qui fut donné à l’English National Opera, au printemps dernier, sous la direction d’Edward Gardner. Une reprise qui fut tout sauf paresseuse et qui s’efforça au contraire de soigner au moins une partie des blessures dont avait souffert la partition au London Coliseum (de source sûre, une vingtaine de minutes ont été restituées d’une scène à l’autre, même si l’on sait que la musique n’est pas réductible au temps arithmétique).
Pour aller vite, on dira que Mark Elder, à Amsterdam, a dirigé Benvenuto dans son découpage parisien original, en deux actes de deux tableaux chacun, ce qui nous vaut en particulier l’air de Balducci « Ne regardez jamais la lune », la version très développée du finale du premier tableau, la version longue du chœur des ciseleurs au deuxième tableau (mais la version habituelle de « Venez, venez, peuple de Rome », avec le petit prélude instrumental qui conduit à « Vous voyez j’espère »), la version longue également de la prière du début du troisième tableau, etc. Mark Elder ajoute la romance de Cellini et le second air d’Ascanio (écrits in extremis, on le sait, au cours des répétitions de 1838), et retient la seconde mouture de l’air de Teresa (« Entre l’amour et le devoir »), sans doute parce qu’elle convient mieux à la chanteuse (Mariangela Sicilia, qui remplaçait Patricia Petibon originellement prévue et ne fut pas toujours irréprochable rythmiquement).
Ne pas confondre agitation et animation
Il reste cependant des coupures sournoises, qu’on mettra sur le compte de la difficulté de tout restaurer à l’occasion de la reprise d’un spectacle qui existe déjà. Ainsi, les fausses sorties de Balducci sont réduites à la portion congrue, de même que le chœur des masques sous les fenêtres de Teresa ; il manque aussi, bizarrement, un bref passage dans le trio (entre « Mère de tendresse » et la cascade d’« A demain »). Au deuxième tableau, si le premier récitatif entre Fieramosca et Pompeo est entier, le second, très bref pourtant, manque. Au troisième, il manque une section dans chacune des deux parties du duo entre Cellini et Teresa, ainsi que dans le chœur final. L’air d’Ascanio « Mais qu’ai-je donc » est privé d’un de ses refrains (pour la petite histoire, on a droit à « Monseigneur », car on sait que cet air fut écrit alors que le Pape avait déjà été remplacé, censure oblige, par un cardinal). Brèves coupures encore au moment où le Pape arrive au quatrième tableau, puis quand Balducci devrait s’exclamer « Fieramosca, quel équipage ! », enfin, quand Fieramosca et Balducci veulent hypocritement saluer le succès de Cellini.
La coupe effectuée dans le concours de chant (à partir du moment où Arlequin se présente pour toucher sa récompense, jusqu’à ce que Balducci, furieux, renverse le théâtre) souligne à quel point, une fois encore, le metteur en scène retenu est incapable de donner vie à cet épisode, qui n’est ici qu’un contresens ; certes, les deux candidats se présentent (Pierrot prend tout son temps, avec la version longue de sa phrase burlesque de contrebasses), mais au moment de la romance d’Arlequin, c’est tout à coup une ballerine qui fait son apparition ! Quel rapport ? De mémoire de berliozien, cette scène et toute celle qui suit n’ont jamais été mis en scène avec éclat et clarté, alors que Berlioz et ses librettistes ont imaginé là un vaste mouvement de foule ponctué d’épisodes puissamment articulés.
D’ailleurs, Terry Gilliam (l’un des fondateurs des Monthy Python, ce qui ne le rend pas nécessairement talentueux) a préféré multiplier les figurants, jouer avec les confettis, les interjections, les masques, en traitant l’action elle-même avec désinvolture. Comment expliquer, sinon, que Fieramosca, au dernier tableau, soit enrôlé de force dans l’atelier de son rival et qu’on le retrouve, quelques instants plus tard, en costume de ville, faisant irruption dans ledit atelier en compagnie du Pape et de Balducci ? On rêve d’une mise en scène rigoureuse qui jouerait à la fois la carte de la comédie, celle du drame et celle de la glorification de l’art, dans un mélange des genres traité avec la virtuosité qu’exige la partition.
Honneur à Mark Elder !
Il faut avouer qu’il y a néanmoins beaucoup d’entrain dans ce spectacle, quand bien même le mérite en reviendrait essentiellement à Mark Elder, qui manifestement s’est pris de passion pour cette partition et entraîne tout le monde, solistes compris, avec lui. L’orchestre ne sonne pas idéalement dans la salle peu flatteuse de l’Opéra d’Amsterdam, mais le chœur est vraiment magnifique de précision, d’homogénéité, d’élan, avec un splendide carnaval romain et une mémorable grève des ouvriers fondeurs.
La distribution, malheureusement peu francophone, n’est pas sans atout : Laurent Naouri est un Fieramosca idéal, qui donne une présence inaccoutumée au personnage ; John Osborn, d’abord sur la réserve, s’épanouit dans sa romance « La gloire était ma seule idole » prise avec un délicieux legato, pleine d’aigus rêveurs. Il tient fort bien la distance, mais son air du quatrième tableau le trouve tout à coup tendu, hésitant, jusqu’à ce qu’un trou de mémoire lui fasse toucher le fond puis retrouver son énergie un instant évaporée ; Maurizio Muraro (Balducci) et Orlin Anastassov (le Pape) n’ont pas vraiment l’autorité (burlesque ou sévère) exigée par leurs rôles, mais ils s’en sortent avec les honneurs.
Les petits rôles sont excellemment distribués, et ce sont eux, avec le gracieux Ascanio de Michèle Losier, qui font aussi la vie du spectacle. Francesco en particulier, avec sa silhouette à la Brummel, est une figure inoubliable au milieu d’un plateau qui évoque un Londres ou un Paris rêvé, dans une ambiance à la Dickens.
Et l’on se prend à penser, durant toute la durée de la représentation, au détour de telle mélodie, de telle phrase, de tel enchaînement : quelle grâce dans cette musique, quels contours, quelle beauté ! C’est qu’un chef d’orchestre amoureux est passé par là.
Christian Wasselin
Par Christian Wasselin
Philharmonie de Paris, 15 mars 2015
Berlioz est en réalité un musicien d’exceptions. Chacune de ses partitions est un prototype, c’est pourquoi aborder l’une d’entre elles exige toujours des interprètes, et notamment du chef, une réflexion quant à sa forme, à ses particularités acoustiques et à la disposition des instruments et des voix qu’elle exige. Faute de quoi, ladite œuvre risque de devenir bancale, inaudible, ou de sombrer corps et biens. C’est la triste expérience qu’a faite le Requiem donné à la Philharmonie de Paris le 6 février dernier. A contrario, en considérant Roméo et Juliette comme un objet inédit, François-Xavier Roth a su faire du concert donné le 15 mars, dans le même lieu, une magnifique réussite.
Roméo et Juliette a tout d’un rituel. C’est pourquoi, outre son orchestre (Les Siècles) disposé sur la scène, François-Xavier Roth a souhaité faire intervenir les solistes et surtout le chœur à la manière d’un personnage. Le petit chœur du Prologue vient sur la scène à la fin de l’introduction instrumentale, puis se retire. Au début de la « Scène d’amour », les jeunes Capulet restent invisibles, derrière l’orchestre (peut-être, s’ils avaient chanté en tournant le dos aux musiciens, l’effet de lointain aurait-il été plus sensible). Puis arrive le chœur des Capulet pendant le « Convoi funèbre de Juliette ». Il réapparaît pour le finale, cette fois en compagnie des Montaigu, Berlioz ayant prévu, pour la toute fin de l’œuvre, le retour du chœur du Prologue. Mais le Chœur Aedes, excellent sur le plan du style (quoiqu’il manque de mordant et de générosité dans le finale), n’est pas assez nombreux pour se partager en trois. Ce n’est pas le nombre qui fait la puissance et le relief, certes, mais il y a malgré tout des seuils en-dessous desquels il ne faut pas descendre ; vingt ou trente voix supplémentaires auraient permis à l’ensemble choral de se partager en trois et de tenir un peu plus tête à l’orchestre.
Ces allers-retours créent une dramaturgie singulière, d’autant que Les Siècles traduisent la virtuosité de l’orchestre de Berlioz avec un style et un raffinement rares. On a beau être accoutumé aux instruments historiques, il est toujours troublant d’entendre des cordes sans vibrato (ou plutôt avec un vibrato utilisé quelquefois, à des fins expressives), de goûter la douceur d’une flûte ou la matière du son d’une harpe, même s’il arrive ici et là (telle note aiguë de hautbois, tels cors dans une fugitive chevauchée du Scherzo) qu’une petite imperfection vienne se glisser.
On donnera une mention particulière aux cuivres de l’Introduction, magnifiques de justesse, de respiration et d’autorité, et on ne peut pas, de nouveau, s’empêcher de penser à ceux, aléatoires, abandonnés à eux-mêmes, de l’Orchestre du Capitole de Toulouse dans le Requiem de février. Un mot également sur la clarinette qu’on aurait aimé entendre, dans « Roméo au tombeau des Capulet », partir d’un pppp plus ineffable, d’autant que l’acoustique de la Philharmonie permet ce genre de nuance.
Quant aux voix solistes, on aurait aimé un peu plus d’incarnation de la part de Jérôme Varnier dans le rôle du père Laurent ; son air « Pauvres enfants » est chanté sans conviction, et il n’y a guère qu’au moment où il s’écrie « Silence, malheureux ! » que le chanteur convainc vraiment. Jean-François Borras, pour sa part, survole son Scherzetto, mais Isabelle Druet en revanche a la chaleur qui convient dans les Strophes du Prologue.
On a vraiment hâte d’entendre le Te Deum du même Berlioz, le 20 juin prochain, toujours à la Philharmonie de Paris, sous la direction du même François-Xavier Roth.
Christian Wasselin
Par Christian Wasselin
Philharmonie de Paris, 6 février 2015
La Grande messe des morts reste une œuvre périlleuse. Elle met trop en jeu la répartition des forces instrumentales pour être abordée à la légère, et la maîtrise du lieu dans lequel on la joue est la condition nécessaire d’une exécution réussie. A cet égard, il était passionnant, a priori, de l’écouter dans la nouvelle Philharmonie de Paris, lieu vaste mais relativement intime, à l’acoustique favorable. Favorable ? Au chœur et à l’orchestre réunis sur le plateau, oui, mais la partition de Berlioz requiert aussi la participation de quatre orchestres de cuivre. Où les installer ? Tugan Sokhiev, directeur musical de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, les a placées au fond des balcons : elles sont trop éloignées les unes des autres. Surtout, elles restent là où elles sont, sans dynamique, sans élan, alors qu’elles devraient pleuvoir sur la salle dans les moments de cataclysme. D’autant que les percussionnistes, eux non plus, ne donnent jamais l’impression de participer à un jour de colère ou de larmes. Résultat : peut-être pour éviter de couvrir les chanteurs, un tremblement mesquin de timbales, un frémissement timide de caisse roulante, sans qu’on éprouve jamais le sentiment de panique ou d’oppression qui devrait nous assaillir. Et que dire de ces trois cymbaliers qui produisent un son inaudible à force de ne pas faire résonner leur instrument, alors qu’on attend l’image sonore des encensoirs balancés autour du trône de Dieu ? Quelle dérision de voir cet appareillage instrumental pour un résultat sonore aussi maigre ! « Tout ça pour ça ? » peut se demander légitimement celui qui voit des instruments, nombreux, mais ne les entend pas.
Détail étrange : alors qu’il demande à ses percussions de ne pas déranger, Tugan Sokhiev fait intervenir plusieurs timbaliers à l’unisson de la grosse caisse, dans les quatre avant-dernières mesures du Lacrymosa, alors que Berlioz n’a rien prévu de tel à ce moment-là.
Précisons cependant que les trombones sont parfaits dans l’Hostias, que le reste de l’orchestre est de très bonne tenue, que les bois en particulier sont à la fête, avec un cor anglais d’une merveilleuse beauté consolatrice dans le Quid sum miser.
C’est du côté vocal que les choses sont les moins réjouissantes, et il ne s’agit pas ici de réglage ou de distance. Autant le Chœur Orfeon Donostiarra est capable de rester vaillant dans les tuttis, autant il n’est plus que l’ombre de lui-même dans le Quaerens me. Le chef choisit de ne faire intervenir que la moitié des chanteurs et leur demande la plus grande douceur possible, ce qui est en soi légitime. Oui mais les sopranos sont incapables de chanter juste et ensemble dans un pppp aussi ténu ; leurs attaques ne sont pas du tout assurées, leur ligne se brise, et cette prière sublime sombre corps et bien. Quel cruel contraste avec le même Quaerens me interprété il y a un an, à Notre-Dame de Paris, sous la direction de Gustavo Dudamel !
Le ténor solo, lui, pose un autre problème. Il ne prétend pas nous emmener dans les hauteurs, alors qu’il y a un an, là encore, Andrew Staples était idéal de tendresse contenue et de ferme suavité. Cette fois, c’est Bryan Hymel qui a été choisi (l’Énée de juillet 2012 à Covent Garden). Résultat : une prestation théâtrale, on ne peut plus terrestre. Hymel ne démérite pas, non, mais il n’est pas en situation.
Christian Wasselin
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