FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS
DU 24 JANVIER 1847 [p. 1-2]
THÉATRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.
Première représentation de Ne touchez pas à la Reine, opéra en trois actes de MM. Scribe et Vaës [Vaëz], musique de M. Boisselot.
Il y a près de trois ans, dit-on, que cet opéra a été mis pour la première fois en répétition. Cela donne une idée des vicissitudes qui sont venues, à huit ou dix reprises différentes, en entraver la mise en scène.
Heureusement M. Boisselot, bien que né à Marseille, est d’un caractère calme, d’une patience inaltérable ; tout autre que lui, doué d’une résignation moins obstinée, eût détruit sa partition et voué l’Opéra-Comique aux dieux infernaux. Il a bien fait cependant de ne pas se dépiter et de louvoyer ainsi avec courage contre le vent ; car, après je ne sais combien de maladies de cantatrices, de rhumes de cerveau de chanteurs, de changemens de dispositions dans les travaux du théâtre, il a fini par arriver, et, qui mieux est, par réussir. Il avait, à la vérité, pour lui le directeur, qui, persuadé du mérite de l’œuvre, a constamment fait les plus louables efforts pour en hâter la représentation. Jugez des difficultés s’il en eût été autrement ; M. Boisselot, en ce cas, n’avait qu’à s’embarquer sur quelque navire au long cours, et faire quatre ou cinq fois le tour du monde pour tuer le temps ; puis à son retour, en 1854, il serait peut-être parvenu à voir reprendre une onzième et avant-dernière fois les études au piano de son opéra. Alors encore, en comptant ses interprètes, il eût dit sans doute comme Georges dans la Dame Blanche :
Mais j’avais une amoureuse !... où donc est-elle ?
.... Je comprends, je comprends... Ah ! le bel état, etc.
Nous avons beaucoup de nos anciens camarades qui n’ont pas eu cette patience. L’un s’est fait marchand de vins (en gros), l’autre entrepreneur de roulage, un autre est entré dans les Ordres et ne chante plus que le plain-chant. J’en rencontre un dernièrement qui fait partie de la marine américaine. Il avait pourtant, comme tout le monde, obtenu le grand prix de l’Institut, il était allé à Rome, il y avait oublié la musique pendant deux ans ; comme quelques uns des lauréats, il s’était senti repris de la fièvre musicale en revenant à Paris ; comme la plupart d’entre eux, il avait sollicité pendant deux petites années la faveur d’écrire un opéra-comique en un acte (sans chœurs). Fatigué de ne pouvoir gravir cette taupinière de l’art, il se décida un beau jour à partir pour l’Amérique, où le bonheur voulut qu’une carrière honorable s’ouvrit pour lui. Après douze ans d’absence, le désir de savoir ce qu’on manipule à cette heure dans notre vieux continent l’a fait repasser l’Atlantique. On ne se figure pas son étonnement en voyant toutes ces mesquines agitations qui lui sont devenues étrangères, et de quel mépris il accable nos institutions musicales, qu’il s’attendait, je ne sais pourquoi, à retrouver, non seulement raisonnables, mais splendides et marchant majestueusement dans la voie du progrès. L’habitude de voir les grands fleuves, les grands lacs, les forêts immenses, les savanes interminables, les hautes montagnes de l’Amérique, la fréquentation de ces audacieux industriels, qui se décident à entreprendre des lignes de huit cents lieues de chemins de fer en moins de temps qu’on n’en met à Paris pour recevoir et monter un vaudeville, lui font paraître tout ce qui se fait chez nous si petit, si mesquin, si grêle, si misérable, si peureux et si comique dans sa grotesque importance, qu’il se livre parfois à des accès d’hilarité qu’on peut trouver irrévérencieux, je l’avoue, mais tellement contagieux qu’il m’est arrivé plus d’une fois de les partager sans le moindre patriotisme. L’autre jour, après une de ces scènes qui font tant de bien de temps en temps, quand nous eûmes homériquement ri du drôlatique petit monde musical de Paris : « Laissons ces niaiseries, me dit-il ; que fais-tu dimanche ? — Dimanche ? je dois entendre le matin quelque gros album, quelque petit concert, et faire le soir quelque chose d’assez méritant, un feuilleton. — Allons donc, tu m’affliges. Veux-tu que je te désennuie ? allons à la chasse ! — Où cela ? — A Timor. J’ai reçu hier une lettre d’un capitaine américain de ma connaissance ; il va partir pour l’archipel indien, et il m’annonce que les Malais de Timor doivent faire, en septembre prochain, une grande guerre aux boas dont leur île est infestée. On va, à cette occasion, incendier une forêt vierge. Ce genre de chasse est superbe ; tu ne peux te faire une idée des prodiges de force et d’adresse qu’accomplissent en pareil cas ces grands diables de serpens de cinquante pieds de longueur, pour échapper à la flamme qui les poursuit ; sans compter les cris, les bonds furieux des tigres, des buffles, des éléphans dont cette grande illumination trouble singulièrement les rêveries. C’est l’exercice le plus amusant que je connaisse. Allons, décide-toi, ne crains pas le froid, nous ne doublerons pas le cap Horn, mon capitaine prend l’autre route, celle du cap de Bonne-Espérance ; il y doit relâcher, et nous boirons en passant un verre de vin de Constance au pied de la montagne de la Table où mûrit le fameux raisin. As-tu le mal de mer ? — En mer, jamais ; à Paris, très souvent. Et pourtant je refuse ta gracieuse invitation ; j’ai dimanche un feuilleton à faire. Tu sais, l’opéra de Boisselot, on vient de le jouer, et ce serait un mauvais procédé de ma part si j’allais chasser à Timor précisément ce jour-là. — Comment ? on vient de le jouer, déjà ? Il m’en parlait il n’y a pas douze ans, quand je partis pour l’Amérique. — Ah! c’est que malgré toutes les bouffonneries sur nos établissemens lyriques, il s’y est fait en douze ans quelques révolutions ; et l’Opéra-Comique marche ! là ! vraiment ! sans rire. Veux-tu que nous fassions ensemble pour ce théâtre un ouvrage en un demi-acte ? J’ai un joli petit livret bien bête qui fera passer notre musique ; tu écriras ton quart de partition demain ou après-demain, je ferai le mien un de ces jours, et en revenant de Timor, car il te faut bien deux ans pour cette escapade, tu nous trouveras en pleine répétition. — Merci, j’ai peu de temps et ne tiens pas à la gloire. » Mon philosophe cingle en ce moment pour le Nouveau-Monde, avec une chasse au feu en perspective, l’espoir de voir brûler vingt familles de constrictors, la chance de n’être pas dévoré par les tigres, d’échapper à la fièvre jaune, au choléra, au kriss des Malais, et libre de tout souci musical. Il est bien heureux ! Revenons à M. Boisselot. Il est heureux aussi d’avoir rencontré pour son début un drame intéressant qui, présenté d’abord sous la forme modeste d’un acte, s’est développé sous les heureuses mains de M. Scribe, et a fini par atteindre aux proportions des trois actes ordinairement interdits aux débutans. Cette faveur était d’autant plus précieuse pour lui que M. Boisselot a peu de spontanéité dans l’esprit, et qu’il a besoin de temps et d’espace pour donner carrière à sa pensée. La progression ascendante de l’intérêt musical, du commencement à la fin de sa partition m’en semble la preuve.
Le sujet de la pièce est emprunté à l’histoire d’Espagne. Une petite Reine mineure, un récent libertin, un argentier de la cour vieux et ridicule, sa jeune femme spirituelle et un peu coquette, un beau jeune seigneur de sang royal, brave, amoureux et dévoué ; tels sont les personnages que nous allons voir agir au milieu des embarras que leur suscite une des plus étranges lois de l’étiquette espagnole. Il est défendu de toucher une personne royale sous quelque prétexte que ce soit, et sous peine de mort. Un jour le feu ayant pris aux vêtemens d’une Reine, et un gentilhomme s’étant précipité sur elle pour éteindre les flammes qui déjà l’enveloppaient, le malheureux fut impitoyablement condamné à mort et exécuté. Un incident analogue se présente au début du drame qui nous occupe. La jeune Reine, emportée et désarçonnée par son cheval dans une chasse, a été sauvée par don Fernand ; en revenant à elle dans les bras de son sauveur, la Reine le quitte précipitamment en lui recommandant de ne parler à personne du service qu’il vient de lui rendre ; la moindre indiscrétion amènerait pour lui les plus grands malheurs. Don Fernand ne connaît pas sa souveraine, il ne comprend rien à sa recommandation. En cavalier modeste et soumis cependant, il garde le silence sur cette aventure, d’où il n’est résulté pour lui que les douleurs intimes d’un amour sans espoir que la belle inconnue lui a planté au cœur.
Voici venir Maximus, l’argentier de la cour, gros Benvenuto vulgaire chargé de ciseler la couronne destinée à l’époux que doit choisir la Reine au jour de sa majorité. Sa jeune femme, Estrella, veut quelque bien à don Fernand ; elle s’est mis en tête d’obtenir pour lui un brevet de capitaine, en usant pour cela de son influence sur le régent qui ne serait pas fâché, lui, de mener à mal la femme de l’argentier ; ce à quoi Maximus, qui veut parvenir, prête les mains innocemment. Pendant que les deux personnages discutent à ce sujet dans un tête-à-tête qu’ils se sont ménagé en éloignant Maximus, la Reine et sa suite passent pour se rendre au conseil. Don Fernand, qui attendait dans un appartement voisin le résultat de la conférence de sa protectrice avec le régent, se montre alors, aperçoit la Reine, la reconnaît, et s’élance en s’écriant : « C’est elle ! » Stupéfaction et colère des courtisans. La Reine, feignant de ne pas le reconnaître, se borne à dire d’un air froid : « Quel est cet homme ? Qu’on l’éloigne ! »
Au second acte, Maximus, à qui l’intérêt porté par sa femme à don Fernand a inspiré de vilains soupçons, s’avise de la suivre à un rendez-vous qu’elle a, dit-elle, reçu du régent pour une affaire importante et auquel elle doit se rendre seule. Le mari ne doute pas que sa moitié ne veuille voir en secret don Fernand et se cache pour écouter leur entretien. Bientôt le régent arrive, consent de grand cœur à éloigner le protégé d’Estrella en lui conférant le grade qu’elle sollicite pour lui, mais demande sa récompense en termes si peu ambigus que le malheureux Maximus ne peut s’y méprendre et s’écrie en se frappant le front: « O triple sot ! ô scélérate Maxima ! Maximâ meâ culpâ ! » Il en est quitte à bon marché pourtant : Estrella s’éloigne en laissant au régent la promesse d’un entretien plus intime et moins éclairé cette nuit même, et court annoncer sa nomination à don Fernand. La Reine paraît ; elle est soucieuse ; elle éprouve un véritable chagrin d’avoir été forcée de méconnaître le beau cavalier qui lui sauva la vie. Le régent veut lui parler des affaires d’Etat ; elle lui répond en lui demandant d’attacher à son service privé Estrella et Fernand, qu’elle doit protéger spécialement par des raisons à elle connues. Le régent s’incline, et insistant pour que S. M. s’occupe de plus graves affaires, sort pour aller prendre dans un pavillon voisin le portefeuille dont il a besoin. La Reine, restée seule dans le jardin, s’endort.
Don Fernand entre précisément alors pour remercier le régent de la faveur qu’il vient de lui accorder ; en apercevant la Reine endormie, il sent sa passion pour elle grandir et l’entraîner ; il s’approche et ose effleurer le front royal de ses lèvres. Le régent, qui revenait, l’aperçoit ; cris d’indignation, épouvante des gens de cour ; on arrête l’audacieux jeune homme, la loi est précise et rien ne peut le sauver. Le Roi seul a le droit de grâce dans une circonstance pareille ; or il n’y a pas de Roi puisque la Reine n’est pas encore mariée, et le régent a recommandé aux membres du conseil la plus inflexible sévérité. Un stratagème imaginé par la jeune Reine, de concert avec Estrella, vient placer M. le régent dans une position dangereuse autant que bizarre. La Reine sait par Estrella qu’elle a promis au régent un second rendez-vous. Elles y viennent toutes les deux. Les bougies sont éteintes ; le régent, en tâtonnant dans l’obscurité, saisit le bras de la Reine, croyant prendre celui d’Estrella qui lui parle en jouant la pudeur aux abois. Puis s’éloignant rapidement au moment où le régent aux pieds de la Reine lui baisait la main avec passion, Estrella revient avec un flambeau ; Maximus, les cheveux hérissés, accourt d’un autre côté, et le régent est surpris en flagrant délit de lèse-majesté ; il a encouru la même peine que don Fernand. Entrent alors les membres du conseil avec le premier coupable ; la sentence de Fernand est prononcée ; le régent essaie inutilement de parler en sa faveur : les juges, croyant entrer dans ses vues, restent inflexibles, quand la Reine, répétant le texte de la loi : « Le Roi seul a le droit de grâce, » prend la couronne, et la plaçant sur la tête de don Fernand, déclare qu’elle le choisit pour époux.
Les situations musicales, dans cette pièce, sont nombreuses, variées, et d’un genre plus élevé que celles de la plupart des opéras-comiques. M. Boisselot en a saisi plusieurs avec bonheur ; sa partition a été méditée et consciencieusement écrite. Le final du premier acte, par son mouvement solennel et presque triste, indique bien une cour espagnole dont la gravité et le respect pour la souveraine se manifestent même dans les chants de fête exécutés en son honneur. On a remarqué et vivement applaudi au second acte un charmant rondo en duo, d’une mélodie élégante et vive, qui contient seulement une réminiscence de la marche de premier acte de la Juive. L’air du régent est d’une belle forme ; celui de la Reine extrêmement brillant. Le final du second acte est largement dessiné ; je ne crois pas cependant que la situation soit de nature à justifier la progression un peu ambitieuse que le musicien lui a donnée : on se demande pourquoi interviennent ces roulemens de tambour ajoutés à la grosse caisse, qui, en outre, rappellent un peu le roulement intermittent du grand chœur des Huguenots.
L’air de don Fernand pendant le sommeil de la Reine gagnerait à être un peu moins développé. Le chœur des buveurs a de la gaîté. En général, l’intention expressive de la partie vocale est toujours bonne dans cet opéra ; l’auteur s’est efforcé d’être vrai avant tout ; cette tendance est trop rare à notre époque pour ne pas la louer chaleureusement. M. Boisselot a voulu en outre que les paroles fussent toujours entendues, et il a en conséquence réduit l’orchestre au rôle modeste d’accompagnateur. Mais ces accompagnemens eux-mêmes ne sont-ils pas un peu trop modestes ? Il y a bien des manières d’accompagner, bien des moyens d’employer les instrumens sans couvrir les voix, et je crois que, sous le rapport du rhythme comme sous celui du dessin instrumental et du choix des timbres, M. Boisselot aurait pu donner à son orchestre (tout en lui conservant la seconde place dans l’œuvre) plus de vie et de variété. Quoi qu’il en soit, la partition de cet opéra, secondée par l’intérêt qu’offre une pièce bien faite, a parfaitement réussi. L’exécution, d’ailleurs, en est bonne : Mlle Lemercier met beaucoup de gentillesse dans son rote d’Estrella ; Mlle Lavoye chante avec assurance et bonheur les passages brillans dont le sien est orné, mais elle saccade toujours la mélodie et le dialogue, comme aussi elle sautille en certains cas, au lieu de marcher, ce qui, pour une Reine d’Espagne, est assez peu convenable. Herman-Léon a un grand air qu’il chante avec une méthode parfaite et où il peut montrer toutes les qualités de sa belle voix ; il met en outre beaucoup d’élégance dans l’ensemble du rôle ; il chante et joue comme un grand d’Espagne. Audran est bien placé dans le personnage de don Fernand ; mais, contre son habitude, il force sa voix dans quelques endroits, de manière à faire paraître toute l’insuffisance et le mauvais timbre de ses notes de poitrine ; il y a même un morceau (son air auprès de la Reine endormie) où sa voix de poitrine, fût-elle excellente, ne devrait pas éclater avec autant de force qu’il en donne à la fin, la voix mixte, les sons de tête étant de rigueur dans une scène d’émotion contenue, où Fernand doit craindre avant tout de réveiller la Reine. Ricquier est excellent ; il fait rire jusqu’aux ouvreuses de loges.
Maintenant, parlons un peu des nouveautés vocales et instrumentales, des artistes étrangers qui nous sont arrivés, de ceux qui sont partis, de tout ce qui constitue le mouvement musical de Paris en dehors des théâtres.
Il va sans dire que les albums sont en nombre respectable : tout le monde publie le sien aujourd’hui, les hommes, les femmes, les enfans. De tous côtés on voit surgir ces redoutables petits cahiers reliés en velours, dorés sur tranche, ornés de rubans et parfumés. On me permettra de remettre à 1860 la critique des compositeurs enfans. Comme les dames n’ont pas brillé cette année, et que je tiens beaucoup à ne pas leur dire une aussi dure vérité, j’oublierai de mentionner leurs œuvres. Parmi celles des hommes, il faut faire un triage. Je me bornerai donc à citer les albums qui ont le plus de vogue et qui la méritent. Ce sont celui du Ménestrel, dont j’ai déjà parlé ; celui de Jacques Offenbach, où l’on remarque, entre autres choses charmantes, une villanelle intitulée Pâquerette, d’une grâce et d’une fraîcheur exquises, et celui de M. Bonoldi. Ce compositeur s’était déjà fait très avantageusement connaître par un beau chant à grandes proportions, le Tasse, et par un caprice pour piano seul d’une grande originalité. Ses mélodies, le Trésor de Madeleine et la Prière exaucée, d’un genre plus léger et d’un style plus familier que ces deux compositions, font fureur dans les salons ; j’ai entendu peu de morceaux de cette nature aussi piquans par la forme et d’une mélodie aussi heureuse. M. Herman vient de publier un recueil contenant, sous le titre modeste de valses pour piano, une suite de petits morceaux d’une valeur musicale réelle, indépendamment du mérite de rhythme et de l’éclat que leur reconnaissent les danseurs ; mérite qui pour eux est le principal.
Wartel vient de revenir à Paris où sa réputation de chanteur expressif grandit et se consolide. Il se fait partout applaudir avec la délicieuse composition d’Auguste Morel, populaire sous le nom de mon Ange, dont il s’est approprié le succès comme il a si bien su faire pour les plus belles mélodies de Schubert.
Signalons parmi les artistes de grande valeur qui nous sont arrivés cet hiver, M. le baron de Lannoy, compositeur distingué, poëte et critique très justement estimé en Allemagne. Né à Bruxelles en décembre 1787, il quitta la Belgique de bonne heure, parcourut avec ses parens, qui avaient émigré, la plus grande partie de l’Allemagne, et ne retourna qu’en 1801 à Bruxelles. Il fit ses études à Gratz en Styrie et aux lycées de Bruxelles et de Paris.
Il se fixa en 1806 en Styrie ; il demeure depuis 1818, alternativement à Vienne ou dans son château, près de Marbourg. Il s’essaya à plusieurs reprises, comme compositeur, comme poëte et dans la critique musicale. Ses opuscules et ses poésies allemandes et françaises se trouvent dispersés dans plusieurs recueils. Quant à ses productions musicales, les suivantes méritent le plus d’attirer particulièrement l’attention :
Marguerite ou les Brigands, opéra en un acte, donné à Gratz en 1814, et à Vienne en 1819 ; les Morlacs, opéra en deux actes, donné à Gratz en 1817 ; Libusa, opéra en deux actes, donné à Brunn en 1818 ; Kotli, opéra en un acte, à Vienne, 1827 ; Une Heure, mélodrame, Vienne, 1822 ; les Assassins, mélodrame ; Emmy-Teels, mélodrame ; les Deux Forçats, mélodrame ; le Lion de Florence, mélodrame ; l’ouverture et les entr’actes pour la pièce Czar Iwan, qui fut donnée de 1823 à 1830 sur différens théâtres de l’Allemagne ; une grande symphonie en mi majeur, exécutée par la Société des concerts à Vienne ; une symphonie en ut majeur, exécutée au concert spirituel ; plusieurs ouvertures et autres morceaux, en grande nombre, pour piano et divers instrumens, tous très estimés à Vienne.
Le baron de Lannoy a consacré presque exclusivement son temps à la direction du Conservatoire de Vienne, dont il resta le directeur jusqu’en 1835 ; il fut l’un des plus fermes soutiens de cette excellente institution par ses connaissances étendues, par son zèle toujours guidé par le goût et un sérieux amour de l’art. Il faut espérer que la Société des concerts de Paris ne le laissera pas retourner à Vienne sans nous faire entendre quelques unes de ses compositions, et surtout sa grande symphonie en mi majeur que M. Fétis monte en ce moment au Conservatoire de Bruxelles.
Nous avons encore Servais, le violoncelliste, dont le prodigieux talent a fait dernièrement une si grande sensation à la cour ; Théodore Pixis, violoniste de quinze ans, l’honneur du Conservatoire de Prague ; ce jeune virtuose nous a fait entendre dernièrement les plus éblouissantes fantaisies de Ernst qu’il a jouées sans peur et sans reproche, et un excellent duo d’Osborne, pour piano et violon, dans lequel il a fait assaut de grâce, de verve et d’audace avec l’auteur.
Nous avons perdu M. Panofka, l’excellent virtuose-compositeur, que M. Lumley, ce grand séducteur des sommités musicales de l’Europe, nous a enlevé pour lui confier la direction des concerts du théâtre de la Reine. La troupe de M. Lumley est complète aujourd’hui, et quand il nous sera permis de publier les noms des artistes qui la composent, on verra qu’il est à peu près impossible de citer une collection plus riche que la sienne en talens de toute espèce, et que les rivaux de ce directeur habile et hardi auront bien de la peine à lutter avec lui.
H. BERLIOZ.
Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; page Hector Berlioz: Feuilletons créée le 1er mars 2009; cette page ajoutée le 11 décembre 2015.
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