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Hector Berlioz: Feuilletons

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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 16 OCTOBRE 1835 [p. 1-3]

DES DEUX ALCESTES DE GLUCK.

(Premier Article.)

    Alceste fut d’abord écrite en langue italienne ; je crois l’avoir déjà dit. Plusieurs années après sa publication elle fut traduite et modifiée pour la scène française. Le bailli du Rollet, le grand arrangeur de l’époque, chargé de déranger l’ordonnance du drame de Calsabigi, ne manqua pas d’accommoder la musique de Gluck suivant les exigences de sa poésie. Bien que ce travail ait été fait sous les yeux du compositeur, il en est résulté cependant en certains endroits de notables dommages pour la partition ; en d’autres, il a nécessité des morceaux qui n’existaient pas dans l’opéra italien et qui remplacent, sans toujours les faire oublier, ceux dont le nouveau plan dramatique amenait la suppression. L’idée de la pièce de Calsabigi, aussi simple que raisonnable, n’exigeait en aucune façon les bouleversemens que l’arrangeur français a cru devoir lui faire subir, et qui n’ont pu parvenir cependant à en pallier le défaut capital, la monotonie. — Admète, roi de Phères, en Thessalie, et époux d’Alceste, étant sur le point de mourir, Apollon, qui pendant son exil du ciel avait reçu de lui l’hospitalité, obtient des Parques qu’il vivra, si quelqu’un se présente pour mourir à sa place. Alceste se dévoue et meurt. Mais Apollon, ému à la fois de reconnaissance et de pitié, arrache Alceste à la mort.

    Dans la tragédie d’Euripide, d’où l’opéra italien est tiré, c’est Hercule qui, en passant à Phères, et témoin de la douleur du roi, lui ramène des portes des enfers sa magnanime épouse. Le bailli du Rollet a cru faire un coup de maître en rétablissant l’idee première du poète grec, que Calsabigi avait répoussée comme inutile et n’étant plus dans nos mœurs. Ce dénouement, en effet, a le défaut de nécessiter une double intervention des Dieux, puisque, dans le premier acte, Apollon déjà obtient des Parques que le roi puisse être sauvé par la mort volontaire d’un autre. Il était donc naturel et conséquent d’attribuer à la reconnaissance de ce Dieu le prodige qui rend Alceste à la vie. En outre, Hercule, chassant à grands coups de massue les ombres et les divinités infernales dont Alceste est entourée, pouvait se tolérer sur les théâtres antiques, grâce à l’éloignement des acteurs et aux croyances religieuses des spectateurs ; pour nous une pareille scène est parfaitement ridicule. Il est probable que Gluck était de cet avis ; jamais il ne voulut consentir à écrire la musique de ce nouveau rôle qu’on lui imposait. Le fait est constaté ; mais ne le fût-il pas, la grotesque platitude du grand air que chante le vaillant Alcide au troisième acte suffirait pour le prouver. Du Rollet, en même temps qu’il introduisait un nouveau personnage, en supprimait trois autres, assez inutiles, à la vérité. Ce sont les deux enfans d’Alceste (ils figurent bien encore aujourd’hui dans l’opéra, mais ils n’y chantent pas) et sa confidente Ismène.

    La comparaison des deux partitions et l’examem des altérations que le texte musical primitif a subies en passant dans la langue française, nous a semblé pouvoir être le sujet d’études intéressantes pour les artistes, comme pour les amateurs, auxquels, malgré les progrès incontestables de plusieurs branches de l’art, les œuvres du père de la tragédie lyrique sont restés chères et vénérables.

    L’ouverture ne produirait probablement aucun effet aujourd’hui. Elle contient une foule d’accens pathétiques et touchans, mais en général la couleur sombre y domine trop, et l’instrumentation ne peut que nous paraître sourde et flasque, bien qu’elle soit plus chargée que les autres compositions instrumentales de Gluck. Les trombonnes y figurent dès le commencement ; les trompettes, les clarinettes et les timballes seules en sont exclues. Il est bon de dire à ce sujet que par une singularité dont nous ne connaissons aucun autre exemple, il n’y a pas une note de timballes durant tout le cours de l’opéra. Dans la partition française l’auteur a ajouté des clarinettes à l’unisson des hautbois, ne faisant ainsi que renforcer le son de cet instrument de manière à détruire toute proportion entre cette partie ainsi doublée et celle des flûtes, et sans tirer aucun partie spécial, pour les chants, l’harmonie ou l’expression de la plus pure de toutes les voix de l’orchestre. Cette disposition défectueuse indique une négligence que nous aurons plus d’une fois l’occasion de reprocher à l’auteur. La principale cause du peu d’éclat de l’orchestre de Gluck en général, tient à l’emploi constant des instrumens aigus dans le médium ; défaut rendu plus sensible par l’excessive rudesse des basses écrites fréquemment dans le haut et dominant par conséquent, outre mesure le reste de la masse harmonique. Je crois qu’on pourrait trouver la raison de ce système, qui ne fut pas du reste exclusivement le partage de Gluck, dans la faiblesse des exécutans de ce temps-là ; faiblesse telle, que l’ut au dessus des portées faisait trembler les violons, le sol aigu, les flûtes et le les hautbois. D’un autre côte les violoncelles paraissant (comme aujourd’hui encore en Italie) un instrument de luxe dont on tâchait de se passer, les contre-basses demeuraient chargées presque exclusivement de la partie grave ; de sorte que si le compositeur avait besoin de serrer son harmonie, il devait nécessairement, vu l’impossibilité d’entendre les ou le violoncelle, et l’extrême gravité du son des contre-basses, écrire cette partie très haut afin de la rapprocher davantage des violons. Depuis lors on a senti en France et en Allemagne l’absurdité de cet usage, les violoncelles ont été introduits dans l’orchestre en nombre supérieur à celui des contre-basses ; d’où il suit que les basses de Gluck se trouvent aujourd’hui placées dans des circonstances essentiellement différentes de celles qui existaient de son temps et qu’il ne faut pas lui reprocher l’exubérance qu’elles ont acquise malgré lui aux dépens du reste de l’orchestre.

    A cette époque, la clarinette était peu cultivée en Italie ; ce bel instrument, si fécond en ressources, paraît nous être venu, avec beaucoup d’autres, de l’Allemagne. Les trompettes devaient également être fort mauvaises, si l’on en juge par celles qu’on entend encore aujourd’hui dans les premiers théâtres italiens. La plupart des exécutans ne sauraient même faire sortir tous les sons qui composent leur echelle déjà si bornée ; ils vous soutiennent, par exemple, que le si bémol du milieu n’existe pas ; en conséquence, quand on a le malheur d’écrire pour eux, il est inutile d’employer cette note. Ces messieurs ne chercheront pas même à l’exécuter, et se moqueront de vous si vous leur dites qu’il n’y a pas de trompette en France, en Allemagne ou en Angleterre, qui ne donne le si bémol avec la plus grande facilité. Il est donc extrêmement probable que si Gluck avait eu à sa disposition les magnifiques orchestres qu’on possède actuellement en cinq ou six endroits de l’Europe, tels que le Conservatoire et le grand Opéra de Paris, la Société phiharmonique de Londres, l’Opéra de Vienne, de Berlin, de Dresde et de Munich, son instrumentation serait fort différente. Aussi ne la jugerons-nous jamais sans tenir compte de l’état de subalternéité où languissait alors cette partie de l’art.

    L’ouverture d’Alceste, ainsi que celles d’Iphigénie et de Don Giovanni, ne finit pas complètement avant de lever de la toile ; elle se lie au premier morceau de l’opéra par un enchaînement harmonique au moyen duquel la cadence se trouve suspendue indéfiniment. Je ne vois pas trop, malgré l’emploi qu’en ont fait Gluck et Mozart, quel peut être l’avantage de cette forme inachevée pour les ouvertures. L’auditeur, désappointé de se voir privé de la conclusion du drame instrumental, en éprouve un moment de malaise aussi fatal à ce qui précède qu’à ce qui suit ; l’opéra n’y gagne rien et l’ouverture y perd beaucoup. Aussi, cette coupe systématique ne s’est-elle plus reproduite nulle part, si ce n’est dans quelques fragmens qu’on ne saurait considerer comme de véritables ouvertures et dont la sublime introduction de Robert-le-Diable sera éternellement le modèle.

    Au lever de la toile, le chœur entrant sur l’accord de septième diminuée, sol dièze, si, , fa, qui rompt la cadence harmonique de l’orchestre, s’écrie : « Dieux, rendez-nous notre roi, notre père ! » Cette exclamation nous fournit dès la première mesure le sujet d’une observation applicable à la disposition vocale de tous les autres chœurs de Gluck. On sait que la classification naturelle de la voix humaine est celle-ci ; soprano et contralto pour les femmes, ténor et basse pour hommes ; les voix féminines se trouvant à l’octave supérieure des voix masculines, et dans le même rapport le contralto dont le timbre est d’une quinte plus bas que le soprano, est donc à celui-ci exactement comme la basse est au ténor. Les anciens compositeurs français, soit à cause de la rareté des contralti, soit pour tout autre motif, ayant au contraire divisé les voix d’hommes en trois classes, et réduit les voix de femmes aux soprani seulement, remplaçaient le contralto par cette voix criarde, forcée et toute française qu’ils appelaient haute-contre, et qui n’est à tout prendre qu’un premier ténor. Gluck, en arrivant à Paris, se vit forcé d’abandonner l’excellente disposition chorale adoptée en Italie et en Allemagne, pour se conformer à l’usage déraisonnable et ridicule de l’opéra français. Il eut soin de n’employer la haute-contre que comme une voix bâtarde, n’ayant au plus qu’une octave d’étendue incapable de monter comme le contralto ou de descendre comme le ténor, et destinée à compléter l’harmonie en se tenant constamment dans les six notes hautes , mi, fa, sol, la, si. Mais pour son Alceste italienne, écrite dans un tout autre système, il fallut mutiler en maint endroit les parties de contralto et les renverser souvent à l’octave inférieure pour pouvoir conserver les chœurs et les faire exécuter en France. Toutefois, ces renversemens au grave ne pouvant manquer d’occasionner plus ou moins de désordre dans l’harmonie, on conçoit qu’il ne les ait employés que lorsque la trop grande élévation de la partie de contralto l’y forçait absolument. Il a dû laisser, au contraire, tous les la, si bémols et si naturels, qui ne pouvaient manquer d’abonder comme notes mitoyennes du contralto et constituaient alors une partie de haute-contre presque toujours écrite dans les trois sons les plus élevés de son échelle.

    Cette continuelle prédominance des notes hautes dans les voix d’hommes, fatigue autant les auditeurs que les malheureux choristes ; elle était praticable cependant au temps de Gluck, le diapason étant plus bas d’un ton que celui d’aujourd’hui. On pouvait donc à la rigueur faire entrer les hautes-contre sur un si naturel, comme nous le voyons dans le petit chœur, que j’ai cité plus haut, cette note ne représentant en réalité que le la actuel. Mais (et c’est là que j’en voulais venir) s’obstiner, avec notre diapason actuel, à faire exécuter les chœurs de Gluck suivant l’usage de l’ancien Opéra, tandis que dans les chœurs à quatre parties, il suffirait de réintégrer la voix de contralto que nous possédons aujourd’hui pour les rendre ce qu’il auraient toujours été partout ailleurs qu’en France, c’est vraiment aller plus loin en barbarie et en sottise que l’Opéra-Comique lui-même, où l’on divise encore les chanteurs en Martins, en Ellevious, en Soliés, en Laruette, comme si la civilisation musicale n’avait pas fait un pas depuis 1793.

    Espérons que cette énorme erreur que j’ai vu commettre à l’Opéra il n’y a pas encore dix ans, ne se reproduira pas si M. Duponchel, pour la plus grande joie des nombreux admirateurs de Gluck, veut remonter Alceste. Quelques notes à reporter à l’aigu, et le nom de contralto au lieu de celui de haute-contre à écrire sur les parties de chœur, c’est tout ce qu’une rectification aussi importante nécessiterait de travail. Je gagerais cependant qu’elle ne se fera pas sans de violentes discussions, si toutefois on parvient à l’obtenir. Maudite routine !…

    Le premier récitatif du héraut : Popoli che dolendi (peuple, écoutez) (1), ne me semble pas d’une bien grande originalité ; le mode d’accompagnement en accords soutenus à quatre parties par tous les instrumens à cordes, dont nous avons signalé les inconvéniens dans un précédent article, est mis en usage ici, d’autant plus mal à propos que les dessins d’orchestre de l’ouverture sont peu saillans, et que les deux chœurs suivans sont également accompagnés en harmonie plaquée note contre note, ce qui, en raison de la lenteur de mouvement de ces deux morceaux, leur donne une fâcheuse ressemblance avec le récitatif, et répand sur toute la première scène une grande monotonie.

    Le premier Ah ! di questo afflitto regno ! (O dieux ! qu’allons-nous devenir ?) a gagné à sa seconde édition ; l’andante est beaucoup trop développé en italien, et doit paraître d’autant plus traînant qu’il se répète plusieurs fois ; au contraire, l’allegro qui le termine est incomparablement mienx écrit pour les voix dans l’original que dans la traduction. Au lieu de l’entrée nasillarde des hautes-contre sur le vers : « Non, jamais le courroux céleste », ce sont les soprani qui attaquent le thème (à l’octave supérieure par conséquent) avec les mots : Ah ! per noi del ciel lo sdegno. Cette coda agitée est d’un bel effet, mais assez difficile, à cause de la rapidité du débit des paroles et d’une foule de gruppetti, dont les notes vocalisées de deux en deux, d’après une habitude favorite de Gluck, présenteraient l’ensemble le plus disgracieux si une exécution nette et agile n’en faisait disparaître la défectuosité. Le chœur dialogué de droite à gauche : Misero Admeto ! (O malheureux Admète !) a l’inconvénient d’être absolument de la même couleur, du même style rhythmique, et aussi dépourvu de dessins intéressans, que l’andante qui forme la première partie du précédent. A la réunion des deux masses vocales sur les paroles : Di duol, di lagrime et di pietà, les trois voix inférieures étaient doublées par les trombonnes qui ont été supprimées dans l’opéra français.

    Mais nous voici à l’entrée d’Alceste. Son récitatif Popoli di Tessaglia est un des exemples clair-semés que présentent les partitions italiennes de Gluck, de dialogue accompagné d’une simple basse à laquelle probablement se joignaient les accords du cembalo (clavecin) ; système dont en ne tronve pas de trace dans ses opéras français. Ce récitatif me semble peu remarquable. Le monologue français qui le remplace, Sujets du roi le plus aimé, est au contraire d’une profonde expression, l’âme tout entière de la jeune reine s’y dévoile en quelques mesures ; l’air sublime Io non chiedo eterni dei, — (Grands dieux ! du destin qui m’accable), présente pour la diction des paroles, l’enchaînement des phrases mélodiques et l’art de ménager la force des accens jusqu’à l’explosion finale, des difficultés énormes, dont nos jeunes cantatrices ne se doutent pas, mais qu’elles devront méditer et travailler avec soin si jamais elles abordent ce rôle si éloigné de leurs habitudes musicales. La troisième scène s’ouvre dans le temple d’Apollon. Entrent le grand prêtre, les sacrificateurs avec les encensoirs et les instrumens du sacrifice, ensuite Alceste conduisant ses enfans, les courtisans, le peuple. Ici Gluck a fait de la couleur locale s’il en fut jamais, c’est la Grèce antique qu’il nous révèle dans toute sa majestueuse et belle simplicité. Ecoutez ce morceau instrumental (Aria di pantomimo) sur lequel entre le cortège ; entendez (si les parleurs impitoyables de l’Opéra vous le permettent) cette mélodie douce, voilée, calme, résignée ; cette pure harmonie, ce rhythme à peine sensible des basses, dont les mouvemens onduleux se dérobent sous l’orchestre comme les pieds des prêtresses sous leurs blanches tuniques ; prêtez l’oreille à la voix insolite de ces flûtes dans le grave (2), à ces enlacemens des deux parties de violons dialoguant le chant, et dites s’il y a en musique quelque chose de plus beau, dans le sens antique du mot, que cette marche religieuse. La cérémonie commence par une prière dont le grand prêtre seul a prononcé d’un ton solennel les premiers mots : Dilegua il nero turbine (Dieu puissant écarte du trône), entrecoupés de trois larges accords d’ut pris à demi voix, puis enflé jusqu’au fortissimo par les instrumens de cuivre. Rien de plus imposant que ce dialogue entre la voix du pontife et cette harmonie pompeuse des trompettes sacrées. Le chœur, après un court silence, reprend les mêmes paroles dans un morceau assez animé à six-huit dont la forme et la mélodie frappent d’étonnement par leur étrangeté. On s’attend, en effet, à ce qu’une prière soit d’un mouvement lent et dans une mesure tout autre que la mesure six-huit. Pourquoi celle-ci, sans perdre de sa gravité, joint-elle à une espèce d’agitation tragique un rhythme fortement marqué et une instrumentation éclatante ? Je penche fort à croire que, les cérémonies religieuses de l’antiquité étant toujours accompagnées de certaines saltations ou danses symboliques, Gluck, préoccupé de cette idée, a voulu donner à sa musique un caractère en rapport avec cet usage. L’harmonieux ensemble qui résulte à la représentation des voix du chœur chantant et des mouvemens du chœur agissant processionnellement autour de l’autel, prouve que, malgré l’ignorance probable où sont les plus habiles chorégraphes sur le véritable rituel des anciens sacrifices, son instinct poétique n’a pas abusé le compositeur en le guidant dans cette voie.

    Le récitatif obligé du grand prêtre : I tuoi prieghi ô regina (Apollon est sensible à nos gémissemens), me semble la plus magnifique application de cette partie du système de l’auteur, qui consiste à n’employer les masses instrumentales qu’en proportion du degré d’intérêt ou de passion. Ici les instrumens à cordes débutent seuls, par un unisson dont le dessin se reproduit jusqu’à la fin de la scène avec une énergie croissante. Au moment où l’exaltation prophétique du prêtre commence à se manifester : Tout m’annonce du Dieu la présence suprême, les seconds violons et altos entament un tremulando arpégé sur lequel tombe de temps en temps un coup violent des basses et premiers violons.

    Les flûtes, les hautbois et les clarinettes n’entrent que successivement dans les intervalles des interjections du pontife inspiré ; les cors et les trombonnes se taisent toujours ; mais à ces mots : « Le saint trépied s’agite, tout se remplit d’un juste effroi, » la masse de cuivre vomit sa bordée si long-temps contenue, les flûtes et les hautbois font entendre leurs cris féminins, le frémissement des violons redouble, la marche terrible des basses ébranle tout l’orchestre. Ribomba il Tempio (il va parler…..), puis un silence subit :

Saisi de crainte… et de respect,…
Peuple, observe un profond silence.
Reine, dépose à son aspect
Le vain orgueil de la puissance,
Tremble !…

    Ce dernier mot, prononcé dans le français sur une seule note toute nue, pendant que le prêtre promenant sur Alceste un regard égaré lui indique du doigt le degré inférieur de l’autel où elle doit incliner son front royal, couronne d’une manière sublime cette scène extraordinaire. C’est prodigieux, c’est de la musique de géant, dont jamais avant Gluck on n’avait soupçonné l’existence !

H*****.     

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(1) Nous désignerons ainsi par les premières paroles dans les deux langues, les morceaux qui existent dans les deux partitions.

(2) L’intention de Gluck est là trop évidente et trop belle pour ne la rendre à l’exécution qu’avec les moyens ordinaires ; c’est trente flûtes au lieu de deux qu’il faudrait pour ce morceau. Oh ! si j’étais directeur de l’Opéra !

Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; page Hector Berlioz: Feuilletons créée le 1er mars 2009; cette page ajoutée le 1er juillet 2014.

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