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Site Hector Berlioz

MIGUEL MARQUÉS

UN DISCIPLE MÉCONNU DE BERLIOZ ?

Extrait de Guide de la Zarzuela (Paris: Bleu Nuit éditeur, novembre 2012, pp.144-145)

Par

Pierre-René Serna

© 2012 Pierre-René Serna

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    Dans mon ouvrage juste paru, Guide de la Zarzuela (Bleu Nuit éditeur, Paris), je fais état d’un compositeur espagnol, Miguel Marqués (1843-1918), qui aurait connu Berlioz à Paris et se prétendait son disciple, et même, en l’espèce, son élève. Cette information, à ma connaissance, ne figure dans aucune étude sur Berlioz et n’est signalée par aucun de ses biographes ou spécialistes. Au demeurant, le nom de Marqués n’apparaît nulle part dans la Correspondance publiée (nécessairement parcellaire), ou d’autres textes de Berlioz. En revanche, la mention de Berlioz revient comme une constante dans les différentes présentations, généralement en espagnol, qui portent sur la carrière et la formation musicale de Marqués. Comme un fait biographique réputé reconnu. Mais reconnu un peu à sens unique…

    Pour la première fois, semble-t-il donc parmi les publications ayant trait à Berlioz, cette hypothèse est ici avancée : en l’occurrence, à travers des bonnes feuilles reprenant l’entrée relative au compositeur espagnol dans le Guide de la Zarzuela (seul livre du genre en langue française sur cet art lyrique intrinsèquement hispanique). Une sorte de primeur réservée aux lecteurs du site hberlioz.com, susceptible d’ouvrir la curiosité et d’inviter peut-être à d’autres découvertes. Car il n’est pas exclu que des recherches plus approfondies puissent venir corroborer ce qui n’est pour l’instant qu’une piste… Parviendra-t-on à trouver des traces ou d’autres témoignages (des lettres de Berlioz ?) chez les descendants de Miguel Marqués, du côté de l’héritage de son biographe Juan Luis Estelrich, dans des bibliothèques et archives espagnoles, ou dans les papiers de Lambert Massart ? Qui sait…

    L’auteur de ces lignes se réserve personnellement d’y revenir un ou l’autre jour prochain, après quelque voyage en Espagne et autre prospection utile. Mais appel est fait à toutes les contributions, qui demeurent évidemment toujours bien venues.

Pierre-René Serna

MARQUÉS, MIGUEL

    Miguel Marqués appartient à la cohorte, nombreuse, de ces compositeurs de zarzuelas qui semblent avoir considéré leurs travaux pour ce répertoire lyrique comme une part annexe, sinon secondaire, de leur œuvre.

    Né le 20 mai 1843 à Palma de Majorque, Pedro Miguel Marqués García entreprend très tôt des études musicales et de violon, qui se concrétisent rapidement par un pupitre dans un orchestre (à l’âge de 11 ans !) et des premières compositions pour l’instrument. À 15 ans, le voilà parti pour Paris, muni d’une bourse, afin de parfaire sa formation musicale sous la tutelle de deux professeurs de violon. Puis il s’inscrit au Conservatoire, sous l’égide de Bazin pour l’harmonie et de Massart pour le violon. Lambert Massart était en ce temps l’un des amis intimes de Berlioz. Et c’est ainsi, semble-t-il, que le jeune Marqués fait connaissance avec l’auteur des Troyens. Au point de devenir l’un de ses élèves, selon le biographe autorisé, Juan Luis Estelrich. Est-ce vantardise postérieure de Marqués auprès de son biographe, car on sait que Berlioz eut peu de véritables disciples et encore moins d’élèves ?… Toujours est-il que d’après de dernier : “ Berlioz avait pris en affection Miguel Marqués pour le convertir en élève unique et particulier de l’instrumentation et de l’esthétique musicale, devinant de ses yeux sagaces ce que le disciple promettait. ” (El maestro Marqués, J. L. Estelrich, 1912) La chose, pour méconnue qu’elle soit des spécialistes du maître français (mais non pas de ceux de l’Espagnol), n’est pas invraisemblable, sachant qu’en ces années 1860 celui-ci aimait à s’entourer de jeunes compositeurs talentueux qu’il protégeait et conseillait. Quelle que soit la nature – simple relation ou réel apprentissage – des rapports qu’il y eut entre les deux musiciens, la trace en transparaît dans le langage de l’œuvre future du compositeur majorquin.

    En 1863, il quitte Paris pour se fixer à Madrid où il achève sa formation, en particulier auprès d’Arrieta*, et compose une première symphonie. Dès lors sa carrière est lancée. Attardons-nous un instant sur cette page pour orchestre, sous-titrée Historia de un día. Cette “ Histoire d’un jour ” rappellerait étrangement Épisode de la vie d’un artiste, qui fut l’intitulé primitif d’une autre première symphonie : la Symphonie fantastique. Pièce supplémentaire à verser au dossier des correspondances entre Marqués et Berlioz. Quatre symphonies suivront, qui consacrent le musicien comme l’un des plus importants symphonistes du XIXe siècle espagnol. Mais la zarzuela allait vite devenir l’autre de ses préoccupations majeures. De 1871 à 1888, peut-être sa période de meilleure floraison, il se consacre principalement à la zarzuela grande*. El anillo de hierro, créé en 1878, reste, jusqu’à nos jours, son plus grand succès. L’œuvre ne démérite pas de sa réputation, entre une ouverture élégamment inspirée où la patte du symphoniste se fait sentir, et de jolies trouvailles mélodiques et instrumentales (disque BMG conseillé, direction Lauret, avec Berganza). Mais elle ne saurait égaler d’autres ouvrages musicalement plus ambitieux, comme El diamante rosa (1890) et, surtout, El reloj de Lucerna : drame lyrique en trois actes, créé en 1884, sorte de Guillaume Tell de Rossini pour le sujet revu par Lohengrin pour la musique, qui associe savamment traitement vocal, instrumental et harmonique de la meilleure veine selon son commentateur, Ramón Regidor Arribas. Sans doute le chef-d’œuvre lyrique du compositeur. Sa seconde époque sera, à l’instar de l’air du temps, celle du género chico*, où se distingue El monaguillo (1891), son œuvre maîtresse en ce domaine. Après avoir écrit près d’une cinquantaine de zarzuelas, dont nombre de succès, le compositeur se retire en 1896 dans sa Palma natale, consacrant ses derniers moments, jusqu’à sa fin survenue le 25 février 1918, à la composition de poèmes symphoniques, de préludes ou mélodies pour orchestre, d’œuvres de chambre ou religieuses. Revenant peut-être aux sources de ses premières amours musicales.

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1. Nota : les astérisques (*) qui suivent un mot et figurent dans le corps de l’extrait ci-dessous du Guide de la Zarzuela, renvoient à d’autres entrées de cet ouvrage.

Nous remercions vivement notre ami Pierre-René Serna de nous avoir envoyé cet extrait de son livre et M. Jean-Philippe Biojout, l’éditeur de ce livre, de nous avoir accordé la permission de le reproduire sur cette page [article repris dans Café Berlioz, pp.  121-123].

Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; cette page créée le 15 novembre 2012.

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