2003 – Bicentenaire de Berlioz
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Par Pierre Panet
Devant le parvis de l’Hotel de Ville de Paris
le 21 juin 2003 à l’occasion de la fête de la musique
Dans le cadre de la Journée nationale de la Musique et, à l’occasion du bicentenaire de la naissance d’Hector Berlioz, la Mairie de Paris organisait, le samedi 21 juin 2003 à 10 heures, une manifestation musicale associant plus de 2500 élèves des écoles élémentaires de la capitale.
Quelle émotion, en m’y rendant, de voir surgir dès neuf heures du matin la cohorte de ces élèves, devant le parvis prestigieux de l’Hôtel de Ville, reconstruit dans le style italien après le déplorable dérapage incendiaire qu’y provoqua en 1871 la Commune de Paris !
Après avoir parlementé avec beaucoup d’interlocuteurs, je fus autorisé à franchir le périmètre dans l’enceinte de laquelle allaient jaillir les plus belles pages de Berlioz.
Mais, je fus consterné de constater que les musiciens se trouvaient disposés quasiment au même niveau que les spectateurs, massés derrière des barrières métalliques à une trentaine de mètres de l’orchestre. Or, les œuvres de Belioz exigent un décorum visuel, surtout que les chœurs rehaussaient de peu l’orchestre. Il aurait été nécessaire d’aménager un plateau scénique surélevé, ou au moins des écrans géants pour retransmettre des images des exécutants. Pour utiliser une métaphore, je dirais que nous faisions musicalement de la géométrie plane alors qu’il eût fallu qu’elle fût en espace.
Voilà pourquoi j’écris que Hector Berlioz méritait « plus », et j’étais d’autant plus affecté par cela que je ressentais combien ces 2500 enfants avaient mis tout leur cœur à chanter et combien leurs professeurs de musique s’étaient intensément investi à leur faire peut-être aimer Berlioz pour toute leur vie.
Pour en finir avec ma critique, j’ajouterais que je fus contraint par une sorte de « Maître de cérémonie » de céder ma chaise au motif qu’un « Officiel » venait d’arriver alors que le concert était bien commencé. A la fin du concert, je ne manquais pas de faire courtoisement remarquer à ce factotum que j’étais venu deux heures à l’avance et que la chaise dont il s’était permis de me déposséder m’avait été offerte. Il me répliqua avec morgue, faisant fi d’admettre que devant la musique, toute préséance protocolaire s’exprimant avec autant de désinvolture est malvenue et que l’ardeur des premiers à se manifester doit être respectée et valorisée.
Cela dit, la qualité musicale était là et a ainsi largement compensé mon irritation, avec l’Orchestre d’Harmonie du Conservatoire Supérieur de Paris (Direction : François Carry), La Musique des Gardiens de la Paix (Direction : Philippe Ferro) et l’Orchestre symphonique du Conservatoire supérieur de Paris (Direction : Pierre-Michel Durand). Le programme était très diversifié, comportant l’Ouverture du Carnaval Romain, des extraits de La Damnation de Faust, de Béatrice et Benédicte, ainsi que des Troyens. Le premier concert s’achevait avec La Marseillaise si prodigieusement orchestrée par Berlioz, lui conférant le souffle épique d’une Odyssée qui, quoique consacrée comme hymne national, suscite encore en France dans la conscience collective bien des dissentiments quant à sa signification historique.
Quant au second concert, il est regrettable que la Cantate Tristia (dont Berlioz emprunta le titre à Ovide) fut amputée de La Marche funèbre pour la dernière scène de Hamlet.
J’appris d’une source réputée officielle qu’environ seulement 2500 personnes avaient écouté le premier concert (beaucoup étant venues accompagner leurs enfants). Quant au public de Tristia, il était moindre de moitié. Il avait été escompté 5000 personnes.
C’est bien peu pour entendre les œuvres d’un des plus grands génies du romantisme français. Mais, si le « plus » manquait au rendez-vous du point de vue de la scénographie, Berlioz aurait apprécié de savoir qu’autant d’exécutants s’étaient mobilisés pour lui et qu’ils avaient donné le meilleur d’eux-mêmes pour immortaliser son œuvre
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NOTA BENE:
Parmi les journaux que j’ai lus, j’ai relevé que seul le journal « Le Monde » du mardi 24 juin a valorisé l’hommage rendu à Berlioz lors de la 22ème Fête de la Musique, rapportant, notamment, le propos suivant d’un mélomane « Rien que pour avoir écrit ça [il s’agit de l’orchestration de La Marseillaise], Berlioz, il aurait mérité d’aller au Panthéon ».
Le journal souligne que la Présidence de la République aurait émis des réserves « en raison des affinités peu républicaines dont témoignent les écrits du compositeur ».
Si ce motif est avéré, c’est faire fi que jamais Hector Berlioz n’a connu une telle popularité dans le grand public que pendant l’occupation allemande de la France au cours de la Seconde guerre mondiale avec le film de Christian Jaque « La Symphonie fantastique », provoquant une violente réaction du ministre d’Hitler de la Propagande Goebbels qui supervisait la production cinématographique française. De l’avis de tous les historiens du cinéma, ce film exprimait une forme de résistance à l’oppression nazie.
Par ailleurs, le Journal « Le Parisien », paru le lendemain de la Fête de la Musique, s’il mentionne le concert Berlioz à Paris, réduit de moitié le nombre de choristes.
Quant au « Journal du Dimanche », ce concert n’est pas signalé et il fait ressortir les moyens logistiques gigantesques qui ont été déployés pour d’autres manifestations musicales.
On ne peut donc que regretter que les pouvoirs publics n’aient pas estimé devoir donner les moyens suffisants et dignes de rendre l’hommage que Berlioz méritait à Paris, à l’occasion du bicentenaire de sa naissance.
Pierre PANET
24 juin 2003
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