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Hector Berlioz: Feuilletons

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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 19 FÉVRIER 1861 [p. 1-2].

SÉANCE EXPÉRIMENTALE

De l’école Galin-Pâris-Chevé.

    Une invitation d’assister à cette séance m’ayant été envoyée de la part de M. le comte de Morny, protecteur de l’école nouvelle, je me rendis il y a quelques jours dans la salle du lycée Louis-le-Grand, où les expériences devaient avoir lieu. Je me demandais en y entrant quel intérêt ma présence pouvait avoir pour l’habile professeur qui, en d’autres semblables occasions déjà, a paru la désirer. Je n’allais avoir à constater que ce qui fut constaté par tant d’autres avant moi, c’est-à-dire que M. Chevé a formé un grand nombre de choristes bons lecteurs, capables de lire des morceaux de musique chorale à première vue, de les écrire sous la dictée, et de résoudre même quelques autres propositions musicales assez difficiles. Personne ne songera, je pense, à nier le fait ; et s’il peut être agréable au professeur que je le constate de nouveau, je le ferai très volontiers. Oui, plusieurs centaines de jeunes hommes et de jeunes femmes, réunis ce jour-là au lycée Louis-le-Grand, ont exécuté sans hésitation divers fragmens de musique traduits en chiffres, selon la méthode Galin-Pâris-Chevé, et composés séance tenante par M. Gevaert, par M. Elwart et par moi. L’un de ces morceaux, celui de M. Elwart, était même hérissé, à dessein, d’intonations étranges qui eussent embarrassé des musiciens de profession. La plupart des élèves l’ont déchiffré néanmoins. Je dis la plupart, parce qu’il était aisé de s’apercevoir qu’en certains endroits quelques uns des élèves, les moins avancés, s’abstenaient d’aborder l’intonation dangereuse. Le fragment que j’ai proposé et contenant une modulation enharmonique (d’ut majeur en si majeur) a été bien lu également. La petite fugue donnée par M. Gevaert a valu aux élèves de grands applaudissemens, et enfin le dernier morceau que je leur ai proposé, fragment écrit en canon à l’octave en imitations serrées, a clos la séance d’une façon très brillante pour eux ; ils l’ont rendu avec ensemble, justesse et aplomb. C’est la vérité. Mais un grand nombre d’orphéonistes, un grand nombre même d’enfans de chœur disséminés dans les diverses maîtrises de Paris en feraient autant. — La question principale, d’ailleurs, celle qui préoccupe le plus M. Chevé et les partisans de son système, n’était pas résolue par cette expérience.

    M. Chevé ne pouvait démontrer ainsi ni la supériorité de l’écriture en chiffres sur la notation musicale usuelle pour la logique des faits et pour la rapidité de l’enseignement, ni la possibilité de son application à la musique instrumentale, ni celle de mettre les choristes lecteurs de chiffres en communication avec le monde musical, ni prouver que l’on puisse jamais substituer dans le monde entier le chiffre à la notation sur la portée, ni enfin donner une justification suffisante des désastres immenses qui résulteraient de cette substitution pour l’art musical, si elle était possible.

    La comparaison et l’étude approfondie des deux écritures ont été faites avec le plus grand soin par notre savant confrère M. Halévy ; je ne puis que renvoyer les lecteurs désireux de s’instruire là-dessus à son livre, écrit avec une clarté remarquable, et dont j’adopte, ainsi que mes confrères de l’Institut, toutes les conclusions.

    La question de savoir si l’écriture en chiffres, quelle qu’elle soit, abrége de beaucoup les études nécessaires pour apprendre à lire la musique chorale ne pouvait être seulement effleurée par l’expérience dont je parle, puisque personne dans l’auditoire ne pouvait savoir combien de temps les élèves présens avaient reçu les leçons de M. Chevé. On devait se dire en effet : Sont-ce des élèves de six mois, de deux ans ou de dix ans ? Cette question ne pourrait être résolue que si M. Chevé, prenant au hasard, par exemple, cent élèves complétement ignorans des premiers principes de la musique, et un autre professeur aussi habile, aussi ardent et infatigable que lui, en prenant cent autres, les premiers étant exercés à la lecture des chiffres, les seconds à celle de la notation usuelle, les uns et les autres recevant par jour un nombre égal d’heures de leçons, on comparait au bout d’un certain temps le résultat des deux enseignemens.

    Je suppose, ainsi que l’assurent les partisans du système de M. Chevé, que les lecteurs de chiffres parviennent à lire la musique chorale à première vue au bout de trois mois, et les lecteurs de notes sur la portée au bout de six mois seulement (je ne le crois pas, mais je le suppose) ; la supériorité de l’écriture musicale en chiffres semblera ainsi démontrée. Qu’en résultera-t-il ? Le voici. Les lecteurs de chiffres, élèves de trois mois, auront de la facilité à lire des chœurs simples écrits pour eux en signes spéciaux trois mois avant que les lecteurs de notes aient pu acquérir celle de lire ces mêmes chœurs écrits avec les signes adoptés non pas en France, en Allemagne, en Angleterre seulement, mais partout où ce que nous appelons la musique a pénétré.

    L’écriture musicale sur la portée, ne l’oublions pas, est la seule écriture universelle existant sur la terre.

    Les lecteurs de chiffres seront alors arrivés les premiers… dans une impasse, et ils resteront dans leur petit cénacle sans communications possibles avec le monde musical, pendant que les lecteurs de notes, arrivés les seconds, pourront dans n’importe quel coin du monde où les hasards de la vie les auront conduits, prendre part à toutes les exécutions musicales, chanter les œuvres des maîtres non seulement avec des musiciens français à Paris, mais avec des Allemands à Berlin et à Vienne, avec des Italiens à Naples et à Milan, avec des Espagnols à Madrid, avec des Anglais à Londres, avec des colons de l’Australie, des Amériques, des Indes-Orientales et de la Polynésie. Ils pourront, ces choristes, entrer, si cela leur convient, dans les chœurs d’un théâtre lyrique, faire partie de ceux d’une église, où des moyens d’existence leur seront offerts, ils pourront se livrer à l’étude d’un ou de plusieurs instrumens, devenir musiciens de régiment, membres d’un orchestre, virtuoses, et collaborer ainsi à la grande œuvre musicale du monde civilisé.

    Tous avantages interdits aux lecteurs de chiffres, qui ne pourront, je le répète, sortir du cercle étroit où l’usage d’une écriture nouvelle devra forcément les tenir enfermés.

    Si un maître d’école découvrait un jour qu’il lui est beaucoup plus facile d’apprendre à lire aux enfans avec les caractères russes qu’avec les lettres latines adoptées partout en Europe, excepté en Russie ; s’il prouvait d’une façon péremptoire que pour former de jeunes lecteurs français par ce procédé, il lui faut trois mois de moins que par l’autre, faudrait-il donc approuver et louer sa découverte ? Se figure-t-on des Français ne sachant lire le français que dans des livres écrits en caractères russes ? un Parisien perdu dans Paris obligé de demander son chemin parce qu’il ne sait pas lire sur la maison le nom des rues ?

    Ici certains partisans du système de l’écriture en chiffres ont prévu l’objection. « La musique chiffrée, disent-ils, est surtout utile pour dégrossir l’éducation des élèves, pour leur faire comprendre les principes de l’art, les habituer à distinguer plus rapidement la nature des divers intervalles. Elle ne sert que de préparation à l’étude de la musique notée, dont la connaissance, nous l’avouons, est indispensable. »

    En ce cas, c’est donc deux études pour une que vos élèves seront obligés de faire. Ils auront mis trois mois à apprendre la lecture des chiffres, il leur en faudra six pour celle des notes ; total, neuf mois, au lieu de six, qu’ils eussent employés à apprendre les notes tout d’abord ; ou au moins huit mois, si l’on veut admettre que l’étude préliminaire des chiffres a pu hâter leurs progrès dans celle des notes. Ce sera donc toujours au moins deux mois de perdus.

    Le nombre des personnes qui reconnaissent la nécessité d’apprendre en second lieu la lecture musicale des signes universellement admis est néanmoins très restreint, et les chefs de l’école Galin-Pâris-Chevé paraissent fort peu disposés à l’avouer.

    M. le comte de Morny, pendant la séance à laquelle j’ai assisté dernièrement, m’ayant assuré que les élèves présens savaient lire aussi bien la note que le chiffre et voulant m’en fournir la preuve, demanda que l’un des morceaux que je venais d’écrire fût présenté aux élèves en notes sur la portée. Ce à quoi M. Pâris répliqua vivement devant moi : « Pas de portée, monsieur le comte, nous avons déclaré la guerre à la portée, nous n’en voulons pas. » Et la preuve désirée par M. de Morny n’a pu m’être offerte. Cependant M. Chevé, l’instant d’après, ayant placé sur le tableau des portées contenant quelques notes semées au hasard sur toutes les clefs et sans connexion musicale entre elles, les élèves ont lu sans faute ces quelques notes. Ceci prouverait que M. Chevé ne partage pas complètement l’aversion de son collègue pour l’écriture musicale universelle, et qu’il la leur a réellement enseignée, bien qu’ils ne s’en servent pas. Néanmoins l’hostilité de M. Pâris et la tolérance même de M. Chevé, à l’endroit de l’écriture musicale universelle, ne peuvent guère laisser de doute sur les intentions de la nouvelle école à ce sujet. Les chefs de cette école ont évidemment le modeste espoir de détruire la notation musicale admise dans le monde entier et de lui substituer l’écriture chiffrée de leur petite institution de Paris. Ils oublient que M. Marle tenta, il y a vingt-cinq ou trente ans, de changer l’orthographe française ; qu’il était cent fois plus facile pour lui d’opérer cette révolution qu’il ne l’est pour les propagateurs du chiffre d’accomplir la leur, puisqu’il n’avait contre lui que les lettrés de France, et qu’ils ont contre eux tous les musiciens du monde. Il donnait pour sa réforme des raisons beaucoup plus spécieuses que celles dont on fait grand bruit dans la question qui nous occupe, et pourtant il ne réussit pas ; et sa tentative avorta complétement.

    Eh bien ! j’admets que les partisans de l’écriture musicale en chiffres atteignent leur but, et l’atteignent promptement. On ne lit plus la musique sur la portée nulle part ; le chiffre triomphe au théâtre, à l’église, dans l’armée, dans les salons, partout ; il est [le] seul adopté pour la musique instrumentale même la plus compliquée. Les lecteurs de chiffres ne savent plus et ne veulent plus savoir lire l’ancienne notation. Voilà donc la musique des maîtres de toutes les écoles, compositeurs et théoriciens, tout ce que l’art a produit d’intéressant et de beau, supprimé par ce seul fait et enlevé pour jamais à la connaissance et à l’admiration des hommes. Beethoven, Bach, Mozart, Haydn, Gluck, Handel, Weber, Grétry, tous les musiciens de génie et de science, sont, pour le plus grand honneur du chiffre, comme s’ils n’avaient jamais existé. Un pareil résultat n’est-il pas une catastrophe, et le désirer seulement n’est-ce pas une effroyable impiété ?….

    « Non, direz-vous, nous ne rêvons pas de monstruosités pareilles, nous ne songeons point à rompre ainsi avec le présent et le passé. La révolution une fois accomplie, on traduira en chiffres tout ce que l’esprit humain a produit en musique jusqu’à cette heure, il n’y aura rien de perdu. » Très bien ; alors vous croyez que les peuples civilisés consentiront tous à la fois à faire regraver, réimprimer, recopier dans les nouveaux signes l’immense quantité de livres, de partitions, de manuscrits musicaux accumulés depuis des siècles dans les bibliothèques, et à dépenser pour cette traduction un nombre inconnu de milliers de millions ?…

    De telles folies ne se discutent pas. Je serais désolé que ces observations fissent de la peine à un artiste ardent et convaincu tel que M. Chevé ; mais plusieurs de ses amis m’attribuant des opinions qui ne sont pas les miennes et m’ayant en quelque sorte sommé dernièrement de m’expliquer, j’ai cru devoir le faire. Ceci dit, je rentre dans le silence que j’ai gardé jusqu’ici sur cette question, et l’on me permettra, je l’espère, de n’en plus sortir.

Théâtre-Lyrique.

Première représentation de Mme Grégoire, opéra en trois actes, de MM. Boisseaux et Scribe, musique de M. Clapisson.

    Le Théâtre-Lyrique déploie depuis quelque temps une activité rare ; les opéras nouveaux ne moisissent pas dans ses cartons. Après les Pêcheurs de Catane, la Madone (un acte de M. Lacombe, dans lequel le compositeur a fait preuve d’un talent plus sérieux que le genre de la pièce ne l’exigeait), Astaroth, un autre acte de MM. Boisseaux et Debillemont, qui a obtenu un joli succès. On s’est assez généralement accordé à trouver la pièce bien conduite, mais reposant sur une donnée trop connue, et la musique d’une gracieuse facilité, et tout à fait exempte des excès bruyans que dans le moindre petit opéra les musiciens aujourd’hui se croient obligés de commettre.

    L’opéra intitulé Mme Grégoire est, malgré son titre qui semble indiquer une bouffonnerie, une œuvre importante et traitée avec le plus grand soin par les auteurs. La trame de la pièce est si compliquée, MM. Scribe et Boisseaux en ont mêlé et démêlé les fils avec tant de verve, que le malheureux critique, attentif à suivre leurs entrecroisemens, est à chaque instant dérouté, quoi qu’il fasse, et ne peut manquer de s’y égarer. Comment me reconnaître dans cette pièce alerte, vive, sémillante, joyeuse, où l’on trompe, où l’on est trompé sans le savoir, en le sachant ; où l’on compte je ne sais combien de portes, de fausses portes, de clefs, de murailles infranchissables et pourtant franchies ; un lieutenant de police jaloux et infidèle, une lieutenante fidèle et non jalouse ; un oncle, un neveu, une jeune fille aimable et aimée ; une aubergiste ou cabaretière pimpante, cinquante-deux cavaliers ornés d’une rose jaune qui lui font la cour ; un Suisse aux trois quarts idiot et jaloux qui l’adore, et qui voit tout, entend tout, sans oser se plaindre ; un muet noir qu’on appelle Boule de neige, et Mme de Pompadour, et le roi Louis XV, dit le Bien-Aimé, qui n’aime plus Mme de Pompadour. Car le roi a vu je ne sais où Mme d’Assonvillers, femme sage du lieutenant de police ; il lui envoie une quantité de diamans par un M. de Vaudreuil, épris précisément de Mme d’Assonvillers. M. de Vaudreuil a pris sur lui de répondre au roi au nom de Mme d’Assonvillers par un refus ; il a eu la prudence de ne pas parler de l’offre à la belle lieutenante. Le roi est contrarié ; on le serait à moins. On n’est pas roi de France, ennuyé de Mme de Pompadour, amoureux d’une lieutenante de police, pour se voir éconduit, refusé comme un clerc de procureur. Alors Louis XV fait supplier la belle inhumaine de venir au moins au bal masqué de la cour et de lui accorder quelques minutes de conversation non criminelle. M. de Vaudreuil, toujours sans en prévenir Mme d’Assonvillers, promet au roi qu’elle viendra. La dame, en effet, se décide à se rendre à la prière du roi pour ne pas compromettre Vaudreuil. Elle va au bal avec Mme Grégoire, son amie, qui a su se procurer la clef de l’hôtel d’Assonvillers pour assurer leur rentrée vers le milieu de la nuit. Le bruit de la nouvelle fantaisie du roi s’est répandu, Mme de Pompadour en a été instruite. La favorite, furieuse, écrit au lieutenant de police pour l’informer de ce qu’il devrait savoir le premier et lui enjoindre de connaître promptement le nom de l’astre fatal qui se lève à l’horizon. Le lieutenant n’a pas de préjugés, il ne voit pas de nécessité à se dévouer au parti de la détrônée. Il cherche bien à découvrir le nom du nouvel objet, mais c’est pour s’atteler à son char. On lui montre Mme d’Assonvillers masquée : — « C’est elle ! » Et, là-dessus, notre homme de plaider la cause du roi auprès de sa femme, qu’il ne reconnaît pas ; de lui donner les raisons les plus fortes pour l’engager à céder à cette illustre tendresse. Pourtant il veut découvrir les gens qui ont chansonné la marquise de Pompadour pour se faire bien venir d’elle, au cas où la nouvelle aimée du roi aurait l’insolence et le mauvais goût de rester vertueuse. Il place des agens de police en embuscade dans le cabaret de Mme Grégoire, où les ennemis de la marquise doivent se réunir. Il les saisit tous, y compris Vaudreuil. On les conduit à la Bastille, excepté Vaudreuil, que M. d’Assonvillers fait enfermer dans un appartement où se trouve déjà Mme d’Assonvillers masquée. Ce pauvre mari fait pourtant bien tout ce qu’il peut pour… l’être ; et il ne l’est pas. Mme d’Assonvillers ne se rend pas plus à Vaudreuil qu’à Louis XV ; c’est une femme insupportable et incorrigible. Et puis il y a une nièce de la lieutenante, la jeune Lucette, qui aime le neveu du lieutenant, et ces jeunes gens finissent par se marier, et le lieutenant fait la cour à Mme Grégoire, qui joue aussi à la vertu comme son amie Mme d’Assonvillers. Peut-être épouse-t-elle à la fin son gros Suisse, je n’ai pas pu le savoir. Mais que vous importe ? Il suffit que vous n’ayez rien compris au récit que je viens de faire, afin que vous jouissiez, en voyant la pièce, qui est très gaie, je le répète, et très amusante, du plaisir de la surprise.

    La partition de M. Clapisson m’a semblé l’une des mieux écrites qui soient sorties de sa plume : tout y est soigné. L’ouverture est très habilement faite. Elle contient une belle introduction en style de marche, plusieurs effets d’instrumens à vent très piquans. La mélodie du milieu de l’allegro est heureuse et ramenée par un crescendo original. L’air de Mme d’Assonvillers : « Il sait tout » est brillant et d’une intention dramatique excellente.

    Le trio suivant débute par un thème charmant proposé par les instrumens à vent ; il devient ensuite un quatuor développé avec une science magistrale. On a beaucoup applaudi les couplets de Riquier (Vaudreuil), le duo « Bannis toute crainte », et le grand sextuor « Bonsoir, bonsoir, au revoir ! » qui termine cet acte.

    Au deuxième acte, un chœur très gai est précédé de la chanson :

Mon cousin Grégoire,

qui m’a paru rappeler trop fidèlemeut l’air du Devin de Village :

Si des galans de la ville.

    Le duo entre M. d’Assonvillers et Mme Grégoire et le trio qui lui succède sont des morceaux tissus d’un bout à l’autre par une main aussi savante que légère.

    Je ne suis pas très épris de la chanson du Suisse en style tyrolien, avec les sons de tête de rigueur ; ces sons de fausset ainsi présentés me causent une douleur violente, je ne puis les entendre. Le public, qui n’a pas la même disposition malheureuse contre le style tyrolien, a applaudi avec transports et redemandé la chanson.

    Le troisième acte contient un joli chœur de masques, un grand air de caractère, où Mme Grégoire imite les poissards et poissardes descendant de la Courtille, qui a obtenu un brillant succès, un quatuor et un élégant trio entre le Suisse, le lieutenant de police et Mme Grégoire. Tout cela est plein de feu, d’entrain, instrumenté richement, et d’un très fin sentiment dramatique. L’exécution, d’ailleurs, fait honneur au Théâtre-Lyrique ; Mlle Moreau s’est montrée plus que jamais à son avantage dans le rôle de Mme d’Assonvillers, j’en dirai autant de Mlle Roziès (Mme Grégoire), de Wartel qui joue avec beaucoup de talent et sans charge le rôle du lieutenant de police ; Lesage, Fromant et Riquier sont également bien placés dans ceux du Suisse, du neveu et de l’amant. En somme, succès, qui sera, nous l’espérons, fructueux pour le Théâtre-Lyrique.

H. BERLIOZ.

Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; page Hector Berlioz: Feuilletons créée le 1er mars 2009; cette page ajoutée le 10 juillet 2009.

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