Par
HECTOR BERLIOZ
ONZIÈME SOIRÉE.
ON JOUE LA VESTALE de Spontini.
Les musiciens sont venus à l’orchestre en habit noir et en cravate blanche. On remarque sur leur visage une sorte d’exaltation inaccoutumée. L’admiration et le respect sont dans tous les cœurs. L’exécution de l’orchestre est admirable.
Personne ne parle.
Après le finale du second acte : « Tu pleures, toi ! dit à Corsino le premier trombone ; quant à moi, j’ai cru ne pouvoir achever ma partie, un mouvement nerveux agitait mes lèvres, et à la fin du morceau j’avais peine à donner un son. — Foudres du ciel ! quelle musique ! s’écrie à son tour un des contrebassistes ! voyez, mes genoux tremblent ; je suis heureux d’avoir pu m’asseoir, sans cela je n’eusse pas fait une note de la coda. »
Le troisième acte s’exécute avec la religieuse ferveur qu’on a mise à l’exécution des deux premiers. Le chef d’orchestre, qui a été parfait d’intelligence, de précision et de verve, mord son mouchoir à belles dents pour contenir son émotion. Il descend de son pupitre le visage enflammé, et me serre la main en passant.