FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS
DU 23 AVRIL 1841 [p. 1-2]
THÉATRE DE L’OPÉRA.
Reprise de Don Juan. Première représentation de Carmagnola, opéra en deux actes, paroles de M. Scribe, musique de M. A. Thomas.
Cet ouvrage aurait paru en scène beaucoup plus tôt, si les nombreuses répétitions de Don Juan ne l’eussent tenu à l’écart pendant quelques semaines. Il est fâcheux que ces études prolongées aient retardé la représentation de l’opéra nouveau sans amener rien d’avantageux pour l’ancien chef-d’œuvre. On sait que deux fois en peu de jours Don Juan a été annoncé inutilement. Baroilhet s’est trouve enroué pendant la première représentation, qui en conséquence n’a pu être achevée, et pour le complément de laquelle on a dû avoir recours à l’ouverture et au trio de Guillaume Tell, et indisposé quelques heures avant la seconde, qui n’a pas eu lieu du tout.
Dans le cas où Baroilhet ne renoncerait pas à ce rôle célèbre qui semble lui faire grand peur, il est bon de lui adresser quelques observations sur la manière dont il nous a paru, d’après quelques scènes, comprendre le style de Mozart. Baroilhet appartient évidemment à cette classe de chanteurs si communs en Italie, pour qui la musique, les paroles et les situations d’un opéra ne sont que les prétextes plus ou moins plausibles de leur succès personnel. Tout, à les en croire, doit se prêter aux exigences et même aux habitudes de leur talent. S’ils ont à faire à un auteur vivant, ils l’obligent à changer selon leurs idées une foule de passages de leurs rôles. Si l’auteur est mort, ils font eux-mêmes ces modifications. Et comme en général les grands chanteurs n’ont pas tout-à-fait autant de savoir et de goût que les grands compositeurs, leurs corrections des chefs-d’œuvre amènent parfois d’assez tristes résultats. Par exemple, le sentiment de la distinction mélodique, de la beauté du style, des convenances dramatiques et de la justesse d’expression que possède Baroilhet n’est pas exactement égal à celui dont Mozart fut doué ; du moins il est permis d’exprimer un doute à cet égard. En ce cas, est-il certain qu’il n’ait pas eu tort, grandement tort, de corriger les phrases du maître dont il devait tenir à honneur d’être le fidèle interprète ?…
Que des notes inaccessibles à certaines voix soient changées, cela ce conçoit ; qu’un chanteur, cédant à ce besoin d’applaudissemens qui les tourmente tous, se permette, très hors de propos assurément, d’ajouter un point d’orgue que l’auteur n’a pas voulu, mais qui doit faire les gens de mauvais goût se récrier d’admiration, cela se comprend encore. Mais n’est-il pas vraiment regrettable d’avoir à reprocher à Baroilhet des infidélités envers Mozart, que rien ne peut justifier ? Ainsi, pour ne citer qu’un seul fait, le thème du duo : Là, devant Dieu, ma belle, d’une si exquise mélodie, se termine d’une façon simple et parfaitement distinguée par les notes la, sol, fa, mi, mi, fa, sol, la ; Baroilhet préfère la, sol, fa, mi, ut, si, la, qui, dans dans ce cas, forment une désinence plate et vulgaire, et ne lui vaudront pas, à coup sûr, le plus obscur suffrage, le moindre applaudissement. An contraire, la plupart des auditeurs de Don Juan connaissant fort bien les principales phrases de la partition, les attendent au passage et s’indignent avec raison de ne les plus retrouver. L’acteur, à la vérité, peut préférer une forme de style à une autre, mais Mozart avait certainement aussi le même droit, et le public possède incontestablement celui de préférer les préférences de Mozart. En outre, dans ce même duo, Baroilhet introduit son exclamation favorite, dont le moindre inconvénient est de rendre un vers faux et d’altérer la pureté du texte musical, sans aucune raison ; à moins de considérer son habitude comme un de ces tics qui portent quelques personnes à se frapper le front, à tourner la tête d’un côté ou d’un autre, à se tirer les cils, à se gratter le nez, etc. ; car, au fond, sans un tic (tic douloureux pour nous), quel motif peut engager Baroilhet à dire : Là, d’un amour, AH, si tendre ! Les mots ne sont point difficiles à prononcer, la mélodie est aisée, naturelle, écrite dans le médium de la voix, rien ne gêne le chanteur, et son AH ! pas plus que les corrections dont je parlais tout à l’heure, ne lui vaudra ni bravos, ni pluie de fleurs ! Ma foi, ceci est ah ! ridicule, c’est même ah ! choquant, et il faut convenir que si l’on pardonne à ah ! Don Juan ses mauvais procédés ; ah ! pour donna Anna, il est moins excusable de violer ah ! ainsi la langue fran ah ! çaise.
En tout cas, c’est très malheureux ; car Baroilhet est un chanteur de mérite, dont la voix est belle, flexible, nuancée, expressive et la méthode excellente ! il est aimé du public, qui l’aimerait plus encore, s’il pouvait se garantir des travers que je viens de signaler, c’est-à-dire s’il ne décomposait en chantant ni la musique ni les vers.
Dérivis, à cette reprise de Don Juan, s’est fait remarquer et justement applaudir dans le rôle de Leporello, qu’il remplissait pour la première fois. Mme Gras-Dorus a déployé dans celui de dona Anna, qu’elle avait appris à l’improviste, une énergie dont on la croyait à peine capable, une aussi bonne occasion de la montrer ne s’étant pas encore présentée.
— La première représentation de Carmagnola a été assez paisible ; c’est un petit opéra tout simple, dont les prétentions se bornent à tenir une modeste place dans le répertoire.
La scène est à Brescia. Au lever du rideau Castruccio, gouverneur de la ville ; Lucrezia, sa femme ; le marquis de Riparda, seigneur espagnol, des cavaliers et des dames de Brescia sont assis au milieu des jardins, prenant des sorbets, chantant et jouant aux échecs ou aux dés. Des pages placés derrière les dames agitent sur leur front de larges éventails. Cette mise en scène rappelle un peu le joli tableau de Winter-Halter, le Décaméron. La douce quiétude de cette brillante assemblée n’est pas de longue durée. Castruccio le gouverneur y met un terme en apprenant à tous la découverte qu’il vient de faire : Carmagnola, ce terrible chef de condottieri, s’est introduit en secret à Brescia. Quels sont ses projets ? On a tout à redouter de lui. Sans perdre de temps, le gouverneur écrit une proclamation dans laquelle il promet six mille écus d’or à qui lui livrera son audacieux ennemi. Tout occupé de la rédaction de son manifeste, Castruccio ne prend garde ni à la petite jardinière Nizza qui vient d’apporter une corbeille de fleurs à sa femme, ni au marquis de Riparda qui ose glisser un billet pour elle dans un bouquet de roses. Le hasard cependant lui faisant jeter les yeux sur ces fleurs que Lucrezia n’a pas encore aperçues, il y découvre la lettre et lit, confondu d’étonnement, les lignes suivantes :
« A la belle Lucrezia ! »
« J’expose, pour vous voir, des jours qui sont à vous,
Madame, et votre auguste époux,
Pour m’éloigner prend un soin inutile !
A vous ainsi qu’à lui, j’en donne ici ma foi,
Je ne quitterai cette ville
Que lorsque vous serez à moi ! »
Signé, comte CARMAGNOLA.
Tous sortent en désordre ; le marquis de Riparda offre la main à Lucrezia et rentre avec elle au palais. La nuit est venue.
Le silence des jardins est bientôt troublé par le bruit d’une querelle. Deux jeunes gens, Stenio le marin, et Bronzino le condottiere se sont rencontrés dans une allée où chacun d’eux voudrait demeurer seul. Le marin est un amant désespéré qui, avant de partir pour Venise, prétend se donner le plaisir de mourir cette nuit aux pieds de sa belle ; le condottiere, dont l’avis est qu’il faut bien se passer quelques douceurs, veut enlever la riche orfèvrerie du gouverneur. Confidences échangées, d’où il résulte qu’ils n’ont pas le sou, ni l’un ni l’autre, ils vont en venir aux mains, ils ont tiré l’épée, ils sont en garde, quand on entend au dehors publier à son de trompe la proclamation du gouverneur. Les deux combattans s’arrêtent et répètent après le crieur : « Six mille écus d’or à qui livrera le comte Carmagnola. » Le proscrit leur est inconnu, ils vont continuer leur conversation à coups d’épée, mais Bronzino se ravisant : « Une idée ! Nous donnerions tous les deux notre vie pour bien peu ; il vaut mieux la risquer pour six mille écus. Carmagnola n’est jamais venu à Brescia, nous y sommes, comme lui, tout-à-fait inconnus ; que l’un de nous soit ce héros, et que l’autre le livre. — J’y consens ! — Touche là ! »
Quel que soit donc celui
Que pour Carmagnola le sort fatal désigne,
Jurons tous deux ici
Que de ce noble titre il se montrera digne,
Qu’aux yeux de tous lui-même conviendra
Qu’il est bien Carmagnola !
Le serment prononcé aux pieds d’une madone qui orne l’un des bosquets, ils jouent aux dés. Celui qui amènera le plus haut point sera livré. Stenio perd. Bronzino, après un instant d’hésitation aussi court qu’honorable, va sonner la cloche d’alarme. On accourt de toutes parts, le condottiere dénonce et livre au gouverneur le pauvre Stenio sous le nom de Carmagnola, en réclamant la somme promise. Le prisonnier, fidèle à son serment, n’a garde de nier qu’il soit celui qu’on cherche ; d’ailleurs le marquis de Riparda, qui a servi en Espagne avec le général des condottieri, déclare le reconnaître parfaitement. On entraîne donc le pauvre amoureux, on paie son dénonciateur, et Nizza, la jardinière, se désole ; car c’est elle que Stenio se permet d’adorer, c’est à ses pieds que le pauvre diable voulait mourir avant de partir pour Venise.
Nous la retrouvons au second acte dans la prison dont son père est geôlier. Elle prend, comme tout le monde, son amant pour le célèbre général proscrit ; cette découverte la désespère. Surviennent le marquis de Riparda (le vrai Carmagnola) et le gouverneur. Ils veulent interroger le brigand. Castruccio le somme d’exposer ses projets et de nommer ses complices. « La mort, si tu te tais ! — La mort, si tu parles ! » lui dit Riparda qui, sans pénétrer le motif que peut avoir Stenio de prendre son nom, profite cependant d’une si étrange aventure. Puis ajoutant à cette menace le présent d’une bourse bien garnie, il lui promet beaucoup plus d’or encore et sa liberté s’il soutient son rôle jusqu’à ce soir. Castruccio le gouverneur se laisse persuader que le marquis cherche à séduire ainsi le prisonnier, et qu’il y parviendra. Joie de Stenio, en se voyant riche ; il épousera Nizza. Hélas ! le gouverneur est informé que les condottieri apprenant le danger de leur chef, ont juré de le délivrer ; tout sursis devient donc impossible, Stenio-Carmagnola doit mourir. Déjà des chants religieux se font entendre ; des moines couverts de leur robe et de leur capuchon entrent deux par deux, referment la grille et se placent en demi cercle au fond de la prison. A un signal convenu, tous jettent bas leur froc et paraissent armés en condottieri devant Castruccio qui tombe à leurs genoux.
Il nous faut notre chef, Pietro Carmagnola !
CASTRUCCIO.
Eh bien ! seigneurs condottieri,
(Montrant Stenio)
Prenez, je vous le rends !
……………………………….
LES CONDOTTIERI.
Non ! non ! ce n’est pas lui !
Où donc est-il ?
RIPARDA, entrant brusquement par une porte qui communique avec le château du gouverneur.
Le voici ! —
Ah ! c’est lui ! c’est bien lui ! —
CARMAGNOLA, s’approchant de Stenio et de Nizza.
Vous, soyez, mes amis,
Riches, libres, heureux, je vous l’avais promis !
(A Castruccio.)
Quant à vous, Monseignur, ici, je vous rends grâce,
De votre accueil !..
CASTRUCCIO, à part.
C’était lui ! j’en frémis !..
CARMAGNOLA.
Pour m’éloigner, à quoi bon tant de peine ?
Je vous avais promis de quitter ces remparts,
Lorsqu’à mes vœux, moins inhumaine…
CASTRUCCIO.
Ma femme !.. ô ciel !..
CARMAGNOLA, souriant.
Adieu !.. je pars !..
Ce dernier trait a blessé la susceptibilité de l’auditoire. Décidément nous avons des mœurs ; à l’Opéra du moins, car au Théâtre Français on entend journellement des crudités fortes dont le front du parterre ne rougit point. Il est probable que George Dandin, joué à l’Opéra, causerait un immense scandale !
La musique de M. Thomas est bien écrite et gracieuse. Son style se rapproche beaucoup de celui de M. Donizetti, dont il pourrait, dans cet ouvrage surtout, passer pour une imitation. L’ouverture est habilement instrumentée et bien coupée. Les idées ne m’en ont pas semblé très saillantes ; le thème de l’allegro surtout et la phrase de la clarinette qui suit n’ont pas tout l’intérêt qu’exige la place qui leur est assignée dans ce grand morceau, et qui les met tant en évidence. J’aime fort le ritardando fortissimo de tout l’orchestre précédant la conclusion ; c’est une énergique manière d’amener l’explosion finale.
Les couplets de Nizza n’ont pas eu grand succès, malgré l’irréprochable manière dont Mme Gras les a chantés. C’est dans le fait assez incolore. Le grand duo :
O nuit, à mes désirs propice,
est beaucoup mieux. Les deux voix de ténor y sont ingénieusement enlacées, et disposées quelquefois en imitations canoniques, favorables au développement de l’une et de l’autre.
Le chœur : C’est le tocsin ! a de l’élan dramatique. L’ensemble : O ! l’heureuse méprise ! est trop calqué sur les morceaux di stupore qu’écrivent aujourd’hui tous les Italiens. Je n’ai pas le moindre souvenir de l’air de Nizza, qui commence le second acte. Le trio des trois hommes dans la prison est supérieur à tout ce qui précède ; le duo suivant entre Nizza et Stenio l’a presque fait oublier cependant, grâce à une mélodie agréable et bien jetée qui a produit une sensation générale et assure le succès du morceau. Somme toute, cette partition un peu froide, mais élégante et correcte, est l’œuvre d’un homme de talent.
On n’avait pas encore osé donner à Paris des concerts composés de la sorte, et à ce prix-là. En effet, sept morceaux de piano par Liszt seul, pour tout programme, et des billets à vingt francs ! C’est à faire frémir ! Beaucoup de gens trouvaient le projet inconvenant, extravagant, outrecuidant ! Mais le public est venu, non pas une fois, mais deux, et avec plus d’empressement encore la seconde que la première. Les sept morceaux de piano lui ont paru courts, au point qu’il en a fait redire un et demandé un autre que l’affiche n’avait pas promis. Ce merveilleux talent a un tel empire sur les organisations tant soit peu musicales, son prestige est si fort, il charme, il éblouit, il entraîne, par tant de grâce, d’éclat et de mouvement, que ceux même des amateurs et des artistes dont les dispositions lui sont presque hostiles, vont l’entendre cependant, l’applaudissent de toutes leurs forces, sortent convaincus de son immense supériorité, reprennent leur opposition systématique deux heures après, et courent de nouveau l’entendre et l’applaudir à la première occasion. Il serait certes inutile aujourd’hui de chercher dans l’analyse des procèdes du mécanisme d’une pareille exécution le secret de sa puissance ; bien que sous le rapport de la difficulté et des étonnemens qu’il produit par ses victoires sur elle, Liszt soit réellement sans rival, il paraît évident que sa plus grande force n’est pas là. Je la trouve dans une intelligence pour ainsi dire divinatrice, dans une sensibilité exquise, exaltée jusqu’à l’excès quelquefois, qui, si elle n’est refoulée, peut nuire, il est vrai, à la rigoureuse interprétation de certaines œuvres exigeant seulement une exécution ferme, large et rectiligne, mais qui seule aussi peut élever l’artiste à la hauteur des grandes et poétiques inspirations. Le virtuose qui chante comme fait Liszt, qui peut rêver ainsi, se plonger comme lui dans les secrètes affectuosités du cœur, donner tant de beauté à l’expression de la souffrance, en un mot, traduire avec une telle supériorité un des chefs-d’œuvre de Schubert, l’Ave Maria, est seul capable aussi de faire gronder avec toute leur fougue infernale les sombres passions de Robert-le-Diable, et de suivre, sans perdre haleine, la course effrénée de Mazeppa. Ces deux morceaux, de tous ceux que Liszt a fait entendre jusqu’à présent en public, sont les plus remplis d’effets actifs sur les masses, d’impressions neuves et d’irrésistibles séductions. Le chant épisodique de Mazeppa est magnifique, et son caractère de grandeur sauvage ressort d’autant mieux que la cruelle agitation, l’effroi, les efforts désespérés du coursier farouche sont en même temps plus minutieusement décrits. La pensée, si habilement ménagée par Victor Hugo, pour couronner son poëme, n’a malheureusement pas assez préoccupé le compositeur. Je veux parler du fameux vers :
Il tombe et se relève roi !
qui prêtait cependant à une splendide péroraison musicale.
Quant à la fantaisie sur Robert-le-Diable, on n’a jamais rien écrit en ce genre pour le piano qui en approche. Ce grand morceau contient des combinaisons hardies autant qu’ingénieuses, la disposition générale en est savante, l’effet immense autant que varié. Le passage qui frappe le plus les auditeurs, accoutumés cependant par d’autres pianistes à des tentatives plus ou moins heureuses de cette nature, est celui où l’on voit figurer ensemble alternativement dans l’ordre inverse, l’un en haut du clavier et l’autre en bas, le thème de l’air de Bertram au troisième acte et celui de l’air de danse écrit pour Mlle Taglioni dans le pas des Nonnes. Cette réunion harmonieuse de deux mélodies si différentes est d’un bonheur incroyable. Inutile de parler de tous les miracles de l’exécution, de ce staccato foudroyant de la main gauche en octaves, de ces broderies microscopiques dans l’extrême aigu, de ces traits diatoniques rapides comme l’éclair, etc, etc. Ces deux concerts feront époque dans l’histoire du piano.
La soirée musicale d’Artôt sera aussi comptée parmi les plus belles de la saison. L’admirable violoniste ne fut jamais plus sûr de lui-même. Il a dépassé ce soir-là tout ce dont on l’avait cru capable. Il a été beau de verve, et touchant et pathétique au plus haut degré.
N’oublions pas la matinée d’Hallé, un autre grand virtuose qui marche sur les traces de Liszt, dont il joue la musique de manière à satisfaire l’auteur lui-même. J’ai déjà signalé, je crois, son exécution si richement colorée et si fidèle des trios et des sonates de Beethoven. C’est un talent rare et d’un ordre très élevé.
Osborne, l’élégant pianiste irlandais, a réuni à son tour dernièrement, dans les salons de Pleyel, tout ce que les trois royaumes comptent à Paris de dilettanti fashionables. Un charmant trio de sa composition, un radieux solo de violon par Artôt et l’air irlandais : T’is the last Rose of Summer, délicieusement joué sur le violoncelle par Franchomme, ont porté à quelques degrés au dessus de zéro l’enthousiasme britannique.
Je ne puis rien dire, à mon grand regret, du concert de M. Dœhler auquel il m’a été impossible d’assister. Il va bientôt donner avec Artôt, chez Erard, des séances où l’on entendra surtout les grandes sonates et les trios de Beethoven, c’est-à-dire, à mon sens, ce qu’il y a de plus avancé à cette heure dans l’art musical. Nous n’aurons garde d’en manquer une. Batta, à peine remis de sa longue maladie, s’apprête à rentrer dans la lice. L’émulation a gagné même Chopin, qui depuis si long-temps s’obstinait à tenir rigueur au public.
Un très habile harpiste, M. Larivière, s’est fait entendre à l’Athénée. Son duo pour harpe et piano qu’il a exécuté avec Mlle Loveday, mérite sous tous les rapports le beau succès qu’il a obtenu.
Croirait-on qu’au milieu de cette foule d’artistes éminens qui se disputent l’attention du monde musical, une jeune fille de douze ans, qui joue du violon comme un grand garçon qui en jouerait supérieurement, a su captiver l’intérêt du public presque exclusivement depuis quinze jours ? Le fait est que dimanche, Mlle Theresa Milanollo, dans une brillante polonaise composée par Habeneck, a eu les honneurs du dernier concert du Conservatoire.
H. BERLIOZ.
Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; page Hector Berlioz: Feuilletons créée le 1er mars 2009; cette page ajoutée le 1er mars 2014.
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