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Hector Berlioz: Feuilletons

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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 30 MARS 1862 [p. 1-2].

THÉATRE-LYRIQUE.

Première représentation de la Chatte merveilleuse, opéra-féerie en trois actes, de MM. Dumanoir et Dennery, musique de M. A. Grisar.

    C’est d’un conte de fées qu’est tiré le sujet de cet opéra. Tant mieux ! La plupart des drames raisonnables sont si affreusement bêtes, qu’on respire à l’aise en écoutant ceux où le déraisonnable, l’impossible et l’absurde sont admis. Il s’agit d’une chatte métamorphosée en femme, et même aussi d’un âne également transformé en jeune fille. Un ogre a vu son amour dédaigné par la fée aux perles qui protège un garçon nommé Urbain ; pour se venger de ses dédains, il cherche à jouer toutes sortes de mauvais tours au protégé de la fée. Il y a un mariage projeté entre la fille d’un roi et un prétendu marquis de Carabas immensément riche. Puis il se trouve que le fiancé n’est ni riche ni marquis ; le roi alors, selon l’usage, retire sa parole et refuse la main de sa fille au jeune vagabond qui l’avait demandée. Enfin Urbain épouse la fille qu’il croit être son âne métamorphosé ; mais il se souvient un peu tard qu’il était déjà marié, et s’écrie : « Oh ! mon Dieu ! je suis bigâne ! » Et le calembour par à peu près fait rire toute la salle. Il y a une décoration qui marche et semble être immobile, et des gens qui restent immobiles en ayant l’air de marcher. Cela donne le mal de mer aux spectateurs, cela redresse les yeux des gens louches et fait loucher ceux qui ne le sont pas. Tout s’arrange ; on se marie, les beaux jeunes gens sont heureux, le vilain ogre est puni, la belle fée triomphe, le roi idiot est au comble du bonheur ; on rit, on s’amuse, la soirée s’écoule agréablement. Mme Cabel chante dix mille fois mieux qu’à l’ordinaire ; de charmans morceaux de musique se succèdent ; on applaudit, et l’habile compositeur belge qui venait de réussir il y a un mois à l’Opéra-Comique obtient au Théâtre-Lyrique un second succès. Nouvelle preuve que les étrangers sont prophètes chez nous. Les principales qualités du talent de M. Grisar sont, à mon avis, la grâce, la clarté, une élégante sobriété de style et une grande connaissance des conventions théâtrales. Ses mélodies sont fraîches et souriantes, son harmonie est… harmonieuse (ce pléonasme n’en est plus un si l’on songe aux horreurs harmoniques dont quelques musiciens nous gratifient maintenant), et son orchestration en général est exempte de brutalités. C’est donc un talent essentiellement aimable, et l’on ne doit pas s’étonner qu’il réussisse si vite et si bien.

    La nouvelle partition n’a pas d’ouverture. En général, les compositeurs se dispensent volontiers d’écrire pour leurs opéras cette préface instrumentale si difficile à bien faire, dans le style léger comme dans le genre sérieux. Tel maître a produit un grand nombre d’opéras célèbres, qui n’a jamais pu composer une ouverture digne de fixer l’attention des connaisseurs. Après un joli chœur de paysans vient un cantabile charmant chanté par le ténor :

Oh ! pauvre chatte, et si douce et si tendre !

que reprend ensuite le chœur ; un air fort difficile, destiné à faire briller l’agilité de vocalisation de Mme Cabel ; un duo entre Mme Cabel et Monjauze ; des couplets d’un bon caractère chantés par Mlle Moreau ; un trio fort bien conçu, dont le thème épisodique a beaucoup de charme, et un final.

    Le chœur de moissonneurs qui ouvre le second acte a été redemandé ; on aurait pu faire le même honneur à la chanson :

Quand le roi dans ce village
Passait un jour.

    J’aime moins l’air empanaché suivant. Mais les couplets que Mme Cabel dit ensuite, et qu’on a encore redemandés, sont d’un tour mélodique excellent ; c’est simple, clair, comme doit être une chanson destinée évidemment par l’auteur aux avantages, sinon aux honneurs de la popularité ; et cela ne manque pas de distinction. Il ne faut pas confondre ce morceau avec les affreux ponts-neufs qu’on nomme aujourd’hui des fraises et qui constituent le répertoire favori des gamins du boulevard.

    Le troisième acte contient un chœur fort agréable, chanté avec accompagnement de tambourin derrière la scène, une jolie romance, un chœur de paysans du meilleur sentiment dramatique et un duo entre les deux personnages secondaires, Lesage et Mlle Moreau, qui, à mon sens, est l’une des meilleures pièces de la partition. La coupe en est heureuse, l’exposition fuguée présente le thème de la façon la plus simple et la plus avantageuse, et les développemens qui lui succèdent révèlent un art exquis. Ce duo n’a pas obtenu le quart des applaudissemens qui lui sont dus. Il faut dire à ce sujet aux claqueurs qu’ils sont des imbéciles ; ils ont cru que le duo en question ne pouvait pas se faire (telle est l’expression usitée dans l’argot de la claque pour dire qu’un morceau doit être très peu applaudi), et ils ont craint d’indisposer le public. Le public, au contraire, qui n’applaudit jamais, on le sait, a paru étonné et mécontent que les applaudisseurs de profession ne fissent pas mieux leur devoir et n’eussent pas plus de connaissances musicales. « Car enfin, disait un de mes voisins, ils sont là pour désigner les morceaux de style à l’attention de l’auditoire ; on les paie pour s’y connaître, et s’ils demeurent aussi ignorans que les premiers venus, ils volent l’argent des auteurs et des acteurs. » Je suis tout à fait de l’avis de mon voisin, et je blâmerais comme lui très énergiquement le chef de claque du Théâtre-Lyrique, si je ne savais que le temps a manqué à cet habile directeur pour faire les répétitions nécessaires. Quand un ouvrage est aussi riche que celui-ci en morceaux à succès, sa direction devient chose fort compliquée et fort difficile. Il faut du temps et beaucoup de sagacité pour déterminer convenablement la marche et l’intensité de l’action du parterre et dispenser avec goût et prudence les applaudissemens. Tel morceau d’un mérite rare doit quelquefois être sacrifié, pour ne pas nuire au triomphe du morceau suivant, recommandable et recommandé pour d’autres raisons. L’art du chef de claque, en pareille occasion, devient un art compliqué, mystérieux, profond. Il n’en est pas ainsi lorsqu’il s’agit d’un ouvrage détestable ; alors on applaudit tout avec enthousiasme, sans réserve ni nuances ; c’est simple comme bonjour.

    II me reste à citer, parmi les meilleures parties de l’œuvre, l’autre duo fort développé qui termine le dernier acte et qu’on a mieux applaudi.

    En somme, la claque s’est montrée médiocre, je dirai même faible, si le terme n’était pas si fort, mais il faut reconnaître que les auteurs ont paru gens d’esprit et de talent, et que leur ouvrage a obtenu un très véritable et très brillant succès.

    La mise en scène et les décors sont soignés, l’exécution est de beaucoup supérieure sous tous les rapports à ce qu’on attendait de l’ensemble musical du Théâtre-Lyrique. Les choristes eux-mêmes n’étaient plus reconnaissables à la première représentation. Il faut louer beaucoup la plupart des acteurs, Lesage et Mlle Moreau entre autres, et surtout Mme Cabel et Monjauze. Mme Cabel est une ravissante chatte, qui chante et ne miaule pas, et semble décidée à abandonner tout à fait l’école du petit chien dont elle fut pourtant naguère la fondatrice.

    L’école du petit chien est celle des chanteuses dont la voix, extraordinairement étendue dans le haut, leur permet de lancer à tout bout de chant des contre-mi et des contre-fa aigus, semblables, pour le caractère et le plaisir qu’ils font à l’auditeur, au cri d’un king’s-charles dont on écrase la patte. Mme Cabel, il faut le reconnaître, à l’époque où elle pratiquait ce système de chant, atteignait toujours son but. Quand elle visait un mi ou un fa, et même un sol suraigu, c’était bien un sol, un fa ou un mi qu’elle touchait ; mais on lui en savait peu de gré ; tandis que ses élèves ou imitatrices ne parvenant d’ordinaire qu’au dièse s’il s’agit du mi, ou au mi s’il s’agit du fa, excitent toujours ainsi des transports d’admiration frénétiques.

    Cette injustice et cette injustesse ont fini par dégoûter Mme Cabel de son école. C’était fait pour cela. Désormais elle se bornera à chanter tout bonnement comme une femme charmante qu’elle est ; la métamorphose sera complète.

Concerts.

    Les concerts sévissent, toutes les salles retentissent, tous les critiques gémissent, et certains amateurs les punissent, quand, par extraordinaire, il leur arrive d’émettre sincèrement une opinion qui n’est pas celle de ces amateurs. Les uns ne veulent pas qu’on loue les morts ; ils ont adopté pour devise cette phrase de Faust : Laissons le passé qui est passé ! Pour eux, goujat debout vaut mieux qu’empereur enterré. Ils s’indignent qu’on admire ce qui est beau quand on n’a pas d’intérêt à l’admirer. Ils écrivent des brochures qu’ils nous envoient à domicile, et dans lesquelles tantôt ils nous appellent plus ou moins renégats, tantôt ils reconnaissent que nous avons toujours été renégats, que nous sommes nés renégats, ou bien ils nous accusent d’être en contradiction avec nous-mêmes, puisque nous n’imitons pas ce que nous admirons.

    Les autres entrent en fureur si l’on se permet de signaler des taches, si noires qu’elles soient, dans les œuvres de ces mêmes morts ; œuvres, à leur avis, de tout point admirables, sublimes, inattaquables, et qu’il faut adorer la face contre terre. Ils nient le présent et l’avenir. A les en croire, goujat enterré vaut mieux qu’empereur debout. Ils feraient, s’il leur était possible, couper la tête à tous les maîtres vivans pour les punir de ne pas marcher à reculons. Ils écrivent aux critiques des lettres anonymes, où ils leur disent toutes sortes de vilaines choses, et leur prouvent clair comme le jour que la critique a tort d’avoir raison.

    Nous avons aussi de petites églises, de petits consistoires, des chapelles, des temples, des pagodes pour toutes sortes de petites religions qui s’entr’abominent avec une ferveur exemplaire. Ces religions ont leurs prédicateurs, leurs missionnaires, dont l’injure est le principal argument. Ceux-ci n’aiment en musique que les puérilités plates et niaises ; « do do ! l’enfant do ! » est pour eux le type de la belle mélodie ; l’unisson et l’octave forment l’harmonie la plus suave à leur oreille ; l’orchestration d’un opéra les révolte et devient un bruit confus aussitôt qu’elle dépasse en sonorité et en variété rhythmique un accompagnement de guitare. C’est une école primaire. — Ceux-là, au contraire, aiment les agglomérations de notes discordantes, les amoncèlemens de rhythmes divers, les beuglemens des instrumens-veaux, les modulations atroces, les successions grimaçantes qu’ils appellent mélodies, les cris rauques et affreux qu’ils nomment accens. Ce qui révolte le sens musical de tout le monde les ravit. Ils ne tiennent pas à ce qu’on chante juste, il leur est presque égal d’entendre un orchestre discordant ; je crois même qu’ils le préfèrent à tout autre, et que pour eux une nouvelle industrie va naître, celle des désaccordeurs de pianos. A cette école avancée on pourrait donner le nom d’école hystérique, ses adeptes aimant par-dessus tout ce qui est difforme, laid, désordonné, agaçant, comme les jeunes filles d’un certain âge aiment à manger du charbon, des fruits verts, de l’alun, de la terre, des bouts de chandelle. C’est au milieu de tout ce monde grouillant et blasphémant de l’anti-musique que doivent à cette heure cheminer, avec plus ou moins de sérénité, les musiciens et les critiques qui s’obstinent à tenir compte des exigences de l’oreille, des instincts du cœur et des indications du bon sens, et qui, pour louer ou blâmer une œuvre musicale, ne s’informent pas si l’auteur de cette œuvre est mort ou vivant, Italien, Allemand ou Français, de l’école primaire ou de l’école hystérique.

Parbleu, me direz-vous, est bien fou du cerveau
Qui prétend contenter tout le monde et son père.

    Certes, vous avez raison. Continuons.

    M. Auguste Dupont a donné dans le salon de M. Erard un deuxième concert non moins remarquable que celui dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs. Seulement celui-ci était sans orchestre et en conséquence consacré exclusivement à la musique de chambre. On y a entendu entre autres choses un fort beau quatuor, admirablement exécuté par MM. Armingaud, Lalo, Mas et Jacquard, des variations en style sévère d’un grand effet et pleines d’originalité qui ont fourni en outre à l’auteur l’occasion de faire briller son rare talent de virtuose, un autre morceau pour piano seul, intitulé : Rêverie près d’un berceau, et le fameux staccato perpétuel. La Rêverie est une des choses les plus touchantes que nous ayons entendues ; c’est doux et tendre, essentiellement mélodieux ; c’est bien le chant d’une jeune mère, qui chante auprès du berceau de son enfant et sourit en le contemplant d’un sourire baigné de larmes. Ce morceau délicieux a été redemandé. Je reprocherai à M. Dupont d’avoir accolé à ses splendides variations l’épithète de sévères. Ce mot est aujourd’hui pris en mauvaise part, à moins qu’on ne l’applique au goût qui a dirigé l’auteur dans sa composition. Oui, il faut avoir le goût sévère ; mais, en ce cas, la Rêverie auprès du berceau a tout autant de droits à une telle désignation, car rien de plus irréprochable que le style de cette berceuse, et le goût le plus sévère a certes guidé le compositeur qui l’écrivit. Ce mot, adopté dans le vocabulaire scolastique, fut tant de fois employé et presque exclusivement pendant [de] longues années pour caractériser des œuvres détestables, sans idées, sans charme quelconque, glaciales, ennuyeuses et prétentieuses au suprême degré, qui semblent avoir horreur de l’expression, de la grâce, de l’harmonie tranquille, de tous les élémens de l’émotion musicale, qu’on a dû en venir nécessairement à redouter toute œuvre musicale qualifiée de sévère. Style sévère signifie ainsi maintenant style insupportable, assommant, style cruel.

    Le concert de Mme Oscar Comettant a offert un autre genre d’intérêt. Le programme en était riche et varié. On y a entendu le charmant trio en si bémol (non pas le grand) de Beethoven, très bien exécuté par Mlle Joséphine Martin, MM. Alard et Séligmann ; deux airs chantés par Levasseur, qu’on n’a pas souvent la bonne fortune d’entendre aujourd’hui ; un duo concertant pour deux pianos, bien composé par les frères Herz et non moins bien exécuté par Mlle Martin et Henri Herz ; et plusieurs morceaux de chant. Mme Comettant a montré un vrai talent. Sa voix est fraîche et sympathique, sa méthode excellente, et aucune des miévreries si chères à beaucoup de cantatrices ne dépare son style. Elle émet le son d’une manière facile et nette ; sa voix bien posée ne manque ni d’agilité ni de justesse. Mme Comettant, entourée des nombreux virtuoses et des maîtres qui prenaient part à son concert, et à côté du savant chanteur italien Delle Sedie, a obtenu un légitime et brillant succès.

    A la soirée donnée par M. Baulieu dans la salle Herz, on a exécuté avec des chances inégales des fragmens d’œuvres anciennes ou tout au moins peu connues du public parisien. Les chœurs composés par Méhul pour la tragédie de Timoléon, de Joseph Chénier, ont paru assez ternes et n’ont produit que peu d’effet. J’en dirai autant, n’en déplaise aux fanatiques de Mozart, de la marche triomphale et du chœur d’Idoménée. En revanche, le grand air d’Electre, emprunté à cette même partition d’Idoménée, et chanté par Mme Viardot avec sa maestria accoutumée et un élan dramatique entraînant, a excité l’enthousiasme de tout l’auditoire. Mme Viardot a sagement fait, ce me semble, de substituer cette noble page de Mozart à l’air d’Artaxerce, de Hasse, qu’annonçait le programme, et qui est bien l’une des plus sottes choses que je connaisse. Mais le morceau capital de cette soirée, celui sur lequel se portait tout naturellement un grand intérêt de curiosité, était le chœur du premier acte d’Alcidor, grand opéra de Spontini, représenté à Berlin en 1825, et dont on n’a jamais entendu le moindre fragment à Paris. Son effet a été très grand ; le chœur et l’orchestre l’ont en outre exécuté sous la direction de M. Deloffre avec une verve et une précision dignes des plus grands éloges. Quelle puissance, quelle sonorité, quel coloris éclatant ! C’est bien là un chant de gnomes forgeant des armes dans leur palais souterrain ; on reconnaît le bruit cadencé des marteaux sur les enclumes monstrueuses, accompagnant les voix des robustes ouvriers. L’orchestre semble lancer des étincelles, souffler feux et flammes ; l’instrumentation si puissante du final de la Vestale et des grandes scènes de Fernand Cortez est là dépassée de beaucoup.

    La soirée donnée le 22 mars par M. et Mme Desmarest a fourni à un grand nombre d’amateurs l’occasion d’apprécier de nouveau le beau talent de ces deux virtuoses, dont l’un est premier violoncelle à l’Opéra, et l’autre, pianiste de la bonne école, s’est livrée avec un grand succès à l’enseignement. Ils ont été applaudis l’un et l’autre dans le grand septuor de Hummel, dans un duo de Weber pour piano et violoncelle, et chacun isolément ensuite dans la grande polonaise de Weber et dans plusieurs morceaux de chant arrangés pour le violoncelle, dont M. Desmarest, par la belle simplicité et l’expression de son jeu, a su faire on ne peut mieux valoir la mélodie.

    Je n’ai rien dit encore de la célèbre pianiste, Mme Clara Schumann, dont le concert a fait tant de sensation. Un des mille accidens de la vie parisienne m’a empêché d’assister à cette séance musicale ; je sais seulement que la réputation qui précédait la grande virtuose a été plus que justifiée, et qu’elle a exécuté plusieurs compositions d’un style très élevé, dues à la plume de son mari, Robert Schumann, compositeur fécond et original, trop tôt enlevé à l’art et trop peu connu en France. Dans cette soirée, M. Lindau, qui comprend si bien la musique de Schumann, a chanté d’une belle manière plusieurs lieder de ce maître, que l’auditoire a redemandés.

    La société de quatuors de MM. Armingaud, Jacquard, Lalo et Mas, fournit une carrière de plus en plus brillante, Mme Massart et M. Lubeck aidant. A la dernière séance, les quatre concertans se sont surpassés dans l’adagio et le final du douzième quatuor de Beethoven et Mme Massart a obtenu un véritable triomphe par son exécution magistrale d’une sonate de Haydn. Voilà bien des concerts, et pourtant laissez-moi vous en annoncer encore un qui aura lieu chez Erard le 10 avril ; c’est celui de Vivier. L’habile corniste (qui chante aussi pour ses amis avec un art délicieux de petites compositions vocales du plus suave coloris), l’habile corniste (il ne veut pas qu’on dise qu’il compose ni qu’il chante si bien ses compositions), l’habile corniste (qui a fait rire la moitié de l’Europe par ses charges incomparables et ses bouffonnes mystifications), l’habile corniste (il ne veut pas qu’on parle de son esprit, de ses incroyables excentricités, de son humour), l’habile corniste a pris cette fois un parti radical : loin d’imiter les virtuoses qui donnent des concerts et paient leur public, il s’est décidé à vendre le sien, à un prix, dit-on, très élevé. On n’entrera pas ce soir-là chez Erard sans être muni d’un billet qui aura coûté dix ou quinze francs. Et vous verrez qu’il y aura foule. Se faire payer par les auditeurs ! Quel original !

HECTOR BERLIOZ.

Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; page Hector Berlioz: Feuilletons créée le 1er mars 2009; cette page ajoutée le 1er juin 2009.

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